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Saint Vincent de Paul



Dernière mise à jour
le 17/02/2022

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Si les œuvres de charité de saint Vincent de Paul sont très connues,
ses liens avec saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal sont souvent oubliés.

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Vitrail
(église de Neuville-les-Dames)
Baie numéro 12
Fête

Liste des chapitres

Les grandes dates de la vie de saint Vincent de Paul

DateEvénement
24 avril 1581Naissance : Vincent est le troisième de six enfants (quatre garçons et deux filles).
1595 à 1597Etudes élémentaires à Dax, au collège des Cordeliers.
Il logea chez M. de Comet (plaque commémorative), rue des Fusillés.
1597Entrée à l'Université de Toulouse.
23 septembre 1600Ordonné prêtre à Château-l'Evêque, près Périgueux
1605Voyage à Marseille
juin 1607Retour de captivité à Aigues-Mortes
1610Aumônier à la cour de la Reine Marguerite de Valois.
2 mai 1612Curé de la paroisse de Clichy pendant 14 ans.
1613Précepteur dans la célèbre famille "De Gondi"
1614Tentation contre la foi pendant 3 ou 4 ans
1617Année déterminante dans la vie de saint Vincent.
Vincent rencontre par deux fois "les pauvres" et décide de consacrer sa vie à leur service.
Confession d’un paysan à Folleville le 25 janvier
Établissement de la première Confrérie de la Charité à Châtillon les Dombes
1619Nommé aumônier général des Galères.
1622il devint le supérieur du premier monastère parisien de l'"Ordre de la Visitation Sainte-Marie".
1623 Dernier voyage au pays natal.
1625Fondation de la Congrégation de la Mission (Lazaristes).
1628Première retraite aux Ordinands à Beauvais.
Dès lors, saint Vincent travaillera efficacement à la formation des prêtres dans l'Eglise.
1633Début des "Conférences du Mardi" où se trouve régulièrement l'élite du Clergé (Bossuet ou autres).
Fondation de la Compagnie des Filles de la Charité.
1634Fondation de la confrérie de l'Hôtel-Dieu à Paris. (Dames de la Charité, devenues aujourd'hui : "Equipes Saint-Vincent".)
1638Début de l'œuvre des Enfants trouvés.
1639Saint Vincent organise les secours en Lorraine (ravagée par la guerre).
1640Démarche de M. Vincent auprès de Richelieu en faveur de la paix.
1643Saint Vincent assiste Louis XIII à son lit de mort.
Saint Vincent est nommé au Conseil de Conscience (Conseil de Régence).
1646Fondation de la mission d'Alger, missionnaires en Irlande, Ecosse.
1648Fondation de la mission de Madagascar.
1649Démarche de saint Vincent auprès de la Reine et Mazarin en faveur de la paix.
1651Saint Vincent organise des secours en Picardie, Champagne et Ile-de France, dévastées par la guerre.
Fondation de la mission de Pologne.
1654 Fondation de l'Hôpital du Saint-Nom-de-Jésus, à Paris.
27 septembre 1660mort de saint Vincent à Paris.
12 août 1729béatification par le Pape Benoît XIII
17 juin 1737Canonisation de saint Vincent de Paul.
1883patron de bienfaisance catholique

Les grands noms de la noblesse et de la bourgeoisie française mobilisés au service des pauvres par Vincent de Paul

Contexte religieux

DIEU ménage de fidèles ministres à son Eglise dans les temps mêmes où l’esprit de foi parait presque universellement anéanti ; ces hommes privilégiés se préparent à devenir des vases de grâces, par l’exercice de la prière et par le crucifiement des inclinations de la nature corrompue ; une fois bien pénétrés des maximes de Jésus-Christ, ils paraissent dans le monde comme de nouveaux apôtres, et conduisent les autres dans les voies de la piété, où le Saint-Esprit leur servit lui-même de maître et de guide. Saint Vincent de Paul fut un de ces instruments dont la divine miséricorde se sert pour ranimer la piété sur la terre.

Naissance et jeunesse de Vincent

Il naquit, en 1576, (En 1922 le P. Pierre Coste démontrait que Saint Vincent n'était pas né en 1576 mais, à son avis, en 1581) dans le village de Poy, au diocèse d’Acqs, en Gascogne, vers les Pyrénées. Son père se nommait Guillaume de Paul, et sa mère Bertrande de Moras. Ils faisaient valoir par eux-mêmes une petite ferme qui leur appartenait en propre, et ils tiraient du travail de leurs mains de quoi subsister avec leur famille. Ils avaient six enfants, quatre garçons et deux filles ; ils les élevaient dans la piété et dans l’exercice des travaux de la vie champêtre.

Vincent, qui était le troisième des fils de Guillaume de Paul, donnait des preuves singulières d’esprit et de capacité. Il avait un maintien grave et un amour pour la prière qui étaient au-dessus de l’âge d’un enfant. Ses premières années se passèrent à garder le troupeau de son père. Souvent il lui arrivait de se priver d’une partie de son nécessaire pour en assister les pauvres, dans la personne desquels il envisageait Jésus-Christ. C’était là comme autant d’indices de cette ardeur extraordinaire avec laquelle il se mit à chercher Dieu lorsque sa raison fut entièrement formée. On peut aussi assurer que sa fidélité à correspondre aux grâces qu’il recevait dans son enfance, lui en mérita de nouvelles, et devint le principe de ces bénédictions dont il fut depuis comblé.

Guillaume de Paul, qui voyait en son fils de rares dispositions pour les sciences et la piété, résolut de le faire étudier. Il le mit en pension chez les Cordeliers d’Acqs qui se chargeaient de l’éducation des jeunes gens. Au bout de quatre années, Vincent fut en état d’instruire les autres. M. de Commet, avocat de la ville d’Acqs, et juge de Poy, le fit précepteur de ses enfants ; par-là le jeune Vincent se vit en état de continuer ses études sans être à charge à sa famille. A l’âge de vingt ans, il se rendit à Toulouse, y fit son cours de théologie, et y prit le degré de bachelier. Il reçut le sous-diaconat, ainsi que le diaconat, en 1598, et la prêtrise deux ans après.

Déjà on admirait en lui les vertus qui font un digne ministre de Jésus-Christ, sans qu’il connût cependant encore ce parfait crucifiement sur lequel porte tout l’édifice de la sainteté. Il avait appris la théologie et les autres sciences ecclésiastiques ; il s’était pénétré des maximes de l’Evangile par la lecture des livres divins, par celle des vies des Saints et des meilleurs ouvrages de spiritualité : mais il lui restait encore une science à apprendre, et celle-ci demandait plus qu’une étude et une application ordinaires. Elle consiste dans de vifs sentiments, et dans la connaissance pratique de l’humilité, de la patience, de la douceur et de la charité, et elle ne peut s’acquérir que par le bon usage des épreuves intérieures et extérieures : c’est là ce mystère de la croix, inconnu à tous ceux que le Saint-Esprit n’a point initiés dans les secrets importants de la conduite qu’il tient, quand il prépare les âmes aux merveilleuses opérations de la grâce. Au dernier jour, la prospérité des méchants paraîtra l’effet du plus redoutable jugement du Seigneur, tandis que les afflictions des Saints feront exalter ses miséricordes. Ce fut donc par un enchaînement de tribulations que Dieu conduisit Vincent à ce haut degré de vertu auquel il l’éleva depuis par sa grâce.

Cependant son père était mort et avait ordonné par son testament qu’on donnât à Vincent les moyens d’achever ses études. Mais celui-ci renonça au secours qui lui était offert, en faveur de sa mère et de ses frères et sœurs, quoiqu’il fût obligé de quitter Toulouse, faute de moyens de subsistance. Il accéda avec plaisir à la proposition qui lui fut faite de se charger de l’instruction de la jeunesse à Buzet, petite ville située à quatre lieues de Toulouse, et il s’acquitta avec tant de succès de sa charge, que plusieurs seigneurs lui confièrent leurs fils. Il revint pourtant bientôt à Toulouse, où ses élèves le suivirent.

Vincent esclave

En 1605, Vincent fut obligé de faire un voyage à Marseille, pour recevoir un legs de quinze cents livres, que lui avait fait un de ses amis mort dans cette ville. Etant sur le point de retourner A Toulouse, il accepta la proposition qu’on lui fit de prendre la voie de la mer jusqu’à Narbonne : mais le vaisseau qu’il montait fut bientôt attaqué par trois brigantins d’Afrique. Comme les chrétiens refusèrent de se rendre, les infidèles les chargèrent avec furie, leur tuèrent trois hommes, et blessèrent tout le reste de l’équipage. Vincent reçut un coup de flèche dont il se sentait encore plusieurs années après. La première chose que firent les Mahométans, lorsqu’ils eurent remporté l’avantage, fut de mettre le pilote en pièces, pour se venger de ce qu’il ne s’était pas rendu d’abord, et de ce que, dans le combat, il avait tué un des principaux d’entre eux avec quatre ou cinq esclaves. Ils enchaînèrent les autres prisonniers, et coururent encore la mer sept à huit jours. Enfin, chargés de butin, ils firent voile du côté de Tunis. A peine y eurent-ils abordé, qu’ils dressèrent un procès-verbal de leur prise, où ils déclaraient faussement que Vincent et ses compagnons avaient été enlevés sur un vaisseau espagnol. Le but qu’ils se proposaient en cela était d’empêcher le consul français de revendiquer leurs prisonniers. Ayant babillé les chrétiens en esclaves, ils les promenèrent cinq ou six fois dans la ville pour les faire voir ; ils les ramenèrent ensuite à leur vaisseau, où ils furent visités par ceux qui se présentaient pour les acheter. On les examinait, afin de s’assurer s’ils mangeaient bien ; on leur tâtait les côtes, on leur regardait les dents, on sondait leurs plaies, après quoi on les faisait marcher et courir pour connaître s’ils étaient forts et robustes. En un mot, on les traitait comme des bêtes de charge.

