Concile de Trente en 1545 |
Dernière mise à jour le 17/02/2022 Plan du site Menu en haut de page Aide |
La convocation du concile de Trente souffrit de grandes difficultés ; et on désespéra plus d'une fois de les vaincre.
Ces difficultés venaient de plusieurs causes :Pour convoquer le concile, Clément VII exigeait la paix entre les princes chrétiens, et la soumission des Protestants ; mais il se relâcha sur cette dernière condition, quoiqu'on reconnût la justice, la nécessité même de la demande du pape. On est cependant parti de là pour le déchirer, en l'accusant de s'être opposé au concile, et d'avoir toujours montré de la répugnance à le convoquer. Mais Charles-Quint et François Ier, avec lesquels il en avait traité par ses nonces, par lettres et de vive voix, ont rendu justice à son zèle et à la pureté de ses intentions.
Clément VII mourut le 25 septembre 1534, sans avoir recueilli le fruit des peines qu'il s'était données.
Le cardinal Farnèse lui succéda sous le nom de Paul III. Le nouveau pape pensa, comme il avait pensé n'étant encore que cardinal, qu'il fallait aller en avant, sans s'embarrasser ni des démêlés des princes, ni des chicanes des Protestants ; et il se flatta que tôt ou tard il réussirait. Il ne se trompa point ; mais ce ne fut encore qu'après dix années de négociations et de convocations inutiles. Immédiatement après son exaltation, il reprit l'affaire du concile ; il tint plusieurs consistoires, il écrivit un grand nombre de brefs, et envoya différents nonces tant aux Catholiques qu'aux Protestants. Rien ne le rebuta, ni les voyages, ni les refus, ni les mauvaises réceptions qu'on fit à ses envoyés.
En 1536, il donna une bulle par laquelle il indiquait le concile à Mantoue pour le 23 de mai de l'année suivante. Cette bulle fut approuvée dans le consistoire et publiée le 2 de juin. Le pape envoya des légats et des nonces à tous les princes catholiques et protestants, pour leur notifier l'indiction du concile. Cette convocation n'eut point d'effet, parce que le duc de Mantoue exigeait absolument que le pape entretînt une garde militaire dans sa ville. Paul III, après bien des négociations, ne voulut point y consentir : il craignait que l'on ne publiât un jour que le but de la garnison avait été de tenir le concile dans la servitude. Il se trouva dans l'embarras, parce qu'il n'avait pas assez de temps pour informer la chrétienté de ce changement, avant le terme fixé pour l'ouverture du concile. Il tint un consistoire secret, où il appela les ambassadeurs des princes ; il les pria de faire part à leurs maîtres des conditions sans lesquelles le duc de Mantoue ne voulait point recevoir le concile dans sa ville, des raisons qui l'empêchaient de les accepter, et de l'intention où il était de proroger la convocation jusqu'au 1er novembre suivant. La bulle de prorogation fut publiée le 20 mai 1537.
Paul III fit ensuite proposer aux princes catholiques une des villes de l'Etat de Venise, après avoir obtenu le consentement de la république. Il publia, le 8 d'octobre de la même année, une bulle par laquelle il convoquait le concile à Vicence pour e 1er mai suivant. Il nomma trois légats pour y présider : les cardinaux Campége, Simonette, Alexandre. Ces légats étaient connus pour un mérite distingué ; il n'y avait presqu'aucun genre de science où ils ne fussent très versés ; Simonette surtout excellait dans la connaissance du droit canonique. Ils se rendirent à Vicence ; mais il n'y vint aucun évêque, et l'ouverture du concile ne put avoir lieu. Paul fut donc contraint de la suspendre jusqu'au jour qu'il indiquerait, et il publia la bulle de cette suspension le 25 avril 1538. Après la conférence de Nice avec l'empereur et le roi de France, il se vit encore obligé, sur les représentations de ces deux princes, de proroger l'ouverture du concile jusqu'à Pâque. Malgré tous ces délais, personne ne se rendit à Vicence. Le pape, craignant avec raison qu'on ne le soupçonnât d'amuser le monde par un concile imaginaire, résolut, dans le consistoire du 31 mai 1539, de le proroger pour un temps indéterminé, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il se présentât un moment favorable pour le célébrer. Il rappela dans la nouvelle bulle les soins qu'il s'était donnés, et les obstacles qu'il avait rencontrés. Il promettait en même temps d'accélérer la célébration du concile, le plus qu'il serait possible.
Il se passa encore deux ou trois ans en négociations inutiles. Le pape offrit différentes villes, et en Italie, et en d'autres Etats. Les Protestants les rejetèrent toutes, parce qu'ils voulaient absolument le concile en Allemagne. Paul de son côté insistait pour Cambrai, alors ville libre, parce qu'elle observait une exacte neutralité entre les puissances belligérantes. Enfin, dans la diète de Spire, tenue en 1542, il fit encore offrir Cambrai et Trente. Tous les ordres de l'empire, à l'exception des protestants, acceptèrent cette dernière ville, située sur les confins de l'Allemagne, et feudataire de Ferdinand, archiduc d'Autriche. Mais on eut beaucoup de peine à la faire accepter par François er, qui ne voyait pas de bon œil le concile dans un fief d'Autriche.
