Saint François de Paule |
Dernière mise à jour le 17/02/2022 Plan du site Menu en haut d’écran Aide |
Fête |
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Les attributs de saint François de Paule sont la mer, la devise « Charitas », un âne, un bâton, un manteau, un scapulaire, une tiare.
François de Paule naquit le 24 mars 1416 à Paola (Paule), petite ville de Calabre-Citérieure, province du royaume de Naples. Sa mère désespérant de parvenir à concevoir sollicita l’intercession de saint François d’Assise et promit que si elle avait un fils, elle le consacrerait à Dieu et lui donnerait le nom de François. La conception fut l’occasion du premier phénomène surnaturel : un globe lumineux placé au-dessus de la maison attira les regards. « Des feux célestes et extraordinaires brillèrent » au-dessus du lieu de sa naissance.
François entra chez les Frères mineurs alors qu’il n’avait pas 13 ans. Il y resta une année avant de vivre en ermite dans une caverne. Le royaume de Naples étant ravagé par la peste, François remit à quelqu’un son chaperon en lui demandant de le jeter dans une rivière. La légende dit que tous ceux qui allèrent ensuite y boire furent guéris ou préservés du fléau.
Dans sa vingtième année, en 1435, il jeta les bases de la fondation de l’ordre des Minimes et construisit un monastère à Paule. Un homme, revêtu de l’habit des Frères mineurs, lui apparut et lui dit en lui traçant des plans : « La maison que vous élevez à; Dieu est trop petite ; démolissez ce qui est fait et construisez-la sur un plan plus vaste. » François lui rétorqua : « Je suis trop pauvre, pour entreprendre un tel travail. » L’homme reprit : « Le Dieu tout-puissant ne vous délaissera pas. » Puis il disparut. Plusieurs miracles favorisèrent la construction. François fonda d’autres monastères en Calabre et en Sicile.
Vers 1440, l’Église d’Orient, séparée depuis six siècles de celle de Rome, se rapprocha de l’Église d’Occident. François prédit, plusieurs années à l’avance, la prise de Constantinople par les Turcs comme punition pour l’attachement des Grecs au schisme. Les miracles qui accompagnèrent François furent si nombreux que sa renommée atteignit Rome et fut connue de Louis XI, roi de France. Ce dernier redoutant la mort et attendant un miracle de François demanda au Pape d’intervenir pour qu’il vînt auprès de lui.
Né en 1423, Louis XI eut une première fille Anne de France ou Anne de Beaujeu à l’âge de 38 ans, puis, alors qu’il désirait ardemment un garçon, une seconde fille, Jeanne de France ou Jeanne de Valois. Il maudit tellement cette fille pieuse qu’il faillit la tuer. Charles VIII naquit enfin en 1470 alors que son père avait 47 ans.
Louis XI agrandit considérablement son royaume, par des moyens parfois violents, en annexant le duché de Bretagne par le traité de Senlis en 1475, le duché de Bourgogne en 1477, le Maine, l’Anjou, la Provence en 1481 et une partie de l’Armagnac. L’évêque de Lisieux le décrivit comme un « fourbe insigne connu d’ici jusqu’aux enfers, abominable tyran d’un peuple admirable ».
Louis XI maria contre son gré Jeanne de France alors âgée de 12 ans, avec le duc d’Orléans. La princesse considéra le jeune Duc comme son époux et s’attacha fidèlement à lui alors que ce dernier avait de l’aversion pour elle. Louis XI fut outré du comportement de son gendre.
Le Roi tomba malade. C’est pour cette raison qu’il fit venir François de Paule. Le Dauphin, futur Charles VIII, fut le premier à rencontrer François, dont il reçut la bénédiction.
Au château du Plessis-lès-Tours, en 1482, Louis XI supplia François de prier Dieu pour sa guérison. Celui-ci lui répondit : « Sire, mettez ordre à votre État et à ce que vous y avez de plus précieux, qui est votre conscience, car il n’y a point de miracle pour vous : votre heure est venue ; il vous faut mourir. »
François, qui avait renoncé au monde, refusa l’appartement que le Roi lui avait destiné dans son palais. Une petite maison, située dans la basse-cour du château et joignant la chapelle de Saint-Mathias, suffit pour le loger avec les deux frères venus avec lui de Calabre. C’est là que Louis XI venait chaque jour visiter François.
Charles VIII, âgé d’à peine 13 ans, succéda à son père. Anne de Beaujeu, sa sœur aînée, âgée de 22 ans, fut choisie pour assurer la régence, ce qui irrita le duc d’Orléans, premier prince du sang et mari de Jeanne de France. Celui-ci voulut engager une action en impliquant sa femme qu’il sollicita par l’intermédiaire du comte de Dunois. Cette dernière répondit au messager que « s’il s’agissait de verser son sang pour son illustre époux, elle se sentait assez de courage pour lui faire le sacrifice de la vie, mais qu’étant ce qu’elle était, elle ne pouvait consentir à entrer dans des intrigues d’État contre sa propre sœur, encore moins contre les dernières volontés du Roi son père. » Le Duc décida de répudier sa femme et d’épouser Anne de Bretagne. Il s’impliqua aux côtés des Bretons opposés aux troupes de Charles VIII au cours de la bataille de Saint-Aubin. Le duc d’Orléans fut capturé. Jeanne de France supplia Charles VIII de le laisser en liberté. Il accepta, mais demanda au Duc d’avoir un comportement correct, en particulier vis-à-vis de son épouse. Le Duc ayant renoué avec ses intrigues fut mis en prison à Bourges. Jeanne de France chercha à le faire libérer, par tous les moyens malgré les difficultés, ce qu’elle n’obtint que trois ans plus tard.
François de Paule fut pour Charles VIII un ami et un guide éclairé. Celui-ci fit construire le monastère du Plessis-lès-Tours en remerciement des prières de l’ermite, auxquelles il attribua la victoire de Saint-Aubin. La réputation de François fut telle que la communauté se développa très rapidement et que de nombreux princes s’adressèrent à lui, pour obtenir des maisons de son ordre. Vingt-huit monastères furent fondés entre 1480 et 1507, date de la mort de François.
Les Maures étaient arrivés en Espagne en 712. Ferdinand V, roi d’Espagne, les combattit et les attaqua à Malaga, mais le siège fut si difficile que le Roi, découragé, hésita à poursuivre.
Un jour, Jésus-Christ apparut à François et lui ordonna d’envoyer immédiatement deux religieux auprès du Roi. Ils arrivèrent pour annoncer la victoire prochaine le jour où le Prince allait lever le siège. Dès la nuit suivante, les Maures furent pris d’une frayeur subite et prirent la fuite. Le lendemain, 18 août 1487, le Roi, accompagné de la reine Isabelle, fit son entrée dans la Ville libérée. Ainsi fut délivrée la ville de Malaga, qui était aux mains des musulmans depuis 714. Ferdinand reconnut l’intervention de François et fit construire un ermitage à l’emplacement de la tente qu’il avait occupée.
Charles VIII mourut à la suite d’un violent choc à la tête en présence de Jeanne de France. Le duc d’Orléans monta sur le trône sous le nom de Louis XII. Il demanda au Pape l’annulation de son mariage afin de pouvoir épouser Anne de Bretagne, ce qui lui fut accordé en raison du caractère contraint de ses premières noces. Ainsi libérée, Jeanne de France put réaliser ce qui lui avait été demandé et fonder l’ordre des religieuses de l’Annonciade, dont la règle basée sur les dix vertus manifestées par l’Annonciation, fut inspirée lors d’une apparition de la Sainte Vierge. Une fois rédigée, Jeanne de Valois envoya le manuscrit de la règle à François de Paule, avec lequel elle entretenait depuis longtemps des échanges épistolaires. Celui-ci répondit que son projet venait de Dieu. Il l’encouragea à poursuivre son entreprise sans se soucier des obstacles que l’enfer ne manquerait pas de lui opposer. Les règles furent ensuite approuvées par le pape Alexandre VI, à la suite d’une apparition dont se prévalut un cardinal.
Jeanne de France mourut en 1505 et François de Paule en 1507. François de Paule ayant été enterré dans un lieu inondable, la mère de François Ier fit mettre le corps dans une autre tombe. Les tombeaux des deux saints furent profanés en 1562 par les huguenots. Ils découvrirent les corps intacts et les détruisirent par le feu.
La règle établie par François de Paule pour l’ordre des Minimes comprenait quatre vœux : ceux d’obéissance, de chasteté, de pauvreté et de vie quadragésimale. Ce mode de vie qui consiste à ne pas manger de viande, de graisse, de beurre, d’œufs, de fromage, de lait et de mets préparés à partir de ces ingrédients. Cette règle comprend trois parties à destination respectivement des frères, des religieuses et du tiers ordre, dont firent partie Jeanne de France, François de Sales et Louis XIV.
« Nous célébrons aujourd’hui le cinquième centenaire de la canonisation de saint François de Paule, fondateur de l’ordre des Minimes, patron de la Calabre et du monde de la mer en Italie », a dit le Pape après les salutations en différentes langues qui ont suivi la catéchèse.
« Je voudrais exhorter ses fils spirituels et ceux qui l’ont comme saint patron à mettre en pratique son message de “conversion continuelle”, qui nous parle aujourd’hui encore d’amour inconditionnel pour Dieu, pour nos frères et pour la création. »
Les Minimes, disparus en France après la Révolution, suivent la règle de pauvreté des Franciscains, à laquelle ils ajoutent un quatrième vœu, celui du « carême perpétuel ». Ceux qui s’appelaient à l’origine les « Ermites de saint François d’Assise » deviennent ensuite les « Minimes », en signe d’humilité, voulant être « encore plus petits » que les frères « mineurs ».
François de Paule fut connu en France pour sa vertu et ses dons de thaumaturge. Louis XI, gravement malade demanda à François de venir à ses côtés. Celui-ci reçut du pape l’ordre de se rendre au chevet du Roi qu’il ne guérit pas, mais qu’il aida à mourir chrétiennement.
Son fils Charles VIII ne laissa pas François rentrer en Italie, mais pour le remercier de sa fidélité, il lui offrit le terrain du Pincio, à Rome, afin d’y construire un couvent qui serait réservé aux minimes français : le Couvent de la Trinité des Monts.
Saint François de Paule a passé plus de vingt-cinq ans en France. Il y est mort et a été enterré à Plessis-lès-Tours, en 1507. Il avait plus de 90 ans. Il a été canonisé en 1519.
Au pied des monts Apennins, dans la Calabre-Citérieure, province du royaume de Naples et sur les bords de la mer, se trouve la petite ville nommée Paola.
Giacomo Bartolillo, descends de l’ancienne et noble maison d’Alessio de Messine. Son épouse, Vienna de Foscaldi, appartient aussi à une famille distinguée de la Calabre, qui aurait possédé pendant trois siècles la ville de Paola.
Vienna s’affligeait de ne pas avoir d’enfants, lorsqu’un jour elle eut l’idée de recourir à Dieu et de lui exposer sa peine. Ayant une foi vive, elle lui dit : « Ô Dieu qui avez béni Abraham, Isaac et Jacob, vos fidèles serviteurs, soyez propice à mes vœux. Si vous accordez à votre servante un enfant mâle, je le consacrerai à votre service et je lui donnerai le nom de François, en reconnaissance de cette grâce que j’espère et que je vous demande, par les mérites et l’intercession de saint François d’Assise. »
Elle accompagna ce vœu de ferventes prières et d’aumônes. Un signe manifesta que l’ardent désir était exaucé.
Le jour de la conception de François, un globe lumineux apparut au-dessus de la maison de Giacomo Bartolillo et de Vienna. Il attira, pendant quelques heures, l’attention de tous les habitants de Paola. Ce prodige ne fut expliqué que l’année suivante, quand Vienna de Foscaldi mit au monde son fils premier-né, le 27 mars 1416.
Au moment de cette naissance, des feux célestes et extraordinaires brillèrent encore sur la demeure de Giacomo d’Alessio pendant que des hymnes et des cantiques retentirent. Le bruit de ces merveilles se répandit bientôt aux alentours et chacun se disait : « Quel sera donc un jour cet enfant ? Car la main du Seigneur est avec lui. Oui, enfant, tu seras appelé le prophète du Très-Haut et tu iras devant la face du Seigneur pour préparer sa voie. »
Il est facile d’imaginer la joie du père et de la mère, en recevant de Dieu un enfant né sous de pareils auspices.
Un mois après sa naissance, François fut atteint d’une maladie grave, dont il devait selon les médecins perdre au minimum un œil. Ses parents implorèrent de nouveau la protection de saint François d’Assise et ils renouvelèrent le vœu que, si leur fils guérissait, ils le consacrent au service de Dieu et lui fassent porter, pendant un an, l’habit des Frères mineurs.
L’infirmité de François disparut et ne laissa d’autres traces qu’une petite rougeur que l’on voyait au coin de l’œil, attestant de sa guérison miraculeuse.
Les parents de François donnèrent plus tard le jour à une fille qu’ils nommèrent Brigitte.
Très jeune, il prêtait une attention surprenante aux premiers enseignements de la foi : oraison dominicale, la salutation angélique, le symbole des apôtres, les commandements de Dieu et de l’Église.
Les parents de François s’attachèrent à lui faire connaître Dieu et à la former à la vertu. François affectionnait particulièrement la prière du rosaire que sa mère le lui avait appris et qu’il récitait souvent avec elle.
François se rendait à l’église quand il le pouvait pour se recueillir et méditer.
L’obéissance de François envers ses parents était parfaite. La douceur de son caractère lui gagnait la bienveillance et l’amour de tous.
Il mortifiait déjà son corps innocent par les veilles et par l’abstinence. Son lit tait souvent mouillé de ses larmes.
Un jour, alors qu’il récitait le chapelet la tête nue et à genoux, sa mère vint le trouver lui dit : « François, que ne vous couvrez-vous pas, quand vous priez Dieu si longtemps ? »
Le petit enfant répondit gaîment ; « Ma mère, si je parlais à la reine, que voudriez-vous que je fisse ? Je suis certain que vous me commanderiez de me tenir découvert. Combien plus donc, lorsqu’on s’adresse à la Reine du Ciel, la bonne Vierge ! Ce n’est pas trop de lui parler à genoux et la tête découverte. » Cette réponse ingénieuse fit tressaillir de joie le cœur de Vienna.
Une autre fois, elle l’invitait à se divertir avec les autres enfants de son âge. François lui répondit : « Ma mère, j’irai si vous le voulez ; mais, pour moi, tout mon plaisir est de m’entretenir avec Dieu et de le prier. »
François, une nuit, dormait paisiblement, lorsqu’il se sentit doucement éveillé.
Un religieux, revêtu de l’habit des Frères mineurs, lui apparut et lui dit d’une voix attendrissante en se tenant debout près de son lit : « François, mon fils, levez-vous, allez trouver votre père et votre mère et signifiez-leur, de la part de Dieu, de s’acquitter bientôt du vœu qu’ils ont fait pour vous. » Dès que ces paroles furent dites, la vision s’évanouit.
Le cœur rempli de joie et d’une sainte frayeur, François se leva précipitamment, courut vers son père et sa mère et leur dit : « J’ai vu un homme couvert d’un habit religieux. Il était debout auprès de mon lit. Il me parla et me dit de vous avertir que le temps était venu pour vous d’accomplir le vœu que vous avez formé à mon sujet. Après ce conseil, je ne l’ai plus vu. »
Giacomo et Vienna, qui avaient écouté leur fils avec recueillement, délibérèrent quelques instants ; puis ils dirent : « Dieu, qui a été bon envers nous, a été bon envers François. Pouvons-nous douter un moment qu’il demande de nous l’accomplissement de notre promesse ? Non. » Ils se levèrent donc et firent les préparatifs pour conduire leur fils dans un couvent. Dès que le jour commença à luire, les pieux voyageurs partirent et se dirigèrent vers un monastère de franciscains, connu sous le nom de San-Marco, situé à une journée de marche de Paola.
Après avoir fait connaître l’objet de leur démarche aux religieux, les parents leur remirent leur fils bien-aimé et s’en retournèrent. François n’avait pas encore atteint sa treizième année.
La règle des Frères mineurs est sévère. François, accoutumé dès ses plus tendres années à la mortification, trouva cette règle trop douce. Ainsi, il quitta bientôt les chemises et les chaussures. Une tunique d’une étoffe grossière et qui le faisait autant souffrir qu’un cilice fut son seul vêtement.
À l’entière abstinence de toutes sortes de viande, il joignit un jeûne perpétuel. Si on lui faisait quelques observations sur l’austérité de sa vie et qu’on lui conseilla de tempérer ses actes de pénitence, il répondait avec un visage toujours gai : « Voulez-vous que je diffère de faire pénitence et que je remette cela à une époque de ma vie que je ne verrai peut-être jamais ? Ne vaut-il pas mieux, pour moi, que j’use du temps présent et que je m’assure l’éternité bienheureuse ? »
Un pareil langage et les vertus du jeune François impressionnaient les religieux. Sa soumission était parfaite et son obéissance entière. Son amour pour Dieu débordait de son âme et rejaillissait comme un feu céleste dans ses yeux et sur tous ses traits. Tout discours qui n’avait pas pour but de glorifier le Seigneur lui inspirait une aversion profonde. On n’osait pas parler devant lui d’autre chose que de Dieu.
Chacun désirait entendre et voir cet enfant, qui paraissait un petit ange sous une forme humaine. Il était si pur dans sa vie, si calme dans son sourire et son maintien, si doux dans ses paroles.
Le sacristain, ayant besoin de feu pour l’encensoir, envoya François en chercher sans lui avoir rien remis pour l’apporter. Désirant obéir, François prit sans hésitation des charbons ardents, les mit dans le pan de sa tunique et les apporta à l’église en faisant environ soixante pas. À l’arrivée, sa robe ne portait pas la moindre trace de brûlure.
Une fois, placé à la cuisine pour y travailler, François fut chargé, par le frère cuisinier, qui s’absentait, de s’occuper des aliments à cuire. Tout était préparé, il n’y avait plus que le feu à allumer. Avant de commencer, François se mit en prière et tomba dans une profonde extase. Tous les religieux s’assemblèrent au réfectoire et chacun à sa place attendait qu’on le servît, mais rien n’arrivait de la cuisine. On découvrit le petit François en contemplation, élevé d’un pied au-dessus de terre, ses mains jointes sur sa poitrine, ses yeux fixés vers le ciel et sa figure resplendissante d’une lumière divine. On lui adressa la parole, on l’appela à haute voix, il n’entend rien. On parvint à le rappeler à lui-même et on lui reprocha sa négligence. François ne s’en affligea pas. S’approchant vite de la cheminée qui était sans feu, il invoqua avec confiance le secours de Dieu, fit un signe de croix et tout fut cuit à l’instant. Le repas fut servi comme à l’ordinaire.
Le bruit de pareils prodiges se répandit rapidement dans le voisinage. Un grand nombre de personnes accoururent au couvent pour contempler et entendre cet enfant, dont on racontait tant de merveilles.
Un an s’étant écoulé et le vœu de ses parents accompli, François sortit du couvent des Frères mineurs et revint dans sa famille. Il n’avait pas encore atteint sa quatorzième année. La joie de ses parents fut telle qu’ils n’hésitèrent pas, malgré leur âge avancé à l’accompagner dans un pèlerinage à Rome, où ils prièrent tous les trois sur les tombeaux des saints. François en revint avec une nouvelle ferveur.
Ayant rencontré dans une rue de Rome le cardinal Giulio Cesarini, vêtu d’une riche pourpre et suivi d’un grand et pompeux cortège, François se tourna vers lui et dit : « Est-ce que les apôtres étaient autrefois vêtus si richement et avec tant de luxe ? » Le cardinal lui répondit : « Mon fils, ne te scandalise pas de ce que tu vois, car la misère des temps actuels nous oblige à cela. »
En quittant Rome, François alla visiter les religieux du mont Spoletto ; de là, il se rendit dans la petite ville d’Assise, puis à Lorette et enfin au Mont-Cassin où sa dévotion prit un nouvel essor. Le souvenir de saint Benoît, retiré dès l’âge de quatorze ans dans la solitude de Subiaco détermina François à quitter aussi le monde pour vivre dans la retraite.
Avant de rentrer à Paule, François manifesta ses desseins à ses parents. Prosterné à leurs pieds, il les pria de lui accorder un petit coin dans leurs terres, où il put se retirer et vivre seul, pour lui-même et pour Dieu. Giacomo et Vienna acceptèrent et se chargèrent de lui apporter chaque jour de la nourriture.
L’ermitage n’était qu’à une petite distance de Paule. Étant trop proche de la ville, il recevait beaucoup de visites. François trouva que cela nuisait à son avancement spirituel. Il ne tarda donc pas à chercher un lieu plus retiré. Errant un jour, seul et sans autre guide que Dieu, il se mit à gravir les rochers escarpés et presque inaccessibles qui s’élèvent sur les bords de la mer. Une caverne creusée dans le roc s’offrit à ses yeux ; il n’alla pas plus loin ; cet antre étroit et solitaire devint l’asile de ce jeune homme à peine âgé de quatorze ans.
À partir de cette petite grotte, une petite église fut construite en 1519. Elle fut petit à petit agrandie avec la construction d’habitations pour les frères et pour les pèlerins. Après sa destruction par les Turcs en 1555, l’église qui était de style gothique fut reconstruite dans le style baroque. Ce style a laissé la place plus récemment, à nouveau, au style gothique.
François, retiré dans cette solitude, n’eut aucune communication avec les hommes. Il reçut souvent la visite des anges. Il eut aussi à soutenir de longues et terribles luttes contre les tentations de la chair : des visions obscènes le poursuivaient fréquemment. Combien de fois une sueur froide et glaciale coula sur son visage, à force de combattre ! Combien de fois ses macérations firent sortir son sang en abondance de ses membres déchirés !
Un jour qu’il était fortement pressé par le démon, déguisé sous les traits d’une très belle jeune fille, il ne trouva pas d’autre moyen pour se soustraire à cette nouvelle tentation que de quitter ses vêtements et de se précipiter nu dans le fleuve voisin, malgré la rigueur de l’hiver. Il y resta si longtemps, que le démon, lassé d’une telle persévérance, finit par disparaître en frémissant de rage. Une colonne de feu se tint au-dessus du fleuve, pendant tout le temps où François y était. Plusieurs personnes, ayant aperçu ce phénomène, vinrent. Elles virent François sortant de l’eau et se retirant dans son antre. Au même instant, la colonne lumineuse s’évanouit dans les cieux. Ne nous étonnons point de l’apparition de cette colonne embrasée : c’est ordinairement le signe précurseur de l’armée de Dieu. En effet, le combat soutenu par François avait été si agréable au Seigneur qu’il lui apparut accompagné de ses anges.
Les esprits célestes, par leur présence, chassèrent définitivement de son imagination les fantômes impurs qui le tourmentaient. Une mélodie ravissante retentit dans les airs, les anges chantant la victoire et le triomphe du jeune ermite. À cette occasion, l’archange Michel lui révéla la forme du capuchon de son habit religieux.
Le démon, trompé dans ses espérances, lui apparut sous des formes horribles et avec des hurlements féroces. Pour le faire partir, il le frappa avec des coups qui occasionnèrent à François de grandes souffrances. Aidé de l’assistance divine, François, vainqueur, imposa à l’ennemi une fuite honteuse et les anges vinrent de nouveau le réconforter.
Quelques herbes cueillies sur la montagne nourrissaient François ; l’eau d’un torrent voisin étanchait sa soif ; la terre était son lit, le cilice son vêtement.
Après cinq ans passés dans la solitude, des chasseurs, parcourant les montagnes, levèrent un chevreuil. Leurs chiens le poursuivirent à travers les bois, mais il se réfugia dans la caverne où habitait François. Le chevreuil fut accueilli avec bienveillance et les lévriers s’arrêtèrent subitement à l’entrée. Leurs maîtres les rejoignirent et découvrirent le jeune ermite, retiré dans son creux de rocher, avec pour ornement et pour richesse qu’une simple croix de bois. Ils furent frappés par la vie de pénitence et de mortification que devait mener François. La publication de ce qu’ils avaient vu fit accourir à la grotte une multitude d’hommes par curiosité ou espérant quelques consolations dans leurs maux.
À cette époque, le royaume de Naples était ravagé de la peste. François remit à quelqu’un son chaperon, en lui demandant de le jeter dans une rivière. Tous ceux qui allèrent ensuite y boire furent guéris, ou préservés du fléau.
Après cela, l’ermitage ne cessa d’être fréquenté. Plusieurs personnes, touchées par ses vertus et son exemple, demandèrent à vivre avec lui dans la solitude. François dont le cœur était enflammé de charité et de zèle pour le salut des âmes, les accueillit d’être favorablement accueillie de François.
Ses premiers disciples furent : Balthasar de Spino, devenu prêtre et plus tard, le confesseur du pape Innocent VIII, Bernardin d’Otrante ou de Cropolati, confesseur de François, et, après sa mort, son premier successeur pour diriger l’ordre des Minimes. Il y eut aussi Paul de Rendace, François Majorano, Antoine et Archange de Lombardie, Nicolas et Jean de Saint-Lucide, Ange de la Sarrazine, Nicolas Nucet, Florentin de Paule, Jean de Gênes et André de Mezzano. Plusieurs d’entre eux ont mérité d’être vénérés comme des saints, soit à cause des miracles qu’ils ont opérés de leur vivant, soit parce qu’ils sont morts crucifiés par la main des barbares. Le nombre des compagnons de François s’accrut considérablement. Ils furent appelés ermites de Jésus et de Marie.
Giacomo Bartolillo lui-même, devenu veuf, se réunit à cette communauté naissante, où il passa le reste de ses jours en tant que frère-oblat, édifiant tous les autres, par son esprit de mortification. Il se flagellait avec des chaînes de fer jusqu’à l’effusion du sang, « pour régler », disait-il, « ses dettes avec Dieu et laver avec ce sang ses péchés et ceux de sa patrie. » Enfin, chargé d’années et de mérites, muni des sacrements, il expira un soir, entre les bras de son cher fils, à l’heure de l’angélus.
La nouvelle de sa mort s’étant répandue le lendemain matin dans la ville, une foule nombreuse se pressa pour baiser les pieds et les mains de cet homme considéré par tous comme un saint. Son corps vénéré fut déposé aux côtés de celle de Vienna, son épouse bien-aimée.
Le nombre des disciples étant devenu trop important, François obtint de Pyrrhus, archevêque de Cosenza, capitale de la Calabre-Citérieure, la permission d’élever un monastère. François quitta sa retraite et revint à Paule, où il construisit le premier de ses couvents. À vingt ans, en 1435, il jeta les bases de l’ordre des Minimes.
Une église fut construite en premier sur une montagne près de Paule. L’archevêque de Cosenza posa la première pierre et y planta également la croix.
Quelque temps après, les travaux étant assez avancés, François eut une vision alors qu’il travaillait. Un homme d’un aspect grave, revêtu de l’habit des Frères mineurs, lui apparut et lui dit, avec un ton de reproche : « La maison que vous élevez à Dieu est trop petite ; démolissez ce qui est fait et construisez-la sur un plan plus vaste. » En même temps, il en traçait les proportions. François répondit : « Je suis trop pauvre, pour entreprendre un tel travail. » L’homme reprit : « Le Dieu tout-puissant ne vous délaissera pas. » Ces dernières paroles dites, l’apparition cessa.
François crut y voir la claire manifestation de la volonté de Dieu. Il fit démolir ce qui était déjà fait et recommença les constructions en suivant le plan qui lui avait été tracé. Un gentilhomme de Cosenza, Jacques de Tarsia, baron de Beaumont remit le lendemain à François une somme considérable destinée à la construction de l’église. On accourut de tout le voisinage pour l’aider. Des seigneurs et des dames se mêlèrent même aux ouvriers. François portait les pierres, le bois, la chaux, etc., sans se donner un instant de repos.
Dieu favorisa alors François de nombreux miracles comme pour montrer combien son œuvre lui était agréable. Il n’est pas possible de tous les citer.