Vincent fut acheté par un pêcheur ; mais celui-ci voyant que son esclave ne pouvait supporter l’air de la mer, il le revendit à un vieux médecin, grand chimiste et grand distillateur, qui cherchait depuis cinquante ans la pierre philosophale. Il traita Vincent avec beaucoup d'humanité ; il lui promit, s’il voulait changer de religion, de lui laisser tous ses biens, et ce qu’il estimait infiniment plus, de lui communiquer tous les secrets de sa prétendue science. Le Saint, qui craignait plus le danger que courait son âme que les rigueurs de l’esclavage, implora le secours du Ciel par l’intercession de la bienheureuse Vierge, et il se crut toujours principalement redevable à la Mère de Dieu du bonheur qu’il avait eu d’échapper à la tentation. Une année environ se passa de la sorte. Le médecin étant mort, laissa pour héritier un neveu, qui fut le troisième maître de Vincent. Celui-ci, plein de confiance en la bonté divine, jouissait dans la captivité d’une paix inaltérable. Il apprenait, en méditant souvent sur la passion du Sauveur, à faire un bon usage de ses peines, et à acquérir, autant qu’il lui était possible, une parfaite ressemblance avec Jésus-Christ.

La libération de Vincent

Peu de temps après, son nouveau maître le vendit à un renégat, originaire de Nice, en Savoie, qui l’envoya dans son témat : c’est le nom que l’on donne au bien que l’on fait valoir comme fermier du prince. Ce témat était situé sur une montagne, dans un lieu extrêmement chaud et désert. Le renégat avait trois femmes. Une d’entre elles, qui était turque de naissance et de religion, allait souvent à la campagne où Vincent travaillait ; elle lui faisait diverses questions (1) sur la loi, les usages et les cérémonies religieuses des chrétiens, elle lui commandait quelquefois de chanter les louanges du Dieu qu’il adorait. Le Saint avait coutume de chanter le psaume Super flumina Babylonia le Salve Regina, et d’autres semblables prières de l’Église ; ce qu’il faisait avec beaucoup d’onction, et toujours les larmes aux yeux. La femme mahométane fut extrêmement frappée de ce qu’elle avait appris du christianisme, ainsi que de la conduite vertueuse de son esclave. Elle fit des reproches à son mari de ce qu’il avait abandonné une religion qui paraissait si bonne, et l’amena au point qu’il sentit son crime, et rentra en lui-même. Malheureuse de n’avoir point elle-même ouvert les yeux à la lumière ! Le renégat, confus, ne put rien répondre à sa femme. Plein d’horreur pour son crime, il eut un entretien avec Vincent, et ils convinrent tous deux de se sauver. Ils montèrent sur une petite barque, et traversèrent la Méditerranée, sans penser que le moindre coup de vent pouvait les faire périr. Enfin, le 28 Juin 1607, ils abordèrent à Aigues-Mortes, d’où ils se rendirent à Avignon. Le renégat y fit abjuration entre les mains du vice-légat. L’année suivante, il accompagna le Saint à Rome, où il entra, pour faire pénitence, dans le couvent des Fate-Ben-Fratelli (Adieu mes frères), qui servaient les malades dans les hôpitaux, suivant la règle de saint Jean-de-Dieu (2).

Vincent à Rome

Vincent étant à Rome, ressentit une grande consolation à la vue d’une ville où résidait le chef de l’Église militante, qui avait été arrosée du sang de tant de martyrs, et dans l’enceinte de laquelle sont les tombeaux de saint Pierre et de saint Paul, ainsi que ceux d’une multitude innombrable d’autres Saints. Il ne pouvait retenir ses larmes quand il se rappelait le zèle, le courage, l’humilité, et les autres vertus qui avaient éclaté dans tous ces dignes disciples de Jésus-Christ. Souvent il visitait les lieux où reposaient leurs cendres sacrées, et demandait à Dieu la grâce de marcher fidèlement sur leurs traces.

Vincent à Paris

Lorsqu’il eut satisfait sa dévotion à Rome, il partit pour la France. Arrivé à Paris, il se logea au faubourg Saint-Germain, dans le voisinage du lieu où est l’hôpital de la Charité, et il y allait souvent servir et consoler les malades. Quelque soin qu’il prît de cacher ses vertus, plusieurs personnes les découvrirent. On le fit connaître à la Reine Marguerite qui faisait alors profession de piété (3). Cette princesse voulut le voir ; elle le mit sur l’état de sa maison, et lui donna le titre de son aumônier ordinaire.

Vincent se charge de tentations contre la foi d'un docteur par pitié pour lui. Il s'en libère en décidant de se consacrer aux pauvres.

Il y avait à la cour de cette princesse un docteur qui avait toujours montré beaucoup de zèle pour la religion, et qui s’était rendu redoutable aux hérétiques et aux impies ; mais Dieu, soit pour l’éprouver, soit pour, le punir de quelques fautes, permit qu’il fût attaqué de tentations violentes contre la foi. Les moyens qu’il employa, ou qui lui furent suggérés pour dissiper le trouble qui l’agitait, ne produisirent aucun effet, ils ne servirent même qu’à augmenter encore la tentation. Ses peines devinrent telles, qu’il tomba dans le désespoir, et qu’on craignit plus d’une fois qu’il ne s’ôtât lui-même la vie. Enfin la nature succomba, et il fut attaqué d’une maladie dangereuse. Vincent, touché de son état, sollicita en sa faveur la miséricorde divine; il s’offrit même au Seigneur en esprit de victime, et se chargea, pour dédommager sa justice, ou de subir une semblable épreuve ou telle autre peine qu’il plairait à Dieu de lui infliger. Sa prière fut exaucée dans toute son étendue : le docteur recouvra le calme, et fut entièrement délivré de la tentation ; mais cette tentation resta à Vincent de Paul. Celui-ci eut recours, pour s’en délivrer, à la prière et aux pratiques de la mortification. En vain le démon redoublait ses efforts, il ne perdait point courage, et mettait toujours en Dieu sa confiance. Il écrivit sa profession de foi, et l’appliqua sur son cœur ; puis faisant un désaveu général de toutes les pensées d’infidélité, il convint avec Notre-Seigneur, que toutes les fois qu'il toucherait l’endroit où était cette profession de foi, il serait censé la renouveler, et par conséquent renoncer à la tentation, quoiqu’il ne proférât aucune parole extérieure : par-là il rendait inutiles les assauts de l'ennemi. Cependant il s’appliquait de plus en plus à mener cette vie de foi qui fait le caractère du juste. Quatre ans se passèrent de la sorte. Enfin un jour que, fatigué de la violence de son mal, il s’occupait des moyens de l’arrêter pour toujours, il résolut de se consacrer au service des pauvres pour suivre plus parfaitement l’exemple que nous a laissé le Fils de Dieu. A peine eut-il formé cette résolution, que toutes ses peines s’évanouirent, la paix qu’il goûta depuis fut suivie des plus abondantes consolations ; il reçut même le don de guérir dans la suite ceux que Dieu éprouvait de la même manière.

Vincent accusé injustement de vol

Vincent demeurait dans la même maison qu’un juge du village de Sore, situé dans les Landes, et dans le district du parlement de Bordeaux. Celui-ci étant sorti sans avoir pris les précautions nécessaires, trouva à son retour qu’on lui avait volé quatre cents écus. Il accusa Vincent du vol, et se mit à le décrier parmi toutes ses connaissances et tous ses amis. Le Saint se contenta de nier le fait, et de dire tranquillement : « Dieu sait la vérité. » Pendant les six années que dura la calomnie, il ne dit rien autre chose pour sa défense, et il ne laissa jamais échapper la moindre plainte. Enfin le voleur, qui était aussi des environs de Bordeaux, fut arrêté pour quelque nouveau crime. Déchiré par les remords de sa conscience, il envoya chercher le juge de Sore, lui déclara qu’il était le voleur de son argent, et que le serviteur de Dieu était innocent du crime dont on l’avait accusé. Vincent raconta depuis cette histoire dans une conférence qu’il faisait à ses prêtres ; mais il parla de lui en troisième personne, pour ne pas se faire honneur du mérite qui lui en était revenu devant Dieu. Le but qu’il se proposait était d’apprendre à ses prêtres que la patience, la résignation et un humble silence, sont en général la meilleure apologie des personnes que poursuit la calomnie ; que par-là on trouve le moyen de se sanctifier dans de pareilles épreuves, et que la Providence sait tôt ou tard nous justifier aux yeux des hommes, lorsque cela est expédient pour notre salut.

