Saint Laurent de Rome |
Dernière mise à jour le 17/02/2022 Plan du site Menu en haut d’écran Aide |
Fête | 10 août | ||||||||||||||||||||||||||||
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Mort | 10/08/258 | ||||||||||||||||||||||||||||
Saints contemporains |
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Il y a peu de martyrs dont le nom soit aussi célèbre que celui de saint Laurent. Les plus illustres des pères latins ont employé leur éloquence à le louer. Toute l'Église, dit saint Maxime de Turin, se réunit comme en un corps pour applaudir son triomphe, et lui payer le tribut de sa vénération.
Les anciens pères ne parlent ni du lieu de sa naissance, ni de son éducation(1). La vertu extraordinaire qu'il faisait paraître dans sa jeunesse lui gagna l'affection de saint Sixte II, alors archidiacre de Rome. Ce saint le prit sous sa protection, voulut être son guide dans l'étude des livres saints, et se chargea de le former à la perfection chrétienne. Ayant été élu pape en 257, il l'ordonna diacre ; et sans tenir compte de son jeune âge, il l'établit le premier des sept diacres qui étaient attachés au service de l'Église Romaine. C'est pour cela que plusieurs pères lui donnent le titre d'archidiacre du pape. Cette place supposait un rare mérite. Celui qui l'exerçait avait soin du trésor et des richesses de l'Église, il était chargé d'en distribuer les revenus aux pauvres.
L'Empereur Valérien, persuadé par Macrien, publia en 257 de sanglants édits contre le christianisme. Il se flattait follement de le détruire, ignorant qu'il était l'ouvrage du Très-Haut. Pour dissiper le troupeau, il consacra d'abord ses efforts contre les pasteurs. Il ordonna donc de mettre à mort sans délai les évêques, les prêtres et les diacres. Le pape saint Sixte II fut arrêté l'année suivante. Tandis qu'on le conduisait au supplice, Laurent son diacre le suivait en pleurant ; et s'estimant malheureux de ne pas partager ses souffrances, il lui disait : « Où allez-vous, mon père, sans votre fils ? Où allez-vous, saint pontife, sans votre diacre ? Jamais vous n'offriez le sacrifice, sans que je vous servisse à l'autel. En quoi ai-je eu le malheur de vous déplaire ? M'avez-vous trouvé infidèle à mon devoir ? Eprouvez-moi de nouveau, et voyez si vous avez fait le choix d'un indigne ministre pour la dispensation du sang du Seigneur ». Ces sentiments étaient dus à la sainte envie qu'il portait à son évêque sur le point de recevoir la couronne du martyre. Brûlant d'amour pour Dieu, et enflammé d'un désir ardent d'être avec Jésus-Christ, il méprisait la liberté et la vie, et faisait consister toute sa gloire à souffrir pour le Seigneur. Il regardait le monde comme un vil néant, dont il lui était avantageux de sortir au plus tôt, de là cette douleur de se voir libre, cette soif des souffrances et des tortures. Le saint Pape, touché de tendresse et de compassion, le consolait, en lui disant : « Je ne vous abandonne point, mon fils. Une épreuve plus grande et une victoire plus glorieuse vous sont réservées, à vous qui êtes dans la force et dans la vigueur de la jeunesse. Pour moi, je suis épargné à cause de ma faiblesse et de mon grand âge. Vous me suivrez dans trois jours ». Après lui avoir ainsi parlé, il le chargea de distribuer sur le champ aux pauvres les trésors de l'Église dont il était dépositaire, de peur qu'ils ne fussent dépouillés de leur patrimoine par les païens.
Laurent, transporté de joie en apprenant que Dieu l'appellerait bientôt à lui, rechercha toutes les veuves et tous les orphelins qui étaient dans l'indigence. Il leur distribua tout l'argent qu'il avait entre les mains. Il vendit aussi les vases sacrés, et les employa de la même manière. L'Église romaine avait alors des richesses considérables. Non seulement elles servaient à l'entretien de ses ministres, mais elles nourrissaient aussi un grand nombre de veuves et de vierges, outre quinze cents pauvres du peuple. Il y avait une liste de tous ces malheureux chez l'évêque ou chez son archidiacre. L'Église de Rome envoyait aussi d'abondantes aumônes dans les pays éloignés. Elle avait des ornements et des vases forts riches pour la célébration des divins mystères(2). La magnificence de ces vases sacrés enflamma, suivant Eusèbe, la cupidité des persécuteurs. Saint Optat rapporte que, sous la persécution de Dioclétien, il y avait dans les Églises des ornements précieux. Saint Ambroise, en parlant de saint Laurent, fait mention de vases sacrés d'or et d'argent. On lit dans saint Prudence, qu'on voyait des calices faits des plus riches métaux, relevés en bosse, et garnis de diamants.
