Saint Pierre Chanel (première partie) |
Dernière mise à jour le 17/02/2022 Plan du site Menu en haut d’écran Aide |
Vitrail (église de Neuville-les-Dames) | Baie numéro 11 |
---|---|
Fête |
Date | Événement |
---|---|
12 juillet 1803 | Naissance de Pierre Chanel à Cuet. |
15 juillet 1827 | Pierre Chanel est ordonné prêtre. |
1831 | Pierre Chanel entre ches les Maristes. |
24 décembre 1837 | Pierre Chanel part du Havre en direction de Futuna. |
28 avril 1841 | Mort de Pierre Chanel. |
16 novembre 1889 | Le pape Léon XIII béatifie Pierre Chanel. |
13 juin 1954 | Le pape Pie XII canonise saint Pierre Chanel. |
Saint Pierre Chanel naquit le 12 juillet 1803 à Cuet proche de Montrevel qui est proche de Bourg-en-Bresse. Il est le cinquième des huit enfants. Il fit ses études successivement à Saint-Didier, Cras, Monsols, Cras, puis dans les petits séminaires de Meximieux et de Belley avant d’entrer au grand séminaire de Brou à Bourg-en Bresse.
Il fut nommé vicaire d’Ambérieu en Bugey avant de devenir curé de Crozet. Il entra ensuite dans la Société de Marie, (Maristes).
Il fut alors placé comme professeur de la classe de sixième au collège de Belley avant de devenir directeur spirituel du petit séminaire.
Le Pape Grégoire XVI approuva la Société de Marie et lui assigna l'Océanie occidentale comme terre de mission.
Pierre Chanel devint supérieur du petit séminaire de Belley avant de préparer son départ pour l’Océanie.
Il partit par bateau du Havre. Le voyage, réalisé successivement avec plusieurs navires, fut risqué mais les missionnaires arrivèrent miraculeusement à destination après avoir convertit des équipages.
Il dut apprendre la langue locale et devint progressivement capable d’enseigner les autochtones. Il dut combattre la vénération de faux dieux. Le roi qui protégea dans un premier temps les missionnaires devint un leur opposant surtout après la conversion de son fils.
Pierre Chanel redoubla de zèle pour évangéliser avant d’être assassiné le 28 avril 1841, dans le but de faire disparaître la religion de l’île.
La population de l’île y compris ses bourreaux qui ne moururent pas rapidement, se convertir.
Pierre Louis Marie Chanel naquit le 12 juillet 1803 à Cuet au hameau de la Potière. Cuet est proche de Montrevel qui est proche de Bourg-en-Bresse.
Son père se nomme François Chanel et sa mère Marie-Anne Sibellas. C'étaient d'honnêtes cultivateurs et d'excellents chrétiens. Pierre est le cinquième des huit enfants de cette humble et modeste famille.
Sa mère, avant même que son enfant vît le jour, l'avait consacré à Marie. Quand il sut que sa mère l'avait ainsi voué dès avant sa naissance, il joignit à son nom le nom béni de Marie.
Au jour de sa confirmation, ayant lu la Vie de saint Louis de Gonzague, il ajouta encore à ses prénoms celui de Louis, déclarant ainsi qu'il voulait avoir ce jeune saint pour patron et pour modèle.
Dès les plus tendres années, il montra des dispositions remarquables pour la piété. Il en était de même de sa cousine Jeanne-Marie Chanel, née le 7 avril 1803, avec qui il assistait souvent à la messe à Montrevel ou à Saint-Didier-d'Aussiat. A sept ans et demi, cette cousine quitta le hameau. Il continua alors avec sa sœur Marie-Françoise, plus jeune que lui de cinq ans. La Providence les appela l'un et l'autre à la vie religieuse dans la congrégation qui portait le nom de Marie.
Pierre fut chargé, dès l'âge de sept ans, de garder le petit troupeau de son père.
En 1810, il alla à l'école primaire de Saint-Didier. Il avait à peine huit ans, quand il se confessa pour la première fois.
Vers la fin de 1812, ce saint prêtre rencontra le jeune berger gardant son troupeau.