Vincent curé de Clichy

Vincent fit connaissance avec M. de Berulle, qui fut depuis cardinal, et qui dans le temps dont nous parlons était occupé de rétablissement de la congrégation des Oratoriens en France. Les Saints ont bientôt découvert les âmes où règne l’esprit de Dieu. M. de Berulle conçut une grande estime pour Vincent dès la première fois qu’il s’entretint avec lui. Il l’engagea à travailler au salut des âmes, et le détermina à accepter la cure de Clichy, village situé à une lieue de Paris. Le serviteur de Dieu s’appliqua de toutes ses forces à remplir les devoirs attachés à son ministère. Non seulement il instruisait son peuple, mais il cherchait encore les moyens de corriger et de prévenir même les abus. Il visitait les malades, soulageait les pauvres, consolait les affligés, réunissait les esprits divisés, entretenait la paix dans les familles. Pour exciter l’amour de la religion, il fit divers établissemets qui produisirent de grands fruits : il renouvela la face de sa paroisse, et y introduisit l’usage saint et fréquent des sacrements. Ses paroissiens s’empressaient de seconder son zèle, parce qu’ils avaient en lui une confiance entière, et qu’ils le regardaient comme leur ange tutélaire.

Vincent et l'éducation des enfants Gondi

Quelque temps après, on l’obligea de quitter la cure de Clichy, pour le charger de l’éducation des enfants de Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny, général des Galères de France. Ce seigneur avait épousé Françoise-Marguerite de Sylly, dame singulièrement recommandable pour sa piété. Elle fut si touchée des éminentes vertus de Vincent, qu’elle lui donna toute sa confiance, et le choisit même pour confesseur.

Des trois élèves du Saint on connaît Pierre de Gondi, duc de Retz et pair de France, et Jean-François-Paul de Gondi, le fameux cardinal de Retz. Vincent vivait au milieu de cette bruyante maison comme dans une cellule ; si ce n'est qu’il s’intéressait particulièrement aux domestiques, leur recommandait la modestie et la concorde, visitait les malades, et cherchait à donner à tous l’esprit de la véritable piété.

Quelque fut d’ailleurs la piété du comte de Gondi, il se laissa entraîner un jour à un duel, combat très-commun dans ce temps-là. Lorsque Vincent en fut informé il tomba à genoux devant Gondi, dans la chapelle où il venait de dire la Messe pour la famille et où le comte était resté le dernier ; lui adressa ces paroles : « Permettez que je vous dise un mot en toute humilité ! Je sais que vous êtes sur le point de vous battre, or je vous déclare, au nom de Dieu, que je viens d’élever et que vous avez adoré, que si vous ne renoncez à ce projet funeste, sa justice s’accomplira sur vous et sur toute votre postérité. » Gondi fut touché et renonça à son dessein (4).

Vincent et la confession

En 1616, Vincent accompagna la comtesse de Joigny au château de Folleville, dans le diocèse d’Amiens. On vint un jour le prier de se rendre à Garnies, village éloigné de Folleville d’environ deux lieues : c’était pour confesser un paysan dangereusement malade, et qui avait témoigné avoir beaucoup de confiance au saint prêtre. Vincent partit sans délai. Ayant examiné sérieusement l’état de l’âme du malade, il lui proposa de faire une confession générale de toute sa vie, ce que celui-ci accepta volontiers. Il s’aperçut bientôt que son pénitent ne s’était jamais confessé avec les dispositions nécessaires, et conséquemment que ses péchés ne lui avaient point été pardonnés. Le paysan fondant en larmes, s’accusa de tous ses crimes, et en reçut l’absolution. La joie qu’il ressentit ensuite fut extraordinaire. Il se félicitait d’avoir eu le bonheur de parler à Vincent ; il disait à haute voix qu’il eut été perdu sans cela ; il répéta cette déclaration publique en présence de plusieurs personnes, et notamment de la comtesse de Joigyny.

Cette vertueuse dame, saisie de frayeur, était comme hors d’elle-même quand elle pensait au danger que couraient tant de pauvres âmes faute de secours ou d’instruction. Elle craignait que plusieurs de ses vassaux ne fussent dans le même cas que le paysan. Elle était bien éloignée de penser comme ceux qui ne se croient point obligés à veiller sur les personnes attachées à leur service. La nature et la religion lui avaient appris que les supérieurs ont des devoirs de justice et de charité à l’égard de tous leurs inférieurs, et que la première de leurs obligations est de pourvoir, autant qu’il leur sera possible, au salut de tous ceux qui leur sont soumis. Elle pria donc Vincent de prêcher dans l’église de Folleville le jour de la fête de la Conversion de saint Paul, afin d’instruire le peuple sur les caractères de la vraie pénitence, et sur les dispositions avec lesquelles on doit se confesser pour obtenir le pardon de ses péchés. Le Saint fit ce que la comtesse avait exigé de lui. Son discours produisit les plus grands fruits. Il ne pouvait suffire au nombre de ceux qui demandaient à tranquilliser leur conscience par une confession générale. Il appela à son secours deux prêtres zélés de la ville d’Amiens.

Le jour de la fête de la Conversion de saint Paul fut pour lui un jour mémorable. Tout le reste de sa vie, il en célébra chaque année la mémoire avec les sentiments d’une vive reconnaissance, et à son imitation les prêtres de la Mission rendent à pareil jour d’humbles actions de grâces au Seigneur de ce que c’est à cette époque que leur congrégation a été en quelque sorte conçue.

Vincent à Châtillon-les-Dombes

Vincent était honoré et chéri comme un ange tutélaire dans la famille de Gondi et paraissait y être indispensable, tant pour le salut de ceux qui en étaient membres, que pour l’exécution de tant de pieux projets en faveur des vassaux de cette famille. Cependant on lui faisait plus d’un reproche ; il voyait que ses élèves, qui avançaient en âge, avaient besoin d’un maître plus instruit que lui, et son humilité s’alarmait de la vénération outrée qu’on lui témoignait au château de Gondi. Il quitta donc cette pieuse maison, la même année, et sa retraite eut pour objet le désir de procurer la plus grande gloire de Dieu. Il avait consulté auparavant M. de Berulle, et il ne s’était déterminé que d’après son avis. Il fut envoyé en Bresse, où régnait une ignorance grossière des premières vérités du christianisme, et on le chargea de faire les fonctions de curé à Chatillon-lès-Dombes. Il s’associa un vertueux prêtre nommé Louis Girard : ils logèrent l’un et l’autre chez un calviniste, qui, malgré les préjugés de sa secte, les traita avec distinction. Le Ciel bénit les travaux apostoliques du saint missionnaire. Un grand nombre de personnes, et le comte de Rougemont entre autres, embrassèrent avec ferveur les mortifications de la pénitence. Plusieurs hérétiques rentrèrent aussi dans le sein de l’Église, et de ce nombre fut celui chez lequel le Saint avait logé, et qui se nommait Baynier : en un mot, tout le pays changea de face en fort peu de temps.

Vincent et les Bons Enfants

La comtesse de Joigny apprit avec une joie singulière le succès des travaux de Vincent. Elle lui donna depuis une somme d’argent, afin qu’il fondât une mission perpétuelle pour l’instruction du petit peuple, lui laissant le choix du lieu, et de la manière d’exécuter cette bonne œuvre : mais elle souffrait beaucoup de son absence, parce qu’elle n’était plus à portée de le consulter sur son intérieur. Elle fit plusieurs tentatives pour l’engager à rentrer dans sa maison, et pour y réussir plus sûrement, elle mit dans ses intérêts M. de Berulle ; elle obtint même qu’il dirigerait sa conscience tant qu’elle vivrait, et qu’il l’assisterait à l’heure de la mort. Cependant comme elle désirait ardemment contribuer à la sanctification des autres, de ceux surtout sur lesquels il était de son devoir de veiller spécialement, elle résolut, de concert avec son mari, d’établir une compagnie de missionnaires qui s’emploieraient à l’instruction de leurs fermiers et de leurs vassaux. Ce projet fut proposé à Jean-François de Gondi, frère du comte, et premier archevêque de Paris. Le prélat l’accepta en vue de l’utilité qui en reviendrait à l’Eglise et donna le collège des Bons-Enfants pour loger la nouvelle communauté. Ce fut au mois d’Avril de l’année 1625, que Vincent prit possession de cette maison. Le comte et la comtesse de Joigny assignèrent une somme pour commencer l’établissement.