Le pape ne perdit pas un moment ; la bulle de convocation fut dressée et signée le 22 mai, et publiée le 29 juin, fête du Prince des apôtres. Le concile fut indiqué pour la fête de tous les saints. Les cardinaux Parisi, Pool et Morone furent nommés pour y présider. A leur arrivée à Trente, ils trouvèrent si peu d'évêques, qu'on ne fit point l'ouverture du concile au jour marqué. Au commencement de l'année suivante, les deux Granvelle y arrivèrent avec la qualité d'ambassadeurs de l'empereur. Charles-Quint, voulant rejeter sur les autres le nouveau délai, écrivit au pape que les retards du concile ne devaient pas lui être imputés, puisqu'il y avait envoyé des ambassadeurs. Paul lui répondit que c'était avec des évêques, et non avec des ambassadeurs qu'on tenait des conciles. Les deux ambassadeurs eurent ordre de se rendre ailleurs. Quelques prélats italiens, qui étaient arrivés, s'en retournèrent aussi. Le pape manda à Bologne les légats Pool et Parisi, pour délibérer sur le parti qu'il y avait à prendre. Après sept mois de séjour à Trente, les légats furent enfin rappelés, et les évêques déliés de l'obligation de rester plus longtemps dans cette ville. On remit à un temps plus favorable l'ouverture de l'assemblée.
La paix ayant été conclue entre François ler et Charles-Quint, sur la fin de l'année 1544, on reprit l'affaire du concile. Les cardinaux Del Monte, Cervin et Pool furent choisis pour y présider. En arrivant à Trente, ils n'y trouvèrent que l'évêque de Cava, envoyé par le pape en qualité de commissaire pour faire des provisions. Il fallut donc encore attendre. Peu à peu arrivèrent quelques évêques et quelques ambassadeurs. La circonstance critique où se trouvaient les affaires de la religion en Allemagne, porta le pape à donner un ordre précis de faire l'ouverture du concile le 3 mai ; mais cet ordre ne fut pas exécuté, parce qu'on reçut des nouvelles peu favorables. L'empereur s'opposait d'ailleurs à l'ouverture du concile, et il n'y avait guère que des évêques italiens à Trente. Les prélats, fatigués de ces nouveaux délais, menaçaient de s'en retourner ; il fallut toute l'adresse et toute la patience des légats pour les retenir. Cependant le pape résolut absolument, dans le consistoire du 6 novembre, de faire ouvrir le concile le 13 décembre 1545 : ce qui fut exécuté dans la cathédrale de Trente. Cornelio Musso, Franciscain, évêque de Bitonto, le plus célèbre prédicateur de son siècle, fit le discours d'ouverture. Il s'y trouva quatre cardinaux, quatre archevêques, vingt évêques, cinq généraux d'ordre, Sébastien Pighino, auditeur de Rote, et les ambassadeurs du roi Ferdinand.
On se proposait dans le concile de condamner les nouvelles erreurs contre la foi, de travailler à la réformation des mœurs et de la discipline, de remettre en vigueur les anciens canons, et de faire de nouveaux règlements relatifs à cet objet. On discutait d'abord les matières dans des congrégations particulières ; après cette discussion, elles étaient portées et examinées dans les congrégations générales, et enfin on prononçait définitivement dans les sessions. On convint, après plusieurs débats, de ne point séparer la discipline de la foi, et de faire suivre la condamnation des erreurs, des décrets pour la réformation des mœurs : la raison en est que les abus dans la pratique ont rapport à la plupart des points de doctrine. On explique d'abord la doctrine de la foi dans les chapitres : vient ensuite la condamnation des erreurs qui y sont opposées ; et enfin les articles de foi définis dans les canons. Ce n'est pas qu'il y ait de nouveaux dogmes. La foi que nous professons est celle des apôtres, celle que l'Eglise a crue et enseignée dans tous les siècles
Le père Bernard Lami, de l'Oratoire, avait avancé que les chapitres du concile où est contenue l'exposition de la doctrine, n'avaient pas une autorité égale à celle des canons ; mais M. Bossuet le convainquit charitablement qu'il se trompait ; il le reconnut, corrigea ce qui lui était échappé, et se rétracta, comme l'observe M. Languet, archevêque de Sens.
Dans plusieurs sessions, les décrets pour la réformation des mœurs et pour la discipline, surtout dans le clergé, suivent les chapitres et les canons de doctrine.
On ne décida rien dans les trois premières sessions, pour donner aux prélats le temps d'arriver. L'Ecriture sainte, le péché originel, le libre arbitre, la justification, les sacrements en général, ceux du baptême et de la confirmation en particulier, sont la matière des quatre sessions suivantes.