Un ouvrier murmurant un jour, parce qu’il fallait aller jusqu’au rivage de la mer pour avoir de l’eau, François, frappa une pierre de son bâton. Il en jaillit aussitôt une source d’eau abondante, qui a été ensuite très utile au couvent.
M. de Bois-Aubry écrivait en 1854 : « Cette source se voit encore aujourd’hui, avec un petit bassin qui depuis s’y est formé. Quel que soit le nombre de ceux qui viennent y puiser, jamais elle ne tarit. Elle ne déborde jamais non plus. Seulement, on a remarqué que, tous les ans, à une certaine époque, elle cesse de couler pendant huit à dix heures ; après quoi, elle reprend son cours habituel. Les malades qui boivent de cette eau recouvrent la santé. »
Une truite que François affectionnait particulièrement vivait dans ce bassin. Il lui avait donné le nom d’Antonella. Dès qu’elle était appelée par son nom, elle apparaissait et venait en frétillant jusqu’au bord de la fontaine, manger dans la main de François des miettes de pain qu’il avait coutume de lui apporter. Un habitant de Paola appela la truite et l’emporta pour son repas. François remarqua rapidement son absence. Il envoya un de ses frères la réclamer. Le voleur refusa de la rendre, en affirmant qu’il ne savait pas ce qu’on lui demandait. À la suite de ce refus, François demanda au frère d’avertir « l’injuste détenteur de la truite que Dieu saurait bien y aviser », s’il ne la remettait pas immédiatement, dans l’état où elle se trouvait. À ces menaces, celui-ci, furieux, prit le poisson prêt à être mangé et le jeta aux pieds du religieux, qui en ramassa tous les morceaux. Quand François vit sa chère truite dans cet état, il dit : « Pauvre Antonella ! Quel sort ! Ne devais-tu pas distinguer ma voix de celle des étrangers ? Sans doute, c’est la gourmandise qui t’a poussée à venir manger le pain qu’un autre que moi t’apportait : que cette leçon te profite pour l’avenir ! » Puis, levant les yeux au ciel et faisant un signe de croix sur ces morceaux qu’il tenait en ses mains, il les jeta dans la fontaine en disant : « Reviens à la vie, Antonella ! » Et sur-le-champ, Antonella redevint vivante ! Selon la tradition, elle continua de vivre dans cette même fontaine, jusqu’au jour où mourut en France le grand thaumaturge.
Un jour d’été, pour désaltérer un grand nombre d’ouvriers qui abattaient sur le mont Spinelli des bois destinés à son couvent, François fit jaillir de la terre une source d’eaux vives en y enfonçant son bâton. Elle a conservé le nom de Fontaine de saint François de Paule.
Une année, durant les travaux de construction, les vivres étant devenus excessivement chers. François dut un jour retrancher à ses ouvriers une portion de leur nourriture ce qui les mécontenta.
François, selon sa coutume les pria par charité de ne pas s’impatienter et de prendre courage. Il se mit ensuite en prières. Quelques instants après, un cheval sans guide et chargé de deux sacs remplis de pains frais arriva au couvent. François, s’approchant, prit ces pains, les bénit et les distribua aux trois cents ouvriers, qui mangèrent tous à leur faim.
Ainsi, une corbeille de figues et deux petits gâteaux suffirent, un jour, à nourrir trois cents ouvriers qui travaillaient à la construction d’un aqueduc à l’usage du monastère.
Un historien dit : « La réfection prise, chacun demeurant satisfait de sa position, ils reprirent leurs outils et se remirent au travail. »
Le saint, se promenant un jour, sur le bord de la mer, avec un jeune homme qui l’aimait tendrement, se trouva près d’une colonne de marbre blanc, haute d’environ trois mètres et d’une égale largeur. François lui dit de la prendre et de la porter au chantier des travaux. Le jeune homme lui répondit qu’il ne pouvait pas le faire seul. François répartit : « Prenez-la avec foi et ne craignez rien. » L’obéissance tint lieu de force au jeune homme. Il emporta aisément ce bloc énorme jusqu’au couvent. En souvenir de ce fait, une croix fut placée sur cette colonne.
M. de Bois-Aubry écrit qu’un quartier de rocher qui reste suspendu en l’air. François l’arrêta dans sa chute par un simple signe de croix et par ces paroles qu’il lui adressa : « Fermati, sorella, per carità. Par pitié, ma sœur, arrêtez-vous. » Il écrit que quand on regarde ce rocher qui, depuis bientôt quatre siècles, n’a point changé de position et semble toujours prêt à tomber sur vous et à vous écraser, on demeure stupéfait. Alors qu’un four qui servait à cuire des pierres à chaux était allumé, il menaça tout à coup de tomber en ruine. François, l’apprenant, accourut. Sans se troubler, comme s’il ne s’agissait de rien, il dit à chacun de retourner à son travail. Il se marqua du signe de la croix au front et sur la poitrine, entra dans la fournaise, raccommoda de ses propres mains le four et ressortit sans aucune lésion ou trace de feu. » Une petite chapelle fut construite à cet endroit, ce fut un lieu de pèlerinage très fréquenté dont les fidèles emportèrent de la poussière efficace contre plusieurs cas de maladie.
Un jeune seigneur appartenant à une famille illustre fut tué par la chute d’un échafaud. François averti de ce malheur sortit de sa cellule où il était en prière et vint auprès de l’enfant. Il se coucha sur le cadavre. Quelques instants après, il se releva avec l’enfant, qui avait recouvré la vie et la santé.
Dans son monastère, François nettoya les habits des religieux, servit à table, lava les pieds aux pèlerins et aux pauvres. Il voulait n’être appelé et connu que sous le nom de Minime des Minimes. L’humilité à ses yeux est la règle et comme la mesure de toutes les autres vertus. Il disait souvent à ses disciples : « Autant aurez-vous de vertu que vous aurez d’humilité. »
Il est écrit dans la bulle de canonisation : « Dans le travail comme dans le repos, il était sans cesse intérieurement occupé de Dieu. »
Il répétait souvent que « l’oraison et la contemplation des choses célestes sont la vraie et la plus naturelle réfection de nos âmes, ses seules délices et sa souveraine félicité. »
François avait une grande dévotion pour le Saint-Sacrement. Étant un jour occupé à choisir quelques pierres pour un autel, il se mit à penser avec tant de ferveur au sacrifice de la messe, que, ravi en extase, il vit la très Sainte Trinité. Trois de ses religieux le virent alors élevé à six pieds au-dessus de terre, les genoux pliés, les mains jointes, les yeux levés au ciel et ayant sur sa tête une magnifique couronne de lumière. Quand François revint à lui, ce reflet scintillant du paradis s’évanouit. Ce serait au court de cette vision que Dieu donna à François la règle qu’il transmit ensuite à ses frères.
Le mur de la cellule de François situé du côté de l’église était équipé d’une petite fenêtre par laquelle, sans être vu, il entendait la sainte messe. Là, pendant des nuits entières, il restait en contemplation ou en prières devant le Saint-Sacrement.
Son respect et sa charité envers les prêtres étaient très grands. L’archiprêtre de Lattaraco avait le nez et une partie des lèvres dévorés par un cancer. François fut touché de compassion en voyant sa maigreur et son incapacité à célébrer la messe. Il prit donc un peu de coton, le trempa dans de l’eau pure et en lava les plaies du malade, en lui disant : « Ayez foi en Dieu et vous guérirez. » Il ajouta qu’il l’attendait le lendemain pour célébrer la sainte messe et le quitta. Quelques heures après, l’archiprêtre était complètement guéri. Le lendemain, dès les premières lueurs du jour, il courut remercier François et célébra la messe. Il se faisait un devoir de raconter à tous ceux qu’il voyait sa guérison miraculeuse.
Les vertus de François lui donnaient de l’autorité sur ses disciples qui appréciaient sa direction.
Il reprenait les coupables avec une miséricordieuse compassion par des paroles manifestant grâce et douceur. Il disait : « Eh bien, vous oubliez que la règle ne permet pas cette chose ; la paix de votre âme va se troubler ; par charité, aimez Dieu de tout votre cœur et votre règle aussi qui fera tout votre bonheur. »
Un jour, qu’il était allé dans une forêt, accompagné de nombreux ouvriers, pour y choisir des bois de charpente, François rencontra une petite biche. Aussitôt, elle s’approcha de lui et le caressa comme si elle l’eût connu depuis longtemps et qu’il l’eût apprivoisée lui-même. François se plut à lui prodiguer mille caresses. Les ouvriers, pendant ce temps-là, se flattaient déjà de faire un bon repas de cette biche, dont la chair délicate excitait leur appétit. Ils manifestèrent le désir de la tuer. François ne voulut pas, par charité, qu’on lui fît du mal. Il lui coupa seulement le bout d’une oreille et la laissa aller. Peu de temps après, cette biche, poursuivie par des chasseurs, vint se réfugier au monastère de Paule, en franchissant d’un bond, les murs d’enceinte. Elle alla frapper à la porte de la cellule de son ancien protecteur. Entendant du bruit, François ouvrit et reconnut l’innocente créature qu’il avait déjà rencontrée. Elle portait, l’entaille de son oreille en guise de passeport.
Le bienheureux reçut la biche au nombre de ses pensionnaires. La biche suivait son bienfaiteur partout où il allait son bienfaiteur. S’il restait quelque part elle se couchait sur son habit ; s’il se levait, elle le suivait ; s’il s’arrêtait pour traiter une affaire, elle se comportait de manière à ne perturber personne. Elle lui léchait quelquefois les mains, les pieds ou l’habit, de sa langue. Elle se comporta ainsi jusqu’à sa mort.
Un jour, François conversait avec deux Siciliens. Un oiseau se posa alors sur son épaule et là, il gazouillait et faisait son ramage. Il troublait la conversation. François le prit et le posa sur sa main, en lui demandant de se taire ; l’oiseau obéit. Il assista à l’entretien silencieux et partit quand il en reçut l’ordre.
La sœur de François, Brigitte avait un fils, Nicolas qui désirait vivement entrer dans la communauté. Sa mère s’y opposait malgré ses demandes et celles de son oncle. Nicolas tomba malade et les médecins ne purent arrêter la progression de sa maladie. Brigitte, éplorée et alarmée, se rendit un jour chez François, pour lui demander d’obtenir de la bonté divine la guérison de son fils. L’ermite la renvoya, en lui reprochant son obstination vis-à-vis de la volonté de son fils. Quelques jours après, Nicolas mourut. Son corps fut porté à l’église du monastère pour y recevoir les dernières prières.
Brigitte, en pleurs, vint se jeter aux pieds de François qui fut pris de compassion. Les cérémonies étant terminées, il emporta le cadavre dans sa cellule. Il obtint après une nuit de prière que le mort revînt à la vie. Trois jours après, Brigitte se rendit au couvent pour pleurer et prier sur la tombe. François l’aperçut, vint à sa rencontre et lui dit : « Pourquoi vous affligez-vous si profondément ? C’est le Seigneur qui vous a punie. Est-ce que, si vous voyiez votre fils vivant, vous lui permettriez d’embrasser la vie religieuse ? » Elle répondit : « Hélas ! Si, malgré ma faute passée, je pouvais avoir un pareil bonheur, je vous assure que ma plus grande joie serait de voir mon fils porter l’habit de vos frères. »
Alors, assuré des dispositions de sa sœur, François la conduisit dans l’église, puis allant dans sa cellule, où était le jeune homme, il le revêtit du costume religieux et l’amena à sa mère et dit : « Eh bien, mère, est-ce là votre fils ? Fils, est-ce là votre mère ? » La mère, remplie tout à la fois d’épouvante et de joie, répondit : « Oui, c’est mon fils ; mais il est maintenant plus à vous qu’à moi. Et vous, mon fils, vous aurez désormais François pour père : je ne puis plus prétendre à vous, puisque la mort m’a ravi tout ce que je vous avais donné. »
Un jeune homme, de la famille des Coratori de Montalto, était à l’agonie. Les préparatifs pour sa sépulture étaient faits. Jeanne, sa mère, pensa au saint moine de Paule et dit avec une grande foi : « Ô, François, mon père, vous qui faites de si grands prodiges dans la ville de Paule daignez aussi exaucer ma prière. Quoiqu’éloignée de vous, j’ai la plus vive confiance en votre pouvoir. Oh ! Ayez pitié de mon fils ; c’est la paupière de mes yeux. Je m’engage et m’oblige, si vous le guérissez, à porter toute ma vie l’habit de votre ordre. »
À peine cette prière fut-elle achevée, que son fils se leva, demanda à manger, et, peu de temps après, put vaquer à toutes ses affaires. Jeanne accomplit son vœu et son fils vécut encore environ trente ans.
Il y avait un jour, en mer et en vue de Paola, un vaisseau battu par la tempête ; les avirons brisés, le mât rompu, le timon en pièces, tout faisait craindre aux passagers épouvantés d’être engloutis dans l’abîme.
Les Paoliens, émus de pitié, en voyant le danger qui menaçait les naufragés, les recommandèrent au serviteur de Dieu. François fit une courte prière, puis donna par une fenêtre sa bénédiction à la mer qui se calma aussitôt. Le danger disparut et le vaisseau arriva au port. Ceux qui avaient été sauvés, ayant appris ce qui avait été fait en leur faveur, se jetèrent aux pieds du François pour l’en remercier. Il les envoya aux pieds du crucifix et leur prédit une meilleure navigation pour la suite, ce qui arriva.
François prescrivit à ses disciples une règle, divisée en 13 petits chapitres. Elle comprenait, outre les vœux communs, celui d’une vie quadragésimale. Il consiste en l’abstinence perpétuelle de toute viande sauf en cas de graves maladies avec l’ordonnance du médecin et la permission du supérieur. L’infirmerie devait toujours se trouver dans un logement séparé du reste de la communauté. De plus, il imposa le jeûne tous les mercredis et vendredis de l’année, puis, pour chaque jour, entre la Toussaint et la Nativité Jésus-Christ. Le silence, la retraite, l’humilité, la charité envers le prochain et l’amour de Dieu furent aussi l’objet, dans cette règle, de prescriptions particulières. Il disait : « Les supérieurs doivent se distinguer plutôt par leurs bons exemples et leurs vertus que par des préceptes et des ordres. » Bien qu’il eût permis à ses frères de manger du poisson, François ne prenait jamais d’autres aliments que du pain et de l’eau. Il y ajoutait rarement quelques légumes. Il passait des semaines entières sans prendre aucune nourriture. La prière et la contemplation suffisaient.
Une fois, il se retira dans un désert et y demeura quarante jours et quarante nuits, sans interruption, ne vivant que de méditations. Étant un jour agenouillé, il tomba dans une extase. Son visage devint lumineux, son corps fut ravi dans les airs à la hauteur des arbres les plus élevés et l’archange Michel lui montra alors un drapeau sur lequel était écrite, en caractères de feu, cette parole : « Charitas ». En même temps, un chœur d’anges qui accompagnaient Michel chantait, comme une mélodie céleste : « Ce sera désormais l’étendard de ton ordre. » Depuis ce moment, les armes distinctives de l’ordre religieux établi par saint François de Paule ont été le mot : Charitas, en or, rayonné du même sur fond d’azur.
En 1444, neuf ans après la construction de son premier monastère à Paule, François fut invité par les habitants de Paterno, petite ville de la Calabre, à y établir son deuxième couvent. Un gentilhomme lui céda à cet effet un vaste terrain.
Cette construction fut encore l’occasion d’un grand nombre de miracles. Un rocher, qui gênait la construction du monastère, se déplaça plus loin. François emporta seul une énorme pierre que trente hommes n’avaient pas pu soulever.
François voulut un jour transporter deux poutres d’une dimension telle, que plusieurs paires de bœufs n’avaient pu les traîner ; il dit donc à un gentilhomme de Saint-Lucède qui l’accompagnait : « Aidez-moi ? » Celui-ci en souriant, répondit : « Comment voulez-vous que nous portions à nous deux ces pièces de bois que n’ont pu emporter des bœufs ? » François reprit : « Oh ! Par charité, que vous avez peu de foi ! » Celui-là dit : « Eh bien ! J’ai la foi. Mettez-les donc sur mes épaules et puis je les porterai. » François chargea le gentilhomme avec l’une d’elles, prit l’autre sous son bras et ils s’en allèrent tous deux, sans ressentir la moindre fatigue.
Lorsque plusieurs ouvriers extrayaient des pierres d’une carrière, un pan de rocher se détacha ; effrayés du danger qui les menaçait, ces ouvriers poussèrent de grands cris et prirent la fuite. François, qui était présent, leur dit : « Travaillez en paix et n’ayez pas peur. » Il dit en s’adressant à la montagne : « Quant à vous, ma sœur, par charité, demeurez là. » Et, tout à coup, la partie du rocher qui tombait, s’arrêta dans sa chute et resta suspendue en l’air.
Un charpentier, qui travaillait au couvent, se coupa le pied avec sa hache. Seuls quelques filaments le retenaient attaché à la jambe. François accourut aux cris du malheureux ouvrier, lui dit : « Ne vous troublez point, ce ne sera rien ». Il appliqua ensuite sur la plaie quelques herbes et fit en même temps fait le signe de la croix sur le pied. Il dit : « Sta fortè per carità ». Le mal était si bien guéri, qu’il n’en subsistait pas la moindre trace.
Un autre ouvrier, du nom de Thomas de Yvre, étant tombé du haut du clocher de l’église, élevé de cinquante pieds, se tua sur-le-champ. François lui rendit aussitôt la vie et la santé.
Un jeune homme fut trouvé mort dans les neiges, par des chasseurs qui parcouraient les montagnes voisines de Paterno. François lui rendit également la vie.
Un four rempli de pierres à chaux menaçait de s’écrouler, ce qui eût occasionné des pertes considérables. À la vue de ce danger, François appela un jeune religieux, lui mit un bâton à la main et lui dit : « Par charité, mon frère, entrez sans aucune crainte dans cette fournaise et mettez ce bâton contre la paroi qui va tomber, afin de la soutenir. » Le religieux obéit sur-le-champ. Il pénétra dans le four embrasé, en consolida la voûte et revint sain et sauf.
Un soir, étant allé dans la forêt avec cinquante ouvriers pour y chercher des bois de charpente, François n’avait pas emporté avec lui de nourriture. Après quelques heures, ces hommes las, fatigués de leur travail, eurent besoin de manger et murmuraient contre François. Alors un homme parut, il étendit son manteau sur l’herbe et y déposa un petit pain et un flacon de vin. François se tourna vers les cinquante hommes et leur dit à haute voix : « Pour l’amour de Dieu, venez ici faire collation. » Ils approchèrent tous et mangèrent à leur satisfaction. Le repas fini, l’homme qui avait apporté cette modique provision, devenue pourtant suffisante, disparut aussitôt. On a cru que c’était un ange.
L’architecte du couvent, Léonard Philippe, travaillant un jour à la voûte de l’église, tomba de l’échafaudage et fut broyé sur le pavé. François, qui avait vu cet accident, accourut aussitôt auprès de cet homme étendu sans vie et baigné dans son sang. Il souleva un de ses bras, qui était cassé et dit : « Par charité, mon ami, levez-vous, puisque vous n’avez point de mal. » À ces mots, le mort revint à la vie. Ses membres se consolidèrent, ses os se rejoignirent et il se leva plein de force et de santé. Il retourna aussitôt à son travail ; mais François, l’arrêtant, lui dit en souriant : « Mon ami, gardez-vous bien de plus faire de semblables chutes, car elles vous seraient peut-être périlleuses. »
François n’avait jamais étudié. Il avait cependant une prodigieuse aisance de parole et une grande connaissance de la sainte Écriture. Pendant la construction de ses couvents, le soir était venu, il ne laissait jamais partir les ouvriers sans leur faire une allocution : tantôt sur la laideur du péché, sur les supplices de l’enfer ; tantôt sur le bonheur que procure l’amour de Dieu et sur les joies du ciel. Sa voix était empreinte d’une telle conviction, qu’elle suscitait des larmes et faisait frémir les pécheurs qui laissaient souvent échapper d’amers gémissements.
Le jour où fut posée la première pierre du monastère de Paterno, François prêcha trois fois. À chaque fête, il avait l’habitude d’adresser à ses religieux des allocutions, où respiraient tout à la fois une force et une douceur qui entraînaient tous les cœurs. Jeanne de France et tous les gens de sa suite profitèrent de ses entretiens spirituels.
François de Paule inspirait un vif repentir des péchés et une profonde aversion pour le mal à la personne avant de lui rendre la santé. Il s’adressa à un homme qui souffrait beaucoup d’un œil ainsi : « Va, pauvre homme, va, misérable, corrige les vices et les péchés qui enlaidissent ton âme et qui la souillent bien autrement que cette petite tache qui est à ton œil, souillant la beauté de ton corps, qui n’est autre chose que la figure des bêtes ; tandis que ton âme porte l’image de Dieu, laquelle tu dois tenir et conserver belle et nette, si tu veux jouir d’une parfaite santé et beauté en ton corps. Pourvois donc premièrement au mal de ta conscience et puis Dieu rendra à ton œil la perfection que tu lui désires. »
Vers l’an 1440, l’Église d’Orient, tombée dans le schisme depuis six siècles, venait de se réunir à l’Église d’Occident, mais le peuple grec et surtout les moines de ce pays résistaient. Malgré les décisions du concile général de Florence, l’esprit de schisme continua d’exister. Mais François de Paule devait, par sa vie si extraordinaire, combattre le mal.
La réputation de François fut telle qu’on accourait vers lui des contrées voisines de la Sicile et du fond même de la Grèce pour le voir et l’entendre. Il combattait le schisme, dissipait les doutes et tournait les cœurs vers Dieu.
La prise de Constantinople par les Turcs en 1453 fut prédite aux Grecs, plusieurs années auparavant, par François, comme punition à leur attachement aux erreurs du schisme.
Les partisans de ce schisme de Sicile l’abjurèrent lorsqu’ils virent François opérer parmi eux des prodiges.
Ce fut vers 1464 que François vint établir un monastère à Melazzo, en Sicile. Étant parti de Paterno, il se dirigea, en compagnie de Paul de Paterne et du frère Jean de Lucède, vers la ville de Crotone, située sur le golfe de Tarente. Sur la route, il rencontra six voyageurs et leur demanda, par charité, un peu de pain pour lui et pour ses deux compagnons, mais ils n’en avaient pas. François insista, en désignant l’un des six et en le priant de bien chercher. Le sac de celui-ci contenait un pain excellent ; et il y en eut assez pour les nourrir tous pendant les trois jours que dura leur voyage jusqu’à Crotone.
Un vaisseau prêt à appareiller, François, qui allait à Melazzo, au-delà de Messine, demanda au maître du navire de le transporter par charité. Il dit : « Je suis pauvre, je n’ai ni or, ni argent, ni chose du monde que je puisse vous donner. » Cette franchise lui valut un refus formel. Le matelot répondit : « Et moi, je n’ai pas de barque pour vous passer. »
Alors François leva les yeux au ciel, pour demander le secours de Dieu. Puis il dit à ses compagnons de voyage : « Mes frères, que ferons-nous ici ? Combien y resterons-nous de temps ? Dieu seul le sait. Prenez courage, mettez votre confiance en celui qui a fait marcher Pierre sur les eaux, qui a ouvert à son peuple un libre passage au milieu de la mer pour le faire entrer dans la terre promise. » Ayant ainsi parlé, il se mit à genoux avec ses deux religieux. Sa prière faite, il se leva, étendit son manteau sur la mer et, muni du signe de la croix, monta dessus, en disant à ses disciples : « Suivez-moi, ne craignez pas. » Puis, se tenant debout au milieu d’eux, François, comme un pilote habile et expérimenté, conduisit, avec son bâton qui lui servit de rame, cette barque d’un genre nouveau. Le détroit de Messine, qui faisait trembler les marins les plus intrépides, retint la fureur de ses flots et vit, avec respect et avec un calme profond, passer, au milieu de ses abîmes, ces trois navigateurs, qui arrivèrent heureusement au port.
Le bruit de cette merveille se répandit bientôt et, de toutes parts, on accourut vers François pour le voir, l’entendre et recevoir des faveurs célestes par son entremise. Tous le regardèrent comme le prophète du Très-Haut, comme l’envoyé du Ciel.
François parcourut la Sicile avec un zèle infatigable. Il prêchait sur la route, dans les villes et dans les villages ; sa parole était enflammée. Quand il parlait de la pénitence, de l’horreur que doit inspirer le péché, on remarquait dans l’auditoire une impression profonde, un frémissement toujours suivi de pleurs, de cris de douleur et de témoignages de repentir sincère. Le schisme, l’hérésie et toutes les erreurs trouvaient en lui un adversaire d’autant plus terrible, que ses miracles confirmaient ses discours.
L’ordre de François se propagea rapidement dans la population. À cette époque, se forma le premier couvent de femmes, dites religieuses minimes.
Après quatre ans passés en Sicile, François retourna dans son couvent de Paterno. Quand il fut sur le point de partir, les Siciliens furent profondément attristés. Personne ne voulait le laisser partir sans avoir reçu une dernière bénédiction. Durant les trois derniers jours, il reçut la visite et les adieux d’au moins mille personnes dont plus de cent malades ou infirmes se trouvèrent guéries.
Ayant eu connaissance de ces prodiges, Paul II envoya un de ses camériers vers Pyrrhus, archevêque de Cosenza, pour s’informer avec soin des miracles et connaître la vérité. L’Archevêque conseilla au Camérier d’aller lui-même voir François. Il y alla, accompagné d’un prêtre de Cosenza. En saluant François, le Camérier voulut baiser la main de l’ermite qui refusa et désira manifester son respect au Camérier en disant que c’était bien plus convenable « en raison de la dignité sacerdotale, dont il était revêtu depuis trente-trois ans. » Le Camérier reconnut l’exactitude de cette parole et eut aussitôt une profonde vénération pour François, ne doutant plus que le Saint-Esprit l’éclairât.
Le premier sujet d’entretien qui suivit concerna les difficultés d’un genre de vie aussi austère qui ne pouvait être suivi que par des hommes robustes et très vigoureux. Quand François entendit ces observations, il s’approcha du feu, prit, sans se brûler, des charbons ardents dans ses mains et dit : « Toutes les créatures obéissent à ceux qui servent Dieu avec un cœur parfait. » Alors, saisi de crainte à la vue de ce prodige, le Camérier demanda pardon à François, et, tombant à genoux, voulut baiser ses pieds ; mais l’ermite ne le permit pas. Il prit seulement de la main son habit et le baisa avec respect. Il quitta François, revint vers le Souverain pontife et lui rapporta les miracles dont il avait été témoin. »
En 1468, ainsi informé, le Saint-Siège n’hésita pas à combler de nombreuses faveurs l’humble ermite de la Calabre.
Paul II mourut quelques années après ; mais Sixte IV, son successeur voulut également protéger François. Il étendit ses privilèges, et, par une bulle datée du 23 mai 1473, approuva le nouvel ordre religieux, sous le nom d’Ermites de la Calabre. François, malgré son humble résistance, en fut nommé le supérieur et le général perpétuel.