Vincent aumônier général de toutes les galères de France

Immédiatement après son retour dans la maison de Gondi, Vincent entreprit de faire la visite des galériens détenus dans les différentes prisons de Paris. Sensiblement affligé de l’abandon général où ils étaient réduits, il forma le projet de les réunir dans une même maison, et il vint à bout de l’exécuter par les libéralités de plusieurs personnes pieuses qu’il avait intéressées à cette bonne œuvre. Ayant ainsi pourvu aux besoins corporels de ces malheureux, il les rendit plus disposés à recevoir les instructions qu’il leur donna, ou par lui-même, ou par ses prêtres. M. de Gondi, surpris et édifié du bel ordre qui régnait parmi les galériens, résolut de l’introduire dans toutes les galères du royaume. Il en parla au Roi, auquel il fit connaître le zèle et la capacité de Vincent de Paul : il lui représenta que si la cour voulait l’autoriser, il ne manquerait pas de faire ailleurs le même bien qu’il avait déjà fait à Paris. Louis XIII trouva cette proposition très juste, et par un brevet expédié le 8 Février 1619, il établit Vincent aumônier réal ou général de toutes les galères de France.

Un hôpital pour les galériens de Marseille

Trois ans après, Vincent fit un voyage à Marseille : il se proposait de visiter les forçats de cette ville, et d’examiner s’il pourrait faire pour eux ce qu’il avait fait dans la capitale. Il ne voulut point se faire connaître, pour mieux s’assurer du véritable état des choses. Il fut extrêmement touché à la vue du désespoir d’un des forçats, et il fit d’inutiles efforts pour le consoler. On assure que par un héroïsme inouï de charité, il obtint de prendre sa place, qu’il fut chargé des mêmes chaînes, et qu’il les porta quelque temps(5). Au reste, il fit tout ce qui dépendait de lui pour adoucir le sort de tous ces malheureux, en les recommandant aux officiers, en les exhortant à la patience, et en tâchant de leur inspirer des sentiments de vertu ; il vint à bout de les rendre plus dociles aux instructions des aumôniers ordinaires. Mais il fut surtout affligé du triste état de ceux qui étaient malades ; ils languissaient dans un abandon général, livrés à toutes les horreurs de la misère, et privés presque de tout secours pour l’âme et pour le corps. Il forma dès-lors le projet d’un hôpital pour les galériens de Marseille ; mais il ne put l’exécuter que quelques années après. Louis XIV le dota en 1648, en lui assignant douze mille livres de revenu annuel. Cet hôpital devint bientôt un des plus commodes du royaume ; il y a trois cents lits, et les malades y trouvent tous les secours qui leur sont nécessaires.

Les prêtres de la Mission : les Lazaristes

Madame de Gondi étant morte le 23 Juin 1625, Vincent alla demeurer avec ses prêtres. Louis XIII autorisa la nouvelle association par ses lettres-patentes données en 1627, et Urbain VIII l’érigea en congrégation par une bulle du 12 Janvier 1632. Ce ne fut qu’en 1658 que le saint instituteur donna des constitutions à ses disciples, qui prirent le nom de prêtres de la Mission ; on les connaît aussi sous le nom de Lazaristes, du prieuré de Saint-Lazare, que les chanoines réguliers de Saint-Victor leur cédèrent en 1633. Ceux qui composent cette congrégation ne sont point religieux ; ce sont des prêtres séculiers qui, après deux ans de probation ou de noviciat, font les quatre vœux simples de pauvreté, de chasteté, d’obéissance et de stabilité. Ils s’engagent,

  1. à se sanctifier eux-mêmes par les exercices qui leur sont prescrits par leur institut ;
  2. à travailler à la conversion des pécheurs;
  3. à former les jeunes ecclésiastiques aux fonctions du ministère.

Les exercices que leur prescrit leur règle pour leur propre sanctification, sont de faire tous les matins une heure de méditation, de s’examiner trois fois par jour, d’assister chaque semaine à des conférences spirituelles, de passer tous les ans huit jours en retraite, et.de garder le silence, excepté dans les heures où l’on peut s’entretenir ensemble. Ils remplissent leur second engagement, en s’employant aux missions de la campagne. Chaque jour ils font le catéchisme et des discours familiers ; ils entendent les confessions, terminent les différends, et pratiquent toutes les œuvres de charité. Pour satisfaire à la troisième obligation qu’ils se sont imposée, plusieurs d’entre eux tiennent les séminaires, font des retraites de huit à dix jours, où ils admettent les ecclésiastiques, et même d’autres personnes ; ils suivent en ces exercices les règles pleines de sagesse qui leur ont été laissées par saint Vincent de Paul. Le Pape Alexandre VII était si convaincu de l'utilité de ces retraites, qu’il ordonna en 1662, sous peine de suspense, à tous ceux qui voudraient recevoir les ordres sacrés à Rome ou dans les six évêchés suffragants, d’en faire une de dix jours chez les prêtres de la Mission. L’avantage que l’Eglise retirait du nouvel institut, lui donna des accroissements considérables, et il comptait à la mort du Saint vingt-cinq maisons, tant en France qu’en Piémont, en Pologne et en d’autres pays.

La confrérie de la Charité ; les hôpitaux de la Pitié, de Bicêtre, de la Salpétrière et des Enfants-Trouvés

L’établissement des prêtres de la Mission ne fut point encore capable de satisfaire le zèle de Vincent de Paul. Cet homme apostolique cherchait chaque jour de nouveaux moyens de procurer au prochain tous les secours spirituels et corporels. Il établit la confrérie de la Charité pour le soulagement des pauvres malades de chaque paroisse. Cette association, qui prit naissance dans la Bresse, s’étendit dans tous les lieux où le Saint fit depuis des missions. La confrérie des Dames de la Croix avait pour objet l’éducation des jeunes filles. Celle qu’on appelait des Dames se consacrait au service des malades dans les grands hôpitaux, comme dans celui de l’Hôtel-Dieu de Paris. Cette capitale surtout n’oubliera jamais ce qu’elle doit à Vincent de Paul. Ce fut lui qui procura et dirigea la fondation des hôpitaux de la Pitié, de Bicêtre, de la Salpétrière et des Enfants-Trouvés.

Les Enfants-Trouvés

Ce dernier établissement intéresse trop l’humanité et la religion, pour que nous n’en parlions pas avec une certaine étendue. Un grand nombre d’enfants nés du libertinage ou dans le sein de la misère, étaient souvent exposés aux portes des églises ou dans les places publiques. Si les officiers de police les enlevaient, c’était presque l’unique bien qu’ils leur fissent. Une veuve et deux servantes furent d’abord chargées du soin de les nourrir ; mais on manqua bientôt de secours. Il périssait tous les jours une multitude de ces malheureux enfants ; ou ils n’avaient point de nourrice, ou on les faisait allaiter par des femmes gâtées. Quelquefois, pour s’en débarrasser, on les vendait ou on les donnait à quiconque voulait les prendre. Vincent, vivement touché de leur sort, chercha le moyen de remédier à un si grand mal ; il pria quelques dames de son assemblée de charité d’aller les visiter. Le spectacle qui s’offrit à leurs yeux les effraya. Comme elles ne pouvaient se charger de ce grand nombre d’enfants, elles voulurent au moins prendre soin de quelques-uns. On en augmentait le nombre à mesure que les ressources se multipliaient. Enfin Vincent tint une assemblées de toutes les dames qui s’occupaient de la bonne œuvre, au commencement de l’année 1640. Il y exposa d’une manière si touchante le besoin de ces pauvres enfants, qu’il fut unanimement décidé qu’on se chargerait de tous, mais seulement par manière d’essai. On n’avait d’autres fonds que les aumônes des personnes charitables, et il s’en fallait de beaucoup qu’elles fussent suffisantes. Le serviteur de Dieu ne se décourageait point, espérant toujours que la Providence viendrait à son secours. Ses sollicitations auprès d’Anne d’Autriche lui obtinrent du Roi douze mille livres de rente, ce qui soutint l’établissement pendant quelque temps : mais le nombre des enfants croissant tous les jours, et leur entretien allant au-delà de quarante mille livres, les dames de charité perdirent courage, et déclarèrent qu’une pareille dépense était au-dessus de leurs forces. Vincent, toujours plein de confiance en Dieu, indiqua une assemblée générale en 1648. On y délibéra si l’on continuerait la bonne œuvre qu’on avait commencée. Le Saint, après avoir pesé les raisons de l’un et de l’autre parti, sentit tellement ses entrailles émues, qu’il ne s’exprimait presque plus que par des soupirs ; prenant ensuite un ton plus tendre et plus animé, il conclut la délibération en ces termes : « Or sus, Mesdames, la compassion et la charité vous ont fait adopter ces petites créatures pour vos enfants ; vous avez été leurs mères selon la grâce, depuis que leurs mères selon la nature les ont abandonnés ; voyez maintenant si vous voulez aussi les abandonner. Cessez d’être leurs mères, pour devenir à présent leurs juges : leur vie et leur mort sont entre vos mains ; je m’en vais prendre les voix et les suffrages ; il est temps de prononcer leur arrêt, et de savoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. Ils vivront, si vous continuez d’en prendre un charitable soin, et au contraire, ils mourront et périront infailliblement, si vous les abandonnez : l’expérience ne vous permet pas d’en douter. » L’assemblée ne répondit que par des larmes. Il fut décidé que l’on continuerait la bonne œuvre, et il ne fut plus question que d’aviser aux moyens d’exécuter cette résolution. On obtint du Roi les bâtiments de Bicêtre pour y loger ceux des enfants qui n’avaient plus besoin de nourrices ; mais comme l’air y était trop vif, on les transporta dans le faubourg de Saint-Lazare, à Paris, et on confia le soin de leur éducation à douze filles de la Charité. On leur acheta dans la suite deux maisons, l’une dans le faubourg Saint-Antoine, et l'autre près de la cathédrale. Nos Rois ont successivement augmenté leurs revenus, et leur nombre monte aujourd’hui à plus de dix mille (6).