Le préfet de Rome fut informé des richesses de l'Église. S'imaginant que les chrétiens avaient caché de grands trésors, il résolut de s'en emparer. Dans cette vue, il envoya chercher Laurent qui en était le dépositaire. Lorsqu'il fut venu, il lui parla de la sorte, selon saint Prudence : « Vous vous plaignez souvent, vous autres chrétiens, que l'on vous traite avec rigueur : mais il ne s'agit point de tortures présentement. Je me contente de vous demander avec douceur ce que vous pouvez donner. Je sais que vos prêtres se servent de vases d'or pour faire des libations, qu'ils reçoivent le sang sacré dans des coupes d'argent, et que dans vos sacrifices nocturnes vous allumez des flambeaux de cire, que soutiennent des chandeliers d'or. Remettez-moi ces trésors que vous cachez. Le Prince en a besoin pour réparer ses forces épuisées. On dit que, conformément à votre doctrine, vous devez rendre à César ce qui appartient à César. Certainement votre Dieu ne bat point monnaie : il n'a point apporté d'argent dans le monde ; il n'y est venu qu'avec des paroles. Donnez-moi donc votre argent, et contentez-vous d'être riches en paroles ». Laurent répondit tranquillement : « À la vérité l'Église est riche, et l'Empereur n'a point de trésors aussi précieux qu'elle. Je vous en ferai voir une bonne partie. Je vous demande seulement un peu de temps, pour disposer et mettre tout en ordre ».
Le Préfet n'entendit point de quel trésor parlait Laurent. Mais s'imaginant qu'il lui remettrait de grandes richesses, il lui accorda trois jours de délai. Durant cet intervalle, il parcourut toute la ville, pour chercher les pauvres qui étaient nourris et entretenus aux dépens de l'Église. Le troisième jour, il en rassembla un grand nombre. Cette troupe, composée de vieillards décrépits, d'aveugles, de muets, d'estropiés, de lépreux, d'orphelins, de veuves et de vierges, fut placée devant l'église. Le Diacre alla trouver ensuite le Préfet, et l'invita à venir voir les trésors dont il lui avait parlé. Mais quel fut l'étonnement de celui-ci, quand il n'aperçut qu'une troupe de misérables, dont plusieurs faisaient horreur à voir ! Jetant alors sur le Saint des regards menaçants, il lui demanda l'explication d'un spectacle si extraordinaire, et le pressa de lui montrer les trésors qu'il lui avait promis. Laurent répondit : « Quoi donc, y a-t-il ici quelque chose qui vous blesse ? L'or que vous désirez avec tant d'ardeur, est un vil métal, et la source ordinaire de toutes sortes de crimes. L'or véritable, c'est la lumière du ciel dont jouissent ces pauvres, présents à vos yeux. Ils trouvent dans leurs infirmités et leurs souffrances qu'ils supportent patiemment, les avantages les plus précieux. Ils ne connaissent point ces vices et ces passions qui sont des maladies réelles, et qui rendent les grands du monde si malheureux et si méprisables. Vous voyez dans la personne de ces pauvres, les trésors que je vous ai promis de vous montrer. J'y ajoute les perles et les pierres précieuses(3), ces veuves et ces vierges consacrées à Dieu. L'Église, dont elles sont la couronne, devient par elles l'objet des complaisances de Jésus-Christ. Elle n'a point d'autres richesses. Vous pouvez vous en servir pour l'avantage de Rome, celui de l'Empereur, et le vôtre ». Ainsi il l'exhortait à racheter ses péchés par une sincère pénitence et par l'aumône. Il lui faisait en même-temps connaître l'usage auquel l'Église employait ses trésors.