En voyant les nombreuses guérisons que François opérait par son seul attouchement, ou par la sainte application de quelques herbes, les médecins de la Calabre frémissaient contre lui de colère. Antoine Scotet, franciscain, qui avait déjà prêché publiquement contre François, vint, en plein hiver, du fond de la Calabre le trouver et l’accabler d’outrages. Il lui dit avec l’accent de la colère : « Comment, vous, qui êtes dépourvu de toute connaissance, osez-vous entreprendre tant de choses ? Par quelle autorité guérissez-vous les maladies, en distribuant aux infirmes et aux malades des herbes ou autres aliments que vous bénissez ? » François resta toujours calme et tranquille, puis, s’étant aperçu que le moine tremblait de froid, il l’invita à entrer dans la cuisine du monastère. S’approchant de la cheminée, François prit dans ses mains des charbons ardents et dit, en les présentant au père Scotet : « Mon frère, par charité, chauffez-vous, ensuite je vous répondrai ; mais sachez que ce feu a été créé pour rendre l’obéissance à l’homme ; et qu’à ceux qui servent Dieu parfaitement et qui gardent ses commandements, tout est possible et rien ne peut nuire ! » Cela suffit : Antoine, se jetant à terre, voulut baiser les pieds de François, en s’écriant : « Mon père ! Mon père ! De quelle injustice me suis-je rendu coupable, en outrageant Votre Sainteté ? Oh ! Qu’heureux est le pays de la Calabre ! Oui, certes qu’ils sont heureux, ceux qui mettent leur confiance en vos prières et en votre piété. »
Depuis longtemps, François gémissait, dans le secret de son âme, sur la mauvaise conduite du roi de Naples. Finalement, il dit à Ferdinand : « Non licet tibi : Cela ne vous est pas permis. Votre conduite est condamnée par la loi de Dieu. » Il lui fit des menaces : « Malheur à vous, qui traînez l’iniquité comme de longues chaînes et le péché comme les traits d’un char. Comme le chaume est consumé, dévoré par la flamme, ainsi ce peuple sera séché jusque dans sa racine. La colère du Seigneur va éclater. Il va appesantir sa main sur votre tête. Ô prince qui avez blasphémé sa parole, voilà qu’un peuple ennemi accourt ; ses flèches sont avides de sang ; ses arcs sont bandés, les pieds de ses chevaux sont infatigables ; les roues de ses chars volent comme la tempête ; ses vaisseaux sont rapides et légers ; l’ennemi rugit comme le lion ; ses cris ressemblent au bruit sourd de la mer. Et bientôt, comme un sanglier féroce, il va porter le ravage dans vos États. »
Le roi, blessé dans son orgueil, voulut se venger. Il reprocha à François d’avoir, sans son consentement et son approbation, établi des monastères dans son royaume. En conséquence, il lui signifia l’ordre de quitter aussitôt ces couvents, sous peine d’encourir ses disgrâces. L’ermite ne tint pas compte de cette injonction. Il lui suffisait d’avoir eu l’autorisation de l’archevêque de Cosenza, son métropolitain. Le roi, qui croyait son autorité méprisée, ne tarda pas à faire éclater sa colère. Le cardinal de Hongrie, son frère, se chargea d’exécuter la vengeance. Il chassa de force les religieux que François avait établis dans un couvent à Castellamarre.
Devenu le maître de ce monastère, il le transforma pour lui en une riche et magnifique demeure. Son palais n’était pas encore achevé qu’il mourut empoisonné. La mort fut considérée comme un juste châtiment du Ciel et comme le fidèle accomplissement de ces paroles que François avait dites à cette occasion : « Dieu y pourvoira. » La mort imprévue de son frère ne fit qu’enflammer davantage sa fureur. Il décida d’arrêter François et de le jeter dans les prisons de Naples. Il envoya à Paterno un capitaine de vaisseau, accompagné de cinquante soldats.
Cette conduite du Roi fit grand bruit dans toutes les provinces voisines et y souleva une violente agitation. Mais c’est à Paterno d’autant plus que l’indignation fut à son comble, quand les gens du prince y furent arrivés. Une sourde rumeur y circulait partout ; chacun était inquiet du sort de François. L’âme de ce dernier restait toujours calme. Il dit à ses disciples éplorés : « Par charité, si c’est le vouloir de Dieu, ils me prendront ; sinon, ne craignez pas qu’aucun homme ne puisse nous nuire. Vous devez être grandement joyeux d’avoir part aux tribulations et aux persécutions de Notre-Seigneur et de ses apôtres, que le monde a si maltraités et vous souvenir que l’une des béatitudes prêchées sur la montagne par le grand Maître de la perfection chrétienne est celle-ci : “Bienheureux sont ceux qui endurent persécution pour la justice, puisque le royaume des deux leur appartient.” »
Ces paroles ayant calmé les craintes de ses frères, François, confiant dans le Seigneur, se retira dans la chapelle pour prier.
Au même instant, des soldats furieux envahirent le monastère, le glaive à la main. Ils parcoururent les cloîtres, le dortoir, visitèrent les cellules, entrèrent dans l’église, cherchèrent partout sans trouver François. Le chef de la bande s’écria : « Où est-il, où est cet ermite ? Il nous faut l’avoir. » Il proféra les plus terribles menaces contre les disciples de François, s’ils ne lui indiquaient pas le lieu de sa retraite.
Alors on lui désigna un petit bois, près du couvent, où l’ermite avait coutume d’aller pour se livrer à la prière. Aussitôt, les soldats s’y précipitèrent ; et, pendant que les uns le parcouraient et l’exploraient avec le plus grand soin, les autres le cernaient de tous côtés. Vaines et inutiles recherches ! Ils revinrent au monastère, plus furieux qu’auparavant. De nouveau, le dortoir, les cellules, le réfectoire et la chapelle furent visités par ces gens revenus pleins de rage. Un ouvrier, Antoine de Douoït, craignant quelque malheur pour les religieux, s’approcha du chef et lui dit : « Eh quoi ! Monsieur, est-ce le bonhomme que vous cherchez ? Tant de fois vous êtes passé devant lui : comment ne l’avez-vous pas vu, ou ne lui avez-vous pas parlé ? » Le capitaine répondit : « Où est-il, montre-le-nous ? » Aussitôt, l’ouvrier le conduisit à la chapelle et lui montra le saint homme agenouillé sur le pavé du sanctuaire.
François se leva et vint, avec un air calme et joyeux, à la rencontre de son ennemi. Quel spectacle ! Le capitaine laissa tomber le glaive de sa main ; prosterné à terre et tremblant, il implora son pardon et la miséricorde de François qui répondit au capitaine : « Je vous pardonne de bon cœur, en lui donnant la main pour le relever ; mais croyez, mon ami, que la foi du Roi est bien petite ; il lui servirait peu ou à rien de m’avoir près de lui et il sera, ce me semble, plus à propos que je reste ici. Vous retournerez donc avec votre compagnie à la première commodité. Arrivé que vous serez, vous-rendrez de ma part ce que je vous donne pour le roi, la reine, aux ducs et duchesses de Calabre, chacun en particulier, une de ces chandelles bénites, avec cette parole : “Que s’ils n’avisent et bientôt d’apaiser l’ire de Dieu, par une digne pénitence, ils attendent un rigoureux châtiment de sa part ; que le Roi même est bien en danger de ne pas mourir roi.” » Cette scène si touchante et si extraordinaire se termina par un nouveau miracle.
François ne voulut pas renvoyer ces hommes sans leur avoir donné à manger ; mais il n’avait que deux petits pains et un peu de vin. N’importe, il les bénit et ces deux modiques rations furent plus que suffisantes pour rassasier toute la troupe.
Quand le roi de Naples eut appris de la bouche du capitaine tout ce qui s’était passé, il éprouva un vif regret de ses emportements envers un homme aussi saint que François. Il eut dès lors pour lui un respect qu’il conserva toute sa vie.
Il y avait plus de trois mois que l’humble ermite avait prédit à Ferdinand l’invasion d’un peuple ennemi dans ses États. Il ne s’était pas trompé. Les infidèles, en ce temps-là, continuaient leurs incursions dans l’Europe. Presque toujours vainqueurs, ils avaient projeté d’envahir l’Italie. Achmet Pacha, l’un des plus illustres capitaines de Mahomet II, se rabattit devant Otrante, ville maritime de la Calabre, qu’il prit d’assaut et où il mit tout à feu et à sang.
Le pays n’avait pas de troupes pour le défendre. Le pacha Géduc-Achmet, qui commandait dix-huit mille Turcs envoya un interprète proposer aux habitants de rendre leur ville. En échange, il leur laisserait la vie sauve et leur permettrait de se retirer dans les lieux qu’ils seraient libres de choisir. Ils pourraient emporter ce qu’ils possédaient et dont ils pourraient se charger. II leur signifia qu’ils ne pourraient pas longtemps lui résister ni être secourus par le roi de Naples. Ces généreux citoyens rejetèrent courageusement ces propositions et dirent d’une voix unanime qu’ils aimaient mieux mourir en confessant leur foi et en prouvant leur fidélité à leur légitime souverain, que de traiter avec les infidèles.
Dès que la réponse fut connue du pacha, il commença l’attaque, et, les murs étant en mauvais état, il y ouvrit une brèche au bout de trois jours. Les assiégés s’y battirent avec persévérance. Après une résistance de quinze jours, ils furent obligés de céder face au nombre. Les Turcs emportèrent la ville d’assaut, le vendredi 11 août 1480. Ils massacrèrent aussitôt tous les habitants qui leur tombèrent sous la main.
L’archevêque Étienne, vieillard plus qu’octogénaire, venait de célébrer la messe dans son église métropolitaine. Il avait donné la communion à une partie du peuple et l’avait engagé à souffrir volontiers la mort pour la foi en Jésus-Christ. Il retournait à la sacristie, revêtu de ses habits pontificaux, lorsque les vainqueurs, entrant tumultueusement dans l’église, le tuèrent impitoyablement, sans aucun égard à son grand âge et firent captifs les ecclésiastiques qui l’accompagnaient.
Dans les autres églises, plusieurs prêtres périrent également par le fer des soldats et les autres furent réduits en captivité. On cite, entre autres, un prédicateur dominicain qui, se trouvant à ce moment en chaire et n’en voulant point descendre, malgré l’injonction que lui en faisaient les Turcs, fut, par ces barbares, coupé en deux, dans la chaire et mourut en prononçant ces paroles : « Sainte foi ! Sainte foi ! Sainte foi ! »
Le pacha qui commandait l’armée ennemie ne jugea point à propos d’entrer dans la ville, avant qu’elle eût été nettoyée et qu’on eût enlevé les cadavres amoncelés dans les places publiques. Il campait à un quart de lieue, sur une colline appelée alors le Mont-Saint-Jean-de-la-Minerve. Le 12 août, il ordonna qu’on lui amenât tous les hommes, au-dessus de quinze ans, qui se trouvaient encore à Otrante. On en réunit environ huit cents, qui avaient été ou pris ou blessés, ou qui étaient malades et on les lui conduisit nus, la corde au cou et les mains attachées derrière le dos.
Pendant le trajet, ces généreux chrétiens s’encourageaient mutuellement à souffrir la mort. Le père exhortait son fils, le fils exhortait son père, le frère son frère, l’ami son ami, à mériter la palme du martyre. Lorsqu’ils furent arrivés dans la vallée située au bas de la colline, le pacha, devant lequel on les présenta, leur fit dire, par un interprète, que, s’ils voulaient abjurer la foi chrétienne et embrasser la religion de Mahomet, il leur rendrait leurs épouses, leurs enfants et la liberté et qu’ils rentreraient dans la ville, où ils seraient soumis à la domination du sultan. Cet interprète était un malheureux apostat, qui joignit à ces paroles un grand nombre de blasphèmes.
Parmi ces captifs se trouvait un vieillard, nommé Antoine Primaldi, simple artisan. Étant le plus près du pacha, il prit la parole pour ses compagnons et répondit qu’ils confessaient tous que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, leur Seigneur et vrai Dieu lui-même ; qu’ils aimaient mieux mourir mille fois que d’embrasser le mahométisme et d’écouter ce que venait de leur dire ce misérable apostat. Puis, se tournant vers ses compatriotes, il leur adressa ce discours : « Mes frères, nous avons jusqu’ici combattu pour défendre notre patrie et notre vie. Maintenant nous devons combattre pour Jésus-Christ qui, étant mort pour nous, mérite que nous mourions aussi pour lui, fermes et constants dans la foi. Par cette mort temporelle, nous obtiendrons la véritable vie et la couronne du martyre. » À ces paroles, cette sainte troupe tout entière, sans en excepter un seul, s’écria qu’elle aimait mieux mourir mille fois, par n’importe quel genre de mort, que de renier Jésus-Christ.
Le pacha, ayant su ce qu’ils disaient, fut extrêmement irrité et les condamna à avoir la tête tranchée, à commencer par Antoine Primaldi, qui, ayant parlé le premier, avait, disait-il, suggéré aux autres la réponse qu’ils lui avaient faite.
Ce fut le 14 août 1480 que ces bienheureux confesseurs furent menés sur la colline de la Minerve, depuis appelée le Mont-des-Martyrs, pour y consommer leur sacrifice. Ils y étaient conduits par groupe de cinquante, les mains liées derrière le dos. Ils marchaient d’un pas ferme et montraient une sainte allégresse. On rapporte qu’une jeune fille, que les Turcs avaient faite captive, se trouva sur le passage et que, reconnaissant parmi les victimes ses deux propres frères, elle s’écria : « Ô mes frères !, où allez-vous ? » L’un d’eux lui répondit : « Nous allons mourir pour l’amour de Jésus-Christ ! » À ces mots, elle tomba par terre et un Turc lui ayant donné sur la tête un coup de cimeterre pour l’obliger à se relever, elle expira. Lorsque les confesseurs furent arrivés au sommet de la colline, ils y trouvèrent le cruel pacha et les bourreaux, qui avaient tout préparé pour consommer le crime. Avant d’en venir à l’exécution, on voulut encore une fois tenter leur constance. Un Turc, tenant à la main une feuille écrite en sa langue, disait à haute voix ces paroles, que le misérable interprète rendait ensuite en latin : « Quiconque voudra croire ceci obtiendra la vie ; s’il ne le veut pas, il sera mis à mort. » Mais ce nouvel et dernier effort fut inutile. Aucun des chrétiens ne renia sa foi.
Le massacre commença aussitôt. Le premier frappé fut Antoine Primaldi, qui jusqu’à ce moment n’avait cessé d’exhorter avec ardeur ses compagnons au martyre. Il tenait les yeux élevés au ciel, assurant qu’il le voyait ouvert et les anges préparés à recevoir avec joie les âmes de ceux qui allaient répandre leur sang pour la foi. On dit que, malgré tous les efforts des Turcs, son corps, après qu’il eut été décapité, demeura debout jusqu’à la fin de l’exécution. »
Ainsi périrent ces huit cents habitants d’Otrante, que l’Église compte aujourd’hui au nombre de ses martyrs.
François, retiré dans sa cellule, priait et jeûnait, pendant que l’Italie entière était dans l’agitation. Après huit jours passés en prières, il donna l’assurance à ses frères : « Que le Seigneur avait fait miséricorde à l’Italie et que la victoire allait en peu de temps échapper des mains des Turcs. »
Lorsque le comte d’Aréna, en compagnie de Jean de Cole et de tous leurs gens, passa par Paterno, en se rendant au siège d’Otrante, François lui dit : « Allez, Monsieur le Comte, Dieu sera avec vous. Ayez une ferme confiance en lui, vous chasserez ces Turcs barbares et vous et les vôtres retournerez sans péril dans vos maisons. Je vous supplie de porter, vous et les vôtres, par dévotion, une de ces chandelles bénites que je vous donne avec grande affection. »
Toutes ces paroles se vérifièrent exactement. Le comte d’Aréna et ceux qui formaient sa suite revinrent sains et saufs du combat. L’armée des infidèles fut vaincue et Otrante délivrée de leurs mains barbares.
Un jour, François reçut la visite d’Antoine Nielle, seigneur de Catanzaro, jeune homme appartenant à une famille illustre. Leur conversation durait déjà depuis quelque temps, lorsque François, animé du zèle le plus pur, se permit de reprocher à ce jeune homme quelques fautes très secrètes, dont nul n’avait jamais eu connaissance. Surpris d’une pareille révélation, ledit seigneur ne put douter que l’humble ermite fût inspiré de l’Esprit-Saint. Il lui confessa donc la vérité. François alors, touché de son repentir, lui dit en latin, bien qu’il ne l’eût jamais appris, ces paroles de Jésus-Christ : « Si vous voulez entrer dans la vie, aimez le Seigneur, votre Dieu, de tout votre cœur et de toute votre âme et votre prochain comme vous-même et observez les préceptes de la loi divine ; toute la loi et les prophètes sont renfermés en ces deux points. »
Un jour, on amena au saint homme une fille possédée ; sitôt qu’elle fut devant lui, elle commença à grincer des dents, tirer la langue, hurler épouvantablement et faire d’autres violences. Satan lui faisait dire des injures : ce barbu, ce rapiécé, ce mangeur de racines nous empêche.
Le saint engagea un dialogue avec le démon :
« Et qui êtes-vous, pour vous plaindre que je vous donne de l’empêchement ?
Malheureux, dis-moi la vérité, au nom de Dieu.
— Nous sommes ici certaines légions d’esprits.
— Où sont tes compagnons ?
— Ils sont en ce bois prochain, où on voit souvent une grande quantité de corbeaux.
— Où vont-ils ?
— Ils sont envoyés exprès de Dieu pour détruire et ruiner toute l’Italie.
— Et qui les retient ou empêche d’exécuter leur commission ?
— Tant que tu demeureras ici, il leur est impossible de ne rien faire ; ton humilité leur lie le pouvoir et arrête le vouloir qu’ils ont d’allumer le feu de la guerre civile et étrangère, par les quatre coins de ce royaume abandonné de Dieu : ta sortie de cet État sera suivie des atteintes funestes de notre pouvoir et vouloir. »
François, humilié de cette réponse, où ses vertus se trouvent glorifiées, cessa d’interroger le démon sur ses desseins ; mais il lui dit avec un accent de voix sévère :
« Qui t’a fait si téméraire de t’emparer si hardiment de la créature de Dieu ? »
— Moi, je ne l’ai pas cherchée ; elle a cheminé en un lieu où j’étais et marché sur moi.
Je me suis mis en défense, m’emparant de son corps, où je me trouve si doucement, que je ne suis pas d’avis pour rien de l’abandonner.
— Va-t’en, par charité et laisse cette pauvre fille en paix.
— Où veux-tu que je m’en aille ?
— En enfer, qui est la prison que tu as méritée par ta rébellion.
— Ne me travaille donc point davantage et je m’en irai, d’ici à trois jours.
— Va-t’en dès maintenant, au nom de Dieu, et ne nous fais point perdre plus de temps.
— Puisqu’il faut quitter la place, permets au moins que je sorte par les yeux et que j’en emporte un.
— Je te défends bien de faire du mal à la créature de Dieu.
— Donne-moi donc quelque chose pour m’en que je m’en aille content. »
Le saint, las de telles tergiversations, saisit par les cheveux cette fille possédée et s’écria avec force :
« Je te commande de sortir tout maintenant de ce corps. »
À ces mots, un bruit éclatant comme celui du tonnerre se fit entendre ; le démon s’était enfui, laissant sa malheureuse victime étendue par terre, sans mouvement et comme sans vie.
Le saint homme y remédia aussitôt ; il fit apporter de la viande, la fit manger et boire, puis la renvoya dans son pays en parfaite santé.
En 1481, Louis XI régnait alors en France. Gravement malade depuis un an, il espérait obtenir du Ciel sa guérison. Il fit venir de nombreuses reliques, mais son état continuait à se détériorer et la médecine était impuissante.
Ayant appris les prodiges réalisés par François, Louis XI décida de recourir à lui. Il écrivit à François de Paule sans succès. La médiation du roi de Naples, Ferdinand 1er fut également infructueuse. Finalement, François céda à l’ordre du pape Sixte IV, représentant de Jésus-Christ. Il savait qu’il serait un jour obligé de quitter son pays, pour s’en aller dans une autre contrée qui lui était inconnue. Il avait dit une fois à ses disciples : « Mes frères, un jour sera, auquel il nous faudra aller en un pays dont nous n’entendrons pas la langue. » Ses religieux lui ayant demandé : « Qu’irons-nous donc y faire ? » Il avait répondu : « Nous irons y faire la volonté de Dieu. N’est-ce pas chose qui mérite la peine ? »
Dès que le roi de France sut par le Pape que la réponse du Pape était favorable, le seigneur Guynot de Boussière, envoyé par le roi de France à Naples, se rendit à Paterno, accompagné de Frédéric d’Aragon, deuxième fils de Ferdinand. Le jour de leur arrivée au couvent, François n’y était pas. Il s’était retiré dans un petit ermitage pour vaquer plus librement à la prière et à la méditation. L’ambassadeur alla lui-même le chercher et lui dire avec quelle impatience il était attendu à la cour du roi de France. François nomma le révérend père Paul de Paterno vicaire général de l’ordre, puis fit ses adieux à ses disciples. Il leur dit : « Vous savez, ô, mes frères, quelle affection j’ai pour vous au fond de mon cœur ; tout ce que j’ai fait a été pour la gloire de Jésus, pour la sanctification de vos âmes. Soyez attentifs sur vous-mêmes, obéissant à votre règle. Je vous recommande maintenant à Dieu et à la parole de sa grâce, à celui qui est puissant pour édifier et pour vous donner part à son héritage avec tous les saints. Je n’ai ni or ni argent ; ce que j’ai, je vous le donne : un vêtement vieux et usé, un chaperon hors d’usage, un cordon, une tunique et un cilice. Je sais que vous ne verrez plus mon visage, mes chers frères, vous, pour qui mon cœur brûle de la plus ardente charité. » Ce discours achevé, François se mit à genoux, pria Dieu et bénit tous ses enfants bien-aimés, qui fondaient en larmes ; et ils embrassèrent leur tendre père, pour la dernière fois.
François partit avec deux religieux ; il passa par Paule, Salerne, Castellamare où il avait établi un couvent de son ordre et arriva à Naples. À l’annonce de l’arrivée de François, le roi accompagné de ses fils, le duc de Calabre, le prince de Tarente et le duc de Saint-Ange, suivi également des grands de sa cour et des dignitaires de l’État, vint à sa rencontre. Une foule immense, attirée par sa réputation, se pressait dans les rues et sur les places publiques de Naples.
François aurait voulu demeurer avec ses frères, dans un endroit écarté et conforme à la simplicité de ses goûts ; mais Ferdinand désira le garder près de lui. Il dut, contre sa volonté, rester au château. Il fut accueilli par la reine Isabelle et toute la cour eu des égards pour lui. Le Roi demanda à l’ambassadeur de France que François demeure quelques jours ce qui imposa de différer le départ.
La première nuit, Ferdinand, rongé de remords et tourmenté par la pensée du mal qu’il avait fait endurer à François, ne pouvant dormir, se leva. Poussé par la curiosité, il se rendit secrètement à l’endroit où logeaient ses hôtes. Il s’approcha de la porte et regarda par une petite fente. II aperçut François qui s’élevait au-dessus de terre au milieu d’une flamme rayonnante. Ses frères seuls dormaient tranquillement sur les dalles nues de la chambre. Devant ce prodige, le Roi fut saisi d’admiration et de frayeur. Il eut dès lors pour l’ermite une très grande estime.
La mère de l’aumônier du Roi, Marguerite Copula, qui avait perdu l’usage de la parole depuis quatre jours, fut subitement guérie, après une courte prière de François qui obtint également la guérison d’une jeune fille lépreuse âgée de dix ans.
Ferdinand avait désiré plusieurs fois partager sa table avec François qui ne voulut jamais s’éloigner de sa nourriture habituelle. Le Roi lui envoya, par un petit page, un mets composé de quelques poissons. Alors, se contentant de les toucher de son doigt, François les ressuscita par un signe de croix, puis il les renvoya en disant au page : « Remerciez Sa Majesté de son envoi et suppliez-la de rendre, par charité, la liberté à ses prisonniers, comme j’ai rendu à ces pauvres poissons le souffle et la vie. » Ayant vu ce miracle, le Roi se rendit sur-le-champ auprès de François et s’écria : « La parole qui me lie au roi de France ne me permet pas de vous retenir plus longtemps dans mes États ; mais je tiens à vous témoigner, comme je le dois, la haute vénération que m’inspirent vos vertus augustes. Voici le plan d’un vaste monastère et de l’argent que je mets à votre disposition pour le bâtir. » Il présenta à François une coupe remplie de pièces d’or. François, loin de se laisser éblouir par ces richesses, prit la hardiesse et le ton d’un prophète. Il reprocha au prince les crimes de sa conscience et le mal qu’il faisait peser sur son peuple, par ses exactions et ses injustices. Il lui dit : « Ô, Sire, ce n’est pas là le plus grand bien que vous pourriez faire. Il pourrait valoir pour le bien de votre âme de rendre ce qui ne vous appartient pas et de ne pas faire si grandes aumônes du bien d’autrui. Vous ne vous occupez qu’à jouir de la vie, comme si la mort n’était qu’un rêve. Votre avidité est telle, qu’au lieu de vous faire le protecteur de votre peuple, vous en êtes devenu le loup ravissant. » Le roi, surpris d’un tel langage, répondit : « Eh quoi ! Mon père, croyez-vous que je possède quelque chose de mauvaise foi ? » François reprit : « Oui, la surcharge des impôts et tributs que vous renouvelez tous les jours sur votre pauvre peuple, c’est le bien de vos sujets, le sang des pauvres veuves et orphelins ; c’est l’argent de leur substance, que vous dévorez ; c’est leur sang que vous sucez. » En disant ces derniers mots, François prit dans ses mains plusieurs pièces d’or. Il les rompit et il en coula des gouttes de sang. Il s’écria alors : « Voyez-vous, ce sang qui jaillit de cet or ! Eh bien ! Sire, c’est le sang de vos sujets ! Mais, prenez-y garde ! La couronne chancelle sur votre tête, le sceptre vacille dans vos mains ; la justice de Dieu se fera jour, vous ne serez plus. » Le roi, frappé et épouvanté de ces paroles, faillit tomber à la renverse.
Ferdinand promit d’apporter un prompt remède à tous les maux de son royaume. Alors, François, convaincu de la sincérité de son repentir, lui donna l’autorisation de construire pour son ordre un nouveau monastère. François en choisit lui-même l’emplacement en dehors des murs de la ville, dans un endroit presque désert. Le Roi lui fit à ce sujet quelques observations. Il lui dit : « Hé ! Mon père, qui ira vous chercher là, si loin et qui voudra prendre la peine d’y aller entendre la sainte Messe, ou s’y confesser ? Nous sommes en un temps où la négligence des choses éternelles est si grande, que, si nous n’avons les moyens du salut à notre porte, nous les abandonnons tout à fait. J’appelle vos religieux en cette ville pour avancer le spirituel de mon royaume. » L’ermite répondit : « Sire, c’est pour cette considération que je choisis cette place, d’autant que ce quartier sera un jour le plus honorable et le plus habité de toute la ville et si fort peuplé, que mes pauvres religieux auront assez de peine de se couvrir des maisons et palais qui y seront bâtis (1481). » La prédiction fut vérifiée. L’endroit où fut bâti le grand monastère des Minimes, connu sous le nom du Couvent de Saint-Louis, devint un des plus beaux quartiers de Naples avec des maisons riches et superbes, habitées par les familles de la plus haute noblesse.
Tout ceci se passa en quelques jours, après lesquels François prévint Ferdinand de son départ ce qui attrista profondément le Roi qui le supplia à genoux de fléchir, par ses prières, la justice divine, afin qu’elle lui remette ses péchés et ses dérèglements.
Tous les préparatifs étant faits, ayant béni le roi, la reine et ses fils en pleurs, prosternés encore à ses pieds, François monta dans le vaisseau et reprit son voyage pour la France, en compagnie de ceux que Ferdinand avait désignés pour cela. Ils abordèrent à Ostie vers la fin de février 1482. De là, ils se rendirent par voie terrestre jusqu’à Rome.
Dès que leur arrivée fut connue, affluèrent au palais de l’ambassadeur de France prêtres, évêques, cardinaux, princes et seigneurs. Le lendemain, Guynot de Boussière, le prince de Tarente et plusieurs autres personnages distingués accompagnèrent François au Vatican. Le Souverain pontife, assis sur son trône, environné de ses cardinaux, baisa sur le front François et le fit asseoir à sa droite, puis eut lieu le baisement des pieds de Sa Sainteté, pour tous les accompagnateurs. Chacune fois, Sixte IV reçut François en audience privée trois ou quatre fois durant trois ou quatre heures. Durant ces entrevues, le religieux illettré suggéra au Souverain pontife plusieurs choses importantes pour le gouvernement de l’Église. Le Pape voulut l’ordonner prêtre de ses propres mains ; mais ni ses sollicitations réitérées ni les vives instances des cardinaux ne purent triompher de l’humilité de l’ermite.