Hôpital du Nom de Jésus et de Sainte-Reine

Outre les hôpitaux dont nous avons parlé, Vincent fonda encore, dans le faubourg de Saint-Laurent, à Paris, celui du Nom de Jésus pour quarante pauvres vieillards, et celui de Sainte-Reine, en Bourgogne, au diocèse d’Autun, pour les pèlerins pauvres et malades que la dévotion attire au tombeau de cette illustre martyre. Ce dernier est devenu fort célèbre ; on y reçoit tous les ans trois à quatre cents malades, et plus de vingt mille pauvres passants de tout âge, de tout sexe et de toute nation. Le Saint donna de sages règlements à ces différentes maisons, et leur fit trouver des fonds suffisants pour toutes les dépenses nécessaires.

La compagnie des Filles de la Charité

Pour procurer des secours encore plus efficaces aux pauvres malades, Vincent, de concert avec mademoiselle Legras, forma le dessein de choisir un certain nombre de filles auxquelles on apprendrait à servir les malades, et que l'on formerait aux exercices de la vie spirituelle. Les premières que l’on trouva entrèrent chez madame Legras, qui se chargea de les loger et de les entretenir, et qui travailla de toutes ses forces à les rendre capables de ce qu’on attendait d’elles. Leur modestie, leur douceur, leur zèle à remplir leurs devoirs, et la sainteté de leur vie, charmèrent tous ceux qui eurent occasion de les voir. Leur nombre s’augmenta insensiblement, et devint bientôt considérable. Tels furent les commencements de cette compagnie connue sous le nom de Filles de la Charité, qui a aujourd’hui plus de trente maisons dans la seule ville de Paris. Ces filles ne rendent pas seulement service dans les paroisses, elles prennent encore soin de l’éducation des enfants trouvés, de l’instruction des jeunes filles, qui sans cela en seraient privées, des malades d’un grand nombre d’hôpitaux, et même des criminels condamnés aux galères. Mais comme ces diverses occupations font en quelque sorte plusieurs communautés d’une seule compagnie, le saint prêtre leur prescrivit des règles, et générales et particulières, pour diriger et soutenir le corps tout entier, ainsi que les différentes parties qui le composent(7).

Vincent et les séminaires

En destinant une partie de ses prêtres à tenir les séminaires, il les mit en état de se bien acquitter de cette importante fonction. Il traça le plan des exercices auxquels on devait appliquer ceux qui se préparaient à la réception des ordres sacrés ; il en assigna aussi pour ceux qui voulaient faire des confessions générales, ainsi que pour ceux qui avaient un état de vie à choisir. A ces établissements, il joignit celui des conférences ecclésiastiques, où l'on traitait des devoirs de la vie cléricale. Le nombre de ceux qui y assistaient devint bientôt considérable. Elles furent fréquentées par tout ce qu’il y avait de plus respectable dans le clergé (8).

Vincent et les guerres de Lorraine

On est étonné de voir faire de si grandes choses à un homme qui n’avait rien de recommandable du côté de la fortune ou de la naissance, et qui était dépourvu de ces qualités brillantes qui attirent l'estime et l'admiration du monde ; mais on le sera bien plus si l’on entre dans le détail de ses actions merveilleuses, et des services innombrables qu’il rendit au prochain. Durant les guerres qui ravagèrent la Lorraine, il entreprit de soulager les malheureux de ce pays qui était réduit dans l’état le plus déplorable. Il y fit passer les aumônes qu'il avait ramassées à Paris, et qui, au rapport d’Abelly, montèrent à cinq ou six cent mille livres. M. Collet prouve, par des autorités incontestables, que les sommes envoyées par le Saint allèrent infiniment plus haut, et montèrent jusqu'à deux millions (9). I1 y eut beaucoup d’autres circonstances où le serviteur de Dieu tira de la charité des fidèles des secours extraordinaires pour ceux qui étaient dans la misère.

Vincent à la cour

Au reste, la surprise diminuera, si l’on se rappelle qu’il jouissait par toute la France de la plus grande vénération. On le regardait, même à la cour, comme un ange envoyé du Ciel. Il assista Louis XIII à la mort, et le disposa, par ses exhortations, à finir sa vie dans les plus parfaits sentiments de piété. La Reine régente, Anne d’Autriche, l’estimait et le respectait singulièrement ; elle le nomma membre du conseil de conscience, et se fit un devoir de la consulter sur toutes les affaires ecclésiastiques, principalement sur la collation des bénéfices, qui ne furent plus donnés qu’au mérite et à la vertu.

Vincent, la mortification et de l'humilité

Au milieu de tant d’occupations, Vincent avait toujours son âme intimement unie à Dieu. Dans les affaires les plus capables de lui causer des distractions, il avait toujours, pour ainsi dire, un œil ouvert sur le Seigneur, afin de ne cesser jamais de converser avec lui. De temps en temps il élevait son cœur vers le ciel, et produisait quelque acte de religion. S’il lui arrivait d’éprouver des contradictions, il ne perdait rien de sa sérénité, son Âme, toujours égale, était inaccessible au moindre trouble. Il considérait tous les événements de la vie dans les desseins de la Providence, se soumettant avec résignation à la volonté du Ciel, et ne désirant rien autre chose en tout que la gloire de Dieu. Que le Seigneur fût glorifié par ses souffrances personnelles, ou par d’autres moyens qu’il daignait choisir, il s’en réjouissait également. Il était cependant bien éloigné de l’insensibilité prétendue des stoïciens, et de l’indifférence impie des faux mystiques, il savait que la vraie piété est tendre et sensible aux intérêts de la religion et de la charité. Il regardait les afflictions d'autrui comme les siennes propres. Sans cesse il soupirait, avec saint Paul, après cet heureux état ou l’on est inséparablement uni à Dieu, et versait des larmes de componction tant sur ses misères spirituelles que sur celles du prochain. L’espérance, semblable à une ancre, le tenait attaché à Dieu : de là cette disposition qui le rendait supérieur à la malignité des créatures et au mépris du monde. Il n’y avait point de tempêtes qui pussent altérer le calme de son Âme. Maître de ses passions, rien n’était capable de déconcerter sa douceur et sa patience. Les humiliations étaient pour lui un sujet de joie, parce qu’il y trouvait un trésor caché de grâces, et une occasion de se vaincre lui-même. Ces sortes de victoires coûtent plus que les actes extérieurs des vertus d’éclat. Ce fut par la pratique de la mortification et de l'humilité, jointe à l'exercice de la prière, que Vincent parvint à ce degré de perfection ; aussi recommandait-il fortement les mêmes vertus à ses disciples.

Il voulut surtout que l'humilité fût la base de sa congrégation, et il ne cessait d’en donner des leçons à ses prêtres ; il les exhortait même à cacher leurs talents naturels. Deux hommes d’un mérite reconnu s’étant présentés à lui pour augmenter le nombre de ses disciples, il les refusa, en leur disant : « Vous avez trop de savoir pour un état tel que le nôtre. Vous pourrez faire ailleurs un bon usage de vos talents. Quant à nous, toute notre ambition consiste à instruire les ignorants, à inspirer aux pécheurs des sentiments de pénitence, et à établir tous les chrétiens dans cet esprit de charité, d’humilité, de douceur et de simplicité que prescrit l’Evangile. » C’était une de ses maximes en fait d’humilité, que nous ne devons jamais, autant qu’il est possible, parler de nous, ni de ce qui nous concerne ; ces sortes de discours venant communément d’un fond d’amour propre, et se terminant d’ordinaire à nourrir dans nos cœurs des sentiments d’orgueil. Les philosophes païens eux-mˆmes adoptaient cette maxime, mais avec cette différence qu’ils n’enseignaient pas, comme les disciples de Jésus-Christ, à aimer une vie cachée, à se mépriser soi-même, et à se concentrer, pour ainsi dire, dans l’abîme de son néant.

Vincent et la foi

La foi de Vincent de Paul fut toujours très pure. Il n’eut pas plus tôt été instruit que Jean du Verger de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, avec lequel il était lié, enseignait une doctrine contraire à celle de l’Eglise, qu’il rompit entièrement avec lui. Il se déclara fortement contre la doctrine de Jansénius, et combattit avec zèle son système sur la grâce (10) ; mais en même temps qu’il attaquait des erreurs dont les suites étaient si préjudiciables, et qu’il rejetait un rigorisme désespérant, il condamnait aussi la morale relâchée qui ouvre la porte à tous les désordres. Il recommandait aux pécheurs d’entrer dans les sentiments d’une sincère pénitence, et leur en retraçait les caractères d’après les maximes de l’Ecriture et des saints Pères. Sans cela, disait-il avec saint Ambroise, il n’y a que de faux pénitents ; leur hypocrisie sacrilège ne sert qu’à les rendre plus criminels par l’abus qu’ils font des sacrements.