Mais cet homme charnel, loin de profiter de l'objet qu'il avait devant les yeux, s'écria dans un transport de rage : « Comment oses-tu me jouer, malheureux ? C'est donc ainsi que tu insultes les haches et les faisceaux qui sont les symboles du pouvoir romain ? Je sais que tu désires la mort ; et c'est la suite de ta vanité frénétique. Mais ne t'imagines pas mourir sur le champ : je prolongerai tes tortures, afin de te rendre la mort plus douloureuse ; tu ne mourras que par degrés ». Ayant ainsi parlé, il ordonna de préparer un gril de fer, qui fut mis sur des charbons à demi allumés. On dépouilla Laurent de ses habits Après quoi on l'attacha sur ce gril, pour que le feu pénétrât sa chair par des progrès insensibles. Les chrétiens nouvellement baptisés voyaient sur son visage une lumière éclatante, et sentaient une odeur très agréable qui s'exhalait de son corps. Mais les païens ne s'apercevaient pas de ce double prodige. Le Martyr, dit saint Augustin, désirait si ardemment de posséder Jésus-Christ, qu'il ne pensait point aux tourments que le persécuteur lui faisait souffrir. Saint Ambroise observe, que tandis que les flammes matérielles agissaient sur son corps, le feu de l'amour divin qui brûlait son cœur avec beaucoup plus d'activité, absorbait le sentiment des douleurs qu'il endurait ; et qu'ayant la loi du Seigneur devant les yeux, il regardait ses souffrances même comme un rafraîchissement et une consolation. Il jouissait effectivement d'une paix intérieure que rien ne pouvait altérer. Après avoir enduré longtemps l'horrible torture imaginée par le Juge, il lui dit avec tranquillité : « Vous pouvez maintenant faire tourner mon corps; il est assez rôti de ce côté-là ». Les bourreaux l'ayant tourné, il ajouta, toujours en s'adressant au Juge : « Ma chair est présentement assez rôtie, vous pouvez en manger ». Le Préfet ne lui répondit que par des insultes.
Cependant le Martyr priait avec ferveur. Il demandait à Dieu avec larmes la conversion de Rome. Il conjurait Jésus-Christ de faire par sa grâce, que cette ville qui avait soumis l'univers, se soumît à son tour au joug de la foi, afin que l'Évangile pût se répandre plus facilement dans toutes les provinces de l'Empire. Il sollicitait la conversion de la capitale du monde, à cause des saints apôtres Pierre et Paul qui avaient commencé à y planter la Croix et qui l'avaient arrosée de leur sang. Sa prière finie, il leva les yeux au ciel et rendit l'esprit(4).
La plupart des auteurs modernes estiment qu'il fut décapité, comme Sixte.
Saint Prudence assure que l'entière conversion de Rome fut le fruit des prières de saint Laurent. Il ajoute :
On lit, dans saint Augustin, qu'il s'opérait à Rome un grand nombre de miracles par l'intercession de saint Laurent. Il s'en opérait aussi en d'autres lieux, comme le disent saint Grégoire de Tours, saint Fortunat et quelques autres Pères. Il apparaît dans le Sacramentaire du pape Gélase, que la fête de saint Laurent s'est célébrée avec Vigile et Octave, au-moins jusqu'au cinquième siècle.
Sous le règne de Constantin le Grand, on bâtit une église sur le tombeau du saint Martyr. Elle existe encore aujourd'hui sous le nom de Saint-Laurent extra muros.
Son nom est cité dans la première prière eucharistique. Il y est invoqué pour guérir les brûlures et les maladies de peau.
Le pape Adrien accorda à Charlemagne une partie des reliques de saint Laurent, et ce Prince en fit présent à l'Église de Strasbourg. Ces Reliques furent l'origine de la chapelle de saint Laurent, attenante à la cathédrale(8). Cette chapelle devint la première et la plus ancienne paroisse de la ville et du diocèse de Strasbourg, et fut le titre du premier curé archiprêtre, auquel était autrefois attachée la fonction de grand pénitencier(9).
Cette remarque est intéressante : elle montre la foi et dans quel esprit vivaient les chrétiens à la fin du VXIIIe siècle. Les réflexions ci-dessous doivent nous faire réfléchir aujourd'hui sur le sens de la vie d'où découle la notion d'amour et de bonheur.