« Comment t'appelles-tu ? »
« Pierre Chanel. »
« Quel est ton âge ? »
« Neuf ans et demi. »
« Où vas-tu à l'école ? »
« A Saint-Didier. »
« Que sais-tu ? »
« Pas grand-chose. »
En 1814 le curé rencontra de nouveau Pierre Chanel et lui dit : « Eh bien ! Pierre, te voilà grand : voudrais-tu venir à Cras ? »
« Oh! Oui, Monsieur le Curé. C'est tout mon désir. »
Pierre vint passer l'hiver de 1814 à Cras, et fréquenta l'école du village. L’année suivante l’abbé Trompier fut nommé à la cure du canton de Monsols, près de Beaujeu. Pierre en fût désolé. Finalement l’abbé Trompier partit pour Monsols en emmenant Pierre-Marie.
Dans ses moments de loisir il aimait lire des livres. Aucun ne l’intéressa autant que les « Lettres édifiantes ». Les « Annales des Missions étrangères » allumèrent dans son jeune cœur un vif désir de franchir les mers et de se dévouer au service des infidèles. L'idée de verser son sang pour Jésus-Christ le faisait tressaillir.
Pierre-Marie assistait le prêtre à l'autel, auprès des moribonds, durant les cérémonies de funérailles.
Le climat des montagnes du Beaujolais éprouva la santé du curé de Monsols, et son état devint bientôt assez grave pour qu'un changement fût déclaré nécessaire. L’abbé Trompier fût nommé de nouveau à Cras en 1816.
Il ouvrit dans son presbytère une sorte d'école cléricale où il avait réuni quelques enfants, dont plusieurs sont devenus des prêtres remarquables par leur savoir et leur piété. Le jeune Chanel leur fut associé, et devint bientôt le plus laborieux de tous.
A l’époque, l’usage était d’attendre un développement marqué de la raison et de l'intelligence des enfants avant qu’ils fassent leur première communion. Ainsi Pierre Chanel avait treize ans et demi, quand il fit sa première Communion le 23 mars 1817 dimanche de la Passion.
Tout à coup, il se sentit saisi d'un profond dégoût pour l'étude. Il usa de toute son énergie pour combattre et vaincre ce découragement. Tous ses efforts furent vains. Il devint triste et rêveur : sa santé dépérissait à vue d'œil. Interrogé sur les causes de cet état, il ne savait que répondre. Enfin, n'y tenant plus, un matin il fit un paquet de ses cahiers et de ses livres, et, sans avertir Monsieur le Curé, il prit le chemin de la Potière. Il était déjà en route, lorsqu'il rencontra, devant l'église du village, une respectable personne dont la grande piété avait gagné sa confiance. Elle se nommait Mademoiselle Benoîte Chambard et dirigeait l'école des filles.
Voyant l'enfant marcher à pas pressés, elle lui dit : « Pierre, où vas-tu comme cela ? »
Le fugitif lui répondit : « Je m'en vais. »
« As-tu parlé à ta tante ? Et à Monsieur le Curé ? As-tu au moins consulté la Sainte Vierge ? »
Les yeux baissés, Chanel ne répondait pas.
La bonne fille ajouta : « Crois-moi, Pierre, va d'abord à l'église, prie la Sainte Vierge, et tu feras ce qu'elle te dira. »
Le jeune homme obéit.
Il déposa son paquet au bas de la nef et alla réciter son chapelet aux pieds de la Sainte Vierge.
La prière eut son effet : il revint tout joyeux auprès de la pieuse demoiselle qui lui dit : « Eh bien ? »
« Eh ! bien, je reste. »
Sur quoi il chargea ses livres sur sa tête et revint au presbytère, où il reprit le cours de ses études, qui ne fut plus jamais interrompu.
Vingt ans plus tard, reportant sa pensée vers cette époque de sa vie, qu'il appelait l'époque de sa conversion, il disait : « Vraiment, je ne sais pas ce que j'avais dans la tête ; je crois que le diable s'y était logé. Le perfide ! Peu s'en est fallu qu'il ne m'ait joué un bien vilain tour. J'étais, sans pouvoir me l'expliquer, dans des angoisses et dans une espèce d'agonie qui touchait presque au désespoir. Si j'ai recouvré le calme et le courage, je le dois à la Sainte Vierge. » Il n'oublia jamais une telle faveur, ni cette femme vénérable qui l'avait si sagement conseillé.