Une maladie épidémique étant survenue à Trente, on parla de transférer le concile à Bologne. L'empereur était extrêmement opposé à cette translation, et fit faire de grandes menaces au légat Cervin, qu'il en croyait le principal auteur. Mais cela n'empêcha point qu'elle ne fût arrêtée dans la huitième session, tenue le : 1er mars, et on partit de Trente dès le lendemain. Le décret de translation trouva quatorze opposants, tous sujets de l'empereur, à l'exception de l'évêque de Fiésoli. Les Espagnols eurent ordre de leur prince de rester à Trente. Cette translation, qui se fit à l'insu du pape, devint une source d'altercations et de protestations de la part de Charles-Quint, qui demandait qu'on remît le concile à Trente. Cependant on tint à Bologne la neuvième et la dixième session ; mais on n'y décida rien. Ce n'est pas qu'on restât dans l'inaction ; on prépara et on dirigea les matières qui furent décidées après la reprise du concile à Trente, sous le pontificat de Jules III. Les légats, voyant que le pape était extrêmement âgé, craignirent que, s'il venait à mourir pendant ses contestations avec l'empereur, les Espagnols ne s'arrogeassent le droit de nommer son successeur à Trente, où ils restaient toujours. Ils lui conseillèrent donc de suspendre le concile. En conséquence, il écrivit le 13 septembre 1549, au cardinal Del Monte, de licencier les Pères du concile, ce qui fut exécuté le 17. Paul mourut le 10 novembre suivant.
Henri II, roi de France, favorisait la translation du concile à Bologne, parce que l'empereur, dont il était ennemi, y était extrêmement opposé. Comme il y avait très peu de Français à Bologne, il y envoya quelques autres évêques de son royaume. Mais les prélats qui s'y trouvaient, craignant un schisme, tant que le concile serait partagé en deux, n'osèrent faire aucune définition.
Au reste, quoique le concile n'ait pas été fort nombreux sous Paul III, c'est pourtant cette convocation qui a été la plus célèbre : et on peut dire que les définitions de la sixième session sur les matières de la justification, sont le chef-d'œuvre du concile de Trente. On en doit principalement attribuer la cause au mérite distingué des évêques et des théologiens qui y assistèrent. Il y avait peu d'hommes dans l'Eglise qu'on pût comparer aux trois légats. Del Monte, évêque de Palestine, était un savant canoniste, qui s'était montré digne des plus grandes places. Cervin excellait dans tous les genres de connaissances. Il entretint pendant sa présidence un commerce de lettres avec les plus savants hommes de l'Europe, qu'il consultait sur les points difficiles. Pool, de l'aveu même des Anglais ses ennemis, était un profond théologien, vénérable par la sainteté de ses mœurs, par son humilité, par sa candeur et la douceur de son caractère. Ces belles qualités étaient encore rehaussées en lui par l'éclat de la naissance, et par les persécutions de Henri, roi d'Angleterre, qui, non content de posséder le trône, que le cardinal ou ses frères auraient dû occuper, n'avait pas rougi de mettre sa tête à prix. On peut ajouter à ces trois hommes célèbres, le cardinal Pachéco, le cardinal de Trente, Antoine Le Filleul, archevêque d'Aix ; Olaus Magnus, archevêque d'Upsal ; Robert Vaucop, archevêque d'Armagh ; Cornelio Musso, évêque de Bitonto, appelé le bras droit du concile ; Marc Viguer, évêque de Sinigaglia ; Bertani, évêque de Fano ; Thomas Campége, évêque de Feltri ; Achille de Grassi, Sébastien Pighino ; Hercule Sévérole, Hugues Boncompagno, habiles canonistes ; et parmi les théologiens, Jérôme Séripand, général des ermites de Saint-Augustin ; Oléastar, Portugais ; Dominique Soto, André Véga, Jacques Laynez, Claude Le Jay, Richard du Mans, Pélargue, Catharin, etc. En général, les Espagnols, tant du premier que du second ordre, étaient bons théologiens.
Le cardinal Del Monte fut élu pape le 7 février 1550, et prit le nom de Jules III. Presqu'aussitôt après son exaltation, il s'occupa des moyens de rétablir le concile à Trente. Comme il était d'un caractère très franc, on fut bientôt d'accord. La bulle, pour reprendre le concile à Trente, fut dressée par le pape lui-même à la fin de l'année 1550. Mais la publication en fut retardée à Rome, jusqu'à ce que l'empereur l'eût vue et fait imprimer en Allemagne. On en agit ainsi à cause des Protestants qui paraissaient disposés à accepter le concile ; et effectivement, quelque temps après, l'empereur offrit au pape leur soumission. Il faut en excepter Maurice, électeur de Saxe, qui demandait un concile indépendant du pape, et où ceux de la confession d'Ausbourg eussent voix délibérative. L'événement montra qu'en faisant semblant d'accepter le concile, les protestants cherchaient à amuser l'empereur pour le mieux tromper.