François fut effrayé par cette charge et dit : « Si le saint sacrifice de la Messe est un grand bénéfice, aussi est-ce une redoutable condamnation pour les prêtres indignes ? » Il consentit seulement à la permission de bénir des chapelets, des cierges, des croix et autres objets de dévotion.
Avant de quitter Rome, François présenta sa règle au Pape, afin qu’il lui donnât son approbation. Sixte IV la refusa, jugeant convenable de soumettre à un long et sérieux examen surtout la partie de cette règle qui prescrit la vie quadragésimale. Éclairé par Dieu, François prit la main du cardinal de la Rovère et dit au Pape : « Très Saint-Père, voici ce qui consolera mes désirs. » En effet, ce cardinal monta sur le Siège apostolique sous le nom de Jules II (1503) et c’est lui qui approuva la règle.
Pendant les sept ou huit jours où François resta à Rome, il guérit un grand nombre de malades et d’infirmes. En voyant le mont Pincio, il dit que bientôt il y aurait sur cette colline un couvent de son ordre ; et, douze ans plus tard, le fait eut lieu. Un seigneur, Laurent de Médicis, conduisit un jour son fils, Jean de Médicis, âgé seulement de sept ans, auprès de François pour qu’il le bénît. Il lui dit de baiser la main de ce frère, parce que c’était un grand saint. François répondit alors : « Je serai saint quand il sera pape. » Jean de Médicis monta sur le siège épiscopal en 1513 sous le nom de Léon X. La bulle de canonisation de François de Paule est signée de sa main.
François de Paule revint de Rome à Ostie, où l’attendait le vaisseau qui devait le transporter en France. Le jour du départ, le temps étant orageux et la mer très basse, le capitaine et les rameurs voulaient différer le départ. Ils avaient déjà jeté la sonde plus de cent fois dans les eaux, dont le niveau était jugé insuffisant. François prit la corde, la bénit et dit aux matelots : « Mes amis, par charité, sondez derechef et vous trouverez qu’il y a assez d’eau. » En effet, le niveau des eaux fut accru subitement de six pieds et les nuages disparurent. La galère vogua sur les flots tranquilles de la Méditerranée. Un vent doux et léger enflait ses voiles. Arrivés dans le golfe de Lyon, une violente tempête obligea à jeter l’ancre et à attendre. Survinrent des pirates qui s’avançaient vers elle à la rame malgré la tempête.
Malgré la menace de la tempête et celle des pirates, François de Paule ne se troubla pas. Il dit au capitaine et aux matelots : « Par charité, allons avec la paix de Dieu ; il ne faut avoir aucune crainte : il n’y a point de péril. » L’ancre fut levée ; le calme se rétablit et le vaisseau continua sa route en échappant aux mains des pirates.
Arrivés à Toulon, il leur fut interdit de descendre, à cause de la peste qui sévissait alors avec violence dans la Ville et dans les environs. À Marseille, ce fut pareil. Ils abordèrent finalement dans le port de la petite ville de Bormes, non loin d’Hyères. La peste y régnait aussi et l’on refusa également l’entrée à la galère. François dit aux habitants : « Dieu est avec nous, permettez-nous d’entrer. » Ces paroles bienveillantes rassurèrent la population de Bormes.
Ayant couru à l’église aussitôt après être débarqué, afin de remercier Dieu de son heureuse traversée, François trouva des ouvriers qui n’arrivaient pas à transporter une énorme poutre nécessaire aux réparations de l’édifice. François la toucha du doigt et dit : « Eh bien ! Par charité, hâtez-vous de servir à la maison de Dieu. » La pièce de bois devint aussi légère qu’un bâton. François parcourut la ville de maison en maison et guérit tous les malades. La peste disparut. Il parcourut la ville de Fréjus où il fit de même. Deux églises construites, l’une à Bormes, l’autre à Fréjus et un couvent de religieux minimes, rappelèrent longtemps, le souvenir de ces prodiges.
François passa par Lyon où il fut honoré et où il était désigné comme le saint homme. S’estimaient bienheureux, hommes, femmes et petits enfants, qui pouvaient toucher ses habits, ou quelque chose du sien. Tout ce qui lui avait servi, tel que linge, paille, etc., devenait une relique précieuse, vivement disputée.
Une femme s’était procuré du foin sur lequel François avait dormi. Elle l’emporta avec piété dans sa maison et le mit sur la table. Son époux, surpris et ne pouvant s’expliquer le motif de cette action, lui dit : « Eh ! Que veux-tu faire de ce foin ? » Elle répondit : « Mon ami, c’est du foin où le saint homme a couché, je désire le garder par dévotion. » L’homme se mit en colère, insulta son épouse. Il la traita d’insensée et de superstitieuse. Il saisit ce foin avec fureur pour le fouler aux pieds. Subitement, son bras s’immobilisa et sa main se dessécha. Le malheureux reconnut sa faute et, redoutant qu’il lui arrive quelque chose de pire, demanda à être conduit vers l’ermite. Il se prosterna, confessa humblement son impiété et demanda pardon. François, attendri, l’embrassa, le bénit et lui dit : « Par charité, mon frère, relevez le bras et la main : Dieu vous a pardonné. » L’homme fut guéri et revint chez lui en glorifiant Dieu et François de Paule.
Louis XI ayant été informé de l’arrivée de François en France s’écria : « Je sens une telle joie et une si grande consolation pour les approches de ce saint personnage, que je ne sais si je suis au ciel ou en la terre ; et, pour cette nouvelle si agréable (s’adressant au courrier), demandez-moi telle récompense que vous voudrez. » L’écuyer remercia le Roi et le supplia seulement de vouloir concéder à son frère Pierre Moreau le premier évêché qui viendrait à vaquer dans son royaume, ce qui fut immédiatement octroyé. En attendant la vacance de cet évêché, il lui fit donner dix mille écus d’or. »
Quand le Roi sut que François approchait d’Amboise, il y envoya plusieurs grands de sa cour, afin de le recevoir convenablement et de lui présenter ses hommages. Le Dauphin, encore jeune, qui était relégué par son père dans le château d’Amboise, fut le premier à reconnaître, dans François, l’homme de Dieu. Ce dernier le bénit. La réception de François à Amboise fut solennelle. Le Roi, revêtu de son manteau royal vint avec tous ses seigneurs à la rencontre du religieux. Il se mit à genoux devant lui et lui demanda : « qu’il lui plût d’allonger sa vie. » Ceci se passait au château du Plessis-lès-Tours, le 24 avril 1482. François était alors âgé de 66 ans.
François refusa l’appartement que le Roi lui avait destiné dans son palais. Une petite maison, située dans la basse-cour du château et jointive avec la chapelle de Saint-Mathias, suffit pour loger notre humble ermite et les deux frères qu’il avait amenés avec lui de la Calabre. C’est là que Louis XI venait chaque jour visiter François.
La volonté absolue et le rude caractère du Roi inspiraient une vive terreur aux étrangers, comme à ses propres sujets et à ses serviteurs. Louis XI ne tarda pas à expliquer longuement à François le motif pour lequel il l’avait appelé auprès de lui. Le Roi se jetant de nouveau à ses pieds le supplia de prier Dieu pour sa guérison. François lui déclara franchement sa pensée et lui dit : « Sire, mettez ordre à votre État et à ce que vous y avez de plus précieux, qui est votre conscience ; car il n’y a point de miracle pour vous : votre heure est venue ; il vous faut mourir. » Ce langage fit frémir le prince et remplit son âme de colère et de méfiance vis-à-vis de l’ermite. Le médecin Coittier, dont l’art et les vaines promesses se trouvaient, par ce langage, accusés de fausseté et de supercherie, conçut contre François la plus vive indignation. Le Roi avait donné à ce médecin en cinq mois, cinquante-quatre mille écus comptants (à raison de dix mille écus le mois et quatre mille en plus), l’évêché d’Amiens pour son neveu et autres offices et terres, pour lui et pour ses amis.
Cependant Louis XI continuait ses visites, mais son médecin, dont la haine contre François augmentait de jour en jour, ne cessait de lui recommander une grande réserve et beaucoup de défiance. Il disait au Roi : « L’hypocrisie sait si bien revêtir les formes de la vertu ! Les particularités, entre les hommes, sont sujettes à suspicion. Souvent, il y a plus d’apparence et de surface de sainteté que non pas d’effet et de solidité. » Un jour donc, Louis XI, cédant aux soupçons, décida de mettre à l’épreuve la sainteté et le désintéressement de François de Paule. Sous prétexte de meubler la maison de l’ermite, il lui envoya un magnifique service de table, en or et en argent. François le refusa et répondit au maître d’hôtel qui le lui avait apporté : « Dites au Roi que ces richesses sont inutiles à de pauvres serviteurs comme nous ; que la condition d’ermite ne permet pas que je sois servi en vaisselle d’argent. Une écuelle, une tasse de bois et quelques vases de terre suffisent à nos besoins. Reportez tout cela à votre maître. Qu’il soit béni du Seigneur. »
Cet échec ébranla un peu la méfiance du prince et donna en même temps un démenti formel aux accusations de Coittier. Mais celui-ci utilisa ensuite un autre subterfuge. Il dit au Roi : « Sire, cette épreuve-là est trop lourde pour un homme d’esprit. Il a bien vu que l’on voulait se moquer de lui et ce lui eût été chose manifestement reprochable d’accepter l’usage d’un meuble qui est contre sa profession. Mais je m’assure que, si c’est quelque riche présent où il y ait couleur de piété, il le recevra à deux mains. » Louis XI alors répondit : « C’est chose facile ; oui, vraiment, j’ai une riche Notre-Dame, je m’en vais la lui envoyer. » Quelques jours après, l’aumônier du Roi porta à l’ermite une petite statue de la Vierge, en or massif, revêtue de riches ciselures. Elle avait coûté dix-sept mille écus. François, après en avoir admiré le travail, remit cette statue à l’aumônier et lui dit en souriant : « Vous savez, mon frère, que c’est dans la foi et non dans la matière que gît la dévotion. Je porte dans mon cœur la très Sainte Vierge, mère de Dieu, qui à présent règne aux cieux avec son fils. Au reste, j’ai une simple image de papier qui me suffit. Remerciez le roi. Que Dieu le conserve. »
Louis XI ne put croire que ce refus de la part de François fût sincère et tout à fait déterminé. Il lui renvoya donc cette précieuse image que François refusa une seconde fois. Le Roi fit présenter une troisième fois à l’ermite ce riche objet de dévotion. François, inébranlable, le refusa une troisième fois.
Malgré ces refus, le Roi voulut épuiser toutes sortes de ruses, toujours dans l’espérance de voir se vérifier ses soupçons. Il prit, un jour, un grand sac d’argent, le cacha sous son manteau et vint seul dans la chambre de François. En entrant, il lui dit : « Mon bon père, je suis venu vous parler seul à seul. » Puis, lui présentant son sac d’argent, il ajouta : « Voici que je vous donne ; prenez-le hardiment : car personne n’en aura connaissance à par nous deux. Je désirerais fort que vous l’eussiez employé pour faire bâtir un couvent de votre ordre dans la ville de Rome. » La tentation ne pouvait être plus forte : c’était au zèle de François pour le développement de son ordre que Louis s’adressait. François répondit : « Sire, il vous serait plus séant de les rendre, sur la fin de vos jours, à ceux de qui vous les tenez iniquement et charger moins vos pauvres sujets, que de faire des aumônes, libéralités, des biens qui ne vous appartiennent de droit. Telles œuvres ne sont pas de piété, mais d’impiété et d’iniquité ; Dieu et ses saints ne les demandent pas de vous. » Ce langage, si hardi et si incisif, impressionna le Roi qui venait de distribuer d’immenses aumônes dans tout son royaume. Dans la célèbre église de Saint-Martin, à Tours, il avait, par exemple, remplacé les grilles de fer qui entouraient le tombeau du saint évêque, par des balustrades d’argent massif.
À partir de ce moment, Louis XI eut confiance en François, mais il essaya encore de le tenter. Il prit un plat de poissons de sa table et le fit porter à François, en le priant de recevoir de sa main cette légère offrande. François remercia le roi, en disant : « Quelques herbes suffisent, sans plus de façon, pour la nourriture de notre corps. »
Par une belle soirée d’été. Anne de France, dame de Beaujeu et fille du roi, accompagnée de quelques gentilshommes et de plusieurs dames de haut rang se promenait dans le parc du Plessis. Une personne de la compagnie poussa un cri d’étonnement en apercevant François, près d’un arbre, en oraison, élevé de six pieds au-dessus du sol. Une couronne de lumière brillait au-dessus de sa tête ; sur son visage se reflétait la joie pure dont l’amour divin inondait son cœur. Tous le virent et l’admirèrent dans cet état. Louis, averti de ce fait, accourut aussitôt et contempla, lui aussi, François en extase. Une fois que l’admiration du prince fut satisfaite, il fit sortir tout le monde du parc et donna aux gardes l’ordre exprès de n’y laisser entrer personne jusqu’à ce que François en fût sorti.
François devint le confident du Roi, son conseiller, son plus intime ami, son soutien et son consolateur. Il ne se passait pas un jour sans qu’il reçût une visite du prince.
Le sujet habituel de leurs conversations était la miséricorde de Dieu envers le pécheur, la nécessité du repentir, la confiance en Notre-Seigneur Jésus-Christ et le bonheur du ciel. Le Roi revenait souvent de chez François les larmes aux yeux, portant sur sa figure amaigrie une douce sérénité qui s’y trouvait bien rarement.
Certains seigneurs de la cour, à cause de la singularité de son habit, de ses cheveux, qu’il ne coupait jamais et de tout son extérieur négligé, l’appelaient par raillerie le bonhomme. François ne méprisait pas les convenances. Un jour, il sortit de sa cellule, nettoyant son chaperon et arrangeant son habit. Plusieurs de ses disciples, le voyant agir de la sorte, s’approchèrent et lui dirent en souriant : « Notre père, pourquoi recherchez-vous cette honnêteté extérieure, qui semble ressentir la curiosité, au milieu d’une extrême pauvreté que vous professez et nous enseignez tous les jours ? » François répondit : « Mes enfants, j’entends que vous gardiez avec moi la pauvreté ; mais je désire qu’elle soit honnête, spécialement lorsque vous aurez à converser avec les séculiers, craignant que les immondices extérieures, effets ordinaires de la pauvreté, ne leur fassent avoir davantage cette belle vertu à contrecœur, de laquelle ils sont déjà si fort dégoûtés. »
D’une taille ordinaire, il était un peu voûté suite aux pénitences, mais robuste. Ses cheveux étaient blancs comme la neige. Il avait une longue barbe qui descendait sur sa poitrine. Il était toujours pieds nus, souvent occupé à des travaux manuels de toutes sortes.
Le parc du Plessis, avec ses bois et ses haies, incultes, était pour lui un lieu de retraite privilégié et plein de charmes ; c’est là, au milieu des ronces et des épines, qu’une fois il resta trois jours en méditation. Cette courte absence de François attrista Louis XI qui soit reparti pour la Calabre.C’est Louis XI qui a définitivement constitué la monarchie. Attaquée par les rois précédents, la féodalité était passée peu à peu des mains des seigneurs entre celles des princes. Il l’anéantit, en abattant les maisons d’Anjou, de Bretagne et de Bourgogne. Six provinces avaient été ajoutées à la France de Charles VII : l’Artois et la Picardie, la Bourgogne, le Roussillon, la Provence, l’Anjou.
C’est lui qui créa, pour ainsi dire, la justice, en rendant les juges inamovibles, qui fortifia et seconda l’essor du peuple, en permettant aux bourgeois de Paris, de porter des armes et d’acquérir, d’acheter les terres dont la noblesse serait forcée de se dépouiller. On lui doit aussi l’établissement des postes, l’organisation des bibliothèques publiques. Louis XI fit beaucoup pour la grandeur de la France. La violence, la diplomatie, la cruauté quelquefois, furent ses principales armes. Il laissa la royauté forte et puissante, mais il fit couler du sang.
Louis XI décéda le samedi 30 août 1483 à huit heures au soir, en répétant ces paroles : « Notre-Dame d’Embrun, ma bonne maîtresse, aidez-moi ! » âgé de 71 ans.
Après la mort de Louis XI, François continua d’habiter au Plessis-lès-Tours. Il conserva pendant huit ou neuf ans encore, l’étroit logement que Louis XI lui avait donné.
En 1484, les états généraux s’assemblèrent à Tours dans la grande salle de l’Archevêché. Les seigneurs réclamèrent tous les droits et privilèges dont ils avaient été dépouillés sous le règne de Louis XI. La peine de mort et d’autres châtiments contre furent infligés à ceux qui avaient servi d’instruments aux actes de Louis XI. La question de la régence fut aussi traitée ; et, après de vives contestations, soulevées par le duc d’Orléans, qui, en qualité de premier prince du sang, réclamait le titre de régent, on remit le pouvoir entre les mains d’Anne de France, épouse de Mgr de Beaujeu et sœur de Charles VIII. Le clergé demanda, lui aussi, aux états généraux, le rétablissement de la Pragmatique, que Louis XI avait abolie. Mais Robert II de Lénoncourt, archevêque, cardinal de Tours, s’y opposa vigoureusement et la demande du clergé fut rejetée.
Charles VIII avait à peine atteint sa quatorzième année, quand il fut orphelin. Il trouva dans François de Paule un ami et un protecteur. Les premières années du règne de Charles furent difficiles et entravées par de nombreux obstacles.
Le duc d’Orléans, qui avait été éloigné du gouvernement voulut organiser la guerre civile et faire revivre cette ligue des seigneurs que Louis XI avait si longtemps combattue. La régente, par son habileté et sa force d’âme, sut faire face aux ennemis de l’État et fit échouer leurs projets. La bataille de Saint-Aubin-du-Cormier en Bretagne, où Charles VIII commandait lui-même ses troupes, acheva d’anéantir le 24 juillet 1488 le parti de la noblesse, qui avait cherché à se relever et à rentrer dans ses anciens privilèges.
Vingt-deux jours avant cette bataille, François se retira dans sa cellule jeûnant et priant afin d’obtenir le triomphe du roi. Charles VIII attribua aux mérites de l’humble religieux le succès de cette guerre. Cette année même, par une lettre patente écrite au parc du Plessis et datée du 18 avril, Charles VII ordonna la construction d’un couvent pour l’ermite.
L’année suivante, une nouvelle lettre parut pour qu’une chapelle à l’usage du monastère soit construite. « Les proportions de cet édifice étaient de 78 pieds de longueur sur 28 de largeur. Onze stalles, hautes et basses, ornaient chaque côté du chœur. Dans la partie gauche de l’église se trouvaient deux petites chapelles dédiées, l’une à la Vierge, l’autre à saint Jean-Baptiste. L’église fut mise sur le vocable de Jésus-Maria. Alentour de cet édifice, on creusa les caveaux destinés à la sépulture des religieux. »
François de Paule rendit légères comme la plume des pierres et des poutres difficiles à remuer. Il guérit des ouvriers que leurs blessures rendaient incapables de continuer leurs travaux et rappela à la vie des morts. Un jour, au début du chantier, les ouvriers découvrirent en déblayant des terres un grand nombre de serpents, de vipères et de couleuvres. Craignant un accident, les ouvriers et les religieux abandonnèrent leur travail. Quelques instants après, ayant moins peur, ils revinrent et décidèrent de détruire les reptiles en les cernant dans leur repaire, par un grand feu. François de Paule survint et leur dit : « Par charité, ne faites aucun mal à ces pauvres animaux. Dieu vous laisse cette journée pour vous reposer ; demain ils auront quitté la place. » Le soir, François se rendit sur le lieu où étaient tous ces reptiles. Il les prit dans ses mains, les lia ensemble comme du sarment et les transporta hors de l’enceinte du parc, sur les bords du Cher. Il passa la nuit à faire ce travail sans subir aucune blessure. Il avait, pour les charmer, un secret puissant et efficace : la foi ! Il dit un jour à un de ses religieux qu’une vipère avait mordu : « Mon fils, ne savez-vous pas que nous avons le privilège de n’être pas offensés des serpents et bêtes venimeuses, suivant la promesse faite par Notre-Seigneur à ceux qui ont la foi vivement entrée dans l’âme ? »
Le lendemain, les ouvriers ne trouvèrent plus un seul des serpents qu’ils y avaient laissés la veille. Admiratifs, ils reprirent leur besogne avec courage et sans crainte. Le monastère fut achevé trois ans plus tard en janvier 1491.
Charles VIII le fit meubler et François de Paule, avec quatre religieux seulement, en prit possession. C’étaient les révérends pères Bernardin d’Otrante et Balthasar de Spino, venus avec lui d’Italie, un religieux profès, du mois de mars 1487 et un frère lai novice, nommé Martin Delahaie, natif de Tours.
Attirées par la réputation de la sainteté de François de Paule, beaucoup de personnes voulurent être ses disciples. De ce nombre fut le révérend père Binet, prieur de la célèbre et riche abbaye de Marmoutier, fondée par saint Martin, près de Tours. Ce religieux n’hésita pas à renoncer à sa dignité pour revêtir la bure des ermites et vivre sous la conduite du plus pauvre des hommes. La communauté eut en peu d’années un développement prodigieux. Des groupes s’en détachèrent : des princes, des seigneurs, s’adressaient de toutes parts à François, pour obtenir des maisons de son ordre. François fonda vingt-huit monastères entre son arrivée en France en 1480 et sa mort en 1507, tant en Allemagne qu’en France et en Espagne. Neuf dépendaient de la province de Tours ; les couvents de Nantes, d’Amboise, de Blois, de Notre-Dame-des-Châtelliers au diocèse du Mans, de Châtellerault au diocèse de Poitiers, de Bracancourt au diocèse de Langres, de Gien au diocèse d’Auxerre, de Montgaugez au diocèse de Tours et de Bômiers au diocèse de Bourges. Charles VIII fit construire ceux de Rome et d’Amboise. Ce dernier, bâti au pied du château rappela l’accueil bienveillant que le roi, encore dauphin avait reçu de François lors de son passage par cette ville. Celui de Rome fut élevé en Actions de grâces des triomphes que Charles VIII avait obtenus dans sa campagne d’Italie. Situé sur le mont Pincio, il fut occupé par des religieux minimes français jusqu’à la Révolution. François fit la déclaration suivante : « À tous ceux qui ces présentes lettres verront, frère François de Paule, humble instituteur de l’ordre des Frères minimes et par la grâce de Dieu et concession du Saint-Siège apostolique, correcteur général et supérieur, quoiqu’indigne, de tous les ermitages, résidences et personnes religieuses tant de l’un que de l’autre sexe, qui vivent sous l’observance dudit ordre, salut en Notre-Seigneur.
Considérant pieusement que la majesté du roi de France nous a fondé un couvent de notre ordre à Rome, appelé la Très-Sainte-Trinité du mont Pincio : à cette cause, tant pour conserver la mémoire du bienfait que nous avons reçu, que pour obliger les frères de notre ordre qui résideront audit couvent d’être plus mémoratifs, en leurs prières ordinaires, du salut de nos bienfaiteurs : Nous voulons et ordonnons que, dès à présent et à toujours, le couvent de la Très-Sainte-Trinité du mont Pincio, situé en la ville de Rome, soit régi et gouverné par nos frères de la nation française, tant qu’il s’en trouvera qui veuillent résider en ce lieu-là et s’acquitter du service divin. Que s’il ne s’en trouve point de cette nation qui veuille habiter ledit couvent, nous voulons (parce que nous devons être unanimes en Jésus-Christ) qu’il puisse être régi et habité par d’autres. Pareillement nous voulons que, si le nombre des religieux français qui y habiteront n’est suffisant pour occuper toute la maison, en ce cas l’on y puisse mettre avec eux des religieux des autres nations.
Donné au couvent de Jésus-Maria, proche de la ville de Tours, le neuvième de juillet, mil cinq cent un, en présence de nos religieux : frère Bernardin de Cropulatu, Jean le Comte et René Leclerc, correcteur, qui ont été appelés pour témoins et signé.
Par le commandement dudit R. P. François de Paule, instituteur,
BOURREAU, notaire apostolique et impérial. »
François désirait établir une maison de son ordre à Paris ; dans ce but, il envoya deux de ses religieux, munis des instructions nécessaires, mais le conseil de l’Évêque s’opposa aux intentions de l’ermite. Deux docteurs en théologie, Jean Quentin, pénitencier de Notre-Dame et Jean Standonc, né à Malines en Brabant, principal du collège de Montaigu, se montrèrent les plus hostiles à l’établissement de ce nouveau monastère. Les deux religieux revinrent à Tours et firent part à leur bienheureux père de leur échec. Ce dernier ne s’en affligea point et remit aux soins de la divine Providence l’accomplissement de ses vœux. Quelque temps après, les deux docteurs furent envoyés en mission auprès du roi Charles VIII, qui était alors à Amboise. Ils ne voulurent pas s’en retourner à Paris sans avoir vu cet ermite dont ils avaient combattu la demande. Arrivés à Tours, ils descendirent à l’auberge du Renard, près de la Tour-Hugon. François fut instruit de ce voyage par une lumière divine ; il appela deux de ses frères et leur dit : « Mes frères, allez à la ville, en une hôtellerie où pend pour enseigne “le Renard”. Vous y trouverez deux docteurs, saluez-les de notre part et leur présentez le couvent pour logis, si c’est chose qui leur soit agréable. »
Quel ne fut pas l’étonnement de Jean Quentin et de Jean Standonc dont le voyage était secret ? Impatients de voir François, ils partirent aussitôt pour le Plessis, en compagnie des deux religieux. Ils voulaient mettre à l’épreuve la science religieuse de François. Ils lui proposèrent les questions les plus difficiles et les plus abstraites sur la théologie et sur les Saintes-Écritures. François résolut toutes leurs questions, avec sagesse, précision et facilité. Avant de les congédier, François leur dit : « Messieurs, vous m’avez été contraires par le passé et avez empêché l’établissement de notre ordre près la ville de Paris ; mais, maintenant, vous le chérirez d’autant plus, que vous en serez les procureurs. » Ces deux théologiens, à peine de retour à Paris, demandèrent à François six religieux pour y établir un couvent. Jean Quentin les nourrit et les logea dans sa propre maison pendant seize mois. Jacques de Moihier, seigneur de Villiers, donna ensuite, le 26 août 1493, un vieux château situé à Nigeon où le monastère des Minimes, connu plus tard sous le nom de Notre-Dame de Toutes-Grâces-les-Paris fut construit.
Ferdinand V combattait les Maures, afin de les chasser de ses États. Il les avait attaqués dans Malaga, mais les difficultés du siège de cette ville étaient telles que le Roi, découragé, hésitait à poursuivre plus longtemps les ennemis de son royaume et de la Religion.
Un jour, selon la tradition, Jésus-Christ apparut à François et lui révéla l’issue des combats. Il lui dit : « Que si déjà Ferdinand n’avait pas triomphé des infidèles, c’était pour lui apprendre à n’attendre la victoire que de Dieu seul et à ne compter que sur la force du Tout-Puissant. » Il ordonna à François d’envoyer deux religieux vers le Roi. Les révérends pères Bernardin de Cropulatu et Jacques l’Épervier, partirent alors du Plessis-lès-Tours, pour annoncer à Ferdinand son triomphe sur les Maures. Le jour où ils arrivèrent était celui où le Roi allait lever le siège de Malaga. La nouvelle qu’on lui apporta, de la part de François de Paule, releva son courage et réveilla sa confiance en Dieu. Dès la nuit suivante, une frayeur subite saisit les infidèles renfermés dans l’enceinte de Malaga. Ils prirent la fuite en poussant des cris affreux et laissèrent la ville entièrement libre. Le lendemain, 18 août 1847, le Roi y fit son entrée, accompagné de la reine Isabelle. Ainsi fut délivrée Malaga, qui était au pouvoir des musulmans depuis 714. Ferdinand continua avec succès la guerre contre les Maures, dont l’entière expulsion s’opéra en 1492.
L’asservissement de l’Espagne par les barbares était la conséquence des crimes du roi Rodrigue et de son attentat sur la fille du comte Julien, gouverneur de Ceuta. En 712, celui-ci, par vengeance, favorisa l’entrée des Maures en Espagne.