Nous voyons dans la personne de saint Laurent quel est le pouvoir de la grâce de Jésus-Christ ; et comment elle adoucit l'amertume de ce qui mortifie le plus la chair et le sang. Si nous avions le courage et la ferveur des saints, les difficultés qui se rencontrent dans la pratique de la vertu, disparaîtraient comme de vains fantômes. Si notre foi était aussi vive que celle des martyrs, nous mépriserions comme eux les plaisirs et les honneurs du monde ; et nous jugerions des biens et des maux de cette vie, non d'après les sentiments de la nature, mais d'après les principes de la religion. En aimant Dieu aussi sincèrement qu'ils l'aimaient, nous nous soumettrions avec joie à sa volonté en toutes choses ; nous ne désirerions rien tant que son accomplissement, et nous y ferions consister notre bonheur. Pourquoi sommes-nous impatients dans les épreuves ? Pourquoi nous abandonnons-nous alors aux murmures et aux plaintes ? Pourquoi nous regardons-nous comme malheureux ? C'est que nous sommes dominés par l'amour propre, et que nous cherchons plutôt ce qui flatte la nature, que l'accomplissement de la volonté de Dieu. L'amour se connaît dans les souffrances. Nous pouvons alors juger si dans les devoirs qui sont agréables à la nature, nous aimons la volonté de Dieu ou la nôtre. Lorsque l'amour propre se découvre dans nos souffrances, il est bien à craindre qu'il n'infecte également tout le reste de notre vie ; il nous serait au-moins difficile de prouver que la foi et la divine charité sont le principe de nos actions.
Sources |
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(1) | Les Espagnols prétendent qu'il était de leur pays. Voyez le livre intitulé : Francisei Perezii Bayeri Damasus et Laurentius, Hispani, asserti & vindicati. Romae, 1756, in-4°.
Mais Mérenda a combattu leur prétention et a prouvé que saint Laurent était Romain de naissance, in Opera S. Damasi, c. 24. S. 3. p. 146.
La même chose est expressément marquée dans l'ancien Sacramentaire, appellé Léonien , et publié par Blanchini, T. 4. oper. Anastas Bibliot. Proleg p. XXXV/III.
Le savant éditeur d'Anastase prouve encore ce sentiment dans un autre Ouvrage. V. Adnot. in Libellum. Orationum antioui Ritûs Gothic. Hispan. T. 1. part. 1. apparat in Psalter. Card. Thomasii p. 291 et 293. edit.an. 174. Retour |
(2) | Voyez Tertullien et Lucien. Retour |
(3) | Nune addo gemmas nobiles , Gemmas corusci luminis..... Cernis sacratas Virgines. ... Hoc est monile Ecclesiæ, Dotata sic Christo placet. S. Prudent. Hymn. 2. v. 297. Retour |
(4) | (b) Saint Léon s'exprime de la sorte dans un Panégyrique de saint Laurent : Segnior fuit ignis qui foris ussit , quam qui intùs accendit.
Sevîsti, Persecuror, in Martyrem ; sevisti, et auxisti palmam dùm aggeris panam.
In honorem transierunt triumphi..... etiam instrumenta supplicii. S. Leo M. Serm. 83. edit. Quesn. 87. edit. Roma T. 1. p. 25o.
Dominus in Sanctis suis ..... nobis et prasidium contulit et exemplum..... Ut quàm clarificata est Hierosolyma Stephano , tam illustris fieret Roma Laurentio : cujus oratione & patrocinio adjuvari nos sine cessatione confidimus. Ibid. P.251. Retour |
(5) | Vexêre corpus subditis Cervicibus quidam Patres, Quos mira libertas viri Ambire Christum suaserat. v. 490. Retour |
(6) | Ipsa et Senatûs lumina, Quondam Luperei et Flamines, Apostolorum et Martyrum Exosculantur limina. v. 518. Qua sit potestas credita, Et muneris quantùm datum, Probant Quiritum gaudia, Quibus rogatus annuis (Laurenti) v. 561. Retour |
(7) | Indignus agnosco et scio Quem Christus ipse exaudiat ; Sed per patronos Martyres Potest medelam consequi, v. 578. Retour |
(8) | En 1785, la Paroisse de Saint-Laurent dépendait du Grand-Choeur de la Cathédrale, qui était Curé primitif et Pptron de la Cure.
Le Curé Archiprêtre, nommé par le Grand-Choeur, tenait parmi les curés du Diocèse la premiere place dans les Synodes et les Assemblées ecclésiastiques, et avait le privilege d'être le premier assistant de l'évêque le Jeudi Saint à la bénédiction des Saintes Huiles. Retour |
(9) | Voyez M. l'Abbé Grandidier, Essais hist. sur la Cathédrale de Strasbourg, p. 318 et suiv. Retour |