Le 4 mars 1551, Jules nomma pour présider au concile, le cardinal Crescenzio, homme fort versé dans la science des lois. Il ne lui donna point de collègues dans la légation ; mais il lui associa en qualité de présidents, Sébastien Pighino, archevêque de Manfredonia, et Louis Lippoman, évêque de Vérone, tous deux très expérimentés dans les affaires du concile. Il en agit ainsi par égard pour le corps épiscopal. Le légat se rendit à Trente le 29 d'avril. Il fut reçu, ainsi que les présidents qui l'avaient précédé, par le cardinal Madruce. Ils ne trouvèrent que treize évêques, presque tous dépendants de l'empereur. La première congrégation se tint le lendemain. On y proposa d'ouvrir le concile le 1er mai, mais d'attendre ensuite jusqu'au 11er de septembre, pour donner aux évêques le temps d'arriver. Cette proposition passa après diverses contradictions. Cependant on vit arriver successivement un assez grand nombre d'évêques, et entre autres les archevêques électeurs de Trèves et de Mayence. On tint six sessions ; la onzième et la douzième qui ne furent que préparatoire s; la treizième et la quatorzième, dans lesquelles on exposa la doctrine de l'Eglise sur l'eucharistie, la pénitence et l'extrême-onction ; la quinzième, dans laquelle on invita les protestants au concile, et on leur accorda des sauf-conduits. Dans la seizième, le concile fut suspendu à cause des guerres d'Allemagne.
Ce fut dans le commencement de l'année 1552 qu'éclatèrent les projets des protestants contre l'empereur Charles-Quint. Leur armée ayant dirigé sa marche vers Inspruck, ville peu éloignée de Trente, une partie des prélats prit la fuite. Madruce, prévoyant que les vues des hérétiques pourraient bien être de se rendre maîtres de l'élite des évêques et des théologiens qui étaient à Trente, fit promptement avertir le pape que cette ville n'était point à l'abri d'une irruption. Jules suspendit le concile dans une congrégation consistoriale, tenue le 15 d'avril, et où l'affaire avait été mise en délibération. Les Impériaux éclatèrent en menaces, dès que cette résolution fut connue. Les deux évêques présidents, qui étaient seuls, parce que le légat Crescenzio était dangereusement malade, n'osèrent effectuer la suspension. Ils voulaient d'ailleurs qu'elle fût résolue par le concile même. L'affaire ayant été mise en délibération dans la congrégation générale du 24 avril, la suspension y fut arrêtée pour deux ans, à la pluralité des voix, du consentement même d'une partie des Impériaux et de l'ambassadeur du roi Ferdinand, frère de l'empereur. Cette résolution, ayant été portée dans la session tenue le 28, y fut confirmée. Douze Espagnols s'opposèrent au décret, en convenant toutefois de la nécessité où l'on se trouvait de proroger le concile. Ils agirent bientôt contre leur propre protestation, en pourvoyant à leur salut par la fuite. Charles-Quint lui-même sortit précipitamment d'Inspruck, pendant les ténèbres de la nuit, et aussitôt la ville fut prise et pillée. La plus grande partie de sa cour le suivit à pied, faute de chevaux. Il ne se crut en sûreté que lorsqu'il fut arrivé sur les frontières du Frioul vénitien. Pour ne pas tomber entre les mains des protestants, le légat Crescenzio, qui était mourant, se fit transporter par l'Adige à Vérone, où il termina sa vie trois jours après.
Ainsi finit la reprise du concile à Trente. Sa suspension n'excita pas d'aussi grandes contestations, qu'avait fait sa translation à Bologne, parce que le danger fut évident, et que la protestation des opposants se trouva en contradiction avec leur fuite précipitée.
La France n'eut point de part à cette reprise du concile, à cause des brouilleries qui survinrent entre le pape et Henri II, à l'occasion de la guerre de Parme. Jules fit pourtant tout son possible pour engager le roi à envoyer, nonobstant ces démêlés, les évêques de France à Trente ; mais Henri n'en voulut rien faire. Il fit même protester contre le concile par Amyot, abbé de Bellozane, comme il avait déjà fait protester deux fois à Rome dans le consistoire.
La convocation du concile sous Jules eut moins d'éclat qu'elle n'en avait eu sous Paul III. Ce n'est pas qu'il n'y eût des évêques et des théologiens d'un grand mérite ; mais les points qui y furent décidés avaient déjà été examinés à Bologne avec le plus grand soin, et roulaient sur des matières si rebattues, qu'il était difficile d'y ajouter quelque chose de nouveau.
Jules III mourut le 23 mars 1555, dans la soixante-huitième année de son âge, et la sixième de son pontificat. Il eut pour successeur Marcel Cervin, autrefois son collègue dans la légation du concile. Il conserva le nom qu'il avait reçu au baptême. Il fut élevé sur le trône pontifical le 9 d'avril, le quatrième jour du conclave. On concevait de lui les plus grandes espérances ; mais il mourut après vingt et un jours de pontificat. Ce qu'il y eut de plus remarquable dans l'élection de Marcel II, comme dans celle de Jules III, c'est qu'ils furent portés l'un et l'autre sur la chaire de saint Pierre par la faction attachée aux intérêts de l'empereur.