Toutes les personnes de la France qui faisaient profession de piété, avaient des relations avec lui ; plusieurs même voulaient se procurer la consolation de le voir. De ce nombre fut M. de Quériolet. C’était un homme qui avait d’abord vécu dans un libertinage affreux, et qui avait même affecté de ne suivre aucune religion ; mais s’étant depuis converti, il expia les désordres de sa vie passée par une pénitence qui fait frémir la nature, et telle que l’on n’en trouve presque point de semblable dans l’antiquité (11).

Vincent supérieur des religieuses de la Visitation à la demande de Saint François de Sales

Saint François de Sales ayant eu occasion de connaître Vincent de Paul, s’était bientôt aperçu qu’il possédait les plus sublimes vertus, et qu’il avait tous les talents nécessaires pour conduire les âmes à la perfection. Il s’était donc déterminé à le faire premier supérieur des religieuses de la Visitation qu’il venait d’établir à Paris. Ce choix fut justifié par les bénédictions sans nombre qui accompagnèrent le ministère du vertueux prêtre. Il rendit au nouvel ordre les plus importants services, et se montra toujours digne de la confiance qu’avait eue en lui le saint évêque de Genève.

En savoir plus sur la Visitation
En savoir plus sur les visions qu'a eues Vincent de Paul au sujet de Jeanne de Chantal et de François de Sales

Vincent supérieur des Filles de la Providence

Il fut aussi fait supérieur de plusieurs autres communautés religieuses, entre autres de celle des Filles de la Providence. Celle-ci avait été établie, en 1643, par madame de Pollalion. Cette pieuse femme, formée par Vincent de Paul, voulut procurer un asile aux jeunes personnes de son sexe que l’indigence, l’abandon ou la mauvaise conduite de leurs parents exposent souvent au danger de perdre leur honneur et leur âme. Vincent, par l’ordre de François de Gondi, archevêque de Paris, examina celles qui se présentaient pour concourir à la formation de la société naissante. Il en choisit sept, qui lui parurent les plus propres à servir de fondement à tout l’édifice, et il leur donna des avis dignes de sa haute sagesse et de sa grande expérience. Après la mort de madame de Pollalion (12), il se déclara le protecteur de ces pieuses filles ; il trouva le moyen de les faire subsister, et de rendre leur établissement perpétuel. Les Filles de la Providence font, après deux ans de noviciat, des vœux simples de chasteté, d’obéissance, de stabilité, et s’engagent à servir le prochain selon leurs constitutions. Leur supérieur est triennale.

Vincent et les règles pour arriver à la perfection chrétienne et sacerdotale

En 1658, le Saint convoqua à Saint-Lazare l’assemblée des membres de sa congrégation. Il remit à chacun le recueil des règles qu’il avait dressées, après quoi il les exhorta tous, de la manière la plus pathétique, à les observer avec une parfaite exactitude. Elles sont pleines de sagesse et de piété ; on y trouve des moyens sûrs et efficaces pour arriver à la perfection chrétienne et sacerdotale, pour se prémunir contre la corruption du siècle, et pour travailler avec fruit à la sanctification des peuples. L’institut de Vincent de Paul fut de nouveau approuvé et confirmé par les Papes Alexandre VII et Clément X.

La fin de la vie de Vincent

Cependant la santé du Saint dépérissait de jour en jour. Quoiqu’il fût d’un tempérament assez robuste, les fatigues occasionnées par son zèle et par les austérités de sa pénitence, le firent à la fin succomber. Il fut pris à l’âge de quatre-vingts ans, d’une fièvre dont les accès étaient périodiques. Il éprouvait toutes les nuits des sueurs qui achevaient de l’épuiser. On doit juger de là que le temps destiné au sommeil n'était point pour lui un temps de repos. Cela ne l’empêchait pas de se lever régulièrement à quatre heures du matin, de dire la messe, et de donner chaque jour un temps considérable à l’oraison. Il ne diminuait rien non plus de ses autres exercices de piété, ni de la pratique de ses œuvres ordinaires de charité. Plus il sentait approcher son dernier moment, plus il redoublait de zèle pour l’instruction de ses enfants spirituels. La pensée de la mort l’occupait continuellement ; tous les jours, après avoir dit la messe, il récitait les prières de l’Eglise pour les agonisants, avec les recommandations de l’âme et les autres actes par lesquels on prépare les fidèles à aller paraître devant Dieu. Le Pape Alexandre VII ayant été informé de l’extrême faiblesse où il était réduit, le dispensa de la récitation du bréviaire : mais le serviteur de Dieu ne vivait plus lorsque le bref de dispense arriva. Il mourut le 27 Septembre 1660, après avoir reçu les derniers sacrements. On l’enterra dans l’église de Saint-Lazare, et il y eut un concours de monde prodigieux à ses funérailles. Le prince de Conti, le nonce du Pape, plusieurs évêques et un grand nombre de personnes de la première qualité y assistèrent. Il s’opéra, par l’intercession de Vincent, divers miracles dont la vérité fut juridiquement reconnue.

Les ouvertures du tombeau de Vincent

En 1712, le cardinal de Noailles visita en présence de plusieurs témoins le corps du Saint, qui fut trouvé entier et sans aucune marque de corruption. Le tombeau fut ensuite refermé. On sait que cette cérémonie précède ordinairement celle de la béatification, quoiqu’après tout l’incorruptibilité du corps ne soit point regardée en elle-même comme une preuve authentique de sainteté. Enfin la vie, les vertus héroïques et les miracles du serviteur de Dieu ayant été rigoureusement examinés à Rome, il fut béatifié en 1729 par Benoît XIII.

Après la publication du bref, l’archevêque de Paris fit rouvrir le tombeau du B. Vincent. La maréchale de Noailles, le maréchal son fils, et plusieurs autres personnes distinguées, assistèrent à l’ouverture : mais le corps ne se trouva plus dans le même état qu’il avait été ; un des os de la jambe était entièrement décharné ; ceux de la tête l’étaient beaucoup moins. On attribua cette altération à un déluge d’eau qui, quelques années auparavant, avait inondé la cour, le corridor d’entrée, et l’église où reposait le saint prêtre.

Des miracles obtenus par l'intercession de Vincent

Dieu continua de manifester la gloire de son serviteur par les miracles qu’il accordait à son intercession. L’un fut opéré sur une religieuse bénédictine de Montmirel, qu’une horrible complication de maladies devait naturellement conduire au tombeau. Lorsque l’état de cette religieuse paraissait entièrement désespéré, M. Manguet, évêque de Soissons, lui appliqua une relique de saint Vincent, et elle fut parfaitement guérie. François Richer, parisien, recouvra la santé d’une manière qui ne tenait pas moins du prodige. Une troisième guérison miraculeuse par laquelle nous finirons ce détail, s’opéra sur une Anglaise paralytique, nommée Louise-Elisabeth Sackville, et fut la suite d’uqe neuvaine faite au Saint. La vérité de ce miracle fut attestée par madame Hayes, protestante, chez laquelle demeurait mademoiselle Sackville. Celle-ci entra depuis chez les religieuses du Saint-Sacrement à Paris, où elle mourut en 1742, cinq ans après la canonisation de saint Vincent de Paul par le Pape Clément XII.

Conclusion

Ce Saint ne pouvait travailler plus utilement pour le service du prochain, qu’en réveillant les chrétiens de cette léthargie où la plupart étaient plongés. Il leur représentait vivement l’indignité de leur conduite, et leur montrait, comme un autre Jean-Baptiste, l’obligation où ils étaient de faire de dignes fruits de pénitence. En effet, on ne peut avoir part aux faveurs célestes, quand on est comme indécis entre la vertu et le vice, quand on suit tantôt l’une et tantôt l’autre, que l’on est, en un mot, tour à tour païen et chrétien. Mais que penser de ceux qui vivent habituellement dans le crime, et qui ne craignent point le danger de leur état ? Faut-il que l’on voie si souvent les passions produire dans les hommes l’extravagance, l'aveuglement, et même l’incrédulité ? A quel excès ne se portent pas, je ne dis pas seulement les hommes ordinaires, mais même les plus beaux génies, lorsqu’ils sont abandonnés de Dieu, ou plutôt lorsqu’ils ont abandonné Dieu, et fermé les yeux à celle lumière qui éclaire tous ceux qui viennent au monde ! Pour peu que nous aimions Dieu et le prochain, pourrons-nous refuser nos larmes et nos prières aux pécheurs plongés dans l’aveuglement funeste dont il est ici question ?

Cette Notice est augmentée d'après l'allem.

Actuellement son corps est exposé dans la Chapelle des Lazaristes, 95, rue de Sèvres, à Paris-VIe.