Au mois de juillet 1819, Pierre touchait à sa seizième année. Le bon curé de Cras était certainement capable de conduire son jeune élève, d'étape en étape, jusqu'au seuil du Sacerdoce, mais il jugea préférable de lui faire continuer ses études dans un établissement diocésain.
Or, en ce temps-là, le séminaire de Meximieux, fondé depuis quelques années par Monsieur l'abbé Ruivet, dans la paroisse dont il était curé, jouissait déjà d'une réputation bien méritée. Il contenait environ trois cents élèves, et avait alors pour supérieur le Père Loras, devenu plus tard évêque de Dubuque, aux États-Unis. Il fut décidé que le jeune Chanel y serait envoyé pour achever ses études.
Pendant l'année de rhétorique, il fit connaissance de Claude Bret et Denis-Joseph Maîtrepierre, deux de ses condisciples. Tous les trois conçurent le dessein de se consacrer aux Missions étrangères. Le supérieur du petit Séminaire, qui souhaitait tout quitter pour se dévouer aux missions devina leur projet. Juste appréciateur des qualités et des vertus de ces jeunes gens, le futur évêque de Dubuque les avait déjà choisis, dans le secret de son cœur, pour les associer un jour aux travaux de son apostolat.
Alors que le cours des études appelait les trois élèves au collège de Belley, il les fit venir auprès de lui, leur dévoila sa pensée et les espérances qu'il fondait sur eux. Les trois jeunes gens tressaillirent de joie et de bonheur. Il leur dit ensuite : « Mes amis, ne précipitons rien; sachons attendre le moment de la Providence. Nous aurons des obstacles à surmonter; mais ayons confiance et prions. »
La fin de l'année scolaire fut marquée par un grand événement. Le Concordat de 1817 avait rétabli le siège de Belley ; mais l'exécution en fut retardée jusqu'aux derniers mois de 1822. Monseigneur Devie, nommé le 13 janvier 1823, fut préconisé le 10 mars et sacré le 16 juin. Il fit son entrée solennelle à Belley, le 23 juillet, au milieu des plus vives démonstrations de joie et d'allégresse.
Parti de Belley, le 19 août, pour une première tournée pastorale, Monseigneur Devie s'arrêta à Meximieux, où il fut reçu avec enthousiasme. Le 20, il donna la Confirmation à un grand nombre de personnes, qui n'avaient pas encore été confirmées. Il y avait dix ans que ce sacrement n'avait pu être administré par suite de l'exil du cardinal Fesch, archevêque de Lyon. Pierre Chanel fut du nombre des confirmés.
Le 21 août, afin d'encourager les études, Monseigneur Devie voulut présider lui-même la séance solennelle de la distribution des prix. Lorsque vint le tour de la classe de rhétorique, il eut à couronner Pierre-Marie Chanel pour le premier prix de diligence et de vers latins, et à lui donner le premier accessit en discours français et le second en excellence et en discours latin.
En 1823, Pierre Chanel et ses deux amis Bret et Maîtrepierre, vinrent à Belley dont le collège venait d'être érigé en petit Séminaire diocésain dirigé par Monsieur l'abbé Guigard. Il chargea Pierre Chanel du soin de la chapelle et de la préparation des cérémonies. Quand vint l'époque de la première communion, il le choisit pour surveiller, sous la présidence du directeur, les enfants qui devaient y prendre part et entretenir en eux le recueillement et la piété. Monsieur l'abbé Roybier, longtemps après, rappelant ces anciens souvenirs, disait : « Notre cours de philosophie comptait vingt-quatre élèves. On peut dire que c'était une classe modèle : mais parmi tous ces jeunes gens, Pierre Chanel se faisait remarquer par sa conduite exemplaire et ses manières douces et affables. »
Dès le commencement de son épiscopat, Monseigneur Devie avait sollicité et obtenu pour son grand Séminaire les bâtiments avec les dépendances de l'ancien couvent des Augustins, au faubourg de Saint-Nicolas de Bourg. L'église monumentale de Notre-Dame de Brou, si remarquable par son architecture, sa façade, son jubé, ses stalles, ses mausolées et ses chapelles de l’Assomption et de Notre-Dame des Sept-Douleurs, devait servir aux offices du grand Séminaire. La première ouverture des cours de théologie put avoir lieu le 11 novembre 1823, sous le patronage de saint Martin, le grand évêque de Tours. Il y avait près d'une année que le grand Séminaire était installé à Brou, lorsque Pierre Chanel s'y présenta à la fin d'octobre 1824.