Marcel II fut remplacé le 23 mai 1555, par le cardinal Caraffe, doyen du sacré collège, aussi recommandable par sa science que par l'austérité de ses mœurs. Il prit le nom de Paul IV. Il eut du zèle, mais il manqua souvent de prudence. Les troubles qui agitèrent son pontificat l'empêchèrent de penser au concile. Il mourut le 18 août 1559.
Le cardinal de Médicis, âgé de soixante-dix ans, lui succéda sous le nom de Pie IV, la nuit qui suivit la fête de Noël. Il reprit les négociations pour le rétablissement du concile à Trente ; elles ne souffrirent pas de grandes difficultés de la part des princes catholiques. Seulement l'empereur et le roi de France désiraient qu'on se relâchât en quelque chose sur l'ancienne forme des conciles, pour se rapprocher un peu plus des idées des protestants. Ils espéraient que par là on ramènerait plus facilement les hérétiques. Mais le roi catholique et plusieurs autres princes étaient bien éloignés d'y consentir. De là les difficultés qui donnèrent lieu à plusieurs conférences. Enfin tous les Catholiques s'accordèrent pour remettre le concile à Trente. La bulle d'indiction fut publiée le 29 novembre 1560, et elle portait qu'on reprendrait le concile à Pâque prochain, toute suspension levée. Le pape fit partir des nonces pour la porter aux princes catholiques et hérétiques. Ils essuyèrent de grandes difficultés, et des avanies même, de la part de quelques Protestants. On écrivit depuis aux patriarches d'Orient, de Moscovie, et jusqu'aux Chrétiens d'Ethiopie, pour les inviter au concile. Enfin on ne négligea rien pour rendre l'assemblée aussi nombreuse qu'il serait possible. Pie IV choisit pour légats les cardinaux de Mantoue et Dupuy, auxquels il associa bientôt Séripand, Hosius, et Simonette qu'il venait de décorer de la pourpre romaine. Il leur donna encore un nouveau collègue dans la personne de Marc-Sitique Altemps, son neveu. Les infirmités de Dupuy, qui se terminèrent par une mort prochaine, l'empêchèrent d'aller à Trente. Le cardinal de Mantoue et le cardinal Séripand étant arrivés à Trente, avant le terme fixé pour l'ouverture du concile, s'occupèrent à régler tout avec les officiers du pape. Hosius et Simonette arrivèrent aussi bientôt à Trente, et ils trouvèrent un assez grand nombre d'évêques. Le pape leur avait écrit d'ouvrir le concile le jour de l'Épiphanie 1563. Il leur permit ensuite de retarder jusqu'au 18 de janvier. La session, tenue en ce jour, et qui fut la dix-septième, était composée de cent deux évêques, sans compter les cardinaux. On traita dans la dix-huitième du choix des livres, et on accorda un sauf-conduit aux protestants. Il n'y eut rien de décidé dans la dix-neuvième et la vingtième. La vingt-unième eut pour objet la communion sous les deux espèces ; la vingt-deuxième, le sacrifice de la messe, la vingt-troisième et la vingt-quatrième, les sacrements de l'ordre et du mariage. Le purgatoire, les images, l'invocation des saints et des indulgences furent la matière de la vingt-cinquième, qui fut la dernière, et qui se tint le 3 et le 4 décembre 1563. Cependant les cardinaux de Mantoue et Séripand étant morts, le premier le 2, et le second le 17 mars 1563, Pie IV avait nommé, pour les remplacer, les cardinaux Morone, Navagier, qui se rendirent sur-le-champ à Trente.
Le concile finit par les acclamations, qui furent composées par le cardinal de Lorraine, à l'imitation de celles des anciens conciles. Les présidents défendirent ensuite à tous les Pères, sous peine d'excommunication, de partir sans avoir souscrit, ou approuvé par instrument public tous les décrets du concile. Les souscriptions montèrent au nombre de deux cent cinquante-cinq. On désirait ardemment que les ambassadeurs des princes souscrivissent aussi les décrets du concile, pour en mieux assurer l'acceptation dans leur pays ; mais cela n'était pas facile à cause des contestations sur la prééminence. Voici comment on s'y prit. On dressa quatre instruments publics. Le premier contenait l'acceptation des ambassadeurs ecclésiastiques, c'est-à-dire des ambassadeurs de Ferdinand, comme empereur, comme roi, et comme prince héréditaire de Pologne, de Savoie, de Florence et de Malte. Sigismond de Thown, laïque, aussi ambassadeur de l'empereur, souscrivit sur la même feuille. Le second instrument contenait l'acceptation de Joachim, abbé de Vaud, comme ambassadeur de tout le clergé suisse. Le troisième renfermait l'acceptation des ambassadeurs de Portugal et de Venise ; et le quatrième, celle de Melchior Lussi, ambassadeur des cantons suisses catholiques. Le comte de Lune, ambassadeur d'Espagne, ne voulut signer que sous cette restriction, pourvu que le roi Catholique y consentît. il ne manqua que la signature des ambassadeurs de France, qui, quelque temps auparavant, s'étaient retirés à Venise, sous prétexte de mécontentement.