Sources
  • Vies des pères des martyrs et des autres saints écrit en anglais par Alban Butler traduit par l'abbé Godescard chanoine saint Honoré 1784
    Tiré de ses deux vie, l’une par M. Abelly, évêque de Rodez, et l’autre par M. Collet, continuateur de Tournély, et auteur de plusieurs ouvrages estimés. Cette dernière vie fut imprimée à Nancy, en 1748, deux vol. in-4°. Voyez aussi Perrault, Hom. illust. ; Hélyot, Hist, des Ordres relig. t. VIII, p. 64 ; la bulle de la canonisation du Saint, donnée par Clément XII, en 1737, et publiée par Benoît XIV, de Canoniz. t. IV, Append, p. 363. L'histoire abrégée du Saint publiée à Strasbourg 1789 ; Vincenz von Paul ; Das schône Bild eines vollkommenen Christen und des wahren Seelsorgers par Galura, a vol. ; et surtout la Vie de S. Vincent de Paul, en allemand, par le comte de Stolberg, Munster 1818. Cet ouvrage est un des plus remarquables de cet homme plein de savoir et de zèle (13). Il fut composé principalement sur celui d’Abelly, qui est très-estimé, et dont on a donné à Paris, en 1823, une nouvelle édition, sous le titre de Vie de saint Vincent de Paul, par Abelly, augmentée de l'histoire de la canonisation du Saint, et de plusieurs morceaux de nos meilleurs écrivains sur Vincent de Paul, 5 vol. in-12. Voyez L"Ami de la Religion et du Roi, par Picot, t. XXXVIII, n° 967, i5 Novembre. - Sur l'enquête ordonnée en 1830, par l’archevêque de Paris pour constater l’authenticité des reliques de saint Vincent de Paul, et sur la translation solennelle de ces reliques, voyez Le Nouv. Conservateur Belge, tom. I, p. 341 et p. 514,et l'Ami de la Religion et du Roi, t. LXIV, p. 33 et 65.
  • http://www.mrugala.net/Histoire/Grand Siecle/St Vincent de Paul (par Amitel)/Dates.htm
  • http://filles-de-la-charite.org/fr/history/our-founders/saint-vincent-de-paul/

Notes

(1) La langue franque (lingua franca) comme on l'appelle, composée d'italien francisé et d'un peu d'arabe, facilite considérablement le commerce entre les habitants de Maroc, d'Alger, de Tunis et de Tripoli, et de ceux du midi de l'Europe. Retour

(2) C’est le Saint lui-même qui nous a fourni tout ce récit, dans deux lettres, écrites, l’une en 1607 au frère cadet de M. Commet, l’autre en 1608, datée d’Avignon. Voyez Abelly. Retour

(3) Le mariage de Marguerite de Valois avec Henri IV fut déclaré nul à Paris le 17 Décembre 1599. Elle mourut le 27 Mars 1617. Retour

(4) « Le duel a pris naissance au moyen âge... Le duel juridique, nommé jugement de Dieu, donnait du relief aux duels en général, quoique dans le premier la question fut souvent évidemment décidée par la force et l’adresse, de manière que plus d’une femme coupable fut acquittée et que plus d’une femme innocente fut déclarée coupable et condamnée, selon que le chevalier de la partie plaignante ou de l’autre tranchait la question avec la lame de son épée ou la pointe de sa lance, souvent en dépit de sa conscience. Plus tard, les Rois de France ont souvent cherché à étouffer cet usage, avec plus ou moins de succès, sans jamais y réussir complétement. Le chevaleresque Henri IV, qui se piquait de s’entendre appeler le chef de la noblesse, porta en 1602 un édit contre le duel. Onze ans après, pendant la minorité de son fils Louis XIII, on déclara au nom de ce dernier, qu’il serait procédé sans merci contre ceux qui violeraient la loi contre le duel. Cette déclaration avait été provoquée par le duel où le duc de Guise avait tué le baron de Luz. Cela n'empêcha pas que ce même de Guise ne tuât peu de temps après le fils de Luz, crime qui demeura impuni, parce que Marie de Médicis, la régente, voulait se concilier la puissante maison de Guise, et l'enlever au prince de Condé. En 1627, Louis XIV fit exécuter François de Montmorency et Rosmadec des Chapelles, pour cause de duel, et cet acte de sévérité fit effet pour quelque temps. Louis' XIV travailla sérieusement à réprimer le duel, et les maréchaux de France dont l’opinion devait être de grand poids dans cette affaire, fortifièrent les ordonnances royales, en adressant une déclaration publique à toute la noblesse, qu'ils exhortaient à se soumettre à cette loi. » Stolberg, Vïe de saint Pincent de Paul, p. 36. Voyez aussi ce que nous avons dit à ce sujet sous le 9 Juin, dans la vie de sainte Pélagie et ce qui se trouve sous le 1 Octobre dans celle de S. Remi, ainsi que le petit ouvrage intitulé : « Der duell in seiner heutigen Erscheinung betrachtet f nach philo sophisch-rechtlichen Ansichten, von K. Samhaber. PPurtzbourg 1822 » etc.} « Uber die Ehre und das verletzte Ehrgefühl, par le professeur Windischmann, Bonn 1821. » Retour

(5) Nous rapporterons ici ce qu’on lit dans les Délassements de l'homme sensible de M. d’Arnaud, t. I, part, I, p. 27 et suiv. Eh! quel était, dit-il, à l’occasion du trait de charité dout nous venons de parler; « eh! quel était ce modèle des âmes sensibles, des vrais héros de la vertu, des vrais chrétiens ? Un ecclésiastique né sans aïeux, sans fortune, n’occupant aucune place, à qui la France et l’humanité doivent un nombre d'établissements aussi utiles qu’admirables ; c’est à cet ecclésiastique que nous avons l’obligation de conserver par année près de dix mille individus que notre libertinage et notre barbarie semblaient, en quelque sorte condamner à la mort dès qu’ils voyaient le jour ; c’est à cet ecclésiastique que, sans nulle distinction de rang, de pays, de culte même, les pauvres et les malades sont redevables des secours que la charité aujourd’hui leur prodigue, et qui en rappellent la plus grande partie à la vie.... O nom cher et sacré pour les âmes sensibles ! puissent les larmes délicieuses que tu m’as fait répandre, passer dans tous les cœurs ! Vincent de Paul, tu fus le meilleur des hommes, et sans flatterie, j'ai pu te nommer l’homme unique. » Retour

(6) Collet, Vie de saint rincent de Paul, t. I, p. 459 et suiv. Retour

(7) Madame Legras, qui fonda, conjointement avec saint Vincent de Paul, la congrégation des Filles de la Charité, dite aussi Sœurs-Grises, était fille de Louis de Marillac, frère de Michel de Marillac, garde-des-scaux, et du maréchal de Marillac. Elle fut infiniment plus recommandable par ses vertus que par sa naissance. Elle épousa Antoine Legras, secrétaire des commandements de la Reine Marie de Médicis, qu'elle perdit en 1625, après douze ans de mariage. S'étant mise sous la conduite de saint Vincent de Paul, ce grand serviteur de Dieu l'employa dans les établissements de charité qu'il fit, surtout à Paris. Elle mourut le i5 Mars 1660. Voici ce que saint Vincent de Paul dit d'elle, dans une lettre datée du Samedi-saint 1660. « Je recommande son âme à vos prières, quoique, peut-être, elle n'ait pas besoin de ce secours car nous avons grand sujet de croire qu'elle jouit maintenant de la gloire de Dieu, promise à ceux qui servent Dieu et les pauvres de la manière qu’elle a fait. » Voyez la vie de madame Legras, par Gobillon, curé de Saint-Laurent, mort en 1710, Paris, 1676, in-12. Retour

(8) Adrien Bourdoise, ami particulier de Vincent de Paul, s'intéressait comme lui, de la manière la plus vive, au renouvellement de la ferveur parmi les ecclésiastiques. 11 était dévoré de zèle pour la gloire de Dieu, et attaquait le dérèglement partout où il le voyait. Une espèce d'excès a été tout le défaut qu'on a trouvé dans son zèle ; mais les circonstances le rendaient bien excusable. ( M. Collet, Vie de saint Vincent de Paul, t. I, p. 132. ) Ce vertueux prêtre, qui fut occupé toute sa vie du soin de former de dignes ministres à Jésus-Christ, et qui édifia les fidèles par ses conférences et ses missions, mourut en 1655. Il était du Perche. C'est à lui que l'on doit l'établissement du séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris. Voyez sa vie, par M. Descourveaux, Paris, 1714, in-4° Retour

(9) Il n’y a pas de pays peut-être qui ait plus souffert de la guerre de trente ans que la malheureuse Lorraine. Le pillage, l’incendie, le viol et des cruautés de toute espèce y exercèrent les plus horribles ravages. La peste et la famine enlevèrent les habitants par milliers ; des bandes de loups sorties des montagnes, après avoir dévoré les cadavres, se jetèrent aussi sur les vivants. Depuis le siège de Jérusalem, l’histoire n’a pas gardé le souvenir d’une semblable calamité ; on raconte qu’à Nancy un homme tua sa sœur pour un pain de munition, que des mères dévorèrent leurs enfants et ceux-ci leurs mères. Un acte public rapporte qu’un petit enfant, se traînant hors d’une cabane, fut mis en pièces et mangé par des garçons affamés.