Ferdinand reconnut l’intervention de François. Il fit construire un ermitage dans l’emplacement même de sa tente auprès de Malaga, pour conserver le souvenir de sa première victoire. Dans l’église de cet ermitage, converti plus tard en un beau couvent, une image de saint François de Paule fut placée avec cette inscription au bas :
« Il annonce (François), par deux frères Minimes, à Ferdinand V, roi des Espagnes, la victoire sur les Maures, possesseurs de ce royaume depuis 800 ans. »
Après s’être rendu maître de toute l’Espagne, Ferdinand écrivit à François de Paule pour lui demander d’envoyer douze religieux, auxquels il légua un magnifique monastère, sous l’invocation de Notre-Dame-des-Victoires. De là, le nom de frères de la Victoire, donné pendant longtemps aux Minimes dans ce pays. Parmi ces douze religieux, il y avait Ferdinand Panduro et Boijlle, qui, abbé des Bénédictins du Montserrat, avait embrassé l’ordre des Minimes. Ce dernier fut le premier apôtre du Nouveau-Monde. Il accompagna Christophe-Colomb dans sa découverte de l’Amérique.
Un frère lai, Martin Marmolejo, était venu à Tours en commission auprès de François de Paule. Après un court séjour au couvent du Plessis, alors qu’il partait, François lui donna pour bâton de voyage une petite branche de mûrier, en lui recommandant de la planter en terre dès son arrivée au couvent. Il exécuta cet ordre avec soin. Le bois sec devint un grand arbre. Quelques années plus tard, comme l’usage de ses feuilles pour élever les vers à soie n’était pas encore connu, il fut coupé. De sa souche sortirent des rejetons vigoureux, qui permirent de multiplier cet arbre. Les religieux en découvrirent bientôt l’utilité, qu’ils propagèrent ensuite dans toute l’Espagne. Telle fut dans ce pays l’origine de l’industrie séricicole, devenue, par la suite, pour ses habitants, la source de richesses.
En revenant d’Italie en France, en 1495, Charles VIII rencontra près de Fornoue, sur les bords du Taro, une armée ennemie composée de 40 000 hommes ; il n’en avait, lui, que 8 000 à leur opposer. Le Roi, malgré sa faiblesse et sa petite taille, combattit avec une noble ardeur. Il ne s’était jamais trouvé plus en danger que dans ce combat. L’armée des Italiens fut mise en déroute et laissa 3 000 hommes sur le champ de bataille. Les Français n’en perdirent pas 200. François, instruit des difficultés soulevées de Charles VIII, avait commencé avec ses religieux, dix-sept jours avant cette bataille, à redoubler de jeûnes et de prières, en faveur de l’armée française. Le Roi sut reconnaître ce qu’il devait à François. Il n’entreprenait rien de grave ni d’important, sans l’avoir consulté. Ce fut le cas pour son mariage avec Anne de Bretagne qui conduisit au rattachement de la Bretagne à la France.
Charles VIII désigna François pour nommer le Dauphin sur les fonts sacrés du baptême.
Suivant Commines, « il l’appelait le saint homme pour sa vie. Et pour moi, je ne pense point jamais avoir vu homme vivant une si sainte vie, ni où il semblât mieux que le Saint-Esprit parlât par sa bouche. Je l’ai maintes fois ouï parler devant le Roi qui est de présent (Charles VIII), où étaient tous les grands du royaume et encore depuis deux mois. Mais il semblait qu’il fût inspiré de Dieu ès choses qu’il disait et remontrait : car, autrement, n’eût su parler des choses dont il parlait. »
Quand il se trouvait au château du Plessis-lès-Tours, Charles VIII n’avait pas de plus grand bonheur que de s’entretenir avec l’ermite. Mais, un jour, il ne put entrer dans sa cellule. François, plongé dans l’oraison, n’entendit pas le Roi qui avait pourtant frappé trois fois à sa porte. Un long soupir, échappé de la poitrine de l’ermite, fut le seul indice indiquant qu’il n’était pas mort, comme le Roi le craignait.
Bossuet écrivit dans le Panégyrique de saint François de Paule : « Ce vieillard vénérable, que vous voyez marcher avec une contenance si grave et si simple, soutenant d’un bâton ses membres cassés, il y a soixante-dix-neuf ans qu’il fait une pénitence sévère. Dans sa treizième année, il quitta la maison paternelle ; il se jeta dès lors dans la solitude, il embrassa les austérités. À quatre-vingt-onze ans, ni les veilles, ni les fatigues, ni l’extrême caducité ne lui ont pas encore fait modérer l’étroite sévérité de sa vie. Il fait un carême perpétuel, éternel ; et, durant ce carême, il semble qu’il ne se nourrisse que d’oraisons et de jeûnes. Un peu de pain est sa nourriture ; de l’eau toute pure étanche sa soif ; à ses jours de réjouissance, il ajoute quelques légumes : voilà les ragoûts de François de Paule ; en santé et en maladie, tel est son régime de vie. »
François disait à ses disciples : « Si un oiseau ne peut voler sans avoir deux ailes, de même un chrétien ne saurait marcher dans la voie du salut sans l’humilité et la chasteté. » Il plaçait trois dévotions au-dessus de toutes les autres : la communion fréquente, la méditation réitérée sur les douleurs de Jésus-Christ et un culte spécial pour la très Sainte Vierge Marie.
La femme d’un marchand, nommé Jean Messénage, était atteinte de violentes douleurs d’entrailles, que les médecins ne pouvaient calmer. Elle n’avait de repos, ni jour ni nuit ; tout espoir de guérison était perdu. Un jour, un de ses neveux alla au couvent du Plessis la recommander aux prières de François. Le saint accueillit ce jeune homme avec affabilité, l’écouta avec bienveillance ; puis, lui remettant un chapelet et une chandelle bénite, il lui dit : « Allez mon enfant, portez cela à votre tante et lui dites, de ma part, qu’elle fasse allumer cette chandelle et que, pendant qu’elle brûlera, elle récite son chapelet. » La malade, ayant suivi ce conseil, se trouva subitement guérie ; et, depuis ce moment jusqu’à sa mort, elle vécut sans avoir éprouvé aucun nouvel accès de ses souffrances.
Les deux enfants de Charles VIII moururent jeunes. Leur tombeau est dans la cathédrale de Tours. Ce monument, fait en marbre blanc, est surmonté des deux figures des jeunes princes, en marbre. Les corps y sont renfermés dans deux urnes, dont l’une en plomb et l’autre en bois précieux, recouverts d’un voile de soie. Charles VIII mourut jeune : en traversant une galerie étroite et obscure, dans le château d’Amboise, il heurta son front contre une porte et expira quelques heures après, le 7 avril 1498. Mort sans postérité, il eut Louis XII pour successeur.
François de Paule pensa alors retourner en Calabre. Il envoya, du Plessis-lès-Tours, deux religieux vers le nouveau roi, qui se trouvait à Blois. Louis XII qui ne connaissait pas les vertus de François ne fit pas de difficultés. Dès que la nouvelle fut connue, on s’empressa de faire remarquer au Roi la perte irréparable que la France allait faire en laissant partir François de Paule. Le cardinal d’Amboise fit comprendre au Roi les précieux avantages qu’il en pouvait retirer pour lui-même. Un courrier partit en toute hâte, avec l’ordre de ramener les deux religieux qui portaient à Tours le sauf-conduit de François de Paule.
Quand ils furent revenus auprès de Louis XII, il leur dit : « Je n’entends pas que le bon père sorte hors de mon royaume. Dites-lui que, dans peu de jours, nous le verrons et l’assurez de ma part que si les rois mes prédécesseurs ont aimé et chéri son ordre, il ne me trouvera pas moins affectionné en son endroit. »
Quelques jours après, il vint, comme il l’avait promis, voir François au couvent du Plessis-lès-Tours. Cette visite suffit pour l’attacher à l’ermite. Le Roi dit : « Je n’eusse jamais cru que la terre eût porté un homme si saint. Je vous jure qu’il m’a découvert des secrets de ma conscience qui n’étaient connus que de Dieu seul. »
Louis XII se montra dès lors aussi jaloux que les rois précédents de combler de ses bienfaits le pauvre ermite de Paule. Les démêlés fâcheux qu’il eut, pendant son règne, avec le Pape, lui apprirent bientôt à connaître par lui-même les mérites de François. Car on attribue généralement à Franois la gloire d’avoir ménagé la paix faite entre Louis et Jules II.
François voulut à la fin de sa vie mettre la dernière main aux constitutions de son ordre religieux et donner à ses enfants une loi sainte, une discipline dont l’accomplissement leur ouvrirait les cieux.
Étant encore dans la Calabre, il avait fait une règle, qui renfermait les trois vœux ordinaires, d’obéissance, de chasteté et de pauvreté.
La vie quadragésimale y était aussi prescrite, mais elle ne fut définitivement adoptée comme vœu, par la cour de Rome, que sur les instances réitérées de Charles VIII le 26 février 1492.
Lorsqu’Alexandre VI avait approuvé la première règle qui lui avait été soumise par François de Paule, il lui avait laissé la faculté d’y faire, plus tard, tous les changements qu’il croirait convenables et utiles. Une assemblée générale des pères de l’ordre les plus distingués par leur science et leurs vertus se fit au couvent du Plessis-lès-Tours. Il y fut discuté de plusieurs articles qui paraissaient exiger des modifications. Il fut décidé, avec le consentement de tous, que François composerait une nouvelle règle. Il la termina un an environ avant sa mort, il l’envoya présenter au Pape par les révérends pères François Binet et Louis Lustan. Jules II, après l’avoir examinée, l’approuva le 28 juillet 1506 par une bulle dont voici le texte :
« Jules II, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour servir de monument à la postérité !
Entre les deux ordres religieux d’étroite observance qui ornent et embellissent l’Église militante comme de riches pierres précieuses, nous chérissons spécialement celui des Minimes. Nos fils bien-aimés François de Paule et ses disciples, qui se vouent au service de Dieu avec tant de zèle, en vivant dans la chasteté, la fuite du monde et l’abandon du siècle, donnent à l’Église militante un éclat merveilleux par la pratique des plus hautes vertus. Leur exemple aussi est si puissant, qu’il en attire d’autres au service de la divine Majesté. Or, après avoir mûrement considéré tout ce qui a été établi par François, pour le maintien, la direction et le gouvernement de son ordre (ce que l’on croit avoir été fait par l’inspiration divine), nous inclinons de bon cœur à donner l’appui du Saint-Siège apostolique à toutes ces choses, afin qu’elles puissent se maintenir avec plus de stabilité. — Voici l’objet de la supplique qui nous a été présentée naguère, de la part du susdit François.
Ayant formé l’ordre dit des Minimes, François avait d’abord établi une règle qui renfermait dix chapitres pour les frères de l’ordre et sept à l’usage des fidèles de l’un et de l’autre sexe formant le tiers ordre. Alexandre VI, d’heureuse mémoire et notre prédécesseur, daigna, du consentement et de l’avis de ses vénérables frères les cardinaux, confirmer cette règle. Mais le même François, croyant qu’elle n’était pas assez parfaite, dans l’intérêt dudit ordre et de ses divers membres, en a examiné, considérés attentivement les chapitres, pesé les motifs et a reconnu que quelques-uns devaient être changés et corrigés ; il les a donc adoucis, corrigés, changés, augmentés et réformés. Il a de même rédigé de nouveau en dix chapitres la règle des sœurs dudit ordre. Or, après avoir ainsi rédigé, changé, augmenté toutes ces choses, François lui-même a voulu et ordonné que ces trois règles ainsi disposées soient acceptées et observées à perpétuité par chacune des personnes du même ordre, présentes et à venir. Pour ce faire, il désire notre bénédiction, approbation et confirmation. Nos fils bien-aimés Bernardin, cardinal et prêtre de Sainte-Croix et Octavien Arcimbolde, notre référendaire particulier, les ont vues, examinées mot par mot et annotées. C’est pourquoi, voulant répondre aux humbles vœux dudit François, qui a demandé que nous daignions accorder notre bienveillance apostolique à ces susdites règles ainsi changées, modifiées, augmentées et réformées.
Nous, après avoir entendu, dans notre consistoire secret, le rapport fait sur ces règles par le cardinal Bernardin et Octavien qui affirment que ces chapitres et règlements ne renferment rien de contraire aux sacrés canons ; considérant que les Frères Minimes peuvent, comme des moissonneurs actifs, dans le champ du Seigneur, apporter des gerbes abondantes à la moisson du maître ; qu’ils peuvent, comme de bons ouvriers dans la vigne du père de famille, y détruire, tous les jours, les vices et les passions qui ressemblent à des ronces et à des épines ; qu’ils peuvent enfin introduire dans la cour céleste des brebis appartenant au bercail du Seigneur, après les avoir engraissées de la doctrine sainte du salut ;
Désirant ensuite que ces susdites règles de l’ordre des Minimes deviennent comme un flambeau dont la lumière, dans l’Église militante, conduise les cœurs pénitents, qu’elles soient fidèlement observées par tous tes membres présents et futurs de ce même ordre, délions ledit François, tous et chacun en particulier de ses frères qui vivent sous les présentes règles, de toute excommunication et des trois règles approuvées par notre prédécesseur et annulons ces mêmes règles. Mais, inclinant aux supplications de cet ordre, nous approuvons et confirmons, selon la teneur des présentes, les trois nouvelles règles, ordonnances et statuts, avec leurs chapitres ainsi changés, corrigés, augmentés et réformés et tout ce qu’ils contiennent. Et, pour plus de sûreté, nous statuons et ordonnons que tous et chacun de ces règlements faits par François seront, dans leur ordre et disposition ainsi tracés, accomplis par tous les religieux présents et futurs ; que la première de ces règles continuera d’être appelée, comme auparavant, la règle des frères de l’ordre des Minimes ; que la seconde sera celle des religieuses ; et que la troisième sera destinée aux fidèles de l’un et l’autre sexe, dits du tiers ordre.
Donné à Rome, dans l’église de Saint-Pierre-et-de-Saint-Paul, apôtres, l’année de l’incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ 1506, le 5 des calendes du mois d’août et de notre pontificat d’an IIIe. »
Cette nouvelle règle, que l’on dit avoir été vraiment inspirée de Dieu à saint François de Paule, renferme vingt-sept chapitres. Dix concernent les frères, dix autres les religieuses et les sept derniers sont pour le tiers ordre.
François, dès le commencement, y expose et rappelle les grands principes qui sont la base du Christianisme et de la perfection religieuse. Il demande donc l’accomplissement fidèle des préceptes de Dieu et de l’Église, une soumission parfaite, entière, au Souverain pontife Jules II, ainsi qu’à tous ses légitimes successeurs.
Après ce préambule vient l’obligation de rester fidèle aux quatre vœux de chasteté, d’obéissance, de pauvreté et de vie quadragésimale, pendant toute la vie. Car, y est-il dit, « les frères doivent se rappeler qu’il ne suffit pas de commencer le bien, si on l’abandonne avant la fin de la vie. La couronne est donnée à ceux-là seulement qui persévèrent. »
Les frères se divisent en trois classes : les frères clercs, les frères convers et les oblats. Pour y être admis, il faut être âgé au moins de dix-huit ans. La durée du noviciat est d’une année. Si, après ce laps de temps, les frères profès et le promoteur surtout, rendent un bon témoignage de la vie et des mœurs du novice, celui-ci, alors, est admis à faire sa profession en présence de toute la communauté. Il contracte ses engagements, en prononçant à haute voix la formule suivante :
« Je, Frère N., voue et promets à Dieu tout-puissant, à la bienheureuse Vierge Marie, à toute la cour céleste et à vous, mon révérend Père N et à cet ordre sacré, de demeurer ferme et de persister, tout le temps de ma vie, sous la manière de vivre et la règle de l’ordre des Frères-Minimes de saint François de Paule, laquelle est approuvée par le Très-Saint-Père le Pape Jules II, en vivant avec persévérance sous les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance et de la vie quadragésimale, suivant les déterminations prescrites dans la même règle. »
Les oblats ajoutent :
« Et de plus, je promets de garder la foi de ce même ordre et de représenter fidèlement les aumônes qui lui seront faites. »
La vie quadragésimale des Minimes consiste à ne manger jamais, ni viandes, ni graisse, ni beurre, ni œufs, ni fromage, ni lait, ni mets d’aucune sorte préparés ou composés avec l’une de ces espèces d’aliments.
François de Paule dit dans sa règle, « le jeûne purifie l’esprit et l’élève au-dessus des sens, en lui soumettant la chair ; il humilie et touche le cœur de repentir, mortifie la concupiscence en éteignant le feu des passions ; il produit et entretient la chasteté. »
Il dit aussi : « Sachez, ô, mes frères ! combien sont grandes la force et la puissance de la prière continuelle et pure des justes. C’est un fidèle messager qui exécute avec soin le commandement et qui pénètre là où la chair ne saurait avoir d’accès. »
Il termine ainsi :
« Voilà, mes très chers frères, la loi sainte et la règle pleine de douceur que nous vous donnons. Nous vous exhortons à la recevoir avec humilité et à l’observer fidèlement, afin que le Seigneur vous accorde, en récompense de votre soumission et de votre fidélité, sa grâce, ses bénédictions et la gloire éternelle. Ainsi soit-il ! »
François avait de plus composé un correctorium, c’est-à-dire un petit code de lois pénales, qui fixait les peines encourues par les contraventions aux différents articles de la règle. Jules II l’approuva également et le confirma par une bulle particulière.
Âgé de 91 ans, une nuit, le 15 janvier 1507, selon la tradition, François de Paule entendit une voix douce et amoureuse lui disant : « Viens, viens et tu seras couronné. » L’époque de sa mort lui fut en même temps révélée. À partir de ce moment, il ne sortit plus de sa cellule où il se préparait, par un redoublement de prière et de pénitence, au passage vers l’éternité.
Il ne redoutait pas la mort, mais il l’appelait de ses veux en lui disant : « Ô mort ! bien que tu paraisses cruelle et redoutable, tu ne me feras aucune peine, parce que tu ne m’enlèveras rien de ce que j’aime ; mais tu achèveras l’ouvrage que j’ai commencé il y a plus de 80 ans. Tu briseras d’un seul coup les liens qui me retiennent captif ici-bas. Hélas : Mon pèlerinage se prolonge depuis trop longtemps ! Puissé-je avoir les ailes de la colombe, afin que je prenne mon essor vers les cieux et que j’aille me reposer dans le sein de mon Dieu ! Mais ne sois pas triste, ô, mon âme ! Espère en celui qui est ton salut et ta force ; bientôt nous irons dans la maison du Seigneur. »
Le dimanche des Rameaux, le 24 mars 1507, il éprouva la première atteinte du mal qui devait mettre un terme à son existence le 28 mars 1507). La fièvre le prit, pour ne plus le quitter jusqu’à sa mort. Malgré son extrême faiblesse, il voulut une fois encore célébrer la Pâque avec ses disciples bien-aimés. Le Jeudi-Saint : dès le matin, François rassembla en chapitre tous ses frères ; et, assis au milieu d’eux dans la seconde sacristie de l’église, il leur adressa ces paroles : « Comme ainsi soit qu’en toutes nos œuvres nous devions imiter notre Sauveur Jésus-Christ, notre chef et vrai capitaine, les mérites duquel nous donnent la grâce en terre et nous promettent la gloire au ciel, il m’a semblé à propos, en cette mienne et dernière volonté, de vous laisser, à vous qui avez fidèlement accompagné mes travaux, que j’ai révérés comme mes pères et ai aimés en charité comme mes enfants, de vous laisser, dis-je, une instruction par le moyen de laquelle vous puissiez graver en votre mémoire une perpétuelle souvenance du moyen de chasser votre ennemi commun et appeler à votre secours la miséricorde de votre Père aimable sur toutes choses et qui règne dans les cieux. Il appartient donc au soldat chrétien et à qui que ce soit qui combat sous l’étendard de la croix de dresser ses œuvres à trois fins seulement qui sont un chemin assuré pour les conduire au jardin de délices, qui est le royaume des cieux. C’est premièrement de faire toutes choses pour la gloire de Dieu ; secondement, pour le désir de notre propre salut et puis pour la charité et le soulagement du prochain.
La gloire de Dieu consiste à l’aimer en notre intérieur, l’honorer aussi et le révérer extérieurement.
Notre salut dépend de ces deux points : s’abstenir du mal et faire le bien. La charité du prochain, c’est l’aider par œuvres et le consoler de paroles.
Nous devons donc avoir ces trois objets pour but de nos œuvres et intentions qui servent comme de plumes aux ailes de notre âme, pour pouvoir prendre leur vol vers le nid céleste, qui est notre demeure. En cette manière, vous voyez le gage de mon amour reposer en Jésus-Christ, conservé en vous et communiqué au prochain.
Et sachez pour tout certain que, tant que nous mettrons notre amour en Dieu, il ne nous pourra être dérobé de l’ennemi, et, tant que nous le conserverons en nous, l’oisiveté ne nous pourra pas assaillir, laquelle est ennuyeuse et ennemie des œuvres de charité. Tandis aussi que nous la communiquerons à notre prochain, nous chasserons arrière de nous tout ennui, origine du péché, par lequel Satan persuada à nos premiers parents de commettre la première offense contre la Divinité ; et, parce que tout fondateur de règle, en quelque ordre que ce soit, doit viser à ces trois points ; et qu’ayant été chargé de notre Dieu de rétablir sur terre cette religion des frères Minimes, afin que, par le moyen d’icelle, plusieurs personnes excellent en sainteté de vie, pourtant nous dresserons tout notre zèle à rechercher et à conserver la gloire de Dieu le Créateur, après cela notre propre salut, puis à secourir notre prochain.
Que si le Fils de Dieu a tant fait et pâti, pour nous, devons-nous être lâches et paresseux à l’imiter pour l’avancement de sa gloire et le soulagement do ses ouailles ? Je vous dis que, pour vous maintenir en charité. Il faut que vous vous unissiez avec Dieu, qui est la vraie charité et puis, comme ses imitateurs, vous communiquer en charité au prochain, lui survenant à ses nécessités, l’admonestant de ses fautes et priant pour lui. À raison de ces deux, vous souvienne aussi que Jésus-Christ nous commande, non seulement d’aimer nos amis, mais aussi nos ennemis et faire bien à ceux qui nous haïssent et prier pour eux. Il nous en a laissé l’exemple, lorsque, avec une profonde humilité, il lava les pieds à Judas, qui s’était déjà déclaré son ennemi. Il pria aussi pour ceux qui le crucifièrent. Comme, depuis, l’ont imité saint Étienne, saint André et tous les saints, en cette belle vertu de charité spécialement, bien qu’en toutes les autres ils se soient déclarés vrais disciples de notre Sauveur.
C’est cette vertu particulièrement entre les autres que je vous recommande d’observer. Car ce petit ordre se maintiendra tant qu’il plaira à la souveraine bonté divine de maintenir en paix et concorde cette sainte congrégation et famille. J’espère de la bonté de Dieu vous signifier ce que je désire, avant ma mort, qui sera dans peu de jours. »
Il restait néanmoins parmi les frères quelques esprits encore indécis et doutant de la possibilité de respecter l’abstinence perpétuelle. Le poêle qui chauffait la sacristie, où tous se trouvaient réunis, parut tout à coup embrasé et mit le feu au plancher de l’appartement. La frayeur fut générale. Le vieillard, calme et tranquille, se leva, s’avança doucement vers le poêle enflammé, le prit dans ses mains et le montrant aux religieux, il leur dit : « En vérité, je vous assure qu’il n’est pas plus difficile à celui qui aime Dieu d’accomplir ce qu’il lui aura promis, qu’à moi de tenir ce feu entre mes mains. »
À cette vue, tous les frères, étonnés, se prosternèrent aux pieds de leur patriarche et lui promirent de garder inviolablement jusqu’à la mort tous les points de la règle. François alors les embrassa, et, de sa main tremblante, les bénit au nom du Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit.
Ensuite, le chapitre étant terminé, un religieux donna le bras au vieillard épuisé de fatigues Il le conduisit à l’église, où il assista au saint sacrifice de la messe célébrée par le révérend père Léonard Barbier.
Le cordon au cou, les pieds nus, les mains jointes, François, durant toute la messe, tint les yeux fixés sur l’autel ; des larmes de tendresse inondant son visage, son front radieux. Au moment de la communion, ses traits revêtirent une expression que rien ne saurait reproduire : ce fut un mélange tout à la fois d’amour, d’espérance, d’humilité, de bonheur et de joie.
La messe achevée, François voulut rester dans l’église pour y faire son Action de grâces, tandis que les frères continuaient le reste de l’office ; mais il fallut bientôt le reconduire dans sa cellule : ses forces l’abandonnant de plus en plus.
Quelques instants après, lorsque le vieillard se fut un peu reposé, le frère Berthe vint lui demander s’il désirait qu’on lui lavât les pieds, comme on a coutume de le faire dans l’ordre le jour du Jeudi-Saint. Il lui répondit : « Il n’est pas besoin de me laver les pieds ; demain, vous ferez de moi ce que vous voudrez. »
Dès le matin du vendredi, François, qui connaissait l’heure de sa mort, fit assembler dans sa cellule tous ses religieux et leur adressa pour la dernière fois la parole en ces termes :
« Vous vous souvenez, mes très aimés frères, que je vous ai exhortés ; ce que je vous recommande surtout, c’est la charité envers Dieu, à vous-mêmes et au prochain.
Vous savez à présent que toute congrégation qui vit à l’imitation de son chef, notre Sauveur Jésus-Christ, a besoin d’un qui lui soit maître et ministre : maître, pour reprendre le mal et ministre, aidant au bien.
Notre Sauveur le dit ainsi à ses apôtres en un lieu : “Vous m’appelez maître et seigneur.”
En l’autre, il dit : “que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir.”
Pourquoi je vous supplie tous, bien qu’après ma mort vous ayez le droit et le pouvoir de faire élection, telle que bon vous semblera, de permettre que je vous en députe et déclare un entre tous les autres, qui me succède en la charge et de le reconnaître pour vicaire général jusqu’à l’année prochaine, que vous vous assemblerez pour faire élection d’un général de l’ordre, en l’assemblée et le chapitre général qui se tiendra à Rome.
Au reste, mes enfants, cette pauvre religion est fondée en l’obédience, en pauvreté, chasteté et observance de la vie quadragésimale. Pour la pauvreté, que le souverain monarque du ciel vous remplisse de sa divine sapience ; pour la chasteté, qu’il vous donne les délices intellectuelles de la fruition divine ; pour la vie quadragésimale, qu’il vous rassasie des viandes célestes ; et enfin, pour l’obédience, qu’il vous mette le sceptre en la main, par lequel, comme enfants d’élection, il vous fasse seoir comme juges sur les tribus d’Israël. »
Ayant ainsi parlé, François choisit le révérend père Bernardin d’Otrante pour son successeur jusqu’au prochain chapitre général, où l’on devait élire canoniquement un général de l’ordre. Mais ce ne fut pas sans peine que ce religieux accepta l’emploi de supérieur. Il fallut que François insiste. Il lui dit : « Acceptez librement cette charge et souvenez-vous que la sagesse du monde est une folie devant Dieu. » Puis, les révérends pères Jacques l’Épervier et Matthieu Michel furent désignés, avec le père correcteur de Tours, pour servir de conseil et d’assistants au père d’Otrante.
Tout étant ainsi réglé dans l’ordre, François reçut le sacrement de l’Extrême-Onction. Il bénit ensuite de sa main défaillante ses disciples fondant en larmes et les congédia pour ne plus les revoir en cette vie.
Quelques-uns seulement restèrent auprès de lui, afin de recevoir son dernier soupir et d’être témoins de sa mort.
Sentant ses derniers moments approcher, François demanda que l’on récitât, devant lui, toute la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, selon saint Jean, les sept psaumes de la pénitence et les litanies des saints. Prenant ensuite un crucifix, il le couvrit de mille baisers affectueux, le serra sur son cœur, fixa ses yeux attendris sur cette image et prononça, avec l’accent du plus vif amour, ces paroles saintes :
« Seigneur, je remets mon âme entre vos mains. »
Puis, il ajouta en latin :
« O, bon Jésus, pasteur compatissant, conservez les justes, justifiez les pécheurs, ayez pitié de tous les fidèles vivants et morts et me soyez surtout propice à moi pécheur. — Ainsi soit-il.