Il dit un jour au Père Bourdin : « Je ne puis vous exprimer, combien je fus impressionné lorsque je me revêtis de l'habit ecclésiastique pour me rendre à Brou. Mon émotion fut bien autrement vive quand j'eus franchi le seuil du grand Séminaire. Il me semblait que Dieu avait créé pour moi de nouveaux cieux et une terre nouvelle : Vidi coelum novum et terram novam. Je retrouvai là bon nombre de mes anciens condisciples. Tous avaient le bréviaire ou la tonsure. Je croyais déjà toucher à quelque ordination ; j'entrevoyais le Sacerdoce de si près, que j'éprouvais au fond de mon âme, tantôt de la joie et de la confiance, tantôt de la crainte et de l'éloignement. Vint une retraite. Ah ! C'est pour le coup, me dis-je en moi-même, que je vais enfin jeter les fondements de ma sanctification. Il en est temps ; plus tard, ce serait trop tard. »
Au commencement du mois de mai 1825, le supérieur lui annonça qu'il était appelé à recevoir la Tonsure et les Ordres Mineurs. A cette nouvelle, il ne put cacher la joie qui inondait son âme. Il allait solennellement prendre le Seigneur pour son partage et franchir les premiers degrés du sanctuaire ! Avec quelle ferveur il se prépara à ce jour béni qu'il appelait de tous ses vœux ! Ce fut le samedi des Quatre-Temps de la Pentecôte, 28 mai 1825, que Monseigneur Devie fit l'ordination.
Il fut appelé au sous-diaconat au milieu du mois de février 1826. Le samedi 20 mai 1826, veille de la Pentecôte, il fut ordonné diacre par Monseigneur Devie.
Le 24 juin, fête de saint Jean-Baptiste, patron du diocèse, on procéda aux appels pour la prochaine ordination, fixée au sixième dimanche après la Pentecôte. L'abbé Chanel fut appelé au sacerdoce. Le jour même de son ordination, il fut nommé vicaire à Ambérieu-en-Bugey. Arrivé dans cette paroisse avec une santé affaiblie par les études, l'abbé Chanel n'y resta que treize mois.
A Ambérieu, l'abbé Chanel eut le plaisir de retrouver l'un de ses deux plus intimes amis du grand séminaire. Trop jeune encore pour être admis au sacerdoce, l'abbé Bret venait d'être nommé directeur de la maîtrise d'Ambérieu.
Pierre Chanel pensait toujours aux Missions étrangères, et les propositions de son ancien supérieur lui revenaient sans cesse à l'esprit. Cet attrait était si pressant, qu'un an après son arrivée à Ambérieu, il crut devoir s'en ouvrir à son évêque.
Monseigneur Devie ne se hâta pas de répondre, et l'abbé Chanel, toujours prêt à soumettre sa volonté à celle de ses supérieurs, attendit.
Il enviait le bonheur d'un ancien vicaire d'Ambérieu, M. Bonnand, qui, à force de prières et de sollicitations, avait enfin obtenu la permission de s'embarquer pour les Indes orientales. Au récit de ses travaux apostoliques, Pierre Chanel sentait croître en lui le désir de se consacrer aux missions.
Il disait à la personne qui lui communiquait les lettres du missionnaire : « Ah ! Si je ne puis rejoindre M. Loras à Dubuque, que je serais heureux d'être auprès de notre cher M. Bonnand ! Demandez-lui donc, quand vous lui écrirez, s'il n'a pas trouvé mon nom écrit sur le sable du rivage ou sur l'écorce de quelques arbres. Dites-lui bien que je me mettrai en route aussitôt que Dieu me fera signe. »
La réponse de Monsieur Devie vint enfin. Elle ne fut pas ce qu'il espérait. L'abbé Chanel reçut, le 1er septembre 1828, une lettre de l'administration diocésaine, qui le nommait curé de Crozet, à l'extrémité du département de l'Ain, dans le voisinage de Genève. Les supérieurs ecclésiastiques étaient convaincus que cette paroisse, dont la population ne dépasse guère huit cents âmes, ne répondait pas à son mérite ; ils l'y avaient nommé dans l'intérêt de sa santé.