Il ne restait plus, pour mettre la dernière main à cet ouvrage, que la confirmation du pape. Les Pères, à l'exception de l'archevêque de Grenade, avaient chargé les légats de la demander, ce qu'ils firent à leur retour à Rome. Le pape, dans le consistoire du 26 janvier 1561, approuva et confirma les décrets du concile, après avoir pris, selon la coutume, l'avis du sacré collège. La bulle fut signée de tous les cardinaux ; et, pour éviter les interprétations arbitraires, elle faisait défense d'imprimer les décrets avec des gloses, le pape se réservant le droit d'éclaircir tout ce qui pourrait fournir matière à quelques doutes. Si la troisième convocation n'eut pas la même célébrité que la première, on ne sait trop à quoi en attribuer la cause ; car elle fut beaucoup plus nombreuse ; d'ailleurs les prélats et les théologiens qui la composaient étaient des hommes du premier mérite.
Tous les légats, si on en excepte Altemps, qui était jeune encore, étaient l'élite du sacré coll`ge. Le cardinal de Mantoue joignait à une illustre naissance, l'élévation du génie, l'étendue et la variété des connaissances. Il était d'ailleurs si aimé, que quand il parla de quitter la présidence du concile, toute l'assemblée et tous les princes de la chrétienté s'y opposèrent ; l'empereur descendit jusqu'aux prières, et le pape lui ordonna de rester à Trente. A sa mort, toutes les personnes qui composaient le concile le pleurèrent, comme si chacun eût perdu son père.
Les cardinaux Séripand et Hosius étaient deux des plus célèbres théologiens de leur siècle. Le second avait de plus un talent rare pour la controverse : on voit par ses écrits, qu'il avait une connaissance profonde de l'Ecriture et des Pères, et qu'il joignait la solidité du jugement à la pénétration de l'esprit et à la netteté des Idées. On admirait dans Simonette un grand canoniste ; mais il était un peu trop attaché aux intérêts des papes. Morone et Navagier s'étaient fait connaître par leur prudence, et le premier était de plus fort versé dans les affaires du concile, en ayant été chargé plusieurs fois dans les diètes de l'empire. Il serait trop long de nommer tous les évêques et tous les théologiens qui se distinguèrent dans le concile par leurs vertus et leurs lumières.
Si le cardinal de Lorraine ne fut pas le plus savant, il était au moins le plus éloquent. Il amena à Trente avec lui quatorze évêques, trois abbés, et dix-huit théologiens, parmi lesquels on en comptait plusieurs d'un rare mérite, tels que Beaucaire, évêque de Metz ; Eustache du Bellai, évêque de Paris ; Pierre Danès, évêque de Lavaur ; Nicolas Maillard, doyen de la faculté de théologie de Paris ; Simon Vigor, Claude d'Espence, Claude de Saintes, etc.
On distinguait parmi les évêques espagnols, presque tous bons théologiens, Covarruvias, évêque de Castel-Rodrigue ; Guerrero, archevêque de Grenade ; Ayala, évêque de Ségovie ; Antoine Augustin, évêque de Lérida, puis archevêque de Tarragone, qui s'est surtout rendu célèbre par un excellent ouvrage sur la correction de Gratien. On peut dire à peu près la même chose des évêques portugais, à la tête desquels on mettra Barthélemi des Martyrs, archevêque de Brague, connu par sa science et surtout par ses vertus. Les bornes de cette note ne nous permettent pas de faire une mention distincte de tous les théologiens de ces deux royaumes. Mais nous ne pouvons nous dispenser de nommer au moins Pierre Fontidonio, Pierre Soto, Jean Villetta, Gaspard Cardillo, Alphonse Salmeron, François de Torres, Diégo Payva, François Forrero, George d'Ataïde, Melchior Cornelio, etc. Salmeron et de Torres étaient théologiens du pape, et le premier s'était trouvé aux trois ouvertures du concile.
Il était aussi venu à Trente des évêques et des théologiens distingués des autres royaumes et pays soumis à la domination espagnole, comme de Sicile, de Naples, de Sardaigne et des Pays-Bas. François Richardot, évêque d'Arras ; Antoine Havet, évêque de Namur, et Martin Rithow, évêque d'Ipres, amenèrent avec eux à Trente des théologiens habiles, entre autres Cornélius Jansénius l'Ancien, qui devint ensuite évêque de Gand ; Jean Hessels, etc. Fra-Paolo et le Courayer sont donc des calomniateurs, quand ils disent que les Pères et les théologiens du concile de Trente n'étaient que des scolastiques.
Les évêques italiens, qui excellaient dans la positive et dans le droit, en fournissent une nouvelle preuve. Tels étaient Sébastien Vanzio, évêque de Rimini ; Jean-Baptiste Osio, évêque de Riéti ; Commendon, évêque de Zante ; Campége, évêque de Feltri, et beaucoup d'autres sur lesquels on peut consulter Raynaldi et Pallavicini ; Jean-Baptiste CastelIi, Scipion Lancelloti, Hercule Sévérole, Hugues Boncompagno, et Gabriel Paleotti, officiers du pape, dont plusieurs parvinrent aux premières dignités ecclésiastiques. Les généraux d'ordre, qui avaient voix délibérative dans le concile, étaient aussi versés dans la théologie, et savaient bien la positive. Il s'en trouva sept à Trente, qui tous souscrivirent les décrets du concile.