JÉSUS-CHRIST ! — MARIE ! »
Il était dix heures du matin ; il baissa la tête comme dans un doux sommeil et rendit le dernier soupir.
Au même instant, un délicieux parfum se répandit dans l’humble cellule, qui ne renfermait plus que la dépouille mortelle du saint ; et l’on entendit dans les airs un chœur de voix célestes qui chantaient un hymne d’Actions de grâces et de triomphe. Telle fut la mort du fondateur de l’ordre des Minimes, au couvent du Plessis-lès-Tours, le 2 avril 1507.
À peine son âme fut-elle en possession de l’éternité, que son corps devint l’objet de vénération. Sa dépouille fut portée, par les religieux, dans la chapelle du couvent et y resta exposée pendant onze jours. Dans cet intervalle, une multitude de personnes se pressa vers le monastère du Plessis, pour implorer ce puissant ami du Seigneur. On compta plus de 6 000 personnes en une journée. Son visage, découvert, paraissait plein de vie. De son corps, sans corruption, ni défecture et sans aucune mutation de sa face, mains, pieds, s’exhalait un suave parfum qui embaumait toute l’église. Des paralytiques, des estropiés, des aveugles, des sourds, des muets, furent guéris.
La veuve Legier, marchande à Tours ; affligée depuis longtemps d’un ulcère à la poitrine, qui lui causait de graves souffrances, priait pour la deuxième fois auprès des restes vénérés du Minime, lorsque tout à coup elle sentit ses douleurs cesser. Son mal avait disparu sans laisser de traces ; elle était guérie. Une petite fille de quatre ans, nommée Jeanne Royon, aussi de la même ville, recouvrit subitement l’usage d’un œil dont elle ne voyait plus en touchant le corps de François.
Son cilice, sa ceinture de cuir, ses habits, sa discipline furent distribués à la foule, qui les demandait avec insistance. On dit que sa tunique devint l’heureuse portion de vingt gentilshommes.
Le 12 avril fut le jour de sa sépulture. Tout le clergé de la ville de Tours, les religieux du monastère d’Amboise, ceux de plusieurs autres couvents, y assistèrent.
Le corps du bienheureux vieillard, dans un cercueil de bois, fut déposé à l’église, dans une petite chapelle à droite, derrière les stalles du chœur et dédiée à saint François d’Assise.
Michel Marseil, maître maçon à Tours, qui avait creusé la fosse, replaça sur la tombe les carreaux qu’il avait enlevés. Dix ou douze jours après, Madame Louise de Savoie, comtesse d’Angoulême et mère de François Ier, ayant appris que l’emplacement du tombeau était très humide à cause des inondations du Cher, voulut que le corps fût mis dans une tombe de pierre. Dès le jeudi suivant, on renvoya chercher lesdits Michel Marseil et Jean Bussière, qui ouvrirent la fosse, en tirèrent le corps et firent une autre fosse en forme de voûte dans ladite chapelle, ce qui demanda plusieurs jours, pendant lesquels le corps demeura sans sépulture. La voûte faite, il fut tiré du cercueil de bois et mis dans le tombeau de pierre, amené d’auprès de Ballan, par François Laurent, charretier de Tours.
De temps immémorial, la pierre était dans la commanderie de Saint-Jean de Ballan, où elle restait sans aucun usage. Toutes les tentatives pour l’enlever avaient échoué. Dix-huit paires de bœufs attelés ensemble n’avaient pas pu la remuer. Mais cette fois-ci cinq hommes suffirent pour la mettre sur un chariot que traînèrent cinq chevaux seulement. Le corps du bienheureux, au moment de son exhumation, était aussi frais et aussi vermeil que s’il eût été vivant. Louise de Bourbon en fut elle-même témoin. Pendant que le corps fut hors du tombeau, il y eut plusieurs guérisons.
Vers l’an 1546, la chapelle qui renfermait le tombeau de saint François reçut le nom de Chapelle-du-Sépulcre.
Peu de temps après la mort de François, une maladie grave mit en danger les jours de madame Claude de France, fille unique de Louis XII et d’Anne de Bretagne. La reine, qui était alors au château de Mont-Bonoud, près de Grenoble et loin de sa fille, fut désespérée en apprenant cette triste nouvelle. L’évêque de Grenoble s’empressa de venir la consoler. Il lui conseilla de recommander la jeune princesse aux prières de François de Paule, qui, disait-il, venait de mourir dernièrement en odeur de sainteté. Anne de Bretagne crut à la parole de l’évêque ; elle fit même le vœu, si sa fille guérissait, de coopérer à la canonisation de François. Cet acte de dévotion eut un plein succès ; car, au même instant, Claude de France fut subitement guérie.
Des courriers, envoyés immédiatement après cette guérison, apprirent qu’elle avait eu lieu simultanément avec l’invocation faite à l’ermite de la Calabre Fidèle à ses promesses, la reine écrivit au pape Jules II et le pria de s’occuper de la cause de François de Paule. Le Souverain pontife ordonna aussitôt, en France et en Italie, l’audition des témoins de la vie et des miracles de François. Six ans après, Léon X, successeur de Jules II, déclara, par une bulle du 7 juillet 1513, l’humble Minime bienheureux.
À la même époque, à Châtellerault, un homme nommé Georges de Cole, atteint d’une folie intense et furieuse, brisait les chaînes et les fers dont on le chargeait. Sortant de sa maison, il courait le jour et la nuit à travers les champs et les bois. Rien ne pouvait le calmer. Cet état durait depuis un an, quand, un jour, cet homme seul, marchant au milieu de la campagne, entendit une voix qui lui disait : « Recommande-toi à saint François de Paule et tu recevras la guérison ! »
À cet instant, le calme s’étant fait dans son esprit, il invoqua saint François et recouvrit, pour tout le reste de sa vie, l’usage de sa raison. Il vint ensuite au tombeau de François pour y remercier Dieu.
De nombreuses lettres de la part du roi de France, de la reine, des princes du sang, des grands du royaume, étaient sans cesse adressées au Pape et au Sacré-Collège, afin d’obtenir la canonisation de François. En Italie, le comte d’Aréna en écrivit au Pape :
« Je tremble, lorsque je viens à penser à la faveur que Dieu nous a réservée en ce temps, de pouvoir traiter du fait du bienheureux François de Paule, dont la sainteté m’étonne ; le Tout-Puissant l’ayant orné de tant de vertus, que toutes choses semblent se soumettre à ses pieds. Les cieux l’admirent, la terre le révère et les miracles qu’il a opérés sont en si grand nombre, que, quand je les voudrais taire, leur éclat n’est que trop suffisant pour se manifester. Il a ressuscité les morts, guéri et nettoyé les lépreux. Par la force et la vertu de ses prières, les arbres secs ont porté des fleurs et des fruits ; les personnes stériles et hors d’âge d’avoir des enfants ont obtenu lignée ; le feu a perdu sa chaleur ; la terre sèche et aride s’est vu résoudre en claires fontaines ; enfin les oiseaux du ciel, les poissons de la mer et les animaux de la terre ont observé et suivi ses ordres avec respect et soumission. Et une infinité d’autres signes et de prodiges ont été faits et sont encore produits par cet ami de Dieu, par lesquels il semble que toute la nature se renouvelle, pour le pouvoir qu’il a de changer et de dispenser sur les choses ordinaires. »
Il décrit ensuite la guérison miraculeuse de son père, Jean de Cole, comte d’Aréna et de celle de ses deux fils, atteints d’une fièvre pestilentielle qui ne laissait aucun. Ils furent tous les trois subitement rétablis à la prière de saint François.
« Oh ! Que Dieu soit béni en ses saints, qui ne cesse de rendre véritable ce qu’il a dit par la bouche de saint Marc : ils imposeront les mains sur les malades et ils guériront et ils se porteront bien ; car dans le même jour, la fièvre se perdit, les douleurs cessèrent, la chair reprit sa couleur et sa chaleur naturelles et quiconque ne les eut pas vus malades n’aurait pu croire qu’ils eussent été tourmentés de la fièvre.
J’ajouterais plusieurs autres choses miraculeuses, n’était qu’il semblerait que je me défiasse de Votre Sainteté, comme si elle avait besoin d’avertissement en un si grand ouvrage. Plaise donc à Votre Sainteté de vouloir mettre ce bienheureux au catalogue des saints, afin que, comme Dieu tout-puissant l’a orné de miracles et couronné de gloire dans le ciel, il puisse être honoré et révéré sur la terre, pour la consolation des fidèles et à la confusion des hérétiques !
C’est ce que, dévotement et humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, je lui demande, avec la même affection que je prie Dieu de la conserver et de lui octroyer les forces, la constance, les jours et les années de saint Pierre, pour l’utilité de l’Église romaine et pour la réduction des ennemis du Saint-Siège apostolique.
Du château d’Aréna, ce 17 décembre 1516.
De Votre Sainteté le très humble et très obéissant serviteur,
signé : JEAN-FRANÇOIS. »
Tant de demandes adressées de tous côtés au Pape, nécessitèrent de nouvelles informations. Trois procès furent ouverts pour entendre les dépositions des témoins. L’un se fit à Cosenza, l’autre à Tours. Le troisième, connu sous le nom de grand procès de Calabre se composa de douze procès particuliers, instruits en divers lieux de cette province. Il y eut, dans ces trois procès, 280 témoins entendus.
Celui de Cosenza fut présidé par le révérendissime Jean den Sarsali, évêque de Cariati et de Gérione. Bernardin Calvancanti, grand-chantre de l’église métropolitaine de Cosenza et Nicolas Sproverio de Rosia, notaire apostolique, étaient assistants,
Ce procès, qui renferme la déposition de 102 témoins, dura depuis le 15 juin 1512 jusqu’au 18 janvier suivant (1513).
À Tours, ce sont MM. Pierre Cruchet et Pierre Chabrion, prêtres et chanoines de la cathédrale, qui instruisirent le procès. Étienne Charton, official de l’archevêché, leur fut adjoint ; tous les trois étaient les subdélégués des évêques de Paris, d’Auxerre et de Grenoble, que le Pape avait désignés pour cette cause.
Commencé le 19 juillet 1513 et clos le 7 décembre suivant, ce procès renferme les dépositions de 57 témoins.
Les évêques de Paris et d’Amiens envoyèrent toutes ces pièces à Rome, par le révérend père Binet, général de l’ordre des Minimes.
Les 121 autres témoins, entendus dans l’instruction de cette cause, sont des habitants des divers lieux de la Calabre. Les dernières dépositions datent de l’année 1518.
Une fois toutes les enquêtes furent terminées et que les cardinaux eurent lu, examiné et vérifié les pièces provenant des trois procès, on proposa au Sacré-Collège réuni en consistoire la canonisation du bienheureux François de Paule. Le cardinal Simonet, rapporteur de la cause, prit alors la parole et dit : « Ces jours derniers, bienheureux pontife, qui désirez connaître la vérité, vous m’avez demandé le récit fidèle et certain de la vie et des miracles du bienheureux François de Paule, qu’a vu naître la ville de Paule en Calabre. Afin de vous rendre plus clair ce récit de sa vie, j’en ai fait un résumé très succinct, d’après les témoignages que j’ai rassemblés ; vous lirez, je pense, avec plaisir, cette vie remarquable par sa sainteté, aussi illustre par ses éclatants miracles, que celle des saints des âges précédents. Car la divine Providence, pour l’honneur de votre pontificat déjà si recommandable par Votre Sainteté et par tous vos efforts à augmenter chaque jour la gloire du nom chrétien, a permis qu’il ne manquât pas à votre siècle des hommes que vous dussiez mettre au nombre des saints, à cause des mérites de leurs vertus.
Partout et toujours la bonté divine vient en aide aux hommes ; mais, là, la plénitude de cette bienveillance céleste éclate davantage à nos yeux, lorsque le souverain Créateur et Modérateur de toutes choses daigne, dans l’éclat immense de Sa Majesté, relever l’humble de la terre et placer le pauvre qu’il tire de la poussière, à côté des princes des nations.
Dans les siècles précédents, combien en a-t-on vu qui, sans briller d’aucun éclat et dépouillés entièrement de toute gloire terrestre, ont été tellement ennoblis par la lumière éternelle de la grâce divine, que, sur la terre, ils sont devenus l’objet de la vénération des hommes et ont ensuite acquis, dans le ciel, la précieuse couronne des saints ? Or, notre siècle n’a pas été privé d’un si grand bienfait. Le Seigneur, du haut de son trône sacré, a jeté sur nous un regard de tendresse et d’amour ; il a fait paraître naguère le bienheureux François, comme un rayon d’une nouvelle lumière au milieu des ténèbres qui enveloppent l’humanité.
Ce saint homme, d’une naissance infime, vint au monde dans cette ville de Calabre que l’on appelle Paule. Dès sa plus tendre enfance, il donna, dans cette ville, des preuves de sa sagesse future. Ses premières années étaient comme de légères étincelles, qui annonçaient les flammes des vertus sublimes et l’ardent amour dont son cœur devait être embrasé.
À peine avait-il atteint sa treizième année, qu’obéissant à l’inspiration du Saint-Esprit, il se retira dans la solitude. Ce fut là qu’il fit ses premières armes dans la milice divine, là qu’il fit jusqu’à l’âge de 19 ans, les essais de son apprentissage. Alors, comme le Chef suprême de la religion, c’est-à-dire Jésus-Christ, avait destiné ce jeune soldat si distingué à fonder un ordre dans l’Église, il quitta sa solitude et forma avec ses frères une communauté. Plus il avançait en âge, plus sa sainteté croissait.
Déjà il jouissait d’une grande réputation dans la Calabre ; mais, ce qui, surtout, doit paraître étonnant, la renommée de cet homme pauvre, caché, pour ainsi dire, dans un coin de l’extrémité la plus reculée de l’Italie, parvint jusqu’à Louis XI, roi de France. Ce prince, désirant avidement voir un homme si éminent, fit tous ses efforts pour l’engager, par de nombreuses promesses, à se rendre auprès de lui. Mais la grandeur des munificences royales ne put nullement émouvoir l’esprit d’un homme qui faisait le plus grand mépris du monde. Louis XI eut donc recours à l’autorité même du Saint-Siège ; et le bienheureux François, par l’ordre du souverain pontife Sixte, auquel sa conscience ne lui permettait pas de désobéir, se rendit auprès du roi, qui le traita, avec grand honneur.
Ce prince admirait la vie céleste de saint François sur la terre et s’étonnait qu’un homme dont l’âme était enchaînée au corps pût vaincre ainsi tous les désirs de la chair.
Il pensait que sa présence était une protection assurée pour lui-même et pour ce qu’il devait entreprendre ; il la regardait comme la défense la plus sûre de son royaume. Et c’était avec raison. Quoi de plus puissant, en effet, pour apaiser Dieu et détourner les calamités qui nous menacent, que la prière des justes ?
Saint François de Paule choisit la ville de Tours, l’une des principales de France, pour y fixer sa résidence et y jeter les fondements de son ordre. Ce fut là que le germe de sa vie très sainte se développa, qu’il se propagea dans le champ du Seigneur ; et bientôt, semé et répandu de tous côtés autour de lui, ce germe porta des fruits abondants.
Ainsi, ce ne fut pas seulement dans toutes les parties de la France, mais encore en Espagne et en Allemagne, qu’il établit des monastères, devenus aussi remarquables par le nom des religieux qui les fréquentèrent, que par la grandeur des travaux qu’on y fit. Je ne parlerai point de ceux qu’avant son départ pour la France il avait fondés dans la Calabre, pendant sa jeunesse.
Qui ne s’étonnerait que cet homme, sans éducation, sans connaissance aucune des lettres, manquant de tout, ait pu faire de si grandes choses ? Qu’au milieu de nations étrangères, différentes par leur langage, comme par leurs coutumes, il ait institué si facilement une nouvelle règle, suivie, en peu d’années, d’un nombre considérable de religieux et devenue si célèbre ? Qui ne s’étonnerait pas de tout cela, surtout lorsque rien ne paraît plus difficile ni plus pénible que l’accomplissement de cette même règle ? On est tenté de regarder cette chose comme incroyable, ou de penser qu’un petit nombre seulement ont embrassé, cet ordre, sans en craindre l’excessive austérité.
Tous ceux qui s’étaient engagés à en suivre les prescriptions ne pouvaient avoir une autre nourriture que les aliments du carême. Dans toutes les autres habitudes de la vie, ils sont soumis à des lois très sévères ; ainsi vous verrez que, dans leur manière de se vêtir, dans leurs jeûnes, dans leurs prières et dans les différentes macérations de leur corps, tout était, pour ainsi dire, au-dessus de la nature humaine.
Mais le chef de cette règle de conduite, le fondateur de cette discipline, avait vu que ceux qui choisissent Dieu trouvent toujours le courage et la force corporelle nécessaires pour endurer toute rigueur et que, si la faiblesse humaine souffre quelquefois, elle est soutenue par le secours de la puissance divine. Cette remarque, il ne l’avait pas faite en cherchant des exemples ailleurs que dans sa propre expérience.
Sa table n’était fournie que de pain et d’eau ; (je commencerai par là le récit de la vie de cet homme et de ses mœurs, que je dois décrire en particulier.)
C’était là toute sa nourriture. Si la faiblesse de son corps, privé des aliments nécessaires, exigeait davantage, il se permettait l’usage des herbes et des légumes. Parfois même il buvait un peu de vin ; alors la vigueur de ses membres se rétablissait par ce régime plus substantiel. Il ne mangeait qu’une fois par jour et seulement lorsque la nuit était venue. Beaucoup affirment que, lorsqu’il se livrait à la contemplation, il restait pendant deux et trois jours même sans prendre aucune nourriture ; et, comme preuve de ce fait, ils rapportent que les vivres déposés dans sa cellule, par les frères qui le servaient, étaient souvent trouvés intacts après plusieurs jours. Hiver comme été, il ne portait point de chaussure ; il marchait pieds nus dans la neige, sur le sable brûlant, dans la boue infecte, sur les pierres aiguës, sur les ronces, sans jamais se blesser. Le feu, les pierres, la boue, les épines semblaient respecter ses pieds. Oh ! C’est que le Seigneur avait ordonné à ses anges de le garder dans tous les sentiers qu’il parcourait.
Son vêtement était tel, qu’il ne pouvait ni le préserver de la chaleur ni le défendre entièrement contre les rigueurs du froid. Il ne lui servait que pour couvrir la nudité de son corps. Cet habit, d’une étoffe commune, était le seul qu’il possédât ; et il ne le quittait que lorsqu’un trop long usage le rendait, par ses déchirures, incapable de servir. Il le laissa en lambeaux à ses frères, dans le monastère qu’il avait fondé près de Paule ; ce qui en reste est en grande vénération dans cette contrée ; il suffit de le toucher, et, par l’effet d’une puissance divine, les souhaits que l’on forme se trouvent aussitôt exaucés.
Maintenant, considérons avec attention le soin qu’il mettait à soumettre son corps à une dure servitude.
Le travail du jour a-t-il fatigué les hommes : le repos de la nuit est là pour leur rendre des forces. Mais quel repos n’a jamais pris ce saint homme ? Dans son monastère (lorsqu’il était encore eu Calabre), c’était sur une planche qu’il reposait ses membres fatigués. En France il se servait d’un lit fait de sarments. C’est ainsi qu’alors même qu’il cherchait le repos, il savait infliger à son corps de pénibles souffrances. Il ne laissa jamais écouler une heure, sans l’employer avec fruit ; jamais il ne se relâcha dans l’exercice de la vertu ; son esprit était toujours tendu vers le bien. Avant le jour, il sortait de sa cellule pour aller prier à l’église. Lorsque ses devoirs sacrés étaient accomplis, que le prêtre avait célébré le Saint-Sacrifice, il restait quelquefois à écouter tous les hymnes (celles que l’Église chante à Dieu, à des heures déterminées) et puis il se retirait de nouveau dans sa cellule. Là, il recommençait de nouvelles prières ; là, il se laissait aller avec tant d’ardeur à la contemplation, que, suivant l’opinion universelle, son esprit souvent l’entraîna à de célestes visions. On va jusqu’à rapporter que les chœurs des anges descendaient des hauteurs du ciel jusqu’à lui. Je crois même que tel est le seul motif qui lui fit, une fois, refuser de recevoir Charles VIII, roi de France, bien que les ministres du roi, annonçant la présence du monarque, se tinssent sur sa porte. Oui, il négligea un prince de la terre, parce qu’il contemplait le Roi des rois. Quelquefois il se retirait dans un petit jardin qu’il cultivait lui-même ; mais, tout en se livrant au travail des mains, il ne négligeait point les exercices religieux : car il priait ou semblait prier toujours.
Dans ses monastères, il se donna aux plus bas emplois, en se mêlant aux religieux. Ce ne fut pas assez, pour lui, de disposer et de purifier son cœur de manière à en faire un temple vivant de Dieu ; il mit encore tous ses soins à élever une demeure au Seigneur et à ses serviteurs. Nous ne devons pas négliger de dire ici que, bien qu’il n’eût qu’un vêtement et que, pendant les plus grandes chaleurs, il se livrât à différents travaux, il n’y eut jamais sur lui, ni odeur désagréable, ni aucune malpropreté. Cette négligence de son corps semblait au contraire montrer en lui je ne sais quel éclat et répandait comme une suave odeur. C’était l’effet de toutes les vertus qui embellissaient son âme. Or, parmi ses vertus, les plus éminentes étaient l’humilité et la patience. Il était le premier de son ordre, il en était le chef ; mais, quoique revêtu de cet insigne honneur, il s’abaissait aux plus humbles fonctions, en s’acquittant de tous les devoirs les plus vils, persuadé qu’il ne dérogerait nullement à sa dignité, s’il s’appliquait à la faire servir aux besoins de ses frères. Sa patience a été inébranlable ; les attraits de la volupté ne purent l’affaiblir ; la vieillesse, si pénible, ne put la vaincre ni la maladie en triompher. Les voyages non plus ne l’ébranlèrent point. Il fut toujours le même et ne changea jamais rien à son genre de vie. Mais cet homme, qui exerçait une si grande sévérité contre lui-même, lorsque la nécessité eût même exigé qu’il accordât une trêve à ses fatigues corporelles, traitait les autres avec une incroyable bonté et se montrait toujours pour eux plein de douceur. Si ses religieux venaient à faiblir (la nature humaine est si fragile), ses punitions respiraient la clémence et la charité d’un père. — Il n’a point manqué de détracteurs qui ont répandu sur lui le venin de leur malignité et outrageusement blâmé sa sainte vie, comme étant celle d’un insensé ou comme une impudente hypocrisie. Il soutint courageusement leurs attaques ; n’en faisant pas plus de cas que s’il les eût ignorées, il les méprisa constamment. Mais, dans la suite, il y eut beaucoup de ses détracteurs qui, poussés par un esprit de repentir, ne rougirent point de rétracter leurs paroles criminelles et publièrent partout l’innocence de cet homme, avouant publiquement leur propre malice.
Quant à la chasteté, qui pourrait nier qu’il n’ait conservé jusqu’à la fin de ses jours son corps et son esprit exempts de toute souillure ? Avant l’âge de puberté, il s’était retiré dans la solitude, pour n’être atteint par aucune des contagions du monde et pour offrir à Dieu, dès ses premières années, son esprit et son cœur comme une hostie sans tache. Les désirs de la chair pouvaient-ils donc le tourmenter de leurs aiguillons ? Non : ils étaient, pour ainsi dire, anéantis en lui. La volupté pouvait-elle séduire ses sens par ses charmes trompeurs ? Non : il écartait avec trop de soin tout ce qui pouvait le tenter. Sa vigilance était de tous les instants ; semblable à une sentinelle attentive, il se tenait toujours sur le qui-vive, de peur d’être surpris et de tomber dans quelque embûche de l’ennemi.
Il avait fortifié, contre toutes attaques et contre toutes surprises, les endroits par lesquels la faiblesse humaine peut être tentée. Quoiqu’il évitât la foule et qu’il aimât la solitude de sa cellule, où ses contemplations l’élevaient au ciel et l’unissaient à Dieu, toujours cependant il se montra d’une affabilité étonnante envers tous les hommes ; et ceux qui, attaqués de différentes maladies, venaient le trouver recevaient ses remèdes et ses soulagements. Il abaissait les superbes en leur montrant la condition humaine ; ceux brisés par le malheur, abattus par le découragement, il les relevait par l’espérance en la bonté divine ; ses consolations, toujours pleines de sagesse, tarissaient les larmes de ceux qui pleuraient. Que de sermons n’a-t-il pas faits sur le mépris des richesses et du monde ! Le flambeau de sa parole éclairait l’esprit de ses auditeurs, en leur faisant embrasser la vertu et suivre la discipline évangélique. Eh quoi ! Parmi les nombreux dons que lui accorda le Seigneur, celui de prophétie lui aurait-il manqué ? Non ! Grand nombre de personnes ont appris de lui des événements futurs, dont l’accomplissement exact ne manqua pas de confirmer la prédiction. Quelquefois aussi il révéla à plusieurs leurs turpitudes et leurs crimes, qu’ils croyaient ensevelis dans les replis ténébreux et mystérieux de leur conscience ; et, frappés de ce qu’un homme avait découvert ce qui ne pouvait être connu que de Dieu, ces pécheurs revenaient de leurs égarements et de leurs désordres.
Déjà cet invincible athlète, après avoir parcouru la carrière avec beaucoup de gloire, en avait atteint le terme : sentant que le jour était venu où le Seigneur allait lui décerner la couronne de la victoire, il convoqua ses frères et les exhorta à garder entre eux la concorde, une charité mutuelle les uns envers les autres ; et à suivre avec constance et fidélité la règle qu’ils avaient fait vœu d’observer. Il fit le choix d’un successeur et nomma celui qui devait les régir à sa place, en attendant que tous les religieux se fussent, l’année suivante, réunis à Rome en assemblée et que les suffrages publics des frères eussent désigné un chef. C’était un père si pieux et si prévoyant que, même pour après sa mort, il prenait de ses enfants un soin que sa fin aurait dû faire cesser. Ce fut à Tours que son âme s’envola vers Dieu, l’an 1506 de la naissance du Christ, suivant le calendrier français et 1507, d’après le calendrier romain, dans la 91e année de son âge et le jour qui nous rappelle la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ et qui est un anniversaire de deuil pour les chrétiens.
La veille, quoique ce fût le quatrième jour qu’il était attaqué d’une fièvre extrêmement violente, il s’était rendu à l’église ; et là, dans les sentiments de la plus grande piété, il avait reçu l’Eucharistie avec les autres frères.
On ne saurait croire quelle multitude de personnes de l’un et de l’autre sexe, de tous les âges et de tous les pays, la nouvelle de sa mort avait fait sortir de leurs foyers. Sur toutes les routes affluaient un nombre infini de gens, qui venaient voir son corps, avant qu’il fût confié à sa sépulture. Ils vénéraient ce noble refuge d’une âme si belle ; ils baisaient ses membres, qui avaient été les instruments de tant de saintes œuvres. C’était en adressant des prières au Ciel qu’ils imploraient le secours de celui qui, sur la terre, leur avait fait sentir les bienfaits de sa piété extraordinaire et de sa charité. Et ils ne priaient point en vain ; car la bonté divine ne refusait rien aux mérites et aux intercessions d’un si fidèle serviteur.
Au point où nous en sommes, il semble que je devrais passer en revue la série de ses miracles ; mais le nombre en est si grand, qu’il faudrait un volume pour les raconter. Au reste, ils sont tellement connus, surtout des habitants des différentes provinces où ce bienheureux a vécu, qu’ils n’ont pas besoin du témoignage de mon récit. Toutefois, si quelqu’un désire connaître les faits d’une manière plus détaillée, qu’il recherche et consulte les récits dans lesquels d’autres écrivains ont raconté, avec autant de soin que d’exactitude, les gestes étonnants du bienheureux François de Paule. Pour moi, il me suffit de dire que le Seigneur très bon et très grand voulait bien se montrer propice aux vœux des hommes, en rendant, par les mérites de notre saint, la vue aux aveugles, la parole aux muets et l’ouïe aux sourds. Je ne parlerai pas non plus des boiteux et des lépreux qui furent guéris, des possédés délivrés et des malades, sans espoir de vie, revenus à la santé ; même les insensés recouvrèrent l’usage de la raison : ce qui, dans les temps anciens, ne s’était jamais vu.