Certes, il en coûtait à Monseigneur de perdre pour son diocèse des sujets dont il avait si grand besoin. Il voulait aussi éprouver ces vocations, de crainte qu'elles ne fussent le produit d'une imagination exaltée. Mais il est juste de dire que, lorsque sa conviction était faite sur ce point, il ne refusait pas de laisser partir ceux que Dieu appelait. Il eut toujours une grande vénération pour le fondateur des Pères maristes, et, bien que le diocèse de Belley fût à peine réorganisé, il en est peu qui aient fourni, surtout à son début, autant de missionnaires à la Société de Marie.
Au pied du Jura, en face de Genève, sur le territoire de Gex, s'élève dans l'isolement un clocher modeste ; à quelques centaines de pas, est situé un groupe de maisons basses et pauvres ; plus loin, au milieu d'une campagne aride et ravinée, sont jetés çà et là trois ou quatre hameaux ; sur les flancs de la montagne, on distingue de rares chalets. Une antique voie romaine traverse le pays dans la direction de Berne. Tel est, au point de vue topographique, Crozet, dont la population ne dépasse guère huit cents âmes.
Au point de vue religieux et moral, la misère était plus grande encore. Le village de Crozet avait servi comme d'avant-poste aux disciples de Calvin pour répandre leurs erreurs. Ils s'y étaient retranchés fortement, et, comme partout, leur domination s'y était signalée par des scènes de cruauté, dont le récit fait encore frémir, à trois cents ans de distance. Quoique les catholiques eussent relevé leur église, une partie de la population était restée protestante ; et parmi les fidèles eux-mêmes, que de préjugés et d'erreurs ! Que d'ignorance et de libertinage ! Le voisinage de Genève, d'où venait sans cesse un souffle d'hérésie ; une jeunesse de dix-huit à vingt ans qui n'avait point fait de première communion ; des ouvriers venus du dehors, des étrangers, des repris de justice, rivalisant d'inconduite et d'impiété : voilà, au moral, ce qu'était la population de Crozet. Dès les premiers jours de son arrivée, il s'empressa de faire connaissance avec ses paroissiens. Il alla les voir chez eux ; il n'oublia personne ; il n'excepta pas même les familles des protestants.
Le nouveau pasteur pensa que, pour remédier efficacement aux maux de sa paroisse, il fallait d'abord s'occuper de l'instruction des enfants. Ayant découvert un jeune homme d'une piété solide et d'une instruction suffisante, il le gagna à sa cause et lui confia le soin des petits garçons du village.
Quant aux jeunes filles, il les mit sous la garde d'une Sœur de la Providence, qui bientôt ne suffit plus à la tâche ; outre les soins qu'elle donnait aux enfants de sa classe, elle avait à s'occuper de l'entretien du linge et des ornements de l'église, à visiter les malades, sans parler d'autres offices de charité. Monsieur le Curé songea à lui trouver une auxiliaire. Il appela sa sœur Marie-Françoise à Crozet pour aider la Sœur de la Providence.
Un grand sujet d'affliction pour l'abbé Chanel, en entrant à Crozet, ce fut d'y trouver une église mal située, trop petite, lézardée et plongée dans une extrême pénurie. Le presbytère était aussi dans le plus déplorable état ; mais pour un pasteur qui songe moins à ses propres aises qu'au salut des âmes, l'intérêt de la Maison de Dieu passe bien avant celui de son habitation personnelle. Prenant donc patience pour ce qui était de ses intérêts particuliers, il ne pensa qu'à réédifier et décorer le temple du Seigneur. Il agit sans trop se hâter ; il prépara les esprits à des demandes de fonds, qu'il est toujours si difficile de faire agréer aux habitants de la campagne. Lorsque le moment de la Providence fut venu, il fit un appel à la générosité de ses paroissiens. Son projet fut accueilli avec joie, et l'on s'empressa de le seconder. Monseigneur Devie, M. Girod, et quelques personnes marquantes du département promirent également le concours de leur charité. Quand les sommes nécessaires furent assurées, on convint de jeter au plus tôt les fondements du nouveau temple. Le choix de l'emplacement entraîna de graves difficultés.