Il n'y vint que quelques évêques allemands ; plusieurs envoyèrent un certain nombre de théologiens avec leurs procurations. Le concile admit leurs excuses. Ils représentèrent qu'ils ne pouvaient s'éloigner de leurs diocèses, à cause des séditions et des troubles qui régnaient dans le pays, et parce qu'ils ne pouvaient laisser leur troupeau à l'abandon, dans une circonstance où il y avait tout à craindre de la part des ennemis de l'Eglise.
Il se trouva au concile six évêques de la Grèce, deux de Pologne, deux de Hongrie, un de Bohême, un de Croatie, trois d'Irlande, un d'Angleterre, savoir, Thomas Godwel, évêque de Saint-Asaph, et trois d'Illyrie. Ces prélats étaient regardés par leurs collègues absents, comme les représentants de ceux qui n'avaient pu assister en personne au concile, et tous ensembles reçurent les décisions doctrinales émanées de cette auguste assemblée.
On suivit dans plusieurs royaumes l'exemple que le pape avait donné en recevant les décrets du concile. Ils furent solennellement acceptés par le sénat de Venise, par la diète de Pologne, et par le roi de Portugal. Mais le roi Philippe II, en les publiant dans l'Espagne, dans les Pays-Bas, en Sicile et à Naples, y mit une clause relative à certains points de discipline, pour conserver ses droits et ceux de son royaume. La réception des décrets en Espagne et en Portugal soumit au concile les pays occidentaux des deux mondes, une partie du septentrion, les Indes orientales et plusieurs contrées de l'Afrique. Quant à l'Allemagne, le pape obtint de l'empereur Maximilien que les décrets du concile de Trente y seraient publiés. Ils furent solennellement reçus dans la diète d'Ausbourg, à l'exception de certains points de discipline, dont les Allemands souhaitaient d'être dispensés. Ils l'ont pareillement été par les principales églises de la nation, et par les différents conciles qui s'y sont tenus ; de sorte que la réformation y est presque entièrement observée, excepté la défense de posséder plusieurs bénéfices incompatibles. On a prétendu par cette tolérance, rendre les évêques-princes plus puissants, afin de les mettre en état de résister aux violences des hérétiques.
En France, la reine Catherine de Médicis en empêcha la publication légale, sous prétexte qu'on y condamnait les commandes, et plusieurs autres coutumes autorisées par la discipline établie dans le royaume (Pallavicini, l. 24, c. 11 ; de Thou, l. 35 et 37). Le clergé de France, dans son assemblée générale de l'année 1567, demanda la publication et l'exécution des décrets du concile (Rec. général des affaires du clergé, Vitré, 1636, in-4°, t. 2, p. 14, etc.). Il réitéra ses sollicitations en 1596, 1597, 1 598, 1600, 1602, 1605, 1606, 1609, etc. Henri IV envoya un édit au parlement de Paris sur cet objet, mais cette cour refusa de l'enregistrer. Toutes ces difficultés ne venaient que de certains décrets de discipline qui ne sont point conformes aux usages du royaume. Ce n'est pas qu'on n'observe en France la plupart des décrets de discipline faits à Trente ; mais ils n'y ont force de loi que parce qu'il a plu au roi de les insérer dans ses ordonnances. Les conciles provinciaux ont aussi reçu la très grande partie des règlements de discipline, et en ont recommandé l'exacte observation. Il paraît que la dernière tentative du clergé de France, pour en obtenir une publication légale, a été dans les états de 1614 et 1615, ou du moins c'est la dernière qui ait eu l'éclat de la publicité.
Quant aux décisions dogmatiques, elles ont toujours été reçues en France avec le même respect que celles des conciles généraux : ainsi répondaient nos rois aux représentations du clergé. C'est aussi ce que prouvent invinciblement les théologiens français d'après les écrits des évêques du royaume, et de plusieurs autres graves auteurs. Charles Du Moulin, successivement calviniste et luthérien, qui eut enfin le bonheur d'être converti par Claude d'Espense, et qui mourut entre les bras de ce docteur en 1566, convient même (dans ses consultations sur la réception du concile de Trente) qu'il n'y a point eu d'exception pour les décrets relatifs à la foi, à la doctrine, aux constitutions de l'Eglise et la réformation des mœurs. Mais néanmoins, dit de Thou, l. 36, « ceux qui étaient d'avis de laisser au concile l'affaire de la religion à décider, comme il était juste, offensés de cette consultation, obtinrent du parlement de Paris que Du Moulin fût mis en prison, comme ayant de mauvais sentiments en matière de religion, et comme ayant voulu porter les peuples à la sédition par son écrit ; » et dans la suite il ne fut élargi par ordre du roi, qu'à condition qu'il ne pourrait plus rien faire imprimer sans la permission de S. M. Les objections de Du Moulin contre le concile ont été solidement réfutées par Pierre Grégoire de Toulouse, professeur en droit à Pont-à-Mousson. Cette réponse est à la tête de l'édition des œuvres de Du Moulin, donnée à Paris en 1681, cinq vol. in fol.