Y a-t-il donc quelqu’un qui penserait qu’un tel homme ne doive pas être glorifié des plus grands honneurs dans l’Église de Dieu, lorsque ce Dieu lui-même l’a glorifié des plus grands dons ? Qui ne voudrait pas qu’il soit mêlé aux chœurs des anges et qui ne l’inscrirait pas sur le catalogue des esprits célestes, lorsque, vivant encore, il secouait tous ses liens terrestres et portait son âme au ciel ?....
Que d’immortelles Actions de grâces soient donc rendues à Dieu, pour avoir, au temps où nous vivons, révélé d’une manière si éclatante, dans le bienheureux François de Paule, la grandeur de sa gloire et de sa miséricorde ! Quel honneur pour la ville de Paule et pour la cité de Tours ! L’une a donné à la terre cet astre brillant de sainteté, l’autre l’a envoyé au ciel !.... »
Ce discours terminé, on consulta chacun des cardinaux, qui furent unanimes dans leur décision. Alors, en présence des ambassadeurs du roi de France, de tous les prélats et du clergé de la ville de Rome, assemblés dans l’Église de Saint-Pierre, Léon X prononça, du haut de son trône, ces paroles mémorables :
« Léon, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour perpétuelle mémoire ;
En l’honneur du Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, pour l’exaltation de la foi catholique et la propagation de la Religion chrétienne, pour la consolation et le succès de l’ordre des Minimes, par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de ses apôtres Pierre et Paul et la nôtre, après avoir consulté nos frères et reçu leur consentement, nous déclarons et définissons que François de Paule, d’heureuse mémoire, fondateur de l’ordre des Minimes, est déjà introduit dans la céleste Jérusalem, parmi les chœurs des bienheureux, où il jouit de la gloire éternelle et qu’il doit être inscrit au catalogue des saints confesseurs.
C’est pourquoi nous l’y inscrivons par ces présentes et déclarons et ordonnons qu’il doit être honoré, en public et en particulier, comme saint.
Nous arrêtons en même temps que l’Église universelle célébrera sa fête tous les ans, le deuxième jour d’avril. Nous définissons enfin que tous les fidèles de Jésus-Christ peuvent implorer avec confiance les suffrages de ce saint et qu’ils doivent lui rendre tous les honneurs qu’on rend aux autres confesseurs, inscrits déjà et nommés dans le catalogue des saints.
Donné à Rome, dans l’église de Saint-Pierre-et-de-Saint-Paul, l’an de grâce 1519, aux calendes de mai (1er mai). »
Cette bulle fut aussitôt adressée au roi de France, François 1er. Celui-ci, animé d’une pieuse dévotion envers son patron, aux prières duquel il devait même sa naissance, s’empressa d’annoncer à ses sujets la canonisation de François de Paule. Voici son ordonnance à ce sujet :
« François, par la grâce de Dieu, roi de France, à tous nos baillis, sénéchaux, prévôts et autres nos justiciers et officiers, salut et dilection.
Comme notre sauveur et rédempteur Jésus-Christ, pour l’augmentation de sa sainte foi catholique et afin de provoquer et appeler les âmes des créatures humaines à la voie du salut, a, depuis le temps de sa très digne mort et passion, illuminé et endoctriné tant et si grand nombre de glorieux saints, apôtres, martyrs et confesseurs, lesquels ont planté et édifié sa doctrine et notre foi et religion chrétienne, dont aucuns en les imitant par de bonnes et saintes œuvres, faits, vie et exemples intérieurs et extérieurs, ont ordonné et institué la loi des religions et des règles, tant mendiantes qu’autres, qui sont aujourd’hui en l’Église militante ; lesquelles ont été approuvées et décrétées par les conciles, saints décrets et Siège apostolique, dont notre dit Rédempteur est grandement révéré et honoré, sa dite foi manifestée et dilatée et non seulement le peuple chrétien, mais aussi les infidèles et ceux qui sont éloignés de notre foi, réconciliés, édifiés et endoctrinés et soit ainsi comme il est certain et notoire en ce royaume, que feu le bon saint homme frère François de Paule, qui par longtemps demeura en la religion des Bons-Hommes et Minimes de Tours, laquelle premièrement il institua et ordonna la règle dont plusieurs couvents et religions ont été et sont édifiés en la chrétienté et par sa sainte, austère et louable vie et religion et par les grands et évidents miracles, signes et remèdes, qu’il a plu à Dieu, notre Créateur, démontrer à son intercession à ceux qui l’ont requis et déprié ; tout en sa vie, comme après sa mort, mérite d’être mis, promu et accompagné au nombre, rang et compagnie desdits benoîts, saints et confesseurs, comme vrai disciple et imitateur de notre dit Sauveur et Rédempteur et tellement que notre Saint-Père le Pape et le Saint-Siège apostolique, dûment acertainés et informés de ce que dit est à la poursuite et intercession de nous, de notre très chère et très aimée compagne la reine et de notre très chère et très aimée dame et mère et à la louange de notre dit Rédempteur et augmentation de notre dite foi, ont canonisé et inscrit et enregistré ledit glorieux saint François de Paule, au nombre, rang et compagnie desdits benoîts, saints et confesseurs ; et la célébration solennelle de la fête ordonnée être faite le deuxième jour d’avril, ainsi qu’il peut plus à plein apparaître par les bulles de notre dit Saint-Père, sur ce décernées et octroyées, dont nous et tous les bons chrétiens et chrétiennes, mêmement ceux de notre royaume, qui ont le corps dudit glorieux saint et à la vue et connaissance et mémoire desquels il a vécu et accompli ses saintes œuvres, devons et sommes tenus de rendre grâces et louanges à Dieu ; et ne doit demeurer cette bonne et sainte canonisation sans être sue, publiée et manifestée à chacun. Par quoi, afin d’icelle faire publier et savoir par notre dit royaume, pays et seigneuries, soit besoin sur ce décerner nos lettres.
Nous, à ces causes et inclinant libéralement à la supplication et requête des frères religieux dudit ordre des Minimes, nous mandons et commandons et à chacun de vous en son pouvoir et juridiction et comme à lui appartiendra, que vous fassiez crier et publier à son de trompe et cri public, par tous les lieux de vos dites juridictions, ladite canonisation, fête et solennité dudit glorieux saint François de Paule, audit deuxième jour d’avril, selon et suivant lesdites bulles, sur ce octroyées, au vidimus desquelles, dûment expédiées et approuvées, voulons foi être ajoutée, comme à F original, à ladite publication baillée et octroyée auxdits religieux.
Donné à Angoulême, le 19 jour de mars, l’an de grâce mil cinq cent dix-neuf et de notre règne le sixième. »
Conformément aux ordres du roi de France, le décret de sa canonisation fut publié en tout lieu. De toutes parts, on lui éleva des autels ; son nom devint populaire en Italie, e, Allemagne, en Espagne, en France, etc..
Depuis 55 ans, Le tombeau de saint François de Paule ne cessait d’être l’objet de la vénération universelle. Dès le début du seizième siècle, on sentit s’opérer comme un ébranlement général.
Luther, moine augustin de Wittenberg, arbora l’étendard de la rébellion contre l’Église et souffla, dans toute l’Europe, l’esprit qu’on connaît. Ses doctrines, qui proclamaient l’indépendance absolue de la raison et l’anéantissement toutes sortes d’autorité, se propagèrent rapidement avec une abondante effusion de sang.
La France, malgré tous les efforts de ses rois, ne put se préserver longtemps de la nouvelle hérésie. Une lutte s’y engagea bientôt et d’autant plus terrible et acharnée qu’il s’y mêla de la politique.
Entre les différentes villes du royaume qui éprouvèrent les désastres des guerres de religion, celle de Tours ne fut pas la moins affligée. Les hérétiques en pillèrent toutes les églises et en enlevèrent les richesses. Ils livrèrent aux flammes, après les avoir tirés du tombeau, les corps de saint Martin et de saint Galien en 1562. Celui du célèbre Alcuin, le confident et conseiller de Charlemagne, n’échappa pas non plus aux fureurs de ces exaltés religionnaires.
François avait prédit ces malheurs peu de temps avant sa mort. Le révérend père d’Apvril, contemporain de François, avait entendu et recueilli lui-même cette prédiction de sa bouche. Il dit : « Hélas ! Mon père ! Nous touchons à l’année où, d’après l’avertissement de notre bienheureux père, les églises de la ville de Tours vont être pillées et renversées. »
Le 13 ou 14 avril 1562, une troupe de soldats protestants envahirent le monastère du Plessis-lès-Tours. Les religieux furent obligés de s’enfuir précipitamment. Trois d’entre eux ne purent quitter le couvent, la vieillesse ou la maladie les retenant à l’infirmerie. L’un d’eux, le révérend père d’Apvril, fut en butte à toutes sortes d’outrages et de cruautés de la part des fanatiques qui voulurent lui faire abjurer sa foi. Il resta inébranlable. Après avoir été roué de coups, il fut précipité du haut d’un escalier. Âgé de 84 ans, couvert de blessures, baigné de sang, il mourut en priant jusqu’à la fin pour ses bourreaux.
Le monastère fut pillé et dévasté. La férocité se déchaîna dans l’église. Après en avoir dérobé toutes les richesses, ils brisèrent et profanèrent les tombeaux qui s’y trouvaient. Celui de saint François, principalement, devint l’objet d’une rage infernale. Non contents d’avoir saccagé la chapelle dite du Sépulcre, ils voulurent arracher du tombeau les restes de François. En ouvrant la fosse, fermée depuis 55 ans, ils trouvèrent son corps aussi intact, frais et vermeil qu’au jour même de sa mort. Il s’en exhalait une odeur suave. Les protestants attachèrent une corde au cou de François. Il le traînèrent jusqu’à l’hôtellerie et là, dans un grand feu, ils le brûlèrent avec le crucifix en bois de l’église.
De pieux et fervents catholiques, du faubourg de Notre-Dame-la-Riche à Tours, qui s’étaient mêlés, sans être connus aux calvinistes, recueillirent les restes de François de Paule. Une quinzaine d’os seulement, provenant du crâne, des épaules et des vertèbres, furent respectés des flammes.
En quittant le couvent du Plessis, les Minimes se réfugièrent dans celui de Montgauger, près de Sainte-Maure, à huit lieues de Tours environ. Ils y restèrent trois ans. Le roi Charles IX fit réparer le monastère et ils en reprirent possession en 1565.
De nouvelles décorations rendirent l’église encore plus belle qu’avant son pillage. Le tombeau du Thaumaturge fut rétabli avec distinction et on y déposa une de ses omoplates, quelques vertèbres et quelques autres de ses ossements.
En 1582, on en retira ces reliques, pour les placer dans une urne en vermeil, que M. Jean de La Rochefoucauld, abbé de Marmoutier, avait donnée dans ce but aux frères minimes du Plessis-lès-Tours. On y joignit quelques morceaux de l’habit de saint François de Paule. Ce magnifique reliquaire ainsi enrichi, un vicaire général de monseigneur Simon de Maillé, archevêque de Tours, le scella de sa propre main et le revêtit du sceau archiépiscopal. À côté du cachet, on lisait : « René Bedouet a sauvé du feu ces ossements. » À cette même époque, la chapelle du Sépulcre, ainsi que l’église entière, reçut quelques ornements, que l’on y remarquait encore en 1633.
En 1597, Vincent Ier, quatrième duc de Mantoue et de Montferrat, combattait en Hongrie contre les Turcs qui s’étaient rendus maîtres de cette contrée. Dans une bataille, se trouvant au fort de la mêlée, sans armes suffisantes pour pouvoir repousser les flèches que lançaient contre lui ses ennemis, le duc devait succomber ; mais aucun des traits ne l’atteignit ; François de Paule était dans les airs, combattant pour lui et avec lui ; il l’aperçut qui, de sa main, écartait les flèches des infidèles. Une église, construite à Mantoue, par les ordres de Vincent 1er, en l’honneur de saint François, son libérateur, conserva le souvenir de ce miracle.
Dans la ville de Gratz, chef-lieu de la Styrie, en Autriche, Annibal Chieppi Mentovano, succombant aux fatigues de la guerre, fut atteint d’une maladie dangereuse. Un jour, sans espoir de guérison, il invoqua François de Paule. Il fut immédiatement guéri.
Ce pieux officier, en reconnaissance d’un tel bienfait, envoya au couvent du Plessis-lès-Tours un tableau en argent, pour qu’il soit placé près du tombeau de son céleste protecteur.
En l’année 1638, un terrible tremblement de terre se fit sentir dans toute la Calabre. Beaucoup de villes et de bourgs furent plongés dans le deuil et la désolation. La petite ville de Paule seule fut épargnée. Lorsque la secousse allait atteindre cette petite cité et que le sol commençait à trembler, on vit la statue de François, située au-dessus de la porte de cette ville, en face de la mer, se retourner tout à coup vers le continent ; et, instantanément, le tremblement de terre s’arrêta.
La reine Jeanne de France, les docteurs Jean Quentin et Jean Standone, le vénérable Ywan, fondateur des Filles de la Miséricorde, le bienheureux Jean de Dieu, instituteur des Frères do la Charité et saint François de Sales portaient le cordon en laine bure, dit cordon de saint François. Louis XIV aima à porter, sous la pourpre royale, ce signe de dévotion envers l’humble Minime.
Les villes de Morlaix et de Saint-Pol-de-Léon en Bretagne ne durent-elles leur salut, dans un temps de peste, qu’à leur confiance et à leur dévotion envers lui ?
Sa protection envers la ville de Grenade en Espagne ne fut pas moins sensible, lorsque ses habitants, effrayés de la mort de 20 000 personnes, dans le seul mois de janvier 1638, l’eurent invoqué par des prières publiques ; car la peste, qui faisait tant de ravages dans cette cité, disparut aussitôt.
Déjà, 13 ans auparavant en 1626, Naples n’avait pu se soustraire aux désastres du même fléau, qui ravageait ce pays et toute la Sicile, qu’en prenant ce même saint pour l’un de ses patrons.
Une guérison inespérée, qui eut lieu en 1661, à Calais, attira aussi l’attention des habitants de cette ville. Malade depuis 13 ans, Pétronille Raoul endurait des souffrances qu’aucun remède n’avait pu calmer. Une toux opiniâtre et presque continuelle, un asthme violent, des contractions de nerfs fréquentes et très douloureuses, une gastro-entérite-chronique, tant de maux réunis l’empêchaient souvent de prendre la moindre nourriture durant des semaines entières. N’ayant donc plus rien à attendre des hommes, elle voulut un jour qu’on la portât dans l’église qui était dédiée à saint François de Paule. Elle assista à la messe et communia. Ses prières n’étaient pas achevées, qu’elle fut subitement guérie. L’évêque de ce diocèse, ayant constaté que cette guérison était vraiment miraculeuse, ne craignit pas d’ordonner aussitôt des prières publiques, en Actions de grâces d’un fait si prodigieux.
Léon évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour une perpétuelle mémoire
Tel est le plan admirable de beauté que le Très-Haut s’est tracé dans l’édifice de son Église militante : Jésus-Christ en est la pierre angulaire et d’autres pierres, infiniment précieuses et d’une riche variété, en forment le corps et les ornements.
Ainsi ont paru d’abord les bienheureux patriarches, dont la foi vive et inébranlable leur a mérité l’insigne honneur d’offrir l’hospitalité aux saints anges et bien plus encore de les voir face à face ; à ces patriarches ont succédé les saints prophètes que Dieu a instruits de ses secrets, de sorte qu’éclairés du Saint-Esprit, ils ont connu les choses futures, comme si elles eussent été présentes et ont pu les annoncer aux peuples.
Mais lorsque, en la plénitude des temps, l’Orient (le Verbe éternel) daigna nous visiter du plus haut des deux, en s’unissant à notre humanité, pour accomplir, selon les oracles des prophètes, les mystères de notre salut, alors les saints apôtres ont été établis les héros et les prédicateurs de la loi divine et ils l’ont prêchée par toute la terre, appelant au salut toutes les nations, qui gémissaient opprimées sous le joug de la puissance du démon.
Puis sont venus les martyrs ; généreux athlètes, armés du bouclier de la foi et ceints du baudrier d’une constance inébranlable, ils ont lavé leurs vêtements dans le sang de l’Agneau ; et, après avoir suivi comme une brillante armée, les traces de Jésus-Christ, leur chef et remporté de glorieuses victoires, ils ont monté, les palmes à la main, dans la céleste Jérusalem (je veux dire l’Église triomphante), où ils se sont joints à cette pierre angulaire, qui est Jésus-Christ.
Quant à l’Église militante, elle trouve en leurs vertus un admirable exemple de sainteté et l’objet d’une profonde vénération.
Plus tard, on a vu cette nuée lumineuse de célèbres docteurs, qui, par leur science et par leurs exemples, ont défendu la sainte foi catholique contre les faux prophètes et les hérétiques.
Ainsi défendue et protégée, cette Église marche et s’avance comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, brillante comme le soleil, terrible comme une armée en bataille hors de ses tentes.
Après ceux-ci viennent les saints confesseurs, dont les vertus brillantes sont comme des pierres précieuses. Serviteurs économes et vigilants, ils ont rendu au Seigneur, avec intérêt, les talents qu’il leur avait confiés et mérité ainsi d’entrer dans le repos. Pleins de mépris pour tous les attraits séducteurs du monde, ils les fuyaient autant que l’aspic venimeux ; retirés dans les cavernes de la terre et dans des antres obscurs, ils ont vécu couverts de peaux de chèvres, macérant leurs corps en ne prenant que de chétifs aliments humectés seulement d’un peu d’eau, couchant sur la paille ou sur le jonc et marchant pieds nus ; ils ont cherché le Seigneur et conquis l’éternelle patrie.
Voyons maintenant les vierges, au corps pur, au cœur sincère et à l’esprit droit et saint ; elles s’avancent avec leurs lampes garnies d’huile au-devant de l’époux qui est le plus beau des enfants des hommes. À leur suite viennent les veuves pieuses et chastes, accompagnées elles-mêmes de beaucoup de personnes de l’un et de l’autre sexe, qui ont toujours été attentives dans leurs œuvres saintes ; et tous, les mains chargées de gerbes abondantes, ils se présentent devant cet époux céleste et chantent avec le chœur des anges : Gloire à Dieu dans les hauteurs des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! Mais ce qu’il faut surtout admirer avec étonnement, c’est que toutes ces merveilles sont produites par un seul et même esprit ; et comme, depuis le commencement du monde, selon la promesse divine, le Très-Haut n’a cessé de visiter, de cultiver et d’entretenir sa vigne, en y envoyant de si saints ouvriers, il n’a cessé non plus de lui montrer en diverses manières sa toute-puissante protection.
C’est ainsi que, de notre temps, ce céleste laboureur, faisant, selon sa coutume, la visite de sa vigne, y a conduit, pour la cultiver, le glorieux confesseur François de Paule, homme fort et courageux, qui a mérité d’être reçu au nombre des saints, ou qui, pour mieux dire, y est déjà reçu ; car, entre tous les athlètes de Jésus-Christ, c’est lui qui, assisté de la grâce, embellit merveilleusement, par ses mérites et par ses exemples, la sainte Église et dissipe, par l’éclat éblouissant de sa lumière, les ténèbres du siècle. C’est lui encore qui a vaillamment combattu le monde, la chair et le démon ; qui, courant après la suave odeur du Tout-Puissant, a su entraîner à sa suite un grand nombre de fidèles de l’un et de l’autre sexe ; sa famille religieuse qu’il a laissée est répandue sur la terre ; aussi sa mémoire sera-t-elle toujours conservée avec honneur dans l’Église, où son nom brille déjà comme un astre éclatant, dont la lumière éclairera les nations et les peuples.
Mais, afin que la postérité n’ignorât ni l’origine de ce saint, ni sa vie, ni ses mœurs, ni les miracles dont Dieu daigna récompenser ses vertus aux yeux du monde, nous avons entrepris d’énumérer ici quelques-unes de toutes ces choses.
Or, chacun sait qu’au royaume de Naples, entre les Brutiens et les Lucaniens, est située une bourgade, nommée Paule, distante d’une journée de Cosenza, capitale de la province ; en cette bourgade naquit Jacques Barlotille ; non loin de là l’on voit aussi le château de Foscaldi, où Vienne vint au monde.
Ces deux enfants ; ayant reçu les sacrements de baptême et de confirmation, furent élevés dans la foi catholique ; avancés en âge, ils contractèrent mariage, suivant les cérémonies de la sainte Église romaine.
Ils vivaient ensemble depuis lors comme de fidèles époux, dans un amour réciproque et avec une certaine aisance.
Après avoir passé plusieurs années sans postérité, ils eurent un fils, qui est le bienheureux François de Paule. Ce saint enfant, ayant été baptisé et confirmé, fut élevé et si bien instruit, par son père et sa mère, dans la crainte et l’amour de Dieu, que, dès ses plus tendres années, il donna de grandes marques de sa sainteté, qui devait le faire un jour si admirer. Il aimait ardemment la solitude et la vie religieuse ; l’oraison et le jeûne étaient l’objet de ses soins assidus.
Ses parents, témoins de ses premiers exercices de piété et après qu’il eut atteint sa treizième année environ, le conduisirent, selon le vœu qu’ils en avaient fait, à une maison de saint François de Sancto-Marco.
Cet enfant, choisi pour l’héritage du Seigneur, passa une année entière dans cette maison sans faire sa profession. Alors il fit venir son père et sa mère, qu’il supplia instamment de vouloir le conduire par dévotion à l’église de Saint-François-d’Assise et à celle de Sainte-Marie-des Anges ; lesquels, lui accordant sa pieuse demande, lui firent compagnie. Après qu’il eut dévoiement visité ces églises et qu’il fut de retour en son pays, il entreprit, par une inspiration du Saint-Esprit, de construire une église, dont il creusa lui-même, le premier, les fondations ; le bruit de cette entreprise se répandit bientôt dans les environs. On accourut alors de toutes parts pour lui prêter secours ; les uns travaillaient ; les autres transportaient des pierres, du ciment, de la chaux et autres choses enfin nécessaires à la construction de l’édifice.
On rapporte qu’un frère, vêtu de l’habit de saint François, fit des reproches amers à notre bienheureux, de ce qu’il édifiait une si petite église et qu’alors il lui ordonna d’abattre ce qui était fait déjà, pour en faire une plus grande, suivant un plan qu’il traça ; sur quoi, le bienheureux François de Paule répondit qu’il n’avait pas de quoi fournir à une si haute entreprise ; mais le même frère lui repartit que le Dieu tout-puissant ne le délaisserait pas ; et, aussitôt que les murs déjà commencés furent abattus, ce frère disparut.
Plusieurs ont cru et avec raison, que c’était saint François.
Dès le lendemain, notre bienheureux reçut d’un gentilhomme de Cosenza une somme d’argent pour subvenir aux frais de cette nouvelle église ; il commença donc à la construire d’après le plan qu’il avait reçu. Les proportions en étaient grandes ; aussi les dépenses s’élevèrent-elles bien haut. (Non parvo sumptu.)
François de Paule travaillait avec ardeur ; il n’interrompait ses travaux que pour prier et se livrer à la contemplation ; il avait beau être exténué par de longues veilles et de grands jeûnes, on le voyait sans cesse porter lui-même, sur ses épaules, des pierres, de la chaux, des bois et tout ce qui en un mot était nécessaire à la construction et au bâtiment.
Sa conversation, d’une aimable douceur, ainsi que son affabilité, procuraient une grande joie et un vif plaisir à tous ceux qui l’abordaient ; pas un, après avoir entendu sa parole, ne s’en revenait sans être comme rempli de l’esprit de Dieu.
Il a fait connaître l’humilité de son institut, par le nom qu’il lui a donné. Désirant être regardé comme le plus petit entre tous les hommes, il voulut alors que sa famille portât le nom de Minimes.
Bien qu’il fût le fondateur et le correcteur général de son ordre, il s’abaissait autant qu’il le pouvait au-dessous de tous les autres.
Ainsi, pour donner à ses religieux l’exemple de l’humilité, il se livrait aux fonctions les plus basses, telles que de servir les frères à table, de nettoyer l’église et les autels, de plier les ornements, de disposer avec ordre toutes les choses nécessaires au culte, de laver enfin lui-même les habits des religieux, frères et novices.
Dans sa jeunesse, lorsqu’il était dans la Calabre, il marchait toujours les pieds nus, sur la glace, dans la neige, sur les cailloux et les pierres aiguës et à travers les ronces et les épines ; et, bien que chargé de lourds fardeaux, il ne recevait aucune blessure ni aucune souffrance.
N’est-il pas même dit qu’il a souvent marché pieds nus sur des charbons ardents, sans en ressentir aucune atteinte et qu’il a porté souvent aussi dans ses mains des pierres toutes incandescentes et embrasées ?
L’austérité de sa vie a été étonnante ; mais ce qui est surtout digne de la plus grande admiration, c’est que, dans son enfance comme dans sa jeunesse et dans sa vieillesse la plus avancée, comme dans son plus bel âge, au milieu de ses fatigues produites par ses jeûnes austères et ses mortifications corporelles, ce qui est vraiment étonnant, dis-je, c’est que, malgré tout cela, il a toujours tenu et gardé une même façon et règle de vie.
Or, ce bienheureux, en récompense de ses saintes œuvres, reçut du Saint-Esprit des grâces abondantes, par ses prières ; et, par l’invocation du saint nom de Jésus, on l’a vu souvent chasser les démons du corps des possédés, guérir beaucoup d’infirmes, des malades sans espoir et des mourants. Il a fait entendre des sourds, marcher des estropiés, parler des muets, voir les aveugles ; il a guéri les lépreux, rendu la mémoire et la raison à un grand nombre d’insensés ; il a enfin ressuscité plusieurs morts, ouvert à la lumière des yeux qui étaient à jamais dans les ténèbres du sépulcre.
Le bruit de pareils miracles était répandu presque par toute la terre. Le pape Paul III, notre prédécesseur, d’heureuse mémoire, en eut connaissance lui-même ; alors il envoya un de ses camériers vers Pyrrhus, d’heureuse mémoire, archevêque de Cosenza, pour lui demander une enquête exacte et véridique sur les susdits miracles.
L’archevêque, désirant obéir au commandement du Pape, mais n’ayant personne qui, selon son avis, pût mieux et plus fidèlement exécuter cette commission que le même camérier, lui persuada d’aller trouver le bienheureux homme, afin que lui-même fît une information complète de sa vie, de ses miracles et de sa réputation.
Le Camérier, agréant le conseil de l’archevêque, y alla, accompagné d’un ecclésiastique ; or, étant arrivé, comme il se met tait en devoir, en saluant le bienheureux, de lui prendre la main pour la baiser, celui-ci la lui refusa, le suppliant humblement de lui permettre plutôt qu’il baisât la sienne, à cause de sa dignité de camérier et de son caractère sacerdotal qu’il avait depuis trente-trois ans.
L’exactitude de cette révélation jeta le Camérier dans un grand étonnement ; aussi admira-t-il, dans cette circonstance, l’esprit de cet homme. S’étant retiré avec lui dans une petite chambre pour s’entretenir ensemble, le Camérier commença par blâmer ce genre de vie, si pénible et si austère, en alléguant l’impossibilité de pouvoir ainsi vivre, à moins d’être bien fort et robuste.
Le saint, ayant ouï ces paroles, s’approcha du feu, et, prenant entre ses mains des charbons ardents, sans se brûler, il lui dit : « Toutes les créatures obéissent ainsi à ceux qui servent Dieu d’un cœur parfait. »
Le Camérier, surpris et étonné de ce prodige, lui demanda pardon ; il voulait par humilité lui baiser les pieds, mais le bienheureux ne le voulut point ; il prit alors de la main son habit et le baisa ; puis il s’en revint vers le Pape, pour lui faire le récit des miracles qu’il avait vus.