Vincent, cet ange de charité, fit tout pour soulager une si grande misère, et s’adressa, à cet effet, en premier lieu à sa communauté. Déjà en 1636 elle avait retranché à ses repas, qui étaient assez simples ; mais lorsque ces horreurs éclatèrent, elle remplaça le pain de froment par celui de seigle, et réduisit à moitié sa boisson de table. Le Saint dit à cette occasion : « Nous vivons dans un temps de pénitence, Dieu visite son peuple, et c’est à nous, qui sommes ses serviteurs, à pleurer sur les marches de l’autel les fautes du peuple ; mais ce n’est pas tout : il faut que nous nous refusions une partie de notre nourriture pour alléger la misère générale. »

Les missionnaires qui s’étaient rendus à Toul, y vêtirent et y nourrirent les pauvres, servirent les malades, dont il en logeait soixante dans leur habitation et fournirent l'entretien aux soldats sans ressource, tant dans leur maison que dans l’hôpital de la ville. Vincent envoya encore douze missionnaires dans les différentes parties de la Lorraine et leur adjoignit des frères-lais, connaissant le traitement des malades, des blessés et des pestiférés. C’est à Verdun et surtout à Metz que la misère avait atteint son comble. Environ cinq mille personnes sans asile étaient dispersées dans les rues ou étendues sans force devant la ville. Les religieuses de Metz seraient mortes de faim si les prêtres de saint Vincent ne leur avaient procuré à manger. Dans les années 1639, 1640 et 1641, les missionnaires pourvurent de pain jusqu'à cinq cents pauvres, et surent détourner mille horreurs d’une autre nature. L’un d’eux écrivit de cette ville : « Combien d’âmes la pauvreté fait monter au ciel ! Depuis que je suis en Lorraine, j’ai assisté plus de mille pauvres dans leurs derniers moments, qui me parurent tous mourir en chrétiens. Voilà autant d’intercesseurs pour ceux qui leur ont fait du bien. » Cette charité ne se montra pas moins active à Bar-le-Duc, à Saint-Michel et à Pont-à-Mousson. Dans la première ville, on arrêta dans son cours une cruelle épidémie ; dans la dernière, les missionnaires adoptèrent environ cinq cents personnes toutes consumées par les privations. On n'oublia pas non plus les pauvres honteux, ni les religieuses, qui luttaient contre l’extrême besoin. Les prêtres intrépides pointèrent leurs pas jusque dans les cabanes les plus éloignées, entourées de loups furieux et habitées par des hommes affamés. Onze cent trente-deux personnes furent nourries à Saint-Michel. Ces anges du ciel conduisirent à Paris de jeunes garçons et de jeunes vierges, exposés à toutes sortes de dangers, et leur procurèrent dans cette ville un asile tutélaire ; les uns furent reçus dans la maison de Saint-Lazare, les autres chez les Sœurs de la charité

Le Saint trouva aussi moyen dans son inépuisable charité d'assister les nobles réduits à la pauvreté. Quelqu’un lui ayant fait la proposition, il répliqua : «  Monsieur, quelle joie vous me donnez! Oui, oui, il est juste de secourir et de soulager ces pauvres nobles, en l’honneur de Notre-Seigneur, qui était de très-haute naissance et très-pauvre. » Une chose admirable, c’est la manière dont le Seigneur prit soin de la Lorraine en y faisant parvenir des aumônes. Le frère-lai Matthieu y fit, pendant dix ans, cinquante voyages pour y porter les aumônes de Vincent. Il ne portait jamais moins de vingt mille livres, quelquefois, il avait sur lui onze mille écus en or, et jamais, dans ces temps de ravages, où tous les chemins étaient infestés par des soldats, des brigands et des voleurs, il n’éprouva d’accident en route. Tantôt il accompagnait un convoi militaire, et s’échappait chaque fois, quand ses compagnons étaient attaqués ou faits prisonniers ; tantôt il était dans la société des voyageurs, et Dieu voulait qu’il se trouvât absent chaque fois que ceux-ci étaient dépouillés. Souvent il marchait seul, et quand il voyait approcher des brigands il laissait tomber son paquet soit dans un buisson, soit entre des roseaux, soit dans le gazon élevé, et allait le reprendre quand ses poches vides avaient été fouillées. Lorsqu’on sut qu’il était toujours porteur d’argent, des filous lui dressèrent plus dun piège, mais toujours en vain. On ne parlait que du frère Matthieu, et la Reine elle-même voulut voir cet ange de consolation, et apprendre de sa bouche comment il avait échappé à tous les dangers qu’il avait courus ; sur quoi il répondit qu’il attribuait son salut à la prière de Vincent. Voyez Abelly, Collet et Stolberg. Retour

(10) Voyez les vies du Saint par M. Abelly, 1. 2, c. 12, et par M. Collet, 1. 3, t. I. Retour

(11) Pierre le Gouvello de Quériolet, prêtre, conseiller au parlement de Rennes, mourut en odeur de sainteté, le 8 Octobre 1660. Voyez sa vie, par le P. Dominique de Sainle-Catherine, Carme, laquelle a été imprimée à Paris, en 1688, in-12, sous ce titre : Le grand pécheur converti, représenté dans les deux états de la vie de M. de Quériolet. Voyez aussi Lobineau, Pies des SS. de Bret. p. 471. Retour

(12) Marie de Lumague, veuve de M. Pollalion, gentilhomme du Roi, mourut en odeur de sainteté en 1657. Voyez sa vie, par M. Collin, vicaire perpétuel de Saint-Martin-des-Champs dans l'église de Paris. Elle a été imprimée à Paris en 1744, in-12. Retour

(13) Le comte Frédéric-Léopold de Stolberg, très célèbre en Allemagne comme poète et comme prosateur, naquit le 7 Novembre 1750, à Bramsteldt, bourg du Holstein, de parens protestants. Son père était chambellan du Roi de Danemark, conseiller privé et grand-maître du palais de la Reine Sophie-Madeleine de Danemark. Léopold se distingua de bonne heure ; il unissait au plus beau génie, aux connaissances les plus vastes, toute l’élévation d'une âme religieuse et sensible. Il avait fait ses études à Gottingen, avec son frère Chrétien. Il fut bientôt élevé à la dignité de gentilhomme de la chambre du Roi de Danemark, et nommé en 1777, ministre plénipotentiaire du prince-évêque de Lubeck à Copenhague. En 1789, il fut nommé ambassadeur de Danemark près de la cour de Berlin, et l'année suivante président du conseil de régence d'Eutin et chanoine protestant à Lubeck. En 1800, il se démit de toutes ses places, se rendit à Munster en Westphalie, et rentra dans le sein de l'Eglise catholique avec toute sa famille, excepté sa fille aînée. Ses œuvres poétiques et purement littéraires ont été publiées avec celles de son frère en 15 vol. in-8°, à Hambourg. Ses ouvrages sur la religion sont.
  1. Zwei Schriften des heil. Augustin's, vonder wahren Religion, und den Sitten der katholischen Kirche, Munster et Soleure.
  2. Geschichte der Religion Jesu, i5 vol. in-8°, Hambourg, Vienne et Soleure. Cette histoire est continuée par M. Von Kerz. L'Association pour la défense de la religion catholique se propose de faire publier une traduction française de l'ouvrage du comte de Stolberg.
  3. Leben des heil. Fincentius von Paulus, Munster. M. Le Sage Ten Broeck en a publié une traduction hollandaise.
  4. Beherzigungen und Betrachtungen, 2 vol., Ratisbonne.
  5. Das Büchlein von der Liebe, Munster et Soleure. Cet ouvrage vient d’être traduit en français, avec des notes, par MM. Waille et de Tückt. Voyez le Nouv. Conservateur Belge, t. I, p. 439.
  6. Die heil. Sonn undFesttagigen Evangelien, Berlin 1823 (posthume).

Le plus remarquable de ces ouvrages est sans contredit l'Histoire de la Religion de Jésus-Christ tant à cause de son étendue qu'à cause du charme attaché à la forme, de la saine critique qui y règne d’un bout à l’autre, de la douce piété qu’il respire et du ménagement avec lequel l'auteur y parle des personnes que l’histoire a marquées du sceau de la réprobation. Il fut traduit en italien, et cette traduction fut ordonnée par Pie VII. Une critique sévère trouverait peut-être que l'auteur s’est trop étendu sur l’histoire profane, à laquelle il ne faut toucher que pour autant qu’elle est essentiellement liée avec l'histoire ecclésiastique et qu’elle sert à l’éclaircir. D’autres au contraire en font un mérite à l'auteur, parce que cette circonstance a fait goûter son ouvrage aux laïcs, et il est possible qu’il l’ait lui-même envisagé sous ce point de vue. Quant au jugement qu’il porte sur les personnages qu’il met en scène, il a à cet égard, comme tout historien, sa manière de voir qui prend sa source dans son cœur ; il en est de même des portraits et des caractères d’Origène, de Tertullien, de saint Jérôme, de Rufin, de l'Empereur Julien etc. Il juge les uns avec trop d'indulgence, les autres avec trop de sévérité.

Stolberg mourut à Sondermühlen, dans le pays d’Osnabrück, le 5 Décembre 1819. L’Europe savante et catholique conservera précieusement la noble mémoire de ce grand homme, l’une des plus glorieuses conquêtes du catholicisme. Retour