Nous avons parlé plus haut du mérite de la plupart de ceux qui assistèrent au concile de Trente. Au reste, on ne doit pas considérer simplement en elle-même l'autorité des théologiens de ce concile ; il faut la considérer comme unie à celle des autres docteurs absents, qui approuvèrent tous les points de doctrine qui furent décidés. Si quelqu'un eût avancé des opinions contraires à l'enseignement commun, on n'eût pas manqué de lui appliquer cette règle si connue de Vincent de Lérins, que l'Eglise ne conforme point ses sentiments à ceux des particuliers, mais que ceux-ci sont obligés de suivre les sentiments de l'Eglise.
On objecte que les rois ct plusieurs évêques n'avaient pas toujours des vues pures ; qu'ils eurent souvent recours aux intrigues dans le concile ; et qu'on ne peut conséquemment faire valoir l'inspiration du Saint-Esprit. Nous convenons que les passions exercent presque partout leur empire, et que l'ambition, la jalousie et autres vues semblables peuvent se glisser dans le sanctuaire, sous de fausses couleurs. Mais l'objection qu'on fait ici a également lieu par rapport aux premiers conciles généraux : les protestants les reçoivent cependant, quoiqu'il paraisse qu'il y ait eu plus de ces vues particulières qu'à Trente, parmi quelques évêques. Au reste, nous avons observé, et le fait est certain, que le concile de Trente était une assemblée de prélats et de théologiens aussi célèbres par leur piété que par leur savoir. Qu'on suppose, tant qu'on voudra, des passions dans les hommes, que ces passions même aient agi, on n'en pourra jamais rien conclure contre les Catholiques. En vertu de la promesse de Jésus-Christ et de la protection spéciale qu'il accorde à son Eglise, les pasteurs enseigneront toujours les vérités du salut, et la vraie foi subsistera jusqu'à la fin des siècles, sans qu'il soit nécessaire de recourir absolument à une inspiration. Il y a plus, c'est que les contestations qui s'élevèrent entre les rois et les évêques sont une preuve de la liberté qui régna dans le concile. Pie IV dit dans la bulle par laquelle il le confirma, qu'il avait laissé à l'assemblée la discussion... de discipline, spécialement réservée au saint Siège. En un mot, la foi catholique est appuyée sur les promesses de Jésus-Christ à l'Eglise, et c'est d'après ce principe que nous croyons qu'elle a été et qu'elle sera transmise d'âge en âge dans toute sa pureté. (Voir Woodhead et Jenkes sur le concile de Trente, ainsi que l'histoire de ce concile, par le cardinal Pallavicini.)
Ce dernier ouvrage, écrit en italien avec beaucoup d'élégance, a été composé contre l'histoire du même concile, par Fra-Paolo Sarpi, provincial des Servites de Venise. Ce dernier, qui devint consulteur et théologien de sa république, et qui dans le temps des démêlés de la seigneurie avec le souverain pontife attisa autant qu'il put le feu de la discorde, a répandu dans son histoire plusieurs réflexions qui ne permettent pas de douter qu'il ne pensât comme les Calvinistes en plusieurs points. On a voulu le justifier ; mais ses lettres qu'on a recueillies depuis ont montré plus clair que le jour, qu'il n'y avait que l'hypocrisie et le désir de conserver son crédit avec ses pensions, qui l'avaient empêché de déclarer ses véritables sentiments. Ses confrères même l'avaient accusé plusieurs fois d'avoir une façon de penser hétérodoxe. Ceci lui attira de la part des papes, des refus qui lui furent très sensibles. On le proposa à deux reprises pour de petits évêchés, ceux de Mélopotamo et de Nona. Mais sur les soupçons bien fondés de ses liaisons avec les hérétiques, et de la conformité de sa doctrine avec la leur, il fut constamment rejeté, malgré les vives instances de la république. Ces refus achevèrent d'envenimer son cœur. Sa haine pour le saint Siège devint si violente, qu'il se livra, dans son histoire, aux satires les plus amères et aux calomnies les plus atroces. Le pape, les évêques, l'Eglise même, ne se présentèrent plus à lui que sous les couleurs les plus odieuses. On doit juger de l'ouvrage par les dispositions de l'auteur. C'est cet ouvrage que le P. le Courayer a traduit en français avec des notes. Il dit lui-même qu'il a travaillé dans le même esprit que le religieux Servite, et il n'a que trop bien tenu parole. Il a ajouté de nouvelles erreurs à celles de Fra-Paolo, il en a commenté l'ouvrage, il en a développé les satires et les calomnies, qui étaient déguisées dans l'original avec tout l'art possible.
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