Un seigneur nommé Jacques de Taisia, baron de Baumont, au diocèse de Cosenza, était depuis longtemps affligé d’une plaie très dangereuse à la cuisse, que les médecins ne pouvaient guérir ; elle augmentait de jour en jour. Ayant donc perdu tout espoir de guérison, ce seigneur, excité par la réputation de sainteté et le bruit des miracles du bienheureux homme, le vint trouver à Paule, où il faisait alors sa résidence, mais non sans grande difficulté ; il lui découvrit et montra sa plaie, implorant avec dévotion son assistance.
Le saint d’abord et tous ceux qui étaient présents jugèrent la plaie vraiment incurable ; néanmoins, il lui dit d’avoir une ferme foi et espérance en Dieu et l’assura qu’il guérirait. Sur-le-champ, il envoya un de ses frères cueillir quelques feuilles d’une plante nommée vugula, ou uvula caballina, très commune en ces lieux ; il fit apporter en outre certaines poudres qu’il avait dans sa cellule.
Pendant que le religieux exécute les ordres qu’il a reçus, le bienheureux se tourna vers une image de Jésus-Christ en croix, qui était proche de là, fit sa prière et demanda à Noire-Seigneur qu’il lui plût d’ouvrir les trésors de sa miséricorde en faveur de ce baron, qui avait confiance en la grâce divine. Peu de temps après, le frère arriva, apportant la poudre et les herbes. Alors François fit le signe de la croix, mit un peu de cette poudre sur la plaie, avec trois feuilles de la susdite plante et lia le tout, espérant, avec une ferme confiance, obtenir de Dieu la guérison. Cela fait, il lui donna sa bénédiction et le renvoya en sa maison, éloignée de Paule de cinq lieues environ.
Le gentilhomme, monté à cheval, avait déjà fait une partie du chemin, lorsque, se tournant vers sa femme qui l’accompagnait, il lui dit : « Il me semble que je suis guéri ; car je ne sens plus ni ma douleur ni l’odeur infecte qui sortait de ma plaie. »
Après donc qu’ils eurent franchi une côte, Jacques descendit de cheval, essaya de marcher et vit qu’il était vraiment guéri. Alors, lui et son épouse rendirent, aussitôt grâce à Dieu et au bienheureux François et s’en retournèrent contents dans leur maison.
En ce même temps, un habitant de la ville de Cosenza nommé Muriel de Cardille, était tellement attaqué de la lèpre, qu’il en avait les nerfs des pieds et des mains retirés et la voix si affaiblie, qu’on pouvait à peine l’entendre parler. Ses parents le conduisirent au couvent de Paule et le présentèrent au bienheureux, qui, ému de compassion, fit secrètement quelques prières ; puis, étant revenu peu après, il donna la main à ce lépreux pour le lever de terre et il le guérit si complètement, qu’il ne resta plus de traces de la lèpre, ni de la contraction et du raccourcissement des nerfs.
Notre saint, lorsqu’il faisait construire son couvent de Palerme, guérit de môme Gui Lippault ou Hippolo, gentilhomme de Cosenza, attaqué d’une lèpre très dangereuse.
Pendant que notre bienheureux bâtissait son couvent proche de Paule, on lui amena un muet de naissance. Les parents de cet infirme le placèrent auprès de l’église.
Or, le bienheureux leur prescrivit de prononcer trois fois avec lui et à haute voix, le saint nom de Jésus et leur certifia que l’oreille du muet se déboucherait. À peine François eut-il commencé avec les autres, que le muet prononça et dit à haute voix : Jésus ; et, depuis ce temps-là jusqu’à son dernier soupir, il eut le libre usage de sa langue et de la parole.
Une fois, on conduisait au bienheureux homme une fille aveugle de naissance ; son père se nommait Antoine Cathalan, habitant de Paule. Dès qu’ils furent arrivés auprès du bienheureux François qu’ils rencontrèrent dans le jardin de son monastère, celui-ci arracha une plante, fit le signe de la croix et mit cette plante sur les yeux de Julie (c’était le nom de l’aveugle) ; et à l’instant même elle recouvra la vue qu’elle conserva pendant toute sa vie.
Au temps de la construction des bâtiments et du monastère, la terre vint à ébouler et engloutit deux manœuvres ; on les croyait morts. Le bienheureux fut appelé ; il fil déblayer les décombres et fouiller la terre en deux endroits qu’il désigna ; ce qu’étant fait, on trouva lesdits ouvriers pleins de vie et sans aucune blessure, grâces aux mérites da notre bienheureux, comme on le voit.
Un architecte nommé Antoine étant venu un jour voir les bâtiments du monastère de Palerme, le bienheureux commanda à un jeune frère de faire cuire des fèves pour lui présenter à dîner. Le frère mit les fèves avec de I’ eau dans un pot sur les cendres froides, puis s’en alla, oubliant d’y faire du feu ; et, lorsque le bienheureux crut que les fèves étaient cuites, il amena son hôte à la cuisine.
Et, en effet, il n’eut pas sitôt touché le pot, qu’on le vit bouillir à gros bouillons ; et en même temps les fèves furent si bien cuites, que l’architecte en put manger à son dîner.
Une pareille merveille le remplit, lui et tous ceux qui étaient présents, d’une profonde admiration.
Le même bienheureux entra un jour à l’église, pour entendre, selon, sa coutume, la sainte messe.
La lampe ne brûlait plus et on était allé chercher du feu pour l’allumer ; mais il prit la corde pour abaisser cette lampe, et, à peine descendue à moitié, elle se trouva tout à coup miraculeusement allumée.
Ceux qui servaient à l’autel allumèrent à ce feu merveilleux les cierges qui devaient brûler pendant la célébration du saint mystère.
En la terre de Montalte, au diocèse de Cosenza, un certain homme, nommé François, était attaqué d’une telle fièvre, qu’il en était à l’extrémité et abandonné des médecins ; il avait déjà reçu tous les sacrements ; il tenait dans ses mains le cierge bénit que l’on remet, selon la coutume de l’Église, au malade qui va expirer. Sa mère alors, noyée dans les larmes, supplie le bienheureux François de Paule, en qui elle avait une grande confiance, d’obtenir la guérison de son fils, afin que, par son aide, l’on pût pourvoir à trois petits enfants qu’il laissait. Elle fit aussi le vœu que si, par son intercession, il revenait à la santé elle renoncerait aux vanités du monde et servirait Dieu le reste de ses jours, portant l’habit du tiers ordre du même bienheureux.
Or, le vœu n’était pas sitôt fait, que celui que l’on croyait déjà mort sembla ressusciter ; il se mit à regarder tous les assistants ; ses souffrances avaient cessé ; et, peu de jours après, il se leva en parfaite santé et vécut encore ensuite près de trente-trois ans.
Pendant que notre bienheureux patriarche faisait sa résidence au couvent de Palerme, un homme menacé de perdre la vue vint le trouver, le suppliant de vouloir bien le soulager : c’était une taie qui couvrait la prunelle de ses yeux.
Le bienheureux fut ému de compassion ; et apercevant alors un petit morceau de soie, qui, par hasard, avait été jeté sur de la chaux vive déposée près de là pour la construction de l’église, il courut le ramasser ; puis, l’ayant trempé dans de l’eau bénite, il en nettoya l’œil malade, fit le signe de la croix et la plaie, parfaitement guérie, disparut.
Quelques chasseurs de la même ville de Palerme avaient un jour trouvé, au milieu de l’hiver et sur des montagnes couvertes de neige, un homme tout raide de froid et privé de tout sentiment ; l’ayant enlevé, ils le portaient pour l’enterrer au lieu où demeurait alors le bienheureux François. Mais le bienheureux, regardant le corps de cet homme, s’écria : « Par charité, cet homme vit » et se tournant vers lui il dit : « lève-toi et marche ». À ces paroles, cet homme, qu’on allait mettre au tombeau, se leva subitement et commença à marcher ; puis il s’en alla à l’hôtellerie où il mangea.
Ses premières forces revenues, il s’en retourna sain et dispos en sa maison.
Une fois, lorsqu’on bâtissait la maison de son ordre au bourg de Paule et que l’on faisait cuire de la chaux dans un four, il arriva, ou par suite d’un trop grand feu, ou par toute autre cause, que le four menaçait de tout perdre et de tout consumer. Ceux qui avaient la conduite du bâtiment, ne sachant quel remède y apporter, coururent vers le bienheureux et lui exposèrent le danger qui les menaçait.
Il leur dit : « Par charité, allez faire collation et laisse-moi le soin de la fournaise. » Aussitôt qu’ils furent en allés, faisant le signe de la croix, notre bienheureux entra hardiment dans la fournaise, embrasée de toutes parts et lui seul répara le tout et puis en sortit sans avoir reçu aucune atteinte des flammes.
Après le décès du bienheureux homme, Jules Barthucio, natif de Paule, aidé d’un grand nombre de jeunes hommes, faisait conduire, du château de Cosenza vers Paule, une pièce d’artillerie d’une extrême grandeur, traînée par vingt paires de bœufs. Étant arrivé à la descente de Lumachia, non loin de Paule, Jules prit un gros câble de navire, auquel le canon était attaché par deux ou trois tours à un arbre, afin que l’attirail sur lequel était posé le canon descendît peu à peu la pente de cette colline ; mais, ni lui ni les autres ne purent pas retenir ce câble, à cause de la violence dont ce lourd fardeau était emporté en bas par sa pesanteur.
Jules, dans celle circonstance, fut renversé par terre, auprès de l’arbre autour duquel la corde était passée ; en tombant, il s’engagea les pieds dans les plis du câble, d’où il ne pouvait plus se débarrasser ; sans le secours de Dieu, il devait avoir les cuisses et les jambes brisées ; mais, embrassant l’arbre de ses bras, il s’écria, avec une foi vive : O bienheureux François de Paule, secourez-moi, pauvre misérable ! Ô, prodige ! À peine ces mots furent-ils prononcés, que le chariot, qui roulait avec tant d’impétuosité, s’arrêta tout à coup, à l’endroit le plus glissant et le plus rapide de la pente de cette colline ; et Jules vit en même temps un frère de l’ordre du B. saint François de Paule, qui, de ses mains, retenait le cordage qu’emportait le canon.
Ce jeune homme, délivré d’un si grand danger, rendit, avec tous les autres qui avaient été témoins d’une pareille protection, de grandes Actions de grâces â Dieu et au bienheureux François de Paule ; puis, de là, allèrent tous ensemble, pieds nus, jusqu’au monastère du bienheureux, où, en souvenir d’un si grand miracle, il offrit un tableau qui le représentait lui-même, les pieds et les jambes engagés dans les plis et les nœuds du cordage.
Il y avait en ce temps-là, dans l’ordre des Mineurs, un prédicateur nommé Antoine, d’une grande réputation par sa science et par ses vertus.
Il osa un jour, en chaire, blâmer le bienheureux homme, parce qu’étant simple laïque et sans science, il avait la hardiesse de promettre la santé aux malades, moyennant le secours seulement de quelques herbes. Ce ne fut point assez ce prédicateur fut envoyé vers le bienheureux par les frères de son ordre, afin de lui adresser à lui-même des reproches sur les susdites choses.
En effet, il vint trouver saint François de Paule, el lui reprocha, en termes fort injurieux, son ignorance, sa grossièreté et son indiscrétion.
Le serviteur de Dieu supporta très patiemment toutes les injures et les affronts dont il était l’objet ; mais, sans rien répliquer à celui-ci et sans se troubler, il s’approcha de la cheminée, prit des tisons el des charbons ardents, qu’il serra longtemps entre ses mains, lui montrant par là ce que l’on peut avec la puissance divine.
Le prédicateur, touché de la foi et de la simplicité de ce personnage, considérant aussi que tout ce qu’il faisait était l’effet d’une foi très vive et d’une protection spéciale de Dieu, se jeta à ses pieds pour les baiser, lui demanda pardon, el ne voulut point se lever qu’il n’eût reçu la bénédiction du bienheureux père.
Depuis lors, celui qui avait auparavant décrié en public el outragé la mémoire du bienheureux homme, ayant reconnu sa faute, se fil au contraire son zélé panégyriste.
Or, comme toutes ces choses étaient des signes infaillibles de la sainteté de ce bienheureux homme, el que sa réputation, devenue célèbre, était parvenue jusqu’au Roi Très-Chrétien de France, Louis XI, de glorieuse mémoire, ce prince, entraîné par la sainteté de ce bienheureux, conçut le désir de le voir et obtint du pape Sixte, de pieuse mémoire, aussi notre prédécesseur, un ordre qui enjoignait à ce saint homme, en vertu de la sainte obéissance, de se transporter de la Calabre en France, pour y visiter ce monarque.
Le serviteur de Dieu obéit à cette injonction et se rendit en France, où le Roi le reçut avec une dévotion singulière ; et, ayant reçu sa bénédiction, il l’honora ensuite et le respecta comme un homme de Dieu.
Quelque temps après, ayant particulièrement reconnu sa sainteté et ses vertus admirables, ce prince lui assigna, pour lui el pour ses frères, un lieu non loin de la ville de Tours et de son palais royal le Plessis, où il leur fit bâtir une grande et magnifique maison, avec une église qui se voit encore aujourd’hui.
Ce même bienheureux fut doué et embelli d’une si grande chasteté, qu’il semblait être plutôt un pur esprit qu’un homme.
Avant sa mort, inspiré par la grâce de Dieu, il avait composé trois règles, pour la plus grande gloire du Seigneur et pour l’accroissement de son ordre. L’une était pour les frères, l’autre pour les sœurs, el l’autre pour les fidèles de l’un et de l’autre sexe, appelé tiers ordre. Et, comme il chérissait particulièrement l’humilité et qu’il voulait que les siens chérissent aussi cette vertu, il ordonna que les frères et les sœurs de son ordre soient appelés Minimes.
Par ces mêmes règles, il leur prescrivit aussi l’étroite observance des commandements de Dieu et de l’Église, l’obéissance ponctuelle au pontife romain, el la persévérance religieuse sous les vœux sacrés d’obéissance, de chasteté, de pauvreté et de la vie quadragésimale.
Il ajouta aux règles des frères et des sœurs quelques petits chapitres utiles à l’instruction et à la direction des personnes et propres à les diriger dans le service de Dieu.
Or, ces règles étaient établies et divisées, savoir celles des frères et des sœurs, en dix chapitres ; et celle du tiers ordre, en sept.
Jules II, notre prédécesseur, de récente mémoire, après les avoir mûrement considérées et examinées, les a approuvées et confirmées, ainsi que plusieurs privilèges accordés au bienheureux et à son ordre, aux personnes et aux maisons d’icelui, par notre prédécesseur Sixte, de sainte mémoire et par Innocent VIII et Alexandre VI, aussi nos prédécesseurs.
C’est lui qui, le premier, approuva, du vivant du bienheureux ; ces règles qu’il reconnut conformes à la religion.
Nous, ensuite, par d’autres bulles, les avons approuvées et confirmées et gratifié ledit ordre de plusieurs privilèges, grâces, bénéfices et indulgences, comme il est déclaré plus au long dans le contenu do nos bulles et de celles de nos prédécesseurs.
Le même bienheureux connut, par une inspiration divine, que la fin de sa vie approchait. C’est pourquoi, le jour du Jeudi-Saint, veille de sa mort, plusieurs de ses frères, de diverses provinces et royaumes étant présents, il reçut dévotement l’absolution de ses péchés ; s’abaissant dans une profonde humilité, il versait des torrents de larmes et frappait sa poitrine, puis il reçut, des mains de ses prêtres, à la messe du couvent, le très saint Viatique.
Ensuite, ayant rendu ses Actions de grâces à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à la bienheureuse Vierge Marie et à tous les saints, el la messe étant achevée, il se retira dans sa cellule, marchant à pied, quoique faible et débile à cause de son extrême vieillesse et de son infirmité ; il s’appuyait sur le bâton qu’il avait coutume de porter.
Le lendemain, le fidèle serviteur de Dieu, sentant approcher l’heure à laquelle il devait sortir de celle vallée de larmes, il fil assembler devant lui ses frères, leur donna quelques avis salutaires, les exhorta, par des paroles pleines de douceur, à conserver entre eux la charité et la paix. Il les bénit ensuite, et, muni de tous les sacrements de l’Église, il se fit lire la Passion de Jésus-Christ. Puis, embrassant amoureusement le crucifix, le vainqueur de la mort, il jetait sur eux des regards pleins de tendresse ; il fit enfin le signe de la croix, dit plusieurs fois ces mots : In manus duos, Domine, commendo spiritum meum et quelques autres prières, joignit les mains, éleva les yeux vers le ciel et expira doucement et sans donner aucun signe de souffrance et de douleur ; mais il resta comme s’il eût été encore plein de vie, sans aucune trace de la mort.
Ainsi il quitta le monde et s’en alla à Dieu, étant âgé de quatre-vingt-onze ans environ, l’an de grâce mil cinq cent sept, le second jour d’avril qui était alors le Vendredi-Saint, environ l’heure que Notre-Seigneur endura la mort pour nous.
Durant onze jours que le corps du bienheureux resta exposé, sans être inhumé, un grand nombre de fidèles, de l’un et de l’autre sexe et beaucoup de personnes qui l’avaient honoré pendant sa vie, accoururent pour le voir et pour obtenir, par ses mérites et suffrages, quelques grâces de Dieu.
Chacun était dans une profonde admiration, de ce que le corps du bienheureux restât sans se corrompre et sans produire aucune odeur infecte, ni même désagréable ; il en exhalait au contraire comme du parfum.
Aussi, depuis sa mort, tous ceux qui ont imploré son intercession ont reçu beaucoup de grâces de Dieu, qui s’est plu à opérer de grands miracles pour la gloire de son serviteur.
À ces causes, notre très cher fils en Jésus-Christ, le Roi très chrétien de France ; François Ier et notre très chère fille en Jésus-Christ, la reine Claude, son épouse, qui avait fait le vœu, si elle obtenait un fils, de le nommer François, en l’honneur du bienheureux père, ce qu’elle a fidèlement exécuté et notre bien-aimée fille en Notre-Seigneur Jésus-Christ, Louise de Savoie, duchesse d’Anjou et d’Angoulême, comtesse du Maine et mère du roi François Ier, nous ont fait humblement prier par leurs ambassadeurs, frère Denys, évêque de Saint-Malo et nos bien aimés fils, Jacques Luc, doyen de l’église d’Orléans et Antoine Raffin, seigneur de Pelcavary, au diocèse d’Agen, de commander une enquête sur toutes ces choses et de procéder ensuite à la canonisation de ce bienheureux homme.
Un pareil vœu nous a beaucoup flattés et remplis de joie, d’autant plan que c’était une gloire pour notre pontificat et qu’il semblait bien raisonnable que ledit bienheureux François de Paule, déjà placé par Dieu dans la gloire du ciel, comme il s’est plu à le manifester par de nombreux prodiges, reçût, sur la terre, l’honneur qui est rendu aux autres saints. C’était aussi le vœu ardent de notre vénérable frère Bernardin, évêque de Savine, cardinal de Sainte-Croix et docteur de l’ordre institué par le saint homme lui-même et neveu du général dudit ordre des frères Minimes. Mais nous avons pensé qu’une affaire d’une si grande importance méritait de sérieuses considérations et ne pouvait se traiter sans les conditions pour ce ordinairement requises dans l’Église.
C’est pourquoi, après plusieurs commissions données déjà à ce sujet à l’avocat du consistoire et aux auditeurs des causes de notre palais, nous avons encore, de l’avis de notre conseil et du consentement de nos frères les cardinaux de la sainte Église romaine, chargé trois d’entre eux, choisis dans les trois ordres, savoir notre vénérable frère Nicolas, évêque d’Albe, cardinal de Fiesque et nos chers fils Dominique Jacobatio, prêtre-cardinal de Saint-Barthélemy et Jean Salviati, notre neveu, cardinal, diacre de Saint-Côme et de Saint-Damien, de faire une enquête sérieuse, exacte, minutieuse, après lecture et examen faits du procès de la vie et de ta renommée du bienheureux, de ses mœurs et de ses miracles opérés avant et après sa mort, de toutes les grâces accordées par Notre-Seigneur à son intercession et de toutes les autres choses requises et nécessaires pour canoniser légitimement un saint.
Nous les avons chargés aussi de rapporter fidèlement à notre consistoire tout ce qu’ils en auraient appris, d’après l’information scrupuleusement faite des objets et des articles, tant en général qu’en particulier. Or, les susdits cardinaux nous ayant fait un rapport fidèle des divers procès instruits en divers lieux de la Calabre et de la France, ayant entendu les dépositions des témoins, ou du moins examiné attentivement leurs témoignages sur les miracles, ou sur tous les autres chefs reçus de droit et de justice, ils ont exprimé unanimement leur vœu de voir se faire cette canonisation.
C’est pour cette même fin que notre bien aimé fils Ange de Césis, docteur en droit civil et canon et avocat en notre cour consistoriale, a fait un rapport très détaillé de la vie, des mœurs, de la renommée, des miracles de ce bienheureux homme. Après quoi il nous a, lui aussi, humblement priés de procéder à la canonisation de ce même bienheureux, lorsque nous aurions toutefois mûrement délibéré sur la requête.
C’est pourquoi, ayant rendu grâce à Dieu, avec une profonde humilité, de toutes les choses dont nous avons entendu la lecture, nous avons prié tous ceux alors qui se trouvaient dans notre consistoire public de venir au secours de l’Église par leurs prières et par leurs jeûnes, afin que le Très-Haut ne permette pas qu’elle ne se trompe d’aucune manière dans l’affaire de cette canonisation.
Enfin, quelques jours étant écoulés, nous avons assemblé de nouveau, dans la salle consistoriale de notre palais apostolique, tous les prélats des églises, les patriarches, les archevêques et les évêques qui étaient présents en notre cour de Rome ; et, en leur présence et en celle de nos dits frères les cardinaux de la sainte Église romaine, nous avons ordonné audit Ange de Césis de rapporter brièvement les articles contenus ès procès de la vie, des mœurs, de la renommée et des miracles du susdit bienheureux.
Peu après que les cardinaux et les autres que nous avions chargés de l’examen de cette cause eurent narré, exposé toutes ces choses, nous avons interrogé tous les assistants sur cette affaire ; et tous, d’un consentement unanime, sans en excepter un seul, répondirent que ledit bienheureux méritait d’être inscrit au catalogue des saints et compté parmi eux.
Nous alors, ayant pour la deuxième fois rendu d’humbles Actions de grâces à Dieu, de ce qu’il avait daigné éclairer nos cœurs, dans le but de rendre à son fidèle serviteur les hommages et les honneurs qui lui sont dus, nous avons arrêté et décrété que le jour de la canonisation serait le dimanche après Pâques, appelé Dominica in albis et où l’on chante à l’introït de la messe : Quasi modo geniti infantes, lequel dimanche se trouvait alors le premier jour de mai, l’an de Notre-Seigneur 1519 et le jour de la fête des bienheureux apôtres Philippe et Jacques.
Et, à cet effet, nous avons fait dresser dans l’église du prince des apôtres, en cette ville de Rome, un grand théâtre de bois richement orné, selon la coutume ; c’est là qu’étant monté et après avoir prêché sur la vie, la renommée et les miracles du bienheureux François de Paule, en présence du clergé et du peuple rassemblés, nous avons d’abord récité avec dévotion les Litanies et chanté l’hymne : Veni creator Spiritus....
Puis les procureurs de cette cause, les ambassadeurs du Roi très chrétien de France et le vice-général correcteur de l’ordre des Minimes, qui étaient tous présents, nous ayant suppliés, avec de vives instances, d’inscrire le bienheureux François de Paule au rang des saints ; nous, considérant que tout avait été traité, en cette affaire, avec soin et diligence ; que, de notre part, il n’avait été rien omis des rites et des cérémonies de l’Église usités dans une pareille circonstance et Dieu étant sous nos yeux, avons décidé la canonisation de ce même bienheureux et l’avons promulguée en ces termes :
En l’honneur de Dieu tout-puissant, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, pour l’exaltation de la foi catholique et l’accroissement de la Religion chrétienne et de l’ordre des Minimes, cl pour la consolation d’icelui ; par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par celle des bienheureux apôtres Pierre et Paul et par la nôtre et avec le conseil et le consentement de nos frères, nous déclarons et définissons que : François de Paule, d’heureuse mémoire, fondateur de l’ordre des Minimes, est déjà reçu dans la céleste Jérusalem, parmi les chœurs des bienheureux, où il jouit de la gloire éternelle et qu’il doit être inscrit au catalogue des saints confesseurs ; et, par ces présentes, nous l’y inscrivons. Ordonnons et déclarons qu’il doit être, tant en public qu’en particulier, honoré comme saint. Nous ordonnons en même temps que l’Église universelle célébre sa fête, tous les ans, le deuxième jour du mois d’avril ; nous définissons enfin que tous les fidèles de Jésus-Christ peuvent implorer les suffrages de ce saint, el qu’ils doivent lui rendre tous les honneurs qu’on doit rendre à tous les autres saints confesseurs inscrits déjà et nommés au catalogue des saints.
Tout étant ainsi terminé, nous avons entonné le Te Deum, que le chœur a continué jusqu’à la fin. Alors un cardinal-diacre chanta le verset :
Ora pro nobis, beate Francisco de Paula.
Et le chœur répondit : Ut digni effociamur pronnissionibus ut beati Francisci de Paula confessoris tui patrocinio suffragantes, in nobis tua dona multiplices et ab omnibus tuaris adversis ; per Christum Dominum nostrum.
Le chœur a répondu : Amen.
Puis nous avons célébré solennellement la messe du dimanche courant, in urbis et avons pris pour la troisième oraison la susdite collecte, que nous avons terminée sous une seule et même conclusion, sub una conclusione terminantes ; nous avons fait de même pour la secrète et pour la postcommunion, en disant à la secrète :
Hostias, Domine, tuorum suscipe populorum, quas tibi in beati Francisci de Paulo festi vitatet dieamus ; ut nobis conferont tua popistiationis auxilium ; per Dominum, etc.
À la postcommunion :
Cælesti, Domine, sacramento consolati, te supplices deprecamur ut, intecedente beato Francisco de Paula, ab omni nos mentis et corporis labe custodias et per ipsum tuæ sentiamus indulgentiæ largitatum ; per Christum, etc.
La messe finie et l’ayant célébrée avec les cérémonies ordinaires prescrites au missel romain, nous avons donné l’indulgence plénière à tous les assistants ; et de plus avons accordé, à perpétuité, quarante ans d’indulgence et autant de quarantaines â tous ceux qui, chaque année, au jour de la mort de saint François de Paule, qui est le deux d’avril, visiteront son tombeau.
Louange, gloire au Tout-Puissant, qui est admirable dans ses saints et qui vil et règne plein de gloire et de bénédictions dans tous les siècles des siècles.
Au reste, comme il serait difficile de faire connaître à tous l’original de notre bulle, nous voulons et ordonnons que les copies qui en seront faites soient signées de la main d’un notaire public et revêtues du cachet de notre vénérable frère. Paris, actuellement évêque de Pesaho, maître des cérémonies, ou de celui de quelque prélat ecclésiastique ; et qu’étant ainsi faites, on y ajoute foi en tout et partout, aussi bien que si c’était l’original même de notre bulle.
Que personne ne soit donc assez audacieux pour enfreindre cette page du procès ni pour contredire avec témérité notre présente déclaration.
SI quelqu’un se rendait coupable d’une pareille tentative, qu’il sache bien qu’il encourra l’indignation du Dieu tout-puissant et celle des bienheureux apôtres Pierre et Peul.
Donné à Rome, à Saint-Pierre, l’an de grâce 1519, aux calendes de mai et de notre pontificat la septième année.
Ainsi signé : Jac. Sadolatus ; H de Buseyo. Fin de la Bulle.
Tontes les dépenses et les frais occasionnés par la magnificence de cette cérémonie furent au compte du roi François 1er.
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