Ses supérieurs, qui ne l'avaient envoyé à Crozet que dans l'intérêt de sa santé, songeaient déjà à le mettre à la tête d'une paroisse plus importante.
Pierre Chanel dit lui-même : « L'administration diocésaine ne veut pas me laisser plus longtemps dans mon petit village. M. Ruivet, vicaire général, est venu me voir lorsque j'étais en voyage. Il a dit à l'un de mes confrères qu'il voulait m'offrir la cure de Douvres. Humainement parlant, ce poste est attrayant. Ne vous inquiétez point à mon sujet ; faites comme moi : je me remets entre les mains de Dieu et lui fais le sacrifice de mon bon plaisir ; que sa volonté s'accomplisse, et non la mienne ! Je doute cependant que je puisse me séparer sans regret de mes chers paroissiens ; je trouve au milieu d'eux de si douces consolations ! Je ne les quitterai, je l'espère, que pour travailler au salut des infidèles. Depuis longtemps, je sens que Dieu me réserve cette destinée. L'abbé Maîtrepierre, supérieur actuel du pensionnat de Marboz, et l'abbé Bret doivent être mes compagnons de route. Il est convenu que tous trois nous nous donnerons la main pour aller rejoindre Monseigneur Loras aux États-Unis. »
On lui aurait offert la plus belle cure du diocèse, qu'il ne l'aurait point acceptée en échange de la vie apostolique.
« La volonté de Dieu avant tout, » s'écriait-il ; mais il voyait cette volonté dans celle de son évêque, et bien qu'il fût convaincu dans son âme que Dieu l'appelait aux Missions parmi les infidèles, il attendit jusqu'au jour où la voix divine, par l'organe de ses supérieurs, lui dit : Dieu le veut, allez !
Pierre Chanel eut envie de s’engager dans la vie religieuse.
Il y avait une Société nouvelle, humble et petite, comme un enfant sortant de ses langes, et qui, dès son berceau, exhalait un parfum d'humilité et de simplicité qui frappa tout d'abord l'abbé Chanel. Le premier germe de cette œuvre avait été conçu, en 1816, au grand Séminaire de Saint-Irénée, à Lyon, et elle avait pris naissance aux pieds de la Sainte Vierge, dans l'antique sanctuaire de Fourvière.
La Reine du ciel lui avait donnés son nom et, par là même, l'avait adoptée comme sa fille bien-aimée. Les premiers membres de cette Société se nommaient Maristes et reconnaissaient Marie pour leur mère et perpétuelle supérieure. Ils étaient en petit nombre, mais l'abbé Chanel en connaissait plusieurs, qui étaient pour lui des condisciples ; il connaissait en particulier le Révérend Père Colin, fondateur de la jeune Société, qui à ce moment dirigeait, sous l'autorité de Monseigneur Devie, les missions paroissiales du diocèse de Belley.
L'abbé Chanel vit le Révérend Père Colin, lui soumit ses idées, lui communiqua ses intentions ; après avoir mûrement réfléchi, beaucoup prié, et pris l'avis de personnes graves, il lui exprima son désir d'entrer dans la Société dont il était le chef. Le Révérend Père Colin l'accueillit avec une bonté toute paternelle.
Une nouvelle demande fut adressée à Monseigneur Devie, et, cette fois, l'autorisation fut accordée. La joie et la reconnaissance de l'abbé Chanel furent sans mesure.
Avant de quitter la cure de Crozet, l'abbé Chanel s'occupa de l'avenir de sa sœur. Sur ses conseils et sous son impulsion propre, elle fit le voyage de Belley pour se présenter au couvent de Bon-Repos, maison-mère des Religieuses du Saint-Nom de Marie. Admise au noviciat, elle devint un ange de ferveur, d'obéissance et d'humilité. Elle prit le voile et, cachée dans la solitude, on ne la connut plus désormais que sous le nom de Sœur Saint-Dominique.
<Sources |
|
---|