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Saint Ambroise de Milan



Dernière mise à jour
le 17/02/2022

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Fête 7 décembre, mémoire obligatoire
Naissance339
Mort04/04/397
Fonctions docteur de l’Église
évêque de Milan
Saints contemporains
NomNaissanceMortFonction
saint Just de Lyon02/09/390évêque de Lyon (13e)
saint Mélèce d’Antioche381
saint Valérien d’Aquilée388évêque d’Aquilée
saint Pierre de Sébaste391
saint Amphiloquevers l’an 394
saint Damase I384pape (37e)
saint Euloge387
saint Eusèbevers l’an 400évêque de Bologne
saint Philastre397évêque de Brescia
saint Cyrille de Jérusalem387docteur de l’Église
saint Gaudencevers l’an 368évêque de Rimini
saint Jean Colobos, Jean de Lyopolys, Jean l’obéissant394
saint Épiphane402évêque de Chypre
saint Honorat (évêque de Verceil)397évêque de Verceil
sainte Monique387
saint Optat de Milev384
saint Fortunatvers l’an 400
saint Hilaire de Poitiers367évêque de Poitiers
docteur de l’Église
saint Julien de Lescar400évêque de Lescar
saint Taurinvers l’an 412évêque d’Évreux (1er)
saint Maxime350
saint Basile le Grand25/01/390docteur de l’Église
saint Allyre, Illidius385évêque de Clermont (4e)
saint Satyro, Satyrevers l’an 377
saint Viateurvers l’an 390
saint Grégoire de Nysse394
saint Antoine le Grand, Antoine du Désert, Antoine d’Égyptevers l’an 251356
saint Athanase d’Alexandrievers l’an 29603/05/373père de l’Église
patriarche d’Alexandrie
saint Martin de Tours316397évêque de Tours (3e)
saint Jérôme347420docteur de l’Église
père de l’Église
archevêque de Milan
saint Paulin de Nole353431évêque de Nole
saint Augustin13/11/35428/08/430docteur de l’Église
évêque d’Hippone
saint Sulpice Sévère363410
saint Romainvers l’an 39028/02/460fondateur des monastères du Mont Jura
Hommes contemporains
NomNaissanceMortFonction
Godemar I vers l’an 395
Athanaric 21/01/381 roi wisigoth
Gundicairevers l’an 385 437 roi des Burgondes
Attila vers l’an 395 453 roi des Huns
Aëtius vers l’an 395 21/09/454 général romain
Événements religieux
DésignationDate
Concile de Valence 374
Concile d’Aquilée 381
Concile de Constantinople 381
Concile de Rome 382
Concile de Constantinople 382
Concile de Constantinople 383
Concile de Bordeaux 384
Concile de Capoue 391

Liste des chapitres

Présentation rapide

Avocat célèbre, Ambroise eut une telle personnalité qu’il devint gouverneur de la province de Milan. Il découvrit alors Jésus-Christ.

De passage dans sa ville, il fut élu évêque par acclamation du peuple alors qu’il était encore catéchumène. Il fut alors baptisé, puis ordonné prêtre et évêque très rapidement. Ambroise fut un véritable évêque, soucieux de la rectitude de la foi et de la paix sociale. Ses relations avec les empereurs successifs furent mouvementées, ces derniers favorisant tantôt les catholiques, tantôt les hérétiques ariens.

En 390, l’empereur Théodose fit massacrer une partie de la population de Thessalonique pour mettre fin à des émeutes. Aussi, Ambroise lui refusa l’accès de son église à Milan, exigeant qu’il se soumette d’abord à la pénitence publique de l’Église. L’empereur, subjugué, obéit et, après des mois de pénitence, Théodose ne communia plus dans le sanctuaire avec les prêtres (selon le privilège impérial), mais au milieu des laïcs.

Saint Augustin dut, en partie à saint Ambroise, sa conversion, car il épiait ses sermons en cachette, écoutait sa pensée, admirait la parole de ce grand orateur. Saint Ambroise attacha une grande importance aux belles liturgies. Il introduisit dans l’Église latine l’usage grec de chanter des hymnes qui étaient à la fois des prières, des actions de grâce et des résumés du dogme. Il en composa plusieurs que nous chantons encore aujourd’hui « Aeterne rerum Conditor »« Dieu créateur de toutes choses ». Patron des apiculteurs, il est parfois représenté avec une ruche en paille tressée.

C’est évidemment d’abord à la sagesse et à l’autorité de l’administrateur, sans doute aussi à son sens pédagogique (il fut « l’inventeur » du chant populaire liturgique pour aider à la prière et à la mémorisation des vérités de foi) que se réfère le corps administratif et technique des armées en choisissant saint Ambroise comme saint protecteur.

La nuit du Vendredi saint, Ambroise de Milan mourut en tenant les bras en croix, « exprimant dans cette attitude sa participation mystique à la mort et à la résurrection du Seigneur. Ce fut là son ultime catéchèse ».

Il s’endormit dans le Seigneur le 4 avril 397 dans la nuit sainte de Pâques, mais on l’honore principalement en ce jour, où, encore catéchumène, il fut, en 374, appelé à gouverner ce siège célèbre, alors qu’il exerçait la fonction de préfet de la cité. Vrai pasteur et docteur des fidèles, il mit la plus grande énergie à exercer la charité envers tous, à défendre la liberté de l’Église et à enseigner la doctrine de la vraie foi contre les ariens et enseigna au peuple la piété par ses commentaires de la Bible et les hymnes qu’il composa.

Audience générale de Benoît XVI du 24 octobre 2007

Chers frères et sœurs,

Le saint évêque Ambroise — dont je vous parlerai aujourd’hui — mourut à Milan dans la nuit du 3 au 4 avril 397. C’était l’aube du samedi saint. La veille, vers cinq heures de l’après-midi, il s’était mis à prier, étendu sur son lit, les bras ouverts en forme de croix. Il participait ainsi, au cours du solennel triduum pascal, à la mort et à la résurrection du Seigneur. « Nous voyions ses lèvres bouger », atteste Paulin, le diacre fidèle qui, à l’invitation d’Augustin, écrivit sa vie, « mais nous n’entendions pas sa voix. » Tout d’un coup, la situation parut se précipiter. Honoré, évêque de Verceil, qui assistait Ambroise et qui se trouvait à l’étage supérieur, fut réveillé par une voix qui lui disait : « Lève-toi, vite ! Ambroise va mourir… ». Honoré descendit en hâte — poursuit Paulin — « et présenta le Corps du Seigneur au saint. À peine l’eut-il pris et avalé, Ambroise rendit l’âme, emportant avec lui ce bon viatique. Ainsi, son âme, restaurée par la vertu de cette nourriture, jouit à présent de la compagnie des anges » (Vie 47). En ce Vendredi saint de l’an 397, les bras ouverts d’Ambroise mourant exprimaient sa participation mystique à la mort et à la résurrection du Seigneur. C’était sa dernière catéchèse : dans le silence des mots, il parlait encore à travers le témoignage de sa vie.

Ambroise n’était pas vieux lorsqu’il mourut. Il n’avait même pas soixante ans, étant né vers 340 à Trèves où son père était préfet des Gaules. Sa famille était chrétienne. À la mort de son père, sa mère le conduisit à Rome alors qu’il était encore jeune homme, et le prépara à la carrière civile, lui assurant une solide instruction rhétorique et juridique. Vers 370, il fut envoyé gouverner les provinces de l’Emilie et de la Ligurie, son siège étant à Milan. C’est précisément en ce lieu que faisait rage la lutte entre les orthodoxes et les ariens, en particulier après la mort de l’évêque arien Auxence. Ambroise intervint pour pacifier les âmes des deux factions adverses, et son autorité fut telle que, bien que n’étant qu’un simple catéchumène, il fut acclamé évêque de Milan par le peuple.

Jusqu’à ce moment, Ambroise était le plus haut magistrat de l’Empire dans l’Italie du Nord. Culturellement très préparé, mais tout aussi démuni en ce qui concerne l’approche des Écritures, le nouvel évêque se mit à étudier avec ferveur. Il apprit à connaître et à commenter la Bible à partir des œuvres d’Origène, le maître incontesté de l’« école alexandrine ». De cette manière, Ambroise transféra dans le milieu latin la méditation des Écritures commencée par Origène, en introduisant en Occident la pratique de la lectio divina. La méthode de la lectio finit par guider toute la prédication et les écrits d’Ambroise, qui naissent précisément de l’écoute orante de la Parole de Dieu. Un célèbre préambule d’une catéchèse ambrosienne montre de façon remarquable comment le saint Évêque appliquait l’Ancien Testament à la vie chrétienne : « Lorsque nous lisions les histoires des Patriarches et les maximes des Proverbes, nous parlions chaque jour de morale — dit l’évêque de Milan à ses catéchumènes et à ses néophytes — afin que, formés et instruits par ceux-ci, vous vous habituiez à entrer dans la vie des Pères et à suivre le chemin de l’obéissance aux préceptes divins » (Les mystères, 1, 1). En d’autres termes, les néophytes et les catéchumènes, selon l’Évêque, après avoir appris l’art de bien vivre, pouvaient désormais se considérer préparés aux grands mystères du Christ. Ainsi, la prédication d’Ambroise — qui représente le noyau fondamental de son immense œuvre littéraire — part de la lecture des Livres saints (« les Patriarches », c’est-à-dire les Livres historiques, et « les Proverbes », c’est-à-dire les Livres sapientiels), pour vivre conformément à la Révélation divine.

Il est évident que le témoignage personnel du prédicateur et le niveau d’exemplarité de la communauté chrétienne conditionnent l’efficacité de la prédication. De ce point de vue, un passage des Confessions de saint Augustin est significatif. Il était venu à Milan comme professeur de rhétorique ; il était sceptique, non chrétien. Il cherchait, mais il n’était pas en mesure de trouver réellement la vérité chrétienne. Ce qui transforma le cœur du jeune rhéteur africain, sceptique et désespéré, et le poussa définitivement à la conversion, ne furent pas en premier lieu les belles homélies (bien qu’il les appréciât) d’Ambroise. Ce fut plutôt le témoignage de l’évêque et de son Église milanaise, qui priait et chantait, unie comme un seul corps. Une Église capable de résister aux violences de l’empereur et de sa mère qui, aux premiers jours de l’année 386, avaient recommencé à prétendre la réquisition d’un édifice de culte pour les cérémonies des ariens. Dans l’édifice qui devait être réquisitionné — raconte Augustin —, « le peuple pieux priait, prêt à mourir avec son évêque ». Ce témoignage des Confessions est précieux, car il signale que quelque chose se transformait dans le cœur d’Augustin, qui poursuit : « Nous aussi, bien que spirituellement encore tièdes, nous participions à l’excitation du peuple tout entier » (Confessions 9, 7).

Augustin apprit à croire et à prêcher à partir de la vie et de l’exemple de l’évêque Ambroise. Nous pouvons nous référer à un célèbre sermon de l’Africain, qui mérita d’être cité de nombreux siècles plus tard dans la Constitution conciliaire Dei Verbum : « C’est pourquoi — avertit en effet Dei Verbum au n. 25 — tous les clercs, en premier lieu les prêtres du Christ, et tous ceux qui vaquent normalement, comme diacres ou comme catéchistes, au ministère de la Parole, doivent, par une lecture spirituelle assidue et par une étude approfondie, s’attacher aux Écritures, de peur que l’un d’eux ne devienne “un vain prédicateur de la Parole de Dieu au-dehors, lui qui ne l’écouterait pas au-dedans de lui” ». Il avait appris précisément d’Ambroise cette « écoute au-dedans », cette assiduité dans la lecture des Saintes Écritures, dans une attitude priante, de façon à accueillir réellement dans son cœur la Parole de Dieu et à l’assimiler.

Chers frères et sœurs, je voudrais vous proposer encore une sorte d’« icône patristique », qui, interprétée à la lumière de ce que nous avons dit, représente efficacement « le cœur » de la doctrine ambrosienne. Dans son sixième livre des Confessions, Augustin raconte sa rencontre avec Ambroise, une rencontre sans aucun doute d’une grande importance dans l’histoire de l’Église. Il écrit textuellement que, lorsqu’il se rendait chez l’évêque de Milan, il le trouvait régulièrement occupé par des catervae de personnes chargées de problèmes, pour les nécessités desquelles il se prodiguait ; il y avait toujours une longue file qui attendait de pouvoir parler avec Ambroise, pour chercher auprès de lui le réconfort et l’espérance. Lorsqu’Ambroise n’était pas avec eux, avec les personnes (et cela ne se produisait que très rarement), il restaurait son corps avec la nourriture nécessaire, ou nourrissait son esprit avec des lectures. Ici, Augustin s’émerveille, car Ambroise lisait l’Écriture en gardant la bouche close, uniquement avec les yeux (cf. Confess. 6, 3). De fait, au cours des premiers siècles chrétiens la lecture était strictement conçue dans le but de la proclamation, et lire à haute voix facilitait également la compréhension de celui qui lisait. Le fait qu’Ambroise puisse parcourir les pages uniquement avec les yeux révèle à un Augustin admiratif une capacité singulière de lecture et de familiarité avec les Écritures. Et bien, dans cette « lecture du bout des lèvres », où le cœur s’applique à parvenir à la compréhension de la Parole de Dieu — voici « l’icône dont nous parlons —, on peut entrevoir la méthode de la catéchèse ambrosienne : c’est l’Écriture elle-même, intimement assimilée, qui suggère les contenus à annoncer pour conduire à la conversion des cœurs.

Ainsi, selon le magistère d’Ambroise et d’Augustin, la catéchèse est inséparable du témoignage de la vie. Ce que j’ai écrit dans l’Introduction au christianisme, à propos du théologien, peut aussi servir pour le catéchiste. Celui qui éduque à la foi ne peut pas risquer d’apparaître comme une sorte de clown, qui récite un rôle par profession ». Il doit plutôt être — pour reprendre une image chère à Origène, écrivain particulièrement apprécié par Ambroise — comme le disciple bien-aimé, qui a posé sa tête sur le cœur du Maître, et qui a appris là la façon de penser, de parler, d’agir. Pour finir, le véritable disciple est celui qui annonce l’Évangile de la manière la plus crédible et efficace.

Comme l’Apôtre Jean, l’évêque Ambroise — qui ne se lassait jamais de répéter : « Omnia Christus est nobis ! ; le Christ est tout pour nous ! » — demeure un authentique témoin du Seigneur. Avec ses paroles, pleines d’amour pour Jésus, nous concluons ainsi notre catéchèse : « Omnia Christus est nobis ! Si tu veux guérir une blessure, il est le médecin ; si la fièvre te brûle, il est la source ; si tu es opprimé par l’iniquité, il est la justice ; si tu as besoin d’aide, il est la force ; si tu crains la mort, il est la vie ; si tu désires le ciel, il est le chemin ; si tu es dans les ténèbres, il est la lumière… Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon : bienheureux l’homme qui espère en lui ! » (De virginitate, 16, 99) Plaçons nous aussi notre espérance dans le Christ. Nous serons ainsi bienheureux et nous vivrons en paix.

Vie détaillée de saint Ambroise

La famille d’Ambroise

Son père, nommé Ambroise, était préfet du prétoire des Gaules, et sa juridiction comprenait, outre la France, une partie considérable de l’Italie et de l’Allemagne, cinq provinces romaines dans la Grande-Bretagne, huit en Espagne, et la Mauritanie Tingitane, en Afrique 1. Trois enfants naquirent de son mariage, Marcelline, Satyre et Ambroise auquel on donna le nom de son père. Marcelline, l’aînée des trois, reçut le voile des mains du pape Libère. D’après Paulin Ambroise vint au monde dans la ville des Gaules où son père résidait sans savoir si ce fut Arles, Lyon, ou Trèves. Quoi qu’il en soit, Ambroise naquit vers 340.

Ambroise et les abeilles

Paulin rapporte que ce qu’on a dit de Platon se renouvela pour Ambroise, lorsqu’il était enfant. Un jour qu’il dormait la bouche ouverte dans une des cours du palais de son père, un essaim d’abeilles vint voltiger autour de son berceau. Quelques abeilles entrèrent dans sa bouche et en sortirent les unes après les autres. Quelque temps après, l’essaim disparut. Son père fut frappé par ce fait et dit : « Si ce petit enfant vit, ce sera quelque chose de grand ». Cet événement fut considéré comme un présage de la force et de la douceur de l’éloquence future d’Ambroise.

De l’éducation au gouverneur

Ambroise perdit son père alors qu’il était encore enfant. Sa mère quitta les Gaules et retourna à Rome, sa patrie où elle s’occupa sérieusement de l’éducation de ses enfants. Ambroise profita de ses instructions et fit de grands progrès dans la vertu. Il fut encore excité puissamment à la piété par les exemples de sa mère, de sa sœur et de quelques autres vierges chrétiennes qui vivaient avec elles dans la même maison.

Il acquit une connaissance peu commune de la langue grecque et il s’exerça avec succès à la poésie et à l’éloquence. Accompagné de son frère Satyre, il alla à Milan, le siège du prétoire. Ses écrits montrent avec quelle ardeur il s’appliqua aux belles-lettres. Ses études achevées, la réputation d’Ambroise devint telle que les premières personnes de l’empire recherchèrent son amitié. De ce nombre furent Anicius Probus et Symmaque qui étaient recommandables par leurs lumières et leurs talents. Symmaque était païen ; mais Anicius Probus était très zélé pour la religion chrétienne. Valentinien nomma ce dernier préfet du prétoire d’Italie en 369. Ambroise plaida quelques causes à la cour avec une telle réputation qu’il fut choisi comme assesseur du préfet. Ensuite, il devint gouverneur de la Ligurie et de l’Emilie. Ce territoire correspond aux archevêchés de Milan, de Turin, de Gênes, de Ravenne et de Bologne, avec les diocèses qui dépendent de ces métropoles. En se séparant d’Ambroise, Probus lui dit : « Allez, et agissez plus en évêque qu’en juge. » Ambroise, fidèle à ce conseil qui s’accordait d’ailleurs avec son caractère, se fit admirer par sa probité, sa vigilance et sa douceur.

Ambroise élu évêque

Auxence, arien furieux, qui avait usurpé le siège de Milan après l’exil de saint Denis, mourut en 374. Pendant près de vingt ans que dura son intrusion, il persécuta les catholiques avec autant de violence que de malice. Lorsqu’il fut question d’élire un nouvel évêque, la ville se divisa en deux camps : l’un voulait un arien, l’autre, un catholique. L’échauffement des esprits fit craindre une sédition. Pour la prévenir, Ambroise se rendit à l’église où se tenait l’assemblée. Il fit un discours plein de sagesse et de modération. Il exhorta ceux qui composaient l’assemblée à procéder à l’élection dans un esprit de paix et sans tumulte. Alors qu’il parlait encore, un enfant s’écria : « Ambroise, évêque. » Le tumulte cessa sur-le-champ ; les catholiques et les ariens se réunirent, et proclamèrent unanimement le gouverneur, évêque de Milan.

Ambroise veut se défiler, mais l’empereur Valentinien appuie sa nomination.

Ce choix auquel on ne s’attendait pas surprit Ambroise. Il utilisa tous les moyens possibles pour le faire révoquer. Il ordonna de dresser son tribunal. S’étant fait amener des criminels, il les condamna à subir la question. Par cet acte de sévérité, il désirait passer pour un homme cruel et indigne du sacerdoce 2. Le peuple et le clergé s’aperçurent du stratagème et persistèrent dans leur choix. Ambroise sortit de la ville pendant la nuit dans le but de se retirer à Pavie. S’étant égaré, il erra çà et là toute la nuit et se retrouva le lendemain matin aux portes de Milan.

À cause de cette fuite, une garde fut nommée et l’Empereur fut informé de tout ce qui s’était passé. Le consentement de l’Empereur était nécessaire pour élever à l’épiscopat un officier attaché à son service. Ambroise écrivit de son côté à Valentinien pour le prier de ne pas consentir à son élection. L’Empereur était alors à Trèves. Il répondit au peuple et au clergé, qu’il appréciait qu’on eût cru dignes de l’épiscopat ceux qu’il avait choisis pour gouverneurs et pour juges. Il ordonna en même temps au vicaire ou gouverneur d’Italie de veiller à ce que l’élection eût son effet. Ambroise s’enfuit de nouveau. Il alla se cacher dans la maison de Léonce, un des sénateurs qui avaient le titre de clarissimes. Le vicaire ayant publié un ordre sévère contre ceux qui cacheraient Ambroise ou qui, connaissant le lieu de sa retraite, ne le découvriraient pas, Léonce révéla où il était. Ambroise se vit dans l’impossibilité de résister plus longtemps, mais il avança qu’il était défendu par les canons d’élever à la prêtrise un homme qui n’était encore que catéchumène. On lui répondit que, dans certaines occasions extraordinaires, l’Église pouvait dispenser de l’observation des canons. Ainsi, après avoir reçu le baptême et exercé successivement les fonctions des saints ordres, il fut sacré évêque le 7 décembre 374 3 à l’âge d’environ trente-quatre ans.

Le changement de vie

Une fois placé sur la chaire épiscopale, il ne se regarda plus comme un homme de ce monde. Pour rompre tous les liens qui pouvaient l’y attacher, il distribua l’or et l’argent qu’il avait à l’église et aux pauvres. Il donna aussi à l’Église ses terres en réservant toutefois une rente à vie pour la subsistance de sa sœur Marcelline. Il pria son frère Satyre de se charger de son temporel pour pouvoir se consacrer uniquement à la prière et à l’exercice des fonctions épiscopales. Il renonça si bien au monde qu’il ne fut même pas tenté par la suite par les richesses ou les honneurs.

Quelque temps après son ordination, il écrivit à Valentinien pour lui porter des plaintes contre quelques juges et quelques magistrats. Sa lettre était conçue dans les termes les plus forts. L’Empereur lui répondit : « Il y a longtemps que je connais la liberté avec laquelle vous vous exprimez. Je n’en ai pas moins consenti à votre ordination. Continuez d’appliquer à nos péchés les remèdes que prescrit la loi de Dieu. » À la même période, Ambroise reçut une lettre de saint Basile 4 qui le félicitait ou plutôt qui félicitait l’Église de sa promotion. Il l’y exhortait à s’opposer vigoureusement aux ariens et à s’armer contre leurs erreurs d’un zèle intrépide et d’un courage invincible.

L’archevêque de Milan commença par lire l’Écriture sainte et les auteurs ecclésiastiques, surtout Origène et saint Basile. Il choisit pour directeur de ses études le savant et pieux Simplicien, prêtre de Rome. Il l’aimait comme un ami, l’honorait comme un père et le respectait comme un maître. Simplicien succéda à saint Ambroise sur le siège de Milan. Il est nommé parmi les saints le 16 août 5.

La vie de l’évêque

Dès le commencement de son épiscopat, malgré l’ardeur avec laquelle il étudia, Ambroise fut très assidu à instruire son peuple. II purgea tellement son diocèse du levain de l’arianisme qu’en 385, personne n’était plus infecté de cette hérésie à Milan excepté un petit nombre de Goths et quelques personnes attachées à la famille impériale. C’est de lui-même que nous apprenons cette particularité 6. Ses instructions tiraient beaucoup de force de la sainteté de sa vie, de son zèle pour la pratique de l’abstinence et de son jeûne qui était presque continuel. Jamais il ne dînait à l’exception des dimanches et des jours consacrés à honorer la mémoire de certains martyrs célèbres. Il dînait le samedi, jour où il n’était pas d’usage de jeûner à Milan. Mais quand il se trouvait à Rome, il jeûnait le samedi pour se conformer à la pratique de l’Église romaine. Attentif à éviter l’intempérance, il s’excusait d’aller manger chez les autres et sa table était toujours servie avec frugalité. Il consacrait à la prière une partie importante du jour et de la nuit. Chaque jour, il offrait le saint sacrifice de la messe pour son peuple 7. Les besoins de son troupeau l’occupaient entièrement. Il se croyait redevable aux petits comme aux grands. Il ne s’amusait jamais et ne se permettait que le délassement qui provient de la diversité des occupations. Il soulageait les pauvres et consolait les affligés. Il écoutait tout le monde avec douceur et charité. Ainsi, tout son peuple l’admirait autant qu’il l’aimait. Il se fit une loi de ne pas se mêler d’affaires temporelles et de ne pas solliciter de grâces à la cour pour qui que ce fût. Mais comme il avait une âme tendre et compatissante, il s’employait avec zèle pour sauver la vie à ceux qui avaient été condamnés. Il pleurait avec ceux qui pleuraient et se réjouissait avec ceux qui étaient dans la joie. Sa charité n’avait d’autres bornes que les nécessités humaines. Il appelait les pauvres, ses intendants et ses trésoriers. C’était entre leurs mains qu’il déposait ses revenus. Il rendait le bien pour le mal et ne répondait aux injures que par des bienfaits. Son appartement était rempli de personnes qui venaient le consulter. Lorsque saint Augustin lui rendait visite, il le trouvait toujours extrêmement occupé. Il lui arriva quelquefois de s’en aller sans lui parler et même sans avoir été aperçu par Ambroise. Il agissait de la sorte pour ne pas interrompre ses occupations qu’il respectait. Pendant qu’il enseignait la rhétorique à Milan, avant son baptême, il allait souvent entendre prêcher l’archevêque. Ce n’était que par curiosité et pour le plaisir que lui procurait l’éloquence du prédicateur. S’il trouvait plus de grâce dans le débit de Fauste le manichéen, il avouait au moins que ce que disait Ambroise était très solide. Ambroise prêchait tous les dimanches 8. Il revenait souvent dans ses discours sur la sainteté et l’excellence de la virginité. Plusieurs personnes touchées de ses exhortations vinrent de Bologne, de Plaisance, et même de la Mauritanie, pour servir Dieu dans cet état sous sa conduite. Deux ans à peine après son ordination épiscopale, Marcelline, sa sœur lui demanda de mettre par écrit ce qu’il avait dit en chaire sur un sujet aussi important 9. Il accéda à sa prière et composa ses trois livres sur les vierges en 377.

L’écriture des trois livres sur les vierges

Saint Jérôme et saint Augustin ont admiré cet ouvrage à cause de l’élégance avec laquelle il est écrit. Les deux premiers livres montrent l’excellence de la virginité et font sentir les avantages spirituels qu’elle procure. L’auteur insiste sur les vertus de la Sainte Vierge qu’il propose comme modèle à ceux qui ont embrassé cet état. Il fait l’éloge de sainte Agnès et cite l’exemple de sainte Thècle. Dans le troisième livre, il traite des principaux devoirs des vierges. Il leur recommande de ne pas boire de vin, de fuir les visites, de s’appliquer aux exercices de piété, de prier et de réfléchir souvent dans la journée, de répéter l’oraison dominicale et les psaumes le soir en se couchant et le matin en se levant et de commencer chaque jour par la récitation du symbole qui est l’abrégé et le sceau de la foi catholique. Il veut que les vierges vivent dans cette tristesse salutaire qui opère le salut, qu’elles évitent toute joie immodérée et principalement la danse dont il fait sentir le danger. Nous apprenons d’Ambroise 10 qu’il y avait à Bologne vingt vierges qui travaillaient de leurs mains pour vivre et pouvoir assister les pauvres. Le pape Libère donna le voile le jour de Noël dans l’église de Saint-Pierre 11 à la sœur d’Ambroise, Marcelline. Elle ne vivait pas en communauté, mais au sein de sa famille à Rome. À cette époque, d’autres vierges vivaient de la même manière. Elles avaient à l’église une place séparée du lieu où étaient les fidèles. On écrivait sur les murs de cette partie de l’église des sentences de l’Écriture pour leur instruction 12.

Peu de temps après, saint Ambroise donna son traité des Veuves pour exhorter les femmes qui avaient perdu leur mari à garder une chasteté perpétuelle. Cet ouvrage fut suivi du traité de la Virginité. Ambroise y donne à partir de l’Écriture une haute idée de cette vertu. Il ne veut pas que les jeunes filles prennent légèrement le voile lorsqu’elles ont un caractère changeant. Il dit : « Quelques-uns se plaignent que le nombre des vierges fera bientôt périr le genre humain. Je voudrais savoir qui a manqué de femmes et qui s’est trouvé dans le cas de ne pas en trouver ? Se venger d’un adultère, porter les armes contre un ravisseur, voilà les suites du mariage. Les pays les plus peuplés sont ceux où il y a le plus de vierges. Combien en consacre-t-on tous les ans à Alexandrie, en Afrique et dans tout l’Orient ? Il y a cependant plus de vierges qu’il n’y a d’hommes dans ce pays 13. » Ambroise observe encore que ce ne sont pas les vierges, mais la guerre et la mer qui détruisent l’espèce humaine. Cependant, il ne veut pas qu’on embrasse légèrement l’état de virginité. Non seulement le mariage est saint, mais c’est l’état général de ceux qui vivent dans le monde.

La réfutation de Bonose

Le livre qu’écrivit Ambroise sous le titre d’Institution d’une Vierge contient la réfutation de Bonose qui renouvelait l’erreur d’Helvidius. Cette erreur consistait à nier que la sainte mère de Dieu ait vécu dans une virginité perpétuelle. L’auteur y rappelle les instructions qu’il avait données à Ambrosie, une des vierges qui servaient Dieu à Bologne sous sa conduite. Il fait voir que la retraite, le silence, l’humilité et la prière sont le principal devoir d’une vierge chrétienne. Il y décrit les cérémonies usitées lorsqu’une vierge embrassait solennellement cet état. Elle se présentait au pied de l’autel où elle faisait sa profession devant le peuple. Après les instructions relatives à la circonstance, l’évêque lui donnait le voile qui la distinguait des autres vierges, mais on ne lui coupait pas les cheveux comme aux clercs et aux moines. Ambroise finit en priant Jésus-Christ d’assister à ces noces spirituelles et de recevoir son épouse qui se consacre à lui publiquement après s’y être consacrée longtemps auparavant en esprit et dans son cœur.

Mort de l’empereur Valentinien I

L’empereur Valentinien I, qui résidait, tantôt à Trèves, tantôt à Milan, mourut d’apoplexie dans la Pannonie à l’âge de 55 ans le 17 novembre 375. Il avait associé à l’empire Gratien, son fils aîné qu’il avait eu de Sévéra sa première femme. Âgé de seize ans, ce prince était à Trèves à ce moment. Valentinien, le frère de Gratien et Justine, sa mère, était à la frontière de la Pannonie. Quoiqu’il n’eût que quatre ans, l’armée de son père le proclama empereur. Gratien lui confirma cette dignité et promit de lui tenir lieu de père. Il se contenta des provinces situées en deçà des Alpes et lui céda l’Italie avec l’Afrique et l’Ulyrie. Il se réserva l’administration générale jusqu’à ce que Valentinien fût en âge de gouverner par lui-même. Il établit sa résidence à Trèves ou à Mayence.

Le Traité de la Foi à Gratien

Fritigerne, roi des Goths, ayant fait une irruption sur les terres des Romains, dans la Thrace et la Pannonie, Gratien voulut passer en Orient avec une armée pour secourir Valens, son oncle, mais il résolut en même temps de se prémunir contre les pièges des ariens dont Valens était le protecteur. Pour cela, il demanda à Ambroise, pour lequel il avait de l’estime, de lui donner par écrit quelques instructions contre l’arianisme. Pour seconder ses pieuses intentions, l’archevêque composa son Traité de la Foi à Gratien, ou de la Trinité en 377. Cet ouvrage est divisé en cinq livres dont les trois derniers ne furent écrits qu’en 379. C’est une excellente réfutation de l’arianisme. L’auteur y établit le dogme avec autant d’esprit que de force et de solidité. Il donne les réponses les plus satisfaisantes aux objections. Le style des livres du Saint-Esprit est moins concis et plus simple. Saint Augustin dit que c’est parce que le sujet n’a pas besoin des ornements du discours pour toucher le cœur et qu’il suffit d’établir par des preuves solides la consubstantialité de la troisième personne de la Sainte Trinité. On y trouve plusieurs choses copiées de saint Athanase, de Didyme et de saint Basile, sur le même sujet. Saint Ambroise écrivit encore un livre sur l’Incarnation, pour répondre à certaines objections des ariens. Il l’adressa à deux officiers de la cour de Gratien.

Gratien défait Valens avec l’aide de Théodose

En 378, Valens fut défait par les Goths auxquels il avait livré témérairement bataille près d’Andrinople. Lui-même, il fut brûlé dans une cabane où il s’était retiré pendant sa fuite pour faire panser ses plaies. Sa mort fut considérée comme un juste châtiment de la persécution qu’il avait excitée contre les catholiques et surtout de la cruauté qu’il avait exercée contre la ville d’Antioche. Il inonda de ruisseaux de sang innocent les rues de cette ville et en fit consumer par les flammes un grand nombre de maisons, ce qui fit dire qu’il méritait d’être brûlé lui-même. Il mourut, comme il avait vécu, chargé de la haine publique. À la suite de la mort de Valens, Gratien devint maître de l’empire d’Orient. Comme les barbares victorieux l’attaquaient de toute part, il leur opposa le brave et vertueux Théodose, lequel, avec son père qui portait le même nom, avait fait triompher les armées de l’empire en Grande-Bretagne et en Afrique. Valens ayant fait mourir injustement le père par jalousie, le fils s’était retiré en Espagne où, depuis ce temps, il menait une vie privée. Il se montra digne du choix du prince par les victoires qu’il remporta sur les Goths. Il rétablit la paix dans tout l’empire et fit de sages règlements dans les provinces où il commanda. Pour lui marquer sa reconnaissance, Gratien lui donna la pourpre à Sirmich le 16 janvier 379. Il le déclara son collègue dans le gouvernement de l’empire d’Orient. Il lui céda la Thrace avec tout ce qu’avait possédé Valens ainsi que la partie orientale de l’Illyrie dont Thessalonique était alors la capitale.

Ambroise rachète les captifs à la suite des ravages occasionnés par les Goths

Les Goths avaient fait les plus grands ravages dans la Thrace et l’Illyrie et avaient pénétré jusqu’aux Alpes. Ambroise employa des sommes considérables pour racheter les captifs. Il destina même à cette bonne œuvre les vases d’or de l’église qui furent rompus et fondus. Cependant, il ne prit que ceux qui n’avaient pas été consacrés, réservant les autres pour une nécessité encore plus importante 14. Les ariens lui firent des reproches à ce sujet, mais il répondit qu’il valait mieux sauver des âmes que de garder de l’or et que le but qu’il s’était proposé avait été non seulement de conserver la vie aux captifs et de mettre à couvert l’honneur des femmes, mais d’arracher les enfants au risque d’être élevés dans l’idolâtrie. Il disait : « Je crois que le sang de Jésus-Christ qui reluisait et éclatait dans ces vases d’or leur a imprimé l’opération de sa vertu divine en les faisant servir au rachat des captifs. » Plusieurs ariens qui avaient quitté l’Illyrie pour se soustraire à la fureur des barbares et qui s’étaient réfugiés en Italie furent convertis à la foi par l’archevêque de Milan. Il montrait un zèle infatigable lorsqu’il s’agissait de procurer la gloire de Dieu. Tous les carêmes, il se donnait des peines incroyables pour instruire les catéchumènes. D’après Paulin, plusieurs évêques œuvrant ensemble auraient à peine été capables de faire ce qu’il avait fait quand il mourut 15.

La mort de Satyre, frère d’Ambroise

En 379, Ambroise perdit son frère Satyre auquel il avait confié le soin de toutes ses affaires temporelles. Satyre avait embarqué pour l’Afrique dans le but de recouvrer quelques biens de l’archevêque de Milan qui étaient retenus injustement. Le vaisseau fit malheureusement naufrage. Encore catéchumène, Satyre demanda aux fidèles qui portaient l’eucharistie avec eux selon l’usage de l’époque de la lui remettre. Il l’enveloppa dans un linge. C’était une sorte de mouchoir que les Romains avaient coutume de porter à leur cou. Muni de ce précieux dépôt, il se jeta dans la mer sans attendre de planche pour se soutenir. Il nagea et arriva le premier à terre. On pense que ce fut en Sardaigne. Pour témoigner à Dieu sa reconnaissance, il alla trouver l’évêque diocésain. Il lui demanda le baptême, mais avant de recevoir ce sacrement, il se renseigna pour savoir si cet évêque était en communion avec les évêques catholiques, c’est-à-dire avec l’Église romaine. Ayant appris que ce prélat était engagé dans le schisme, il rembarqua et préféra différer encore son baptême plutôt que de le recevoir des mains d’un schismatique. Lorsqu’il fut dans un pays catholique, il se fit baptiser. Il conserva la grâce qu’il avait reçue avec un grand soin. Peu de temps après son retour à Milan, il mourut dans les bras d’Ambroise et de Marcelline. Il ne fit pas de testament. Il laissa ses biens à son frère et à sa sœur en les priant d’en disposer comme ils le jugeraient utile. Ambroise et Marcelline les distribuèrent aux pauvres. En le faisant, ils crurent satisfaire aux intentions de leur frère. Les funérailles de Satyre se firent avec une grande solennité. Saint Ambroise prononça son oraison funèbre que nous avons encore et de laquelle sont tirés les détails qui précèdent 16. Sept jours après, on alla au tombeau de Satyre pour répéter les prières de l’Église selon ce qui se pratiquait alors. Saint Ambroise fit une seconde fois l’éloge de son frère. Comme il s’étendit beaucoup sur le bonheur d’une mort chrétienne et sur la résurrection des morts, cet éloge est communément appelé le discours sur la résurrection. Satyre est honoré parmi les saints le 17 septembre.

Ambroise participe à plusieurs conciles et guérit une paralysée.

Ambroise tint un concile à Milan, en 381, contre l’hérésie d’Apollinaire. Il assista aussi à un concile d’Aquilée, où Pallade et Secondien, évêques ariens, furent déposés. Dans un voyage qu’il fit à Sirmich, il procura à l’église de cette ville un évêque catholique malgré les intrigues de l’impératrice Justine qui voulait qu’on en prît un parmi les ariens. L’année suivante, il assista au concile que le pape Damase avait convoqué à Rome pour remédier aux divisions qui troublaient l’Église d’Orient à l’occasion du siège d’Antioche. Paulin dit que, pendant son séjour à Rome, une baigneuse retenue au lit par une paralysie, se fit porter sur le lieu où l’archevêque de Milan célébrait la messe. Elle lui demanda le secours de ses prières. Le même auteur ajoute que, tandis qu’Ambroise lui imposait les mains et priait pour elle, elle prit le bord de ses vêtements qu’elle baisa avec respect et confiance. Aussitôt, elle fut entièrement guérie.

La mort de Gratien qui suivait les conseils d’Ambroise.

Ambroise eut toujours beaucoup de crédit auprès de Gratien. Il lui fit porter diverses lois pleines de sagesse. Une de ces lois lui imposa de n’exécuter les criminels que trente jours après la sentence. Cette précaution fut jugée nécessaire pour éviter les surprises. Gratien était chaste, tempérant, affable, bienfaisant. Il joignait à ces vertus un grand zèle pour la religion. À la suite aux demandes d’Ambroise, il fit ôter du sénat l’autel de la Victoire que Julien l’Apostat avait rétabli. Malheureusement, il était trop passionné pour la chasse et pour d’autres divertissements. Ses ministres l’entretenaient dans ces passions pour se rendre maîtres des affaires et gouverner en son nom. Ce manque de respect vis-à-vis de ses devoirs l’empêchait de surveiller la conduite de ses officiers, ce qui suscita des murmures et des plaintes qui aliénèrent insensiblement les esprits. Maxime qui commandait la Grande-Bretagne et qui avait eu autrefois pour collègue Théodose, alors empereur d’Orient, profita de ce mécontentement. Il prit la pourpre et passa dans les Gaules avec son armée. Gratien sortit de Trèves à l’approche de l’ennemi. Une bataille eut lieu près de Lyon. Elle dura cinq jours. Se voyant à la fin abandonné d’une partie de son armée, Gratien s’enfuit avec trois cents chevaux. Andragatius, général de la cavalerie de Maxime, lui tendit un piège dans lequel il tomba. Ce général se mit dans une litière fermée. Il fit publier que c’était l’Impératrice qui venait rejoindre son mari. Gratien passa le Rhône pour aller au-devant d’elle. Quand il fut près de la litière, Andragatius en sortit et le massacra le 25 août 383 17. Gratien se plaignit en expirant de n’avoir pas près lui son père Ambroise.

Ambroise est chargé par l’Impératrice de négocier avec Maxime.

Devenu maître de la puissance suprême, Maxime traita avec beaucoup de rigueur ceux qui étaient attachés à Gratien. Il menaça de passer les Alpes et de venir attaquer Valentinien II qui résidait à Milan avec sa mère, Justine. Pour prévenir ce danger, l’Impératrice députa Ambroise vers Maxime. Ambroise s’acquitta de cette mission avec un si grand succès qu’il arrêta l’usurpateur dans sa marche. Il conclut même avec lui un traité plus favorable qu’espéré. Il y était convenu que Maxime régnerait sur la Gaule, la Bretagne et l’Espagne et que Valentinien aurait l’Italie avec le reste de l’Occident. Ambroise passa l’hiver de l’année 384 avec Maxime à Trèves. Il eut le courage de refuser constamment de communiquer avec un tyran dont les mains étaient teintes du sang de son maître et de l’exhorter à fléchir la colère de Dieu par la pénitence.

Ambroise adresse deux apologies à Valentinien pour contrer l’idolâtrie prônée par Symmaque.

Les païens de Rome profitant de ces temps de confusion firent tout leur possible pour rétablir les superstitions de l’idolâtrie. Ils avaient à leur tête le célèbre Symmaque qui jouissait de la plus haute considération par ses talents et sa capacité dans les affaires. Il était alors préfet de Rome. Dans l’automne de l’année 384, il présenta au nom du sénat une requête à Valentinien pour lui demander le rétablissement de l’autel de la Victoire et pour le prier de rendre aux prêtres et aux vestales leurs anciens revenus. Il attribuait au culte de ses prétendus dieux les triomphes et la prospérité de l’ancienne Rome. Deux ans auparavant, on avait présenté une semblable requête à Gratien. Ce prince l’avait rejetée. D’ailleurs, elle avait été désavouée par les sénateurs chrétiens qui étaient en grand nombre.

Instruit de ce qui se passait, Ambroise adressa deux lettres ou apologies à Valentinien. Non seulement il y vengeait la religion chrétienne, mais il y paraissait même supérieur en éloquence à Symmaque qui était considéré comme le premier orateur de son temps. Dans la première de ces apologies, il demande communication de la requête qu’il ne connaissait que par les avis secrets qu’on lui avait donnés. Il disait à l’empereur : « Tous vos sujets sont tenus de se soumettre à votre autorité, mais vous êtes obligé d’obéir au vrai Dieu, et de défendre la religion de Jésus-Christ. Il ne vous est pas permis de concourir à l’idolâtrie. Comment l’Église recevrait-elle les oblations d’un prince qui aurait donné des ornements pour les temples des idoles ? L’autel de Jésus-Christ n’admet pas les dons de celui qui en a fait aux faux dieux 18. » Dans sa seconde apologie, Ambroise réfutait les raisons que Symmaque avait alléguées dans sa requête 19. Ces deux apologies ayant été lues devant le conseil de l’Empereur, ce prince répondit aux païens qu’il ne pouvait leur accorder ce qu’ils demandaient, qu’il aimait Rome comme sa mère, mais qu’il devait obéir à Dieu comme à l’auteur de son salut.

Ambroise refuse de livrer la basilique Porcienne à l’impératrice Justine et aux ariens.

Quoiqu’arienne furieuse, l’impératrice Justine n’avait pas osé se déclarer publiquement pour ceux de sa secte tant que Valentinien I et Gratien vécurent. Mais, pour persécuter les catholiques, elle se servit de la paix qui régnait entre son fils et Maxime. Elle oublia que cette paix était l’œuvre d’Ambroise. Ce fut contre lui qu’elle dirigea ses principaux coups. Peu avant Pâque de l’année 38, elle lui fit demander la basilique Porcienne qui était hors les murs de la ville pour que les ariens y fissent le service divin pour elle, pour l’empereur, son fils, et pour plusieurs officiers de la cour. Ambroise répondit qu’il ne livrerait jamais le temple de Dieu à ses ennemis. Il vint d’autres employés de la première qualité qui demandèrent la basilique neuve. Ils reçurent la même réponse. Ils insistèrent pour que la première au moins soit donnée aux ariens. L’évêque resta inflexible. Des officiers de la cour eurent ordre d’aller tendre les tapisseries impériales dans la basilique Porcienne, comme pour en prendre possession. Cette violence suscita une émeute. Les habitants de la ville se saisirent dans la rue d’un prêtre arien, nommé Castulus. Ambroise était alors à l’autel. Informé de ce qui se passait, il pria Dieu avec larmes de ne pas permettre qu’il y ait de sang répandu. Il envoya en même temps des prêtres et des diacres pour délivrer Castulus. En punition de l’émeute, la cour condamna les habitants de la ville à payer deux cents livres d’or. Ceux-ci répondirent qu’ils étaient disposés à payer une somme plus considérable s’ils avaient la liberté d’adhérer à la vraie foi. Des comtes et des tribuns vinrent sommer Ambroise de céder la basilique, alléguant pour raison qu’elle appartenait à l’Empereur. L’archevêque répondit : « Si le prince me demandait ce qui est à moi, mes terres, mon argent, je ne les lui refuserais pas, bien que tout ce que je possède appartienne aux pauvres, mais il n’a aucun droit sur ce qui appartient à Dieu. Voulez-vous mon patrimoine ? Vous pouvez le prendre ; si vous demandez mon corps, je suis prêt à vous le livrer. Si vous avez dessein de me mettre à mort, vous n’éprouverez de ma part aucune résistance. Je n’aurai pas recours à la protection du peuple, je ne me réfugierai pas aux pieds des autels, mais je sacrifierai ma vie pour la cause de ces mêmes autels 20. »

Ambroise passa tout le jour dans l’ancienne basilique. La nuit étant venue, il se retira dans sa maison pour que, s’il y avait un ordre pour se saisir de sa personne, on puisse facilement le trouver. Le lendemain qui était le mercredi de la semaine sainte, il se rendit avant le jour à l’ancienne basilique qui fut aussitôt investie de soldats. On en envoya d’autres se saisir de la basilique neuve. Ambroise de son côté envoya des prêtres pour y célébrer l’office. Ceux-ci menacèrent d’excommunication quiconque se livrerait à la moindre violence. Les soldats qui étaient catholiques entrèrent dans l’église et y prièrent paisiblement. Ambroise prêcha le soir sur la patience en partant de l’histoire de Job qu’on avait lue à l’église. Après le sermon, il vint un secrétaire de la cour qui demanda à parler à l’évêque en particulier. Il lui fit des reproches amers et lui dit qu’il se comportait en tyran. Ambroise répondit : « Maxime, Maxime qui se plaint que je l’ai arrêté dans sa marche quand il venait en Italie, ne dit pas que je sois un tyran envers Valentinien. Les évêques n’agissent pas en tyrans, mais ils ont quelquefois beaucoup souffert de la part des tyrans. » Les catholiques furent tout le jour très inquiet. Comme la basilique était environnée de soldats, Ambroise ne put pas retourner dans sa maison. Il passa la nuit à réciter des psaumes avec ses clercs dans la petite basilique de l’église ou dans quelque chapelle des bâtiments extérieurs. Le lendemain, qui était le jeudi saint, Ambroise continua de prier et d’instruire le peuple. Enfin, on apprit que l’Empereur avait retiré les soldats de la basilique et qu’il avait remis aux habitants de la ville l’amende à laquelle ils avaient été condamnés. Chacun laissa alors éclater sa joie et manifesta sa reconnaissance envers le Seigneur. L’archevêque envoya la relation de ce qui s’était passé à Marcelline, sa sœur qui était alors à Rome. À la fin de cette relation, il lui dit qu’il prévoyait des troubles encore plus grands, puis il ajouta : « L’eunuque Calligone, grand chambellan, m’a dit : vous osez donc mépriser Valentinien, de mon vivant ? Je vous ferai couper la tête. Je prie Dieu, lui ai-je répondu de m’accorder la grâce de souffrir : je souffrirai en évêque ; mais vous, vous agirez en eunuque. Puissent tous les ennemis de l’Église cesser de la persécuter, en tournant contre moi tous leurs traits et en étanchant leur soif barbare dans mon sang 21 ! » Peu de temps après, Calligone, convaincu d’un crime abominable, fut condamné à perdre la tête.

L’attachement du peuple à Ambroise ne fit qu’augmenter la haine de Justine contre l’archevêque. Elle demanda à son fils de promulguer une loi qui autorise les assemblées religieuses des ariens. Cette loi fut publiée le 23 janvier 386 22. Elle avait été rédigée par Mercurm que les ariens avaient fait évêque de Milan pour leur secte. Il prit le nom d’Auxence II. Comme il y était défendu de troubler les assemblées des hérétiques sous peine de mort, on ne savait pas quelles mesures prendre pour empêcher qu’ils n’aient une église 23. Ainsi, le carême suivant, Justine demanda de nouveau à saint Ambroise la basilique Porcienne. Ce dernier répondit : « Naboth ne voulut pas donner l’héritage de ses pères et moi je livrerais l’héritage de Jésus-Christ ! À Dieu ne plaise que j’abandonne celui de mes pères, de saint Denis qui est mort en exil pour la défense de la foi, de saint Eustorgue-le-Confesseur, de saint Mérocle, et de tous les saints évêques mes prédécesseurs. » Dalmace, tribun et notaire, vint trouver Ambroise de la part de l’Empereur pour lui ordonner de choisir des juges comme Auxence en avait choisi de son côté dans le but d’examiner l’objet de la dispute et décider en présence du Prince. Il ajouta que si Ambroise refusait d’accepter cette proposition, il n’avait pas d’autre parti à prendre que de se retirer et de céder son siège à Auxence. Ayant consulté son clergé et quelques évêques catholiques qui se trouvaient à Milan, Ambroise envoya sa réponse à l’Empereur. Il lui dit entre autres choses : « Qui ne sait que dans les matières de foi les évêques sont juges des empereurs chrétiens ? Comment donc les empereurs jugeraient-ils les évêques ? Voulez-vous que je choisisse des juges laïques pour qu’ils soient bannis ou condamnés à mort s’ils défendent la vraie foi ? Dois-je les exposer à la prévarication ou aux tourments ? La personne d’Ambroise n’est pas assez importante pour que le sacerdoce soit déshonoré à cause de lui. La vie d’un homme ne doit pas entrer en comparaison avec la dignité de tous les évêques. Si l’on veut une conférence sur la foi, c’est aux évêques à la tenir. C’est ainsi que les choses se sont passées sous Constantin qui laissa les évêques, juges de la doctrine. »

Lorsqu’Ambroise eut envoyé sa réponse à l’Empereur, il se retira dans l’église. Il y fut gardé quelque temps par le peuple qui faisait sentinelle nuit et jour pour empêcher qu’on ne lui enlevât son pasteur. L’église fut bientôt environnée de soldats envoyés par la cour. Ils laissaient entrer dans l’église, mais ils ne permettaient à personne d’en sortir. L’archevêque fit plusieurs discours au peuple à cette occasion. Dans un de ces discours qui fut prononcé le dimanche des Rameaux et que nous avons encore sous ce titre : Il ne faut pas livrer les basiliques 24, il s’exprime ainsi : « Croyez-vous que je puisse vous abandonner pour sauver ma vie ? Ma réponse a dû vous apprendre que je n’abandonnerais pas l’église parce que je crains le Seigneur de l’univers plus que l’Empereur. Si l’on m’enlève de force de l’église, on n’en tirera que mon corps, jamais mon âme n’en sera séparée. Si l’Empereur agit contre moi en prince, je saurai souffrir en évêque. Pourquoi donc êtes-vous dans le trouble ? Je ne vous quitterai pas volontairement, mais je ne puis résister ni m’opposer à la violence. Je puis gémir et pleurer. Je n’ai d’appui que dans mes larmes contre les soldats et les glaives. Les évêques n’ont pas d’autre défense. Je ne puis, je ne dois pas opposer d’autres résistances. Mais s’il s’agit de fuir et d’abandonner mon église, je ne me rendrai jamais coupable d’une telle lâcheté malgré mon respect pour l’Empereur. Je m’offre aux tourments et je ne crains pas les maux dont on me menace… On m’a proposé de livrer les vases qui appartiennent à l’église. J’ai répondu que, s’il était question de mes terres, de mon or ou de mon argent, je les donnerais volontiers, mais que je ne pouvais rien prendre de l’Église de Dieu. Si l’on en veut à mon corps et à ma vie, vous ne devez être que spectateurs du combat. Inutilement, vous opposeriez-vous à l’exécution des desseins du Seigneur ? Celui qui m’aime ne peut me donner une plus grande preuve de son amour qu’en me laissant devenir la victime de Jésus-Christ. J’attendais quelque chose d’extraordinaire, c’est-à-dire que je m’attendais à périr par le glaive ou à être brûlé pour le nom de Jésus-Christ. On m’offrit des plaisirs au lieu de souffrances. Ne vous laissez donc pas troubler en entendant dire qu’un chariot est préparé ou qu’Auxence a donné lieu de tout craindre… On disait effectivement qu’on avait envoyé des bourreaux et que j’étais condamné à la mort. Encore une fois, je ne crains rien et je ne quitterai pas ce lieu. Où irais-je ? Je ne trouverais partout que gémissements et larmes, puisque partout on a donné des ordres de chasser les évêques catholiques, de mettre à mort ceux qui résistent et de proscrire tous les officiers des villes qui n’exécuteront pas ces ordres. Qu’avons-nous dit dans nos réponses à l’Empereur, qui ne s’accorde pas avec le devoir et l’humilité ? S’il demande le tribut, nous ne le lui refusons point : les terres de l’Église contribuent aux charges publiques. S’il désire nos biens, il peut les prendre, personne de nous ne lui résistera. Je ne les donne point, mais aussi je ne les refuse pas. Les contributions du peuple sont plus que suffisantes pour assister les pauvres. On nous fait des reproches à cause de l’or que nous leur distribuons. Loin de nier ce fait, je m’en glorifie. Les prières des pauvres sont ma défense. Ces aveugles, ces boiteux, ces vieillards sont plus puissants que les plus braves guerriers. Nous rendons à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Le tribut est à César, l’Église est à Dieu. Personne ne peut dire que c’est là manquer de respect à l’Empereur. Peut-on l’honorer davantage que de l’appeler le fils de l’Église ? L’Empereur est dans l’Église et non au-dessus de l’Église. »

Explications et dénouement

Rien de plus admirable que l’intrépidité avec laquelle Ambroise annonça son mépris pour l’exil et les tourments et la hardiesse avec laquelle il découvrit l’impiété d’Auxence et des autres ariens. Il rappelle la loi qu’ils avaient rédigée, une épée volante envoyée dans l’empire pour mettre les uns à mort et pour rendre les autres coupables de sacrilèges. Ce qu’il dit du chariot est expliqué par Paulin. Cet auteur rapporte qu’un nommé Euthyme avait fait mettre un chariot près de l’église afin d’enlever plus facilement l’évêque et de le conduire en exil. Mais, l’année suivante, Euthyme fut arrêté dans sa maison et mené en exil dans le même chariot. Ambroise l’assista dans son malheur et lui fournit de l’argent avec tout ce qui lui était nécessaire pour son voyage. Paulin ajoute qu’on employa divers stratagèmes pour ôter à Ambroise sa liberté et même sa vie. Un assassin entra dans sa chambre pour le massacrer. Lorsqu’il allait frapper le coup mortel, son bras étendu resta immobile et il n’en recouvra l’usage que quand il eut avoué qu’il était envoyé par Justine et qu’il eut témoigné un vrai repentir de sa faute. Ambroise, étant resté plusieurs jours dans l’église ou dans les bâtiments adjacents avec le peuple qui en gardait les portes et tous les passages, les soldats eurent ordre de se retirer et l’archevêque retourna dans sa maison.

Utilisation des psaumes ; chant à deux chœurs

Les ariens lui reprochaient d’enseigner l’erreur au peuple par les hymnes qu’il faisait chanter 25. Il convint qu’il se servît de ce moyen pour leur inculquer le dogme de la Trinité. C’était ce dogme que les ariens traitaient d’erreur. Durant la persécution dont nous venons de parler, il exhortait les fidèles à chanter assidûment les hymnes et les antiennes qu’il avait composées. Quant aux psaumes, on les avait toujours chantés dans l’Église. Mais il paraît qu’Ambroise fut le premier qui mit en place à Milan l’usage de chanter alternativement des psaumes à deux chœurs comme cela se pratiquait dans les églises d’Orient, 26, usage qu’adoptèrent depuis toutes les églises d’Occident 27 (27).

Découverte des reliques de saint Gervais et de saint Protais

Au milieu de ses tribulations, Ambroise fut bien visiblement consolé par la découverte des reliques de saint Gervais et de saint Protais. Il a donné lui-même l’histoire de cette découverte dans une lettre à Marcelline, sa sœur 28. Il désirait dédier l’église appelée depuis Ambrosienne en raison de son nom, de la même manière qu’il avait auparavant dédié la basilique romaine qui reçut ce nom parce qu’elle était près d’une porte de Milan, dite la porte romaine. Il n’avait pas de reliques de martyrs. Ayant fait creuser la terre devant la grille des tombeaux de saint Nabor et de saint Félix, on y trouva les ossements de saint Gervais et de saint Protais. Ces reliques furent déposées dans la basilique Faustinienne. Le lendemain matin, on les porta dans la basilique Ambroisienne. Durant cette translation, un aveugle nommé Sévère, très connu dans toute la ville, recouvra la vue en appliquant sur ses yeux un linge qui avait touché le cercueil où étaient les saintes reliques. Ce miracle se fit en présence d’une multitude innombrable. Il est attesté par Paulin dans sa vie de saint Ambroise et par saint Augustin qui était alors à Milan 29. L’archevêque fit deux discours à cette occasion. Il y parla de ce miracle et de plusieurs autres opérés par les mêmes reliques. Il assure que des malades furent guéris et des possédés délivrés du démon. Nous apprenons de Paulin et de saint Augustin 30 que la découverte des reliques de saint Gervais et de saint Protais, faite en 386, mit fin à la persécution suscitée par les ariens contre Ambroise. Les hérétiques attachés à la cour prétendirent qu’Ambroise avait gagné quelques personnes pour les engager à contrefaire les possédés. Ambroise réfuta cette calomnie dans le second de ses discours. Il fit tellement valoir l’évidence et la notoriété des faits, que les ariens, réduits au silence, furent obligés de le laisser en paix 31.

Échec des négociations conduites par Ambroise auprès de Maxime

Maxime que Valentinien et Théodose avaient reconnu pour empereur dans des traités solennels, écrivit au premier de ces princes pour l’exhorter à ne plus persécuter l’Église catholique. Ce fait est rapporté par Sozomène et par Théodoret. Maxime disait à Valentinien : « Cette doctrine que vous attaquez est crue dans toute l’Italie, en Afrique, dans la Gaule, en Aquitaine, en Espagne ; en un mot, à Rome, qui tient le premier rang dans la religion comme dans l’empire 32. »

On apprit à Milan, en 387, que Maxime se préparait à attaquer l’Italie. C’est bien une preuve que l’ambition est une soif insatiable et qu’elle tourmente ceux dont elle s’est emparée, jusqu’à ce qu’elle les ait précipités dans l’abîme qu’elle a creusé elle-même. Maxime comptait pour rien la possession tranquille de la Bretagne, de la Gaule et de l’Espagne, tant qu’il ne serait pas maître de l’Italie. Le succès de son usurpation lui faisait porter ses vues plus loin. Il pensait que rien ne pouvait s’opposer à l’exécution de ses projets. Trop faible pour lui résister, Valentinien résolut en accord avec l’Impératrice, sa mère, de députer une seconde fois Ambroise vers Maxime. Ce dernier oublia tout ce qu’on lui avait fait souffrir, et se chargea de cette seconde ambassade. Dès le lendemain de son arrivée à Trèves, il se présenta à la cour, mais l’audience qu’il demandait lui fut refusée. On lui dit qu’il ne serait entendu qu’au conseil ce qui était contraire au privilège qu’avaient les évêques et les ambassadeurs des empereurs. Ambroise fit d’inutiles demandes à ce sujet. Il céda à la fin, aimant mieux manquer à sa dignité, que de ne pas remplir sa commission. Il fut donc introduit dans le conseil. Maxime, qui était assis sur son trône, se leva pour lui donner le baiser comme cela se pratiquait alors à l’égard des évêques et des hommes revêtus de places éminentes. Ambroise resta debout bien que les membres du conseil lui dissent d’approcher du trône et que l’Empereur l’appelât. Maxime lui reprocha de l’avoir trompé dans sa première ambassade en l’empêchant d’entrer en Italie à un moment où rien ne pouvait s’opposer à ses armes. Ambroise répondit :

Il ajouta que Valentinien avait auprès de lui le frère de Maxime quand il apprit l’assassinat de Gratien. Il le renvoya cependant sans vouloir le sacrifier à son juste ressentiment. Qui l’eût empêché de lui ôter la vie et de le traiter comme son frère l’avait été par Maxime ? Ambroise reprocha à Maxime non seulement d’avoir assassiné Gratien, mais d’avoir fait périr encore plusieurs grands hommes qui n’avaient d’autre crime que d’être fidèlement attachés à leur prince naturel. Il finit par l’exhorter à faire pénitence pour obtenir miséricorde auprès de Dieu. Enfin, il le pria de rendre à Valentinien le corps de Gratien, son frère, afin qu’il ne fût pas privé d’une sépulture convenable à son auguste rang. Maxime dit qu’il délibérerait sur cette dernière demande. Sa colère contre Ambroise augmenta encore quand il le vit refuser constamment de communiquer et avec lui et avec les ithaciens qui poursuivaient la mort des priscillianistes. Comme il se montrait inflexible sur ce point, il reçut l’ordre de se retirer. On exila en même temps un évêque très âgé qui se nommait Hygin. Ambroise intercéda en sa faveur et demanda qu’on lui fournisse au moins les secours les plus nécessaires. Non seulement il n’obtint pas la grâce qu’il sollicitait, mais il fut lui-même chassé. De retour à Milan, il informa Valentinien du mauvais succès de son ambassade et lui recommanda de se tenir sur ses gardes quand il serait question de traiter avec Maxime. Il lui dit que ce prince était un ennemi caché dont les vues n’étaient pas pacifiques et qu’il ne pensait qu’à faire la guerre 33. L’événement prouva qu’Ambroise ne se trompait pas.

Valentinien missionne Doronin à la place d’Ambroise ; Maxime tue Doronin et attaque l’Italie.

Vaientinien qui avait une grande confiance en Doronin le destina à remplacer Ambroise dans son ambassade. Maxime le reçut d’une manière honorable et lui fit toutes sortes de caresses. Il le chargea d’assurer Valentinien de son amitié. Il le renvoya même avec un corps considérable de troupes sous prétexte de secourir son maître contre les barbares qui venaient de tomber sur la Pannonie. Étant arrivées aux Alpes, ces troupes se saisirent de tous les passages. Maxime alla les joindre avec son armée, entra dans l’Italie sans trouver la moindre résistance et vint prendre ses quartiers à Aquilée. Cette entreprise à laquelle on ne s’attendait pas sema partout la terreur. Valentinien et sa mère l’impératrice s’enfuirent à Thessalonique d’où ils envoyèrent demander du secours à Théodose. Ce prince désirait depuis longtemps venger la mort de Gratien, mais il n’avait pas pu encore exécuter ce projet parce qu’il s’était occupé à soumettre les barbares et à rétablir la paix de l’Église dans l’Orient.

Théodose fait renoncer Valentinien à l’arianisme.

Dès qu’il fut informé de la fuite de Valentinien qu’il partit de Constantinople. Arrivé à Thessalonique, il consola les malheureux restes de la famille de Valentinien Ier auxquels il promit les secours les plus efficaces. Il commença par dire au jeune Empereur qu’il avait attiré sur lui la colère du Ciel, en favorisant l’arianisme et en persécutant l’Église catholique. Il dissipa ses préjugés et le fit renoncer entièrement à l’hérésie. C’était la coutume de Théodose de ne former aucune entreprise sans s’être d’abord adressé au Ciel pour le mettre de son côté.

L’influence de l’Impératrice Flaccille, femme de Théodose

Ce prince avait perdu peu de temps auparavant son épouse, l’impératrice Flaccille. Elle descendait de la famille Ælienne dont était l’empereur Adrien, mais qui était encore plus illustre par ses vertus que par sa naissance. La prière et le soin des pauvres étaient sa principale occupation. Elle allait visiter les malheureux qu’elle servait de ses propres mains. On la vit aussi plus d’une fois rendre les services les plus humiliants à des pauvres attaqués de maladies dégoûtantes 34. Ses vertus et ses belles qualités inspirèrent ` son mari le respect pour la religion, et un zèle ardent pour la défense de l’Église. Elle désirait le savoir prince selon le cœur de Dieu plutôt que maître du monde entier. Pour le prémunir contre les pièges de l’arianisme, elle l’engagea à chasser de son palais ceux qui entretenaient des correspondances secrètes avec Eunomius, et à se tenir fermement attaché aux décisions du concile de Nicée 35.

Théodose défait Maxime

Pour donner une preuve non équivoque de son amitié à Valentinien II, Théodose épousa Galla, la sœur de ce prince. Quelques auteurs disent que ce mariage se fit à Thessalonique, mais d’autres prétendent qu’il se célébra plus tôt. Quoi qu’il en soit, Théodose déclara la guerre à Maxime au printemps de l’année 388. Il ordonna des prières solennelles pour attirer sur ses armes la protection du Ciel. Il engagea aussi les plus célèbres solitaires d’Égypte à lever les mains vers le Seigneur, tandis qu’il combattrait 36. Il consulta en particulier saint Jean, l’un d’entre eux, lequel lui prédit la victoire et les principaux événements de son règne 37. Il mit parmi ses troupes la discipline la plus stricte pour qu’elles ne causassent aucun dommage dans les lieux où elles passeraient. Ayant attaqué Maxime avec autant de courage que de prudence, il le défit sur les bords de la Save, près de Siscia, aujourd’hui Peisseig, dans la Pannonie. Il défit aussi Marcellin, frère du tyran, sur les bords de la Drave bien que son armée fût de beaucoup moins nombreuse. Après avoir envoyé dans la Gaule Arbogaste, général des barbares qui servait dans son armée pour se rendre maître de ce pays, il marcha vers Aquilée où Maxime s’était sauvé. Comme l’usurpateur ne pouvait échapper, ses propres soldats le dépouillèrent des habits impériaux et le livrèrent à Théodose. Ce prince lui reprocha sa perfidie, toutefois avec plus de compassion que de colère. Il était porté d’abord à lui laisser la vie. Enfin, il accepta qu’on le décapitât le 28 juillet 388. Maxime avait régné près de cinq ans. Théodose se rendit ensuite à Milan. Il y resta du 10 octobre jusqu’à la fin du mois de mai.

Théodose accède aux demandes d’Ambroise et fait participer Valentinien à son triomphe.

Les chrétiens de Callinique, en Mésopotamie, avaient été insultés par les Juifs dans une procession religieuse. Ils s’en vengèrent en renversant leur synagogue. Le comte d’Orient informa Théodose de cette affaire. L’Empereur rendit une ordonnance stipulant qu’il fallait punir sévèrement l’évêque et les chrétiens de Callinique et les obliger de rebâtir à leurs frais la synagogue qu’ils avaient détruite. Ce jugement pénétra de douleur les évêques orientaux. Ils écrivirent à Ambroise pour le prier d’engager l’Empereur à modifier son ordonnance. Ambroise écrivit à Théodose de la manière la plus forte, mais il ne put rien obtenir 38. Il lui adressa ensuite dans l’église un discours sur le même sujet. Il y déclara qu’il n’irait pas à l’autel tant que l’évêque et les chrétiens de Callinique n’auraient pas obtenu grâce 39. Théodose se rendit à la fin et promit de ne pas faire exécuter l’ordonnance qu’il avait rendue. Les députés du sénat de Rome vinrent complimenter Théodose à Milan. Ils le prièrent dans leur harangue de laisser subsister l’autel de la Victoire dont Maxime avait permis le rétablissement. L’Empereur paraissait incliné à user de condescendance en cette occasion, mais sur les demandes d’Ambroise, il refusa d’acquiescer à la demande qu’on lui faisait. Après avoir passé à Milan l’hiver et une partie du printemps, il partit pour Rome. Il y fit son entrée au mois de juin et y reçut les honneurs du triomphe. Il était monté sur un char tiré par des éléphants que le Roi de Perse lui avait envoyés. On portait devant lui les dépouilles des ennemis avec les représentations des provinces qu’il avait ou conquises ou délivrées. Les seigneurs de sa cour, le sénat, la noblesse et le peuple suivaient avec des acclamations extraordinaires. Aussi magnifique que fût la pompe de cette auguste cérémonie, tous les yeux se fixaient sur le triomphateur qui en faisait le plus bel ornement par sa modestie 40. Pacatus, orateur gaulois, prononça le panégyrique de Théodose en présence de ce prince. Ce discours fut applaudi par tous les ordres de la ville. L’Empereur avait fait asseoir le jeune Valentinien à côté de lui sur son char pour lui faire partager la gloire du triomphe. Pendant son séjour à Rome, on le voyait souvent sans gardes. Il gagna tous les cœurs par son affabilité, sa bienfaisance et sa générosité. Il abolit les restes de l’idolâtrie et défendit de célébrer à l’avenir les fêtes païennes. Les idoles furent brisées et les temples dépouillés de leurs ornements. On épargna cependant les statues qui venaient des grands maîtres et on les destina à servir d’ornement à la ville en les mettant dans des portiques ou dans les places publiques.

Les bonnes influences de Théodose

Symmaque qui avait eu des intelligences avec Maxime fut accusé de haute trahison. Il se sauva dans une église comme dans un asile, mais Théodose ne voulut pas revenir sur ce qui s’était fait sous le règne de l’usurpateur. Symmaque prononça devant le sénat le panégyrique de l’Empereur et renouvela avec beaucoup d’art la demande de l’autel de la Victoire. Théodose témoigna sa satisfaction, mais il ne dissimula pas son mécontentement de l’opiniâtreté avec laquelle on insistait sur un objet qui lui déplaisait et sur lequel il s’était expliqué si clairement. Il défendit à Symmaque de reparaître devant lui. Il lui montra ensuite ses bonnes grâces et l’éleva même aux premières dignités 41.

Théodose revint à Milan au mois de septembre. Il remit à Valentinien tout l’empire d’Occident. Les instructions qu’il avait données à ce jeune prince restèrent si profondément gravées dans son esprit qu’il fut depuis toujours un très zélé catholique. Il se mit sous la conduite d’Ambroise et l’honora comme son père tant qu’il vécut. L’Impératrice Justine mourut avant la fin de la guerre.

Le pape Sirice avait condamné Jovinien. Cet hérésiarque, obligé de prendre la fuite, se retira à Milan. Théodose l’en fit chasser. Il fut condamné de nouveau et anathématisé au cours d’un concile que tint Ambroise en 390.

Rufin persuade Théodose de réprimer durement une sédition, ce qui conduit à un massacre.

Ce concile était encore assemblé lorsqu’on apprit à Milan la nouvelle du massacre commis à Thessalonique 42. Buthéric qui résidait à Thessalonique commandait les troupes d’Illyrie. Il avait fait mettre en prison un cocher attaché au cirque parce qu’il avait séduit une jeune domestique de sa maison. Le peuple lui demanda la liberté du cocher pour qu’il puisse paraître dans le cirque un jour de fête. N’ayant pu l’obtenir, il devint furieux et se livra aux dernières extrémités. Dans cette sédition, plusieurs officiers furent tués à coups de pierres. On traîna leurs corps dans les rues de la ville. Buthéric perdit lui-même la vie. Cette nouvelle transporta de colère l’Empereur qui était naturellement emporté. Ambroise et quelques autres évêques intercédèrent pour les coupables. Théodose promit leur grâce. Mais le fameux Rufin, alors maître des offices, et d’autres courtisans le firent changer de résolution prétextant que :

On envoya donc un ordre au commandant de l’Illyrie pour mettre à mort sept mille hommes de Thessalonique. Cet ordre fut exécuté avec la plus grande barbarie. Les soldats profitèrent du moment où le peuple était assemblé dans le cirque pour massacrer tout ce qu’ils rencontrèrent. Cette boucherie dura trois heures. Sept mille hommes périrent. On ne distingua pas les innocents des coupables. Telle fut la brutalité des soldats. Un esclave s’étant offert pour prendre la place de son maître, les deux furent massacrés. On rapporte aussi qu’un père, voyant ses deux fils prêts à recevoir le coup mortel, se jeta aux pieds de ceux qui allaient les frapper. Il les toucha par ses larmes. Ils lui promirent d’en laisser vivre un à son choix. Ce malheureux père que sa tendresse empêchait de faire ce choix courait vers ses enfants l’un après l’autre sans pouvoir se décider. Les soldats s’impatientèrent et ôtèrent la vie à tous les deux.

Cette scène tragique pénétra de douleur Ambroise et les autres évêques. Ambroise crut cependant devoir dissimuler quelque temps, afin que Théodose, venant à réfléchir, pût rentrer en lui-même. L’Empereur n’était pas à Milan, mais il devait y revenir sous peu. Ambroise quitta la ville pour ne pas s’y trouver avec lui. Il lui écrivit une lettre que nous avons encore. Elle est aussi tendre que pathétique. Après l’avoir exhorté à faire pénitence, il lui déclare qu’il ne pourra recevoir son offrande ni offrir les divins mystères en sa présence jusqu’à ce qu’il ait satisfait à la justice divine. Il ajoute qu’il est rempli de respect pour l’Empereur, mais qu’il doit à Dieu la préférence et que l’amour qu’il lui porte doit se concilier avec le salut de son âme 43.

Théodose se soumet à la pénitence demandée par Ambroise, mais Rufin essaye d’affaiblir cette pénitence.

Peu de temps après, l’évêque revint à Milan. L’Empereur s’étant présenté pour entrer dans l’église selon la coutume, Ambroise alla au-devant de lui dans le vestibule et lui défendit d’avancer plus loin. Il lui dit : « Seigneur, il semble que vous ne sentez pas encore l’énormité du massacre commis par vos ordres. L’éclat de la pourpre ne doit pas vous empêcher de reconnaître la faiblesse de ce corps si magnifiquement couvert. Vous êtes pétri du même limon que vos sujets. Il n’y a qu’un Seigneur, qu’un maître du monde. Avec quels yeux considérerez-vous son temple ? Avec quels pieds foulerez-vous son sanctuaire ? Oserez-vous, en priant, lever vers lui ces mains encore teintes d’un sang injustement répandu ? Retirez-vous donc et n’allez pas aggraver par un nouveau crime celui dont vous êtes coupable. Recevez avec soumission le joug que le Seigneur vous impose. Il est dur, mais salutaire et il procure la guérison de l’âme. » Le prince ayant dit pour s’excuser que David avait péché, l’évêque lui répondit que puisqu’il l’avait imité en péchant, il devait aussi l’imiter dans sa pénitence 44. Théodose se soumit et accepta la pénitence canonique qui lui fut imposée. Il se retira dans son palais où il passa huit mois sans aller à l’église, entièrement occupé aux exercices propres aux pénitents publics. La fête de Noël étant arrivée, il redoubla ses larmes en pensant qu’il était exclu de l’assemblée des fidèles. Rufin, maître des offices et contrôleur du palais, lui demanda la cause de l’excessive douleur qu’il témoignait. Il voulut le persuader :

Il ne se contentait pas de l’avoir porté à commettre un crime, il employait encore la flatterie pour affaiblir sa pénitence. L’Empereur, versant encore plus de larmes, lui dit : « Rufin, vous vous moquez de moi. Que vous connaissez peu la peine que je ressens ! Je gémis, je pleure sur mon triste état. L’église est ouverte aux mendiants et aux esclaves, mais les portes de l’église et conséquemment celles du ciel me sont fermées, car le Seigneur a dit : “Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel”. »
Rufin reprit : « Si vous le jugez à propos, j’irai trouver l’évêque. J’espère le persuader de vous absoudre. »
L’empereur répliqua : « Vous n’y réussirez pas, je reconnais la justice de la sentence portée contre moi. Je sais d’ailleurs qu’Ambroise est inflexible quand il s’agit de son devoir, et qu’il ne fera rien contre la loi de Dieu, par respect pour la Majesté Impériale 45. »
Il ajouta qu’il aimait mieux achever sa pénitence que de demander une absolution qui serait jugée trop précipitée. Rufin persistant toujours, il lui permit d’aller trouver l’évêque. Il le suivit peu de temps après, espérant que sa démarche ne serait pas inutile.

Ambroise obtient que Théodose ait des regrets sincères.

Dès qu’Ambroise aperçut Rufin, il lui dit : « Comment osez-vous concevoir une pareille espérance ? C’est vous qui avez conseillé le massacre et vous vous chargez d’en solliciter le pardon ? Vous avez dépouillé tout sentiment de honte et vous ne tremblez pas au souvenir d’un si grand crime et de l’outrage fait à l’image de Dieu ? » Rufin redoubla ses prières et dit à l’évêque les choses les plus pressantes. Il ajouta que l’Empereur arriverait bientôt. Ambroise répondit : « Si cela est, je vous déclare que je ne le laisserai pas entrer dans le vestibule de l’église. S’il veut employer la force et agir en tyran, je suis prêt à souffrir la mort. Je me présenterai moi-même au glaive des bourreaux. » Rufin voyant son inflexibilité fit dire à l’Empereur de ne pas sortir de son palais. Comme Théodose était en chemin, il dit : « J’irai et je recevrai l’affront que je mérite. » Il n’alla cependant pas à l’église. Il attendit l’évêque qui était dans la salle d’audience et le pria de ne pas lui refuser l’absolution. Ambroise dit : « Quoi ? Vous venez ici au mépris des lois saintes de Dieu ? » L’empereur répondit : « Je les respecte, je ne violerai pas les règles en entrant dans le vestibule, mais je vous prie de rompre ces liens et de ne pas me fermer la porte que le Seigneur a ouverte à tous les pénitents. » L’évêque reprit : « Quelle pénitence avez-vous faite après vous être rendu coupable d’un tel crime ? » L’Empereur dit : « C’est à vous de me prescrire ce que je dois faire et à appliquer les remèdes convenables à la maladie de mon âme comme c’est à moi à me soumettre et à accomplir ce qui me sera ordonné 46. » Ambroise lui dit de se placer dans l’église parmi les pénitents publics.

On lit dans Sozomène que l’Empereur fit une confession publique de son péché. Dans l’oraison funèbre de ce prince par Ambroise, il est dit qu’il se mit à genoux à la porte de l’église, qu’il resta longtemps prosterné parmi les pénitents et qu’il disait avec David : « Mon âme a été comme attachée à la terre. Seigneur, rendez-moi la vie selon votre parole » 47. Dans cette posture, il se frappait la poitrine de temps en temps et il demandait pardon à Dieu en versant beaucoup de larmes. Ce spectacle attendrit le peuple. Tous pleuraient et priaient avec lui. Ambroise, avant de lui donner l’absolution, lui enjoignit de porter une loi qui ordonne de suspendre pendant trente jours l’exécution des jugements concernant la vie et la confiscation des biens des citoyens. C’était une précaution pour empêcher à l’avenir les funestes effets de la précipitation ou de la surprise. Théodose signa la loi et promit de la faire observer. Gratien en avait donné une semblable huit ans auparavant. Elle a été jointe à celle de Théodose et les deux n’en font plus qu’une 48. Enfin, l’Empereur reçut l’absolution, mais il ne cessa le reste de sa vie de détester la faute dans laquelle il était tombé par surprise et à l’instigation des autres.

Suite à la demande d’Ambroise, Théodose ne reste plus dans le sanctuaire.

Théodoret rapporte un autre exemple de religion et d’humilité que ce prince donna dans la ville de Milan 49. On ne sait s’il faut le placer avant ou après sa pénitence. Ayant présenté son offrande à l’autel un jour de fête, il resta dans l’enceinte du sanctuaire. Ambroise lui demanda s’il attendait quelque chose. Théodose répondit qu’il restait pour assister au sacrifice et pour recevoir la communion. L’archidiacre alla lui dire de la part de l’évêque : « Seigneur, il n’y a que les ministres sacrés qui ont le droit d’être dans le sanctuaire. Vous devez donc en sortir et rester avec les autres fidèles. La pourpre fait les princes, mais pas les prêtres. » L’Empereur répondit qu’il n’avait pas eu l’intention d’aller contre les règles ni de se singulariser en se séparant des autres fidèles et qu’il avait cru pouvoir rester dans le sanctuaire à Milan comme à Constantinople. Après avoir remercié Ambroise de ce qu’il venait de l’avertir de son devoir, il sortit de la balustrade et se mit parmi les laïques. À son retour à Constantinople, il ne resta plus dans le sanctuaire et il en sortait dès qu’il avait fait son offrande. La première fois que l’archevêque Nectaire s’en aperçut, il lui fit dire de rentrer et de prendre sa place ordinaire. L’Empereur dit en soupirant : « J’ai appris enfin la différence qu’il y a entre le sacerdoce et l’empire. Je suis environné de flatteurs et je n’ai trouvé qu’un homme qui m’ait dit la vérité. Je ne connais qu’un évêque au monde, c’est Ambroise. » Il ne parut donc plus à l’église qu’en dehors de la balustrade qui fermait le sanctuaire, un peu au-dessus des autres fidèles. Il fut imité en cela par les empereurs qui lui succédèrent.

Le bon accueil réservé à Théodose.

Théodose passa environ trois ans en Occident. Il laissa Valentinien paisible possesseur de ses états. Il ne voulut d’autre récompense de ses combats et de ses victoires que la gloire d’avoir délivré ce prince de ses ennemis et d’avoir protégé diverses nations injustement opprimées. Lorsqu’il retournait en Orient, on courait de toute part au-devant de lui ; son entrée dans les villes était une espèce de triomphe. Ce fut surtout à Constantinople, où il arriva le 9 novembre 391, que le peuple fit éclater les transports de sa joie.

Valentinien suit les avis d’Ambroise.

Valentinien suivait en tout les avis de saint Ambroise. Il l’honorait et l’aimait autant que Justine, sa mère l’avait haï et persécuté. Aucun prince n’eut plus de zèle pour se corriger de ses fautes. Ayant appris qu’on lui reprochait d’avoir trop de passion pour les exercices du cirque, il résolut de n’y assister que quand la décence l’exigerait. Comme il lui fut dit que l’amour de la chasse l’empêchait de s’appliquer avec soin aux affaires, il ordonna de tuer toutes les bêtes qu’on avait rassemblées pour lui procurer ce divertissement. On lui dit qu’en avançant l’heure du repas, il était soupçonné d’intempérance. Il profita de cet avertissement et s’assujettit à une abstinence rigoureuse. Il jeûnait souvent et pratiquait la mortification même dans les festins qu’il était obligé de donner aux officiers de sa cour. Non seulement il ne mit pas de nouvelles impositions sur le peuple, mais il le déchargea encore d’une partie des anciennes.

Arbogaste fait étrangler Valentinien.

L’Empereur se plaignait souvent du comte Arbogaste, général de ses armées. Ce sujet audacieux s’appropriait l’autorité souveraine et n’en laissait que l’ombre à son maître. Il était Français de naissance et professait le paganisme. Il servait dès sa jeunesse dans les troupes romaines et il avait su parvenir aux places les plus éminentes. Son pouvoir n’avait plus de bornes. Il commandait à Valentinien lui-même et disposait à son gré de toutes les affaires. À la fin, l’Empereur voulut s’affranchir de l’esclavage et montrer que c’était à lui de gouverner. Il se trouva en Gaule avec Arbogaste en 392. Il était question de mettre le pays à l’abri des incursions des Germains. Leur mésintelligence éclata plus que jamais. La paix cependant parut se rétablir entre eux. Valentinien pria Ambroise de venir le voir à Vienne pour cimenter cette réconciliation. Il voulait aussi recevoir le baptême des mains de l’Archevêque. Dans l’attente de son arrivée, on l’entendait souvent dire, « Serais-je assez heureux pour voir mon père ? » Il ne put avoir ce bonheur. Arbogaste le fit étrangler à Vienne le 15 mai 392 50. Ce malheureux prince qui n’était encore que dans sa vingtième année prenait alors quelques divertissements dans le jardin de son palais sur les bords du Rhône. Ambroise qui avait déjà gagné les Alpes apprit la nouvelle de cet événement tragique. Il en ressentit la douleur la plus vive et retourna sur ses pas. Le corps de l’Empereur fut enterré à Milan auprès de celui de Gratien. Ambroise prononça l’oraison funèbre de Valentinien et y montra que le désir qu’avait témoigné ce prince de recevoir le baptême remplacerait ce sacrement devant le Seigneur. Il promit encore de se souvenir toujours de lui dans ses prières et ses sacrifices.

Ambroise ressuscite un enfant en bas âge.

Arbogaste mit la couronne impériale sur la tête d’Eugène qui lui était entièrement dévoué. Eugène avait enseigné la rhétorique. Il avait acquis une réputation importante par son savoir et ses talents littéraires. Quoique d’une condition ignoble, il était parvenu aux premières places. Il se disait chrétien, mais il ne se comportait pas comme tel. Il favorisait les superstitions des païens. IL attachait même beaucoup d’importance aux actes divinatoires et aux augures. Eugène et Arbogaste crurent qu’il était de leur intérêt de passer en Italie. Ils essayèrent aussi de gagner Ambroise en lui écrivant des lettres très obligeantes. Avant leur arrivée à Milan, l’archevêque se retira à Bologne où il assista à la translation des reliques de saint Vital et de saint Agricole. De là, il se rendit à Florence où il consacra une église connue depuis sous le nom de Basilique Ambrosienne. Pendant son séjour à Florence, il logea chez Décentius, un des principaux habitants de la ville. Dieu permit que Décentius perdît son fils encore en bas âge. La mère porta l’enfant sur le lit d’Ambroise, qui était sorti. Paulin dit qu’Ambroise s’étendit sur le corps de l’enfant comme Élisée et lui rendit la vie par ses prières.

Théodose combat Arbogaste et Eugène avec l’aide de Dieu.

Cependant, Eugène envoya des ambassadeurs à Théodose, mais ce prince ne voulut entendre aucune de leurs propositions. Il leva une armée puissante pour marcher contre les usurpateurs de l’empire d’Occident et se prépara à la guerre par le jeûne, par des exercices de piété et par la visite fréquente des églises 51. Il envoya aussi demander à saint Jean d’Égypte le secours de ses prières. Cet ermite qui lui avait déjà prédit la défaite de Maxime lui annonça qu’il éprouverait plus de difficultés dans son entreprise contre Eugène, qu’il remporterait néanmoins une victoire complète, mais qu’il mourrait peu de temps après 52. Théodose, non content d’avoir pratiqué des actes héroïques de plusieurs vertus chrétiennes, voulut encore, avant d’affronter l’ennemi, publier un rescrit par lequel il pardonnait toutes les injures qu’on avait pu commettre contre sa personne, soit en paroles, soit en actes. Il disait : « Si c’est par une légèreté indiscrète que quelqu’un a parlé contre nous, nous ne devons pas y faire attention ; si c’est par folie, nous devons avoir pitié de lui ; si c’est de propos délibéré, nous voulons lui pardonner. » Ce rescrit a été inséré dans le droit romain 53. L’armée impériale se rassembla sous la conduite de Timase qui était à la tête des légions romaines, de Stilicon, prince vandale qui avait épousé Séréna, nièce de l’Empereur, de Gainas, qui commandait les Goths, etc. Théodose rejoignit ces généraux dans la Thrace. Après avoir traversé la Pannonie et l’Illyrie, il vint forcer le passage des Alpes qu’Arbogaste défendait et avait cru d’abord inaccessible. Cependant, celui-ci ne perdit pas courage, il rangea son armée en bataille dans les plaines d’Aquilée au pied des Alpes. Il eut l’avantage dans la première attaque. Dans la seconde, l’armée de Théodose fut sur le point d’être vaincue et dispersée. L’Empereur eut recours à Dieu et le conjura par une fervente prière de défendre sa propre cause 54. Peu de temps après, il s’éleva du côté des Alpes un vent impétueux qui mit le désordre parmi les ennemis, qui leur fit tomber des mains leurs dards et leurs javelots et qui, en leur poussant un tourbillon de poussière dans les yeux, les empêchait de voir et gênait leur respiration 55. Théodose, à la faveur de cette tempête, remporta une victoire complète. On lit dans Théodoret 56 qu’avant la seconde attaque, ce prince passa la nuit en prières dans une église et que s’étant endormi, il eut une vision où deux hommes vêtus de blanc et montés sur des chevaux de même couleur lui apparurent et lui promirent de l’assister. Ces deux hommes étaient l’apôtre saint Philippe et saint Jean l’évangéliste. Evagre et ses compagnons prenant congé de saint Jean dans la Thébaïde, ce saint homme leur donna sa bénédiction, et leur dit : « Allez en paix, mes chers enfants et sachez qu’on apprend aujourd’hui à Alexandrie que Théodose a défait le tyran Eugène, mais ce prince ne jouira pas longtemps du fruit de sa victoire. Dieu le retirera bientôt de ce monde 57. »

Eugène qui était sur une hauteur voisine du champ de bataille, fut pris et conduit à Théodose qui, après lui avoir reproché ses crimes et sa vaine confiance aux promesses des païens, le condamna à perdre la tête, ce qui fut exécuté le 9 septembre 394. Arbogaste erra deux jours sur les montagnes. Puis, joignant le désespoir à ses autres crimes, il devint son propre bourreau et se perça de son épée 58. Théodose épargna les autres rebelles. Il ne savait, pour ainsi dire, que pardonner. Il ne connaissait plus d’ennemis, dès qu’il avait vaincu. Ayant appris que les enfants d’Eugène et Flavien, son général, s’étaient réfugiés dans les églises d’Aquilée, il leur fit dire par un tribun qu’ils n’avaient rien à craindre pour leur vie. Il fit élever les enfants du tyran dans la religion chrétienne. Il leur laissa leurs biens et les traita comme s’ils eussent appartenu à sa famille.

Théodose meurt dans les bras d’Ambroise.

Comme Théodose avait été spécialement redevable de la victoire à la protection du Ciel, il voulut qu’on en rendît à Dieu de solennelles actions de grâces dans tout l’empire. Il écrivit à Ambroise sur ce sujet. L’archevêque était retourné à Milan dès qu’Eugène eut quitté cette ville. À peine eut-il reçu la lettre de l’empereur, qu’il offrit le saint sacrifice pour remercier le Seigneur. Il envoya un de ses diacres porter sa réponse à Théodose. Après avoir félicité ce prince sur le succès de ses armes, il lui dit qu’il devait rapporter à Dieu toute la gloire de son triomphe, que sa valeur y avait moins contribué que sa piété, que sa victoire serait incomplète s’il ne pardonnait à ceux dont le crime venait des circonstances et qui n’avait pas eu de parts aux sentiments du tyran 59. Il intercédait surtout en faveur de ceux qui s’étaient réfugiés dans les églises. Il disait qu’il ne doutait point qu’il n’obtint leur grâce d’un prince pour l’amour duquel Dieu venait de renouveler les prodiges qu’il avait anciennement opérés en faveur de Moïse, de Josué, de Samuel et de David 60. Peu de temps après, Ambroise se rendit à Aquilée pour voir l’Empereur. La joie et la tendresse éclatèrent au cours de leur entrevue. L’archevêque se prosterna aux pieds de Théodose que sa piété et la protection visible du Ciel rendaient encore plus vénérable que sa couronne et ses victoires. Il pria le Seigneur de le combler de ses bénédictions dans l’autre vie comme il l’en avait comblé dans celle-ci. Théodose de son côté se jeta aux pieds de l’archevêque, attribuant à ses prières les faveurs qu’il avait reçues de Dieu et le conjurant de solliciter le salut de son âme comme il avait sollicité la prospérité de ses armes. Ils s’entretinrent ensuite des moyens de rétablir la religion. Quelque temps après, Théodose vint à Milan. Il voulut s’abstenir d’abord de la sainte communion parce qu’il était, pour ainsi dire, encore teint de sang, quoique ce sang eût été répandu dans une guerre juste et nécessaire 61. Mais tandis qu’il s’occupait à purifier son âme par la componction, il fut attaqué d’une hydropisie mortelle que les médecins attribuèrent à la fatigue et la rigueur de la saison. Il fit venir ses enfants à Milan et les reçut dans l’église le jour même où il communia pour la première fois depuis sa victoire. Il leur donna d’excellentes instructions sur la manière de gouverner, puis se tournant vers Ambroise, il lui dit : « Voilà les vérités que vous m’avez apprises et que j’ai tâché de mettre en pratique. C’est à vous de les transmettre à ma famille et d’en instruire ces jeunes empereurs que je vous recommande. » Ambroise lui répondit qu’il espérait que Dieu leur donnerait un cœur aussi docile qu’à leur auguste père. L’Empereur confirma par une loi l’amnistie qu’il avait accordée précédemment à tous les rebelles qui étaient rentrés dans le devoir. Il ordonna aussi qu’ils fussent rétablis dans leurs biens et dans leurs dignités. Il déchargea le peuple de l’augmentation des impôts, désirant que ses sujets pussent jouir des avantages d’une victoire à laquelle ils avaient contribué par leurs prières et par leur courage. On ne peut rien imaginer de plus pathétique que les exhortations qu’il fit aux sénateurs encore plongés dans les ténèbres de l’idolâtrie pour les engager à embrasser le christianisme. Il leur déclara que tant qu’il avait vécu, son plus ardent désir avait été de faire de tous ses sujets de fidèles serviteurs de Jésus-Christ 62. Pendant sa maladie, il montra de vifs sentiments de piété et il s’entretenait souvent de Dieu avec Ambroise. Il mourut dans les bras de l’archevêque le 17 janvier 395 au cours de la cinquantième année de son âge. Ambroise prononça son oraison funèbre pendant le service qui se fit quarante jours après sa mort. On porta son corps à Constantinople. Les honneurs avec lesquels on le reçut partout ressemblaient plus à un triomphe qu’à une pompe funéraire.

Ambroise délivre des possédés.

Ce fut au cours de cette même année qu’Ambroise découvrit dans un jardin de Milan les corps de saint Nazaire et de saint Celse, martyrs. Il les transféra dans la basilique des apôtres près de la porte Romaine. On ramassa le sang des saints martyrs avec du plâtre et des linges et on le distribua aux fidèles comme une relique précieuse 63. Ambroise délivra un possédé dans cette circonstance. Le démon tourmentait ce malheureux en présence des corps saints, mais l’évêque lui ayant ordonné de se retirer, il obéit. Quelque temps avant sa mort, il livra au malin esprit un serviteur de Stilicon qui faisait de fausses lettres pour élever à la dignité de tribun ceux qui traitaient avec lui. Avant qu’il ne parle, le démon s’empara du faussaire et le mit en pièces : Paulin dit : « Nous en fûmes tous effrayés, nous vîmes alors plusieurs possédés qu’Ambroise délivrait, soit en leur imposant les mains, soit en commandant au malin esprit de se retirer. » L’archevêque guérit aussi plusieurs malades par la vertu de ses prières.

La réputation d’Ambroise.

Sa réputation le fit connaître jusque dans les contrées les plus éloignées. Deux Perses, renommés dans leur pays, lui rendirent visite à Milan. Ils venaient dans le but de lui poser diverses questions pour éprouver sa sagesse. Ils s’entretinrent avec lui un jour entier avec l’aide d’un interprète et retournèrent admiratifs dans leur patrie.

Peu de temps avant sa mort, des ambassadeurs vinrent de la part de Fritigile, reine des Marcomans. Cette princesse avait entendu parler de la sainteté d’Ambroise par des chrétiens venus d’Italie dans ses états, ce qui lui inspira le désir d’embrasser leur religion. Ses ambassadeurs, chargés de présents pour l’église de Milan, dirent à Ambroise que leur reine le priait de mettre par écrit ce qu’elle était obligée de croire. Ce dernier lui adressa une lettre qui contenait un abrégé de la doctrine chrétienne, mais que nous n’avons plus. L’ayant reçue, Fritigile engagea le roi, son mari, à se soumettre aux Romains avec ses sujets. Elle partit pour Milan. Mais elle n’eut pas la satisfaction de voir Ambroise qui était mort avant qu’elle arrive.

Ambroise et la pénitence.

Ambroise se livrait avec beaucoup de zèle à l’administration du sacrement de pénitence. Voici ce que Paulin rapporte à ce sujet : « Toutes les fois que quelqu’un lui confessait ses péchés pour en recevoir la pénitence, il versait une telle abondance de larmes qu’il le forçait aussi à en répandre 64. » Dans ses écrits, Ambroise explique en détail toutes les qualités qui caractérisent la vraie pénitence. Il s’exprime ainsi en parlant de l’obligation de confesser ses péchés : « Voulez-vous être justifié ? Confessez votre crime. Une humble confession délivre des liens du péché 65. » Il dit ailleurs 66 : « Pourquoi auriez-vous honte de confesser vos péchés à l’Église ? Il n’y a de honte qu’à ne pas les confesser puisque nous sommes tous pécheurs. Le plus humble n’est-il pas le plus recommandable ? Et celui qui est le plus petit à ses propres yeux, n’est-il pas le plus juste ? » Il écrivit ses deux livres de la Pénitence pour combattre l’hérésie des novatiens. Il montre dans le premier qu’on ne doit pas refuser l’absolution aux pénitents pour les péchés les plus énormes, mais il observe vers la fin qu’il faut que la pénitence soit sincère et proportionnée à la gravité des fautes. Il dit : « Si quelqu’un est coupable de péchés secrets 67 et qu’il les déteste de tout son cœur pour obéir au commandement de Jésus-Christ, comment recevra-t-il la récompense s’il n’est pas rétabli dans la communion de l’Église ? Je veux que le coupable espère le pardon de ses péchés, mais il doit le demander avec des larmes, des gémissements et avec les lamentations de tout le peuple. Il doit prier pour obtenir l’absolution. Quand on la lui diffère deux ou trois fois, qu’il attribue ce délai au défaut d’importunité de ses prières, qu’il redouble ses gémissements, qu’il se rende plus digne de pitié, qu’il revienne ensuite, qu’il se prosterne au pied des fidèles, qu’il les baise et les arrose de ses larmes pour mériter enfin que le Seigneur lui dise : “Beaucoup de péchés lui sont remis parce qu’il a beaucoup aimé.”. J’ai connu plusieurs personnes qui, dans leur pénitence, ont défiguré leur visage à force de pleurer, qui ont creusé leurs joues par la continuité de leurs larmes, qui se sont prosternées pour se faire fouler aux pieds et que le jeûne avait rendues si pâles et si faibles qu’elles présentaient dans un corps vivant, l’image même de la mort. » Dans son second livre, Ambroise réfute quelques objections des novatiens, puis il montre que la pénitence est fausse et infructueuse lorsqu’elle n’est pas accompagnée du changement du cœur dans lequel consiste son essence. Il dit : « Il s’en trouve auxquels on peut rendre sur-le-champ la communion. Ceux-là déchargent moins leur conscience, qu’ils ne chargent celle des prêtres auxquels il est ordonné de ne pas donner les choses saintes aux chiens, c’est-à-dire de ne pas admettre les âmes impures à la table sainte… J’ai trouvé plus de personnes qui ont conservé l’innocence baptismale que je n’en ai vu qui aient fait pénitence après l’avoir perdue… Les pénitents doivent renoncer au monde et se priver d’une partie du sommeil que la nature demande. Il faut qu’ils interrompent leur repos par des soupirs et des gémissements, qu’ils donnent une partie de la nuit à la prière, qu’ils vivent comme s’ils étaient morts à l’usage de la vie, en un mot, qu’ils renoncent à eux-mêmes et qu’un changement entier annonce leur conversion, etc. » Ambroise exhorte les fidèles à la communion fréquente parce que l’eucharistie est notre pain spirituel et notre nourriture journalière.

Ambroise et l’eucharistie.

Dans son livre sur les mystères, composé en 387, il instruit les nouveaux baptisés et leur explique avec une grande clarté les cérémonies du baptême et de la confirmation ainsi que la doctrine de l’Église sur le sacrement de l’Eucharistie 68. On ne peut douter que cet ouvrage ne soit d’Ambroise. Il lui est attribué par tous les auteurs. Ceci se prouve encore par la première partie de l’ouvrage. Après avoir expliqué les anciennes figures de l’Eucharistie, comme le sacrifice de Melchisedech, la manne, l’eau sortie du rocher, l’auteur ajoute : « Vous direz peut-être : “Mais je vois autre chose.”. Comment puis-je être sûr que je reçois le corps de Jésus-Christ ? Je vais prouver que ce n’est pas ce qui a été formé par la nature, mais ce que la bénédiction a consacré et que la bénédiction est plus puissante que la nature puisqu’elle la change. » Il cite à ce sujet plusieurs miracles, entre autres celui de la verge d’Aaron changée en serpent et le mystère de l’incarnation qu’il compare à celui de l’Eucharistie. Il dit : « Une vierge a enfanté, ce qui est contraire à l’ordre de la nature, or, le corps que nous consacrons est né d’une vierge. Pourquoi cherchez-vous l’ordre de la nature dans le corps de Jésus-Christ puisque Jésus-Christ est né d’une vierge contre l’ordre de la nature ? Jésus-Christ avait une chair réelle qui fut attachée à la croix et déposée dans le tombeau. Ainsi l’eucharistie est le vrai sacrement de cette chair. Jésus-Christ nous en assure lui-même, en disant : “Ceci est mon corps”. Avant la bénédiction des paroles célestes, c’est une autre nature, après la consécration, c’est son corps… Si la bénédiction d’un homme est capable de changer la nature des choses, que dirons-nous de la consécration divine où les paroles du Sauveur lui-même opèrent ? La parole de Jésus-Christ qui pouvait faire de rien ce qui n’était pas, n’aura-t-elle pas le pouvoir de changer ce qui est en ce qui n’était pas ? » Ambroise recommande aux nouveaux fidèles de tenir secrets les mystères de leur foi à cause de l’abus qu’en auraient pu faire les païens. Saint Augustin qui fut baptisé par Ambroise en 387 assista sans doute aux discours que l’archevêque fit aux néophytes à cette époque.

Ambroise et le choix des ministres de la Religion.

Ambroise prenait un soin particulier pour choisir de dignes ministres de la Religion. On pourrait citer plusieurs exemples tirés de ses propres écrits. Il refusa constamment d’admettre dans le clergé un de ses amis à cause de quelques légèretés de conduite. Il défendit pour la même raison à un de ses clercs de marcher devant lui. Il était persuadé que ces défauts venaient d’une âme mal réglée 69. Il ne voulait pas que les membres de son clergé se mêlassent d’affaires temporelles. Il leur ordonnait de se contenter de leur patrimoine, ou, s’ils n’en avaient pas, de l’honoraire qu’on leur donnait 70. Ce fut pour apprendre à tous ses clercs à être véritablement la lumière du monde qu’il composa vers l’an 386, ses trois livres des Offices des Ministres. On trouve aussi dans cet ouvrage des détails sur les principes généraux de la morale évangélique qui sous ce rapport conviennent à tous les chrétiens 71.

Les dernières actions d’Ambroise.

L’ordination de saint Honorat, évêque de Verceil, fut une des dernières actions d’Ambroise. Quelques jours avant sa maladie, il prédit sa mort, mais il annonça qu’il vivrait jusqu’à Pâques. Il continua ses études ordinaires. Il entreprit l’explication du psaume XLIII. Pendant qu’il dictait à Paulin, son secrétaire, celui-ci vit sur la tête d’une flamme qui représentait la forme d’un petit bouclier et qui entrait peu à peu dans sa bouche. Son visage devint blanc comme la neige. Ce ne fut que quelque temps après qu’il parut dans son état ordinaire. Paulin dit : « Je fus tellement effrayé que je restai sans mouvement et qu’il ne me fut pas possible d’écrire ce qu’Ambroise me dictait tant que la vision dura. Il répétait alors un passage de l’Écriture que je me rappelle bien. Ce jour-là, il cessa d’écrire et de lire de sorte qu’il ne put finir d’expliquer le psaume. » Nous avons encore cette explication qui finit au verset vingt et un. Ambroise était déjà malade quand il la commença puisqu’un rapport de Paulin, il écrivait ses livres de sa propre main.

La mort d’Ambroise.

Ambroise ordonna encore un évêque de Pavie, mais ensuite il se trouva si mal qu’il fut obligé de garder le lit. Stilicon, Premier ministre d’Honorius, qui gouvernait l’empire d’Occident, fut extrêmement affligé de cette nouvelle. Il dit publiquement que si ce grand homme venait à mourir, l’Italie était menacée d’une ruine prochaine. Il envoya donc vers Ambroise ceux qui lui étaient particulièrement attachés et qu’il croyait avoir le plus de crédit sur son esprit en les chargeant de l’engager à prier Dieu de lui prolonger la vie. Ils exécutèrent fidèlement leur commission. L’archevêque répondit : « Je me suis conduit parmi vous de manière que je ne rougirai pas de vivre plus longtemps, mais je ne crains pas de mourir, parce que nous avons un bon maître. » Pendant ce temps-là, quatre diacres qui étaient au bout de la galerie où il était couché s’entretenaient ensemble sur le choix du successeur qu’on pourrait lui donner. Ils parlaient si bas qu’ils pouvaient à peine s’entendre. Lorsqu’ils eurent nommé Simplicien, Ambroise, quoiqu’éloigné, cria par trois fois que Simplicien était vieux, mais un homme de bien. Pendant qu’il était en prières, il vit le Sauveur qui s’approchait de lui avec un visage riant. Il le dit à Bassien, évêque de Lodi qui priait avec lui. Ce fut de Bassien que Paulin l’apprit. Ambroise mourut peu de jours après. Le jour de sa mort, il eut les mains élevées en forme de croix pendant plusieurs heures. Le mouvement continuel de ses lèvres montrait la continuité de sa prière, mais on ne pouvait entendre ce qu’il disait. Saint Honorat, évêque de Verceil, était présent. Étant allé prendre un peu de repos dans une chambre haute, il entendit une voix qui lui cria trois fois : « Levez-vous promptement et hâtez-vous, car il va partir. » Il descendit et donna l’eucharistie à Ambroise. À peine l’eut-il reçue qu’il rendit l’esprit 72. Il mourut dans la nuit du vendredi au samedi saint le 4 avril 397, dans la cinquante-septième année de son âge. Il avait été évêque vingt-deux ans et quatre mois 73. L’antiquité lui a assigné la première place parmi les quatre grands docteurs de l’Église latine.

On célèbre sa fête le 7 décembre, jour auquel il reçut l’ordination épiscopale. Il est nommé en ce même jour, non seulement dans les calendriers de l’Église d’Occident, mais encore dans ceux de l’Église d’Orient. Son corps est sous le grand autel de la basilique ambrosienne à Milan. Il avait d’abord été enterré près des reliques de saint Gervais et de saint Protais.

Saint Ambroise fait une apparition et réconforte les habitants de Florence.

Ce fut par son intercession que l’empire fut redevable d’une victoire complète remportée sur les idolâtres. Radagaise, roi des Goths et très zélé pour le paganisme, eut le projet de détruire le christianisme et de renverser la puissance romaine. Il attaqua l’empire avec une armée formidable vers l’an 405. Il fit vœu de sacrifier tous les Romains à ses dieux. Ceux des Romains qui professaient encore le paganisme paraissaient disposés à se révolter et ils attribuaient les calamités de l’État à l’abolition du culte de leurs prétendues divinités. Cependant, les Romains commandés par Stilicon remportèrent la victoire sans aucune perte. Radagaise et ses deux fils furent faits prisonniers et mis à mort. Voici de quelle manière ce fait est rapporté par un savant 74. « Radagaise avait mis le siège devant Florence. Cette ville était réduite à la dernière extrémité lorsque saint Ambroise qui s’y était autrefois retiré apparut à une personne de la maison où il avait autrefois logé. Il lui promit que la Ville serait délivrée le lendemain. Cet homme le dit aux habitants qui reprirent l’espérance qu’ils avaient entièrement perdue. Le lendemain,Stilicon arriva avec son armée. Paulin qui rapporte ceci dit qu’il l’a appris d’une dame de Florence. C’est une preuve de ce qu’on lit dans Paulin que Dieu accorda la conservation des Romains aux prières de saint Pierre et de saint Paul et des autres martyrs et confesseurs que l’Église honorait dans l’étendue de l’empire. » Les forces de l’Empereur Honorius n’étaient pas capables de s’opposer à ce torrent, mais à leur approche, Radagaise, saisi d’une terreur panique, prit la fuite. Son armée fut défaite et entièrement dispersée.

Ce qui frappait chez saint Ambroise.

Saint Ambroise sut allier un zèle inflexible pour l’observation de la loi de Dieu avec une prudence, une douceur et une charité extraordinaire. Aussi gagnait-il tous les cœurs. On connaissait le motif de sa fermeté et on l’aimait parce qu’elle était tempérée par la plus tendre charité. Saint Augustin s’attacha sincèrement à lui la première fois qu’il le vit bien qu’il fût encore esclave du monde et de ses passions. Pouvais-je, dit-il, faire autrement à la vue d’un homme qui montrait une âme si belle et un cœur si bon ? Quand quelqu’un se comporte comme notre ami par ses paroles et par sa conduite, quand il nous persuade que nos intérêts lui sont aussi chers que les siens, ses avis ne peuvent manquer de faire une fore impression et toucher notre âme. Quiconque parle du cœur touche efficacement celui des autres. Cette vraie charité doit caractériser tous les ministres de Jésus-Christ. Il faut qu’à l’exemple de saint Ambroise, ils ne cherchent pas autre chose que la gloire de Dieu et le salut des âmes.

M. Olier, instituteur du séminaire de Saint-Sulpice où l’on s’appliquait avec tant de soin à inspirer l’esprit ecclésiastique aux jeunes clercs, avait une dévotion particulière pour saint Ambroise. Il le proposait pour modèle aux ministres de la Religion. Il dit : « Ô ! S’il y avait encore quelques cœurs comme celui-là dans l’Église, que Jésus-Christ serait glorifié et honoré dans le monde ! Ô ? S’il plaisait à sa bonté et à l’amour qu’il a pour Dieu, son Père, de ressusciter cet esprit ! Et, pour vous dire simplement le désir de mon cœur, il me reste toujours un souhait ardent d’aller sur le tombeau de ce saint, pour l’invoquer au profit de l’Église, du clergé, et de son pauvre serviteur qui désire vivre et mourir pour la gloire du royaume de Dieu 75. »

Notice des ouvrages de saint Ambroise.

  1. L’Hexameron, ou traité sur les six jours de la création, écrit vers l’an 389. Il est distribué en neuf discours, aujourd’hui renfermés en six livres qui répondent à chacun des jours de la création. Saint Ambroise a suivi en partie saint Basile qui a écrit sur le même sujet.
  2. Le livre du Paradis, écrit vers l’an 375, a pour objet de prévenir les simples contre les artifices des hérétiques qui abusaient de l’Écriture. Le Saint examine quel est l’auteur du paradis, ce qu’est le paradis, comment Ève fut séduite par le serpent, etc. En traitant ces questions, il s’attache moins à la lettre qu’au sens allégorique.
  3. Les deux livres sur Caïn et Abel furent composés aussitôt après celui du Paradis, et ils en sont une suite. Il y est traité de la naissance, de la vie, des mœurs, des sacrifices de Caïn et d’Abel.
  4. Le livre sur Noé et sur l’Arche, écrit vers l’an 379, comprend l’histoire du déluge et de l’arche de Noé. C’est dommage que nous n’ayons pas cet ouvrage en entier. C’est un des mieux travaillés de saint Ambroise. Noé y est présenté comme un modèle de vertu pour tous les hommes.
  5. Les deux livres sur Abraham, écrits vers l’an 387, paraissent être composés des discours que saint Ambroise avait faits aux catéchumènes durant le carême. On trouve dans le premier un bel éloge d’Abraham, de ses actions, de ses vertus. Le second livre est moins intéressant. Il paraît avoir été corrompu à certains endroits par les hérétiques.
  6. Le livre sur Isaac et sur l’Âme, écrit aussi vers l’an 387. C’est un des plus estimables ouvrages de saint Ambroise. Il y est traité, à l’occasion du mariage d’Isaac avec Rébecca, de l’union du Verbe avec l’âme, ce qui amène une paraphrase du Cantique des Cantiques. Ceci montre que le saint docteur s’attache principalement au sens mystique.
  7. Le livre du bien de la mort, écrit dans le même temps. L’auteur y montre que la mort n’est pas terrible en elle-même, qu’elle affranchit l’âme de ses liens, qu’elle nous met dans l’heureuse nécessité de ne plus pécher, qu’elle peut nous servir de passage à la béatitude éternelle. Il finit par une description de cette béatitude et exhorte les fidèles à la désirer.
  8. Le livre de la Fuite du siècle est de la même époque. Il est rempli d’instructions solides sur la vanité des biens du monde, sur le danger de ses charmes, sur la fragilité de la nature humaine, sur le besoin que nous avons du secours de Dieu, etc.
  9. Les deux livres de Jacob et de la vie bienheureuse sont de la même époque. Ils constituent un recueil d’instructions adressées aux néophytes pour leur enseigner les moyens d’acquérir la sainteté de vie à laquelle ils s’étaient engagés par les vœux du baptême. Ces instructions sont confirmées par des exemples et surtout par celui du patriarche Jacob que les afflictions et les malheurs n’empêchèrent pas d’être heureux de ce bonheur que produit la fidélité au Seigneur.
  10. Le livre du patriarche Joseph, écrit vers la même époque ainsi que le suivant. On y trouve l’éloge des vertus et surtout de la chasteté de Joseph. Le saint y instruit les pères et mères de la manière dont ils doivent partager leur affection entre leurs enfants.
  11. Le livre des bénédictions des Patriarches. Il y est traité de l’obéissance et de la reconnaissance que les enfants doivent à leurs pères et à leurs mères. Les bénédictions que Jacob, étant près de mourir, donne à ses enfants y sont expliquées dans un sens mystique.
  12. Le livre d’Élie et du jeûne, écrit vers l’an 390. Saint Ambroise y traite du jeûne, de sa vertu et de ses effets. Il fait voir que ce fut par le jeûne qu’Élie opéra tous les prodiges que raconte de lui l’histoire sainte. Il cite plusieurs autres exemples de l’efficacité du jeûne. Selon lui, le jeûne est la nourriture de l’âme, la mort du péché, le fondement de la chasteté, etc. Il s’élève avec force contre le luxe des festins et contre les désordres qu’entraîne l’intempérance.
  13. Le livre de Naboth, écrit vers l’an 395 contre l’avarice, la cruauté des riches et l’abus des richesses.
  14. Le livre de Tobie, écrit l’an 376. Le Saint y fait l’éloge de Tobie et de ses vertus. Il y donne d’excellentes leçons contre l’usure. C’est sans fondement qu’on a voulu contester cet ouvrage à saint Ambroise.
  15. Les quatre livres de l’interpellation ou de la Plainte de Job et de David, écrits vers l’an 383, sont aussi certainement de saint Ambroise. On trouve dans les deux premiers les plaintes que Job et David font à Dieu au sujet de la faiblesse et la misère de l’homme. Dans les deux autres livres, il répond aux injustes plaintes de ceux qui trouvent à redire du fait que les impies sont heureux en cette vie et que les justes sont dans l’adversité.
  16. L’Apologie de David, écrite vers l’an 384. L’auteur y justifie David. Il montre qu’il a expié par la pénitence les crimes qu’il avait commis, ce qui est rare parmi les personnes de son rang. Il y a une autre apologie de David qui porte aussi le nom de saint Ambroise, mais il ne paraît pas certain qu’elle est de ce Père.
  17. Les Commentaires sur les psaumes. Tout cet ouvrage se réduit à douze homélies ou discours qu’on croit avoir été recueillis par un des disciples du Saint. Il n’y a qu’un petit nombre de psaumes expliqués.
  18. Le Commentaire sur saint Luc, écrit en 386, est une suite de discours sur cet évangéliste. Le saint docteur s’attache tout à la fois au sens littéral, historique et mystique. Il saisit toutes les occasions pour combattre les hérésies qui régnaient de son temps.
  19. Le traité des offices des ministres. Nous en avons parlé dans la vie du Saint. Nous nous contenterons d’indiquer simplement les titres des autres ouvrages de saint Ambroise qui ont précédemment été évoqués.
  20. Les trois livres des vierges ou de la virginité, à Marcelline.
  21. Le livre des vierges, écrit vers l’an 377.
  22. Le livre de la virginité, écrit l’année suivante.
  23. Le livre de l’Institution d’une vierge, écrit vers l’an 391.
  24. L’Exhortation à la virginité, écrit vers l’an 393. Ce sont des instructions adressées aux filles de Julienne, veuve de Florence.
  25. L’Invective contre une vierge qui s’était laissée corrompre. Le Saint l’exhorte à pleurer sa faute et à l’expirer par la pénitence.
  26. Le livre des mystères ou des initiés.
  27. Les livres des Sacrements ne sont pas de saint Ambroise bien qu’ils lui soient attribués. Cet ouvrage est ancien, mais on ignore quel en est l’auteur.
  28. Les deux livres de la Pénitence, écrits vers l’an 384.
  29. Les cinq livres de la Foi.
  30. Les trois livres du Saint-Esprit, écrits en 38i1, à la prière de Gratien.
  31. Le livre de l’Incarnation, écrit en 382.
  32. Les Lettres, au nombre de quatre-vingt-onze. Elles sont divisées en deux classes. La première classe contient celles dont on a pu fixer le temps et la seconde, celles dont on n’a pas l’époque certaine.
  33. Les livres sur la mort de Satyre.
  34. Les discours sur la mort de Valentinien et de Théodose.
  35. Plusieurs Hymnes.

Saint Ambroise avait composé encore d’autres ouvrages qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous. On lui en a attribué d’autres qui ne sont pas de lui.

Saint Ambroise, dans les règles qu’il prescrit à l’orateur, exige un style simple, clair, plein de force et de gravité, qui exclue l’affectation et les ornements recherchés. Il est cependant tombé lui-même dans les défauts qu’il blâmait parce que c’étaient ceux de son siècle, mais les pointes et les jeux d’esprit qu’il emploie quelquefois n’empêchent pas qu’on trouve dans ses ouvrages beaucoup de force, de pathétique et d’onction. Fénelon cite la lettre à Théodose comme preuve de la première de ces qualités et les discours sur la mort de Satyre comme preuve de la seconde. Les livres que le saint docteur a travaillés avec soin sont polis, ingénieux, ornés de fleurs et de figures. En général, son style est noble, concis, sentencieux, étincelant de traits d’esprit. Il y a toujours une certaine douceur qui charme le lecteur. Ses lettres, celles surtout qu’il écrivit aux empereurs, sont des chefs-d’œuvre. Le Saint connaissait le monde et les affaires. Il savait s’accommoder à tous les rangs.

L’édition des Œuvres de saint Ambroise par le cardinal Montalte, devenu depuis pape sous le nom de Sixte V, est la plus estimée de toutes les anciennes. Elle a été réimprimée plusieurs fois. D. de Friche et D. le Nourri, religieux de la congrégation de Saint-Maur en ont donné une nouvelle qui a effacé toutes les autres et qui parut à Paris en 1686-1690, 2 vol. in-fol. Richard Simon leur a cependant reproché d’avoir laissé dans le texte plusieurs fautes que D. Lemerault, bibliothécaire de Saint-Germain-des-Prés avait entrepris de corriger. Voir les Lettres critiques de Richard Simon, p. 74 et D. Ceillier, t. VII.

L’édition des Œuvres de saint Ambroise par les Bénédictins a été réimprimée à Venise, en 1752, 4 vol. in-fol.

Compléments tirés de la légende dorée rédigée en latin entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes.

Signification de Ambroise.

Ambroise vient d’ambre, qui est une substance odoriférante et précieuse. Or, saint Ambroise fut précieux à l’Église. Il répandit une bonne odeur par ses paroles et ses actions. Ou bien Ambroise vient d’ambre et de sios qui veut dire Dieu, comme l’ambre de Dieu, car Dieu par Ambroise répand partout une odeur semblable à celle de l’ambre. Il fut et il est la bonne odeur de Jésus Christ en tout lieu. Ambroise peut venir encore de ambor qui signifie père des lumières et de sior qui veut dire petit parce qu’il fut le père de beaucoup de fils par la génération spirituelle, parce qu’il fut lumineux dans l’exposition de la sainte Écriture et parce qu’il fut petit dans ses habitudes humbles. Le glossaire dit : ambrosius signifie odeur ou saveur de Jésus Christ, ambroisie céleste, nourriture des anges, ambroise, rayon céleste de miel. Car saint Ambroise fut une odeur céleste par une réputation odoriférante, une saveur, par la contemplation intérieure. Il fut un rayon céleste de miel par son agréable interprétation des Écritures et une nourriture angélique parce qu’il mérita de jouir de la gloire. Sa vie fut écrite à saint Augustin par saint Paulin, évêque de Nole.

De la naissance à l’ordination épiscopale d’Ambroise.

Parvenu à l’adolescence, en voyant sa mère et sa sœur qui avait consacré à Dieu sa virginité, embrasser la main des prêtres, en jouant, il offrit sa main droite à sa sœur en l’assurant qu’elle devait en faire autant. Elle le lui refusa comme à un enfant ou à quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il dit.

Après avoir appris les belles lettres à Rome, il plaida avec éclat des causes devant le tribunal. Il fut envoyé par l’empereur Valentinien pour prendre le gouvernement des provinces de la Ligurie et de l’Émilie. Il vint à Milan alors que le siège épiscopal était vacant. Le peuple s’assembla pour choisir un évêque. Une grande sédition s’éleva entre les ariens et les catholiques sur le choix du candidat. Ambroise vint pour apaiser la sédition. Tout à coup, la voix d’un enfant se fit entendre. Il s’écria : « Ambroise évêque. » Alors à l’unanimité ; tous s’accordèrent pour acclamer Ambroise évêque. Ayant entendu cela, il voulut détourner l’assemblée de ce choix qu’elle avait fait. Il sortit de l’église, monta sur son tribunal et, contrairement à sa coutume, il condamna à des tourments ceux qui étaient accusés. En le voyant agir ainsi, le peuple criait néanmoins : « Que ton péché retombe sur nous. » Alors il fut bouleversé et rentra chez lui. Il voulut devenir philosophe. On le fit révoquer pour qu’il ne réussît pas. Il fit entrer chez lui des femmes de mauvaise vie pour qu’en les voyant le peuple revienne sur son élection. Considérant qu’il n’arrivait pas à ses fins et que le peuple criait toujours : « Que ton péché retombe sur nous, » il prit la fuite au milieu de la nuit. Et au moment où il se croyait sur le bord du Tésin, il se trouva, le matin, à une porte de Milan, appelée la porte de Rome.

Quand on l’eut rencontré, il fut gardé par le peuple. On adressa un rapport au très clément empereur Valentinien qui apprit avec la plus grande joie qu’on choisissait pour remplir les fonctions du sacerdoce ceux qu’il avait envoyés comme juges. Le préfet Probus était dans l’allégresse de voir accomplir en Ambroise la parole qu’il lui avait dite alors qu’il lui donnait ses pouvoirs lors de son départ : « Allez, agissez comme un évêque plutôt que comme un juge. » Le rapport était encore chez l’empereur quand Ambroise se cacha, mais on le trouva. Comme il n’était que catéchumène, il fut baptisé et huit jours après il fut installé sur la chaire épiscopale. Quatre ans après, il alla à Rome. Comme sa sœur, qui était religieuse, lui baisait la main, il lui dit en souriant : « Voilà ce que je te disais. Tu baises la main du prêtre. »

Ambroise est confronté aux ariens.

Ambroise était allé dans une ville pour ordonner un évêque. L’impératrice Justine et d’autres hérétiques s’opposaient à cette élection. Ils voulaient qu’un membre de leur secte soit promu. Une vierge arienne, plus insolente que les autres, monta au tribunal et saisit Ambroise par son vêtement. Elle avait l’intention de l’entraîner du côté où étaient les femmes pour que, saisi par elles, il fût chassé de l’église d’une manière honteuse.

Ambroise lui dit : « Encore que je sois indigne d’être revêtu de la dignité sacerdotale, il ne vous appartient cependant pas de porter la main sur quelques prêtres que ce soit. Vous devez craindre le jugement de Dieu de peur qu’il ne vous arrive malheur. » Ce mot se trouva vérifié, car, le jour suivant, cette fille mourut. Ambroise accompagna son corps jusqu’au lieu de la sépulture, rendant ainsi un bienfait pour un affront. Cet événement jeta l’épouvante partout. Après cela, il revint à Milan où l’impératrice Justine lui tendit une foule d’embûches. Elle excita le peuple contre Ambroise par ses largesses et par les honneurs qu’elle accordait. On cherchait tous les moyens de l’envoyer en exil. Un homme plus malheureux que les autres avait une telle fureur telle qu’il avait loué une maison près de l’église. Il y tenait un char tout prêt pour emmener rapidement Ambroise en exil sur l’ordre de Justine. Mais, par un jugement de Dieu, le jour même où il pensait se saisir de lui, il fut emmené de la même maison en exil avec le même char. Ce qui n’empêcha pas Ambroise de lui fournir tout ce qui était nécessaire à sa subsistance, rendant ainsi le bien pour le mal. Il composa le chant et l’office de l’église de Milan. En ce temps-là, il y avait à Milan un grand nombre de personnes obsédées par le démon, criant à haute voix qu’elles étaient tourmentées par Ambroise. Justine et bon nombre d’ariens qui vivaient ensemble disaient qu’Ambroise se procurait des hommes à prix d’argent pour dire faussement qu’ils étaient maltraités par des esprits immondes et qu’ils étaient tourmentés par Ambroise.

Alors, tout à coup, un arien qui se trouvait là fut saisi par le démon et se jeta au milieu de l’assemblée en criant : « Puissent-ils être tourmentés comme je le suis, ceux qui ne croient pas à Ambroise. » Mais les ariens confus tuèrent cet homme en le noyant dans une piscine. Un hérétique, homme, très subtil dans la dispute, dur et qu’on ne pouvait convertir à la foi, entendant prêcher Ambroise, vit un ange qui disait à son oreille les paroles qu’il adressait au peuple. À cette vue, il se mit à défendre la foi qu’il persécutait. Un aruspice conjurait les démons et les envoyait pour nuire à Ambroise. Mais les démons revenaient en disant qu’ils ne pouvaient approcher de sa personne, ni même avancer près des portes de sa maison parce qu’un feu infranchissable entourait l’édifice entier de sorte qu’ils étaient brûlés bien qu’ils se tiennent au loin. Il arriva que ce même devin, étant condamné aux tourments par le juge pour divers maléfices, cria qu’il était tourmenté davantage encore par Ambroise. Le démon sortit d’un démoniaque qui entrait dans Milan, mais il rentra en lui quand il quitta la ville. On en demanda la cause au démon. Il répondit qu’il craignait Ambroise. Un autre entra une nuit dans la chambre de l’évêque pour le tuer avec une épée. C’était Justine qui l’y avait poussé par ses prières et par son argent. Au moment où il levait l’épée pour le frapper, sa main se dessécha.

Ambroise fait face au démon et à de mauvaises intentions.

Un démoniaque se mit à crier qu’il était tourmenté par Ambroise qui lui dit : « Tais-toi, diable, car ce n’est pas Ambroise qui te tourmente, c’est ton envie, tu vois des hommes monter d’où tu as été précipité honteusement, mais Ambroise ne sait pas prendre d’orgueil. » Et le possédé se tut à l’instant.

Une fois que saint Ambroise marchait dans la ville, quelqu’un tomba et resta étendu par terre. Un homme qui le vit se mit à rire. Ambroise lui dit : « Vous qui êtes debout, prenez garde de ne pas tomber aussi. » À ces mots, cet homme fit une chute et regretta de s’être moqué de l’autre. Une fois, Ambroise vint intercéder en faveur de quelqu’un, Macédonius, maître des offices. Ayant trouvé les portes de son palais fermées et ne pouvant entrer, il dit : « Tu viendras à ton tour à l’église et tu ne pourras pas y entrer, bien que les portes n’en soient pas fermées et qu’elles soient toutes grandes ouvertes. » Un peu plus tard, par crainte de ses ennemis, Macédonius s’enfuit pour se réfugier dans l’église, mais il ne put en trouver l’entrée alors que les portes étaient ouvertes. L’abstinence du saint évêque était si rigoureuse qu’il jeûnait tous les jours, excepté le samedi, le dimanche et les principales fêtes.

Il faisait des largesses si abondantes qu’il donnait tout ce qu’il avait aux églises et aux pauvres. Il ne gardait rien pour lui. Il avait une telle compassion que si quelqu’un venait lui confesser ses péchés, il pleurait avec une amertume telle que le pécheur était forcé lui-même de pleurer. Son humilité et son amour du travail lui faisaient écrire de sa propre main les livres qu’il composait sauf quand il était gravement malade. Sa piété et sa douceur étaient si grandes que, quand on lui annonçait la mort d’un saint prêtre ou d’un évêque, il versait des larmes tellement amères qu’il était presque inconsolable. Or, comme on lui demandait pourquoi il pleurait ainsi les saints personnages qui allaient au ciel, il disait : « Ne pensez pas que je pleure de les voir partir, mais de les voir me prévenir. En outre, il est difficile de trouver quelqu’un digne de remplir de pareilles fonctions. » Sa constance et sa force d’âme étaient telles qu’il ne flattait ni l’empereur ni les princes dans leurs désordres, mais qu’il les reprenait hautement et sans relâche.

Un homme avait commis un crime énorme et avait été amené à Ambroise qui dit : « Il faut le livrer à Satan pour mortifier sa chair de peur qu’il n’ait l’audace de commettre encore de pareils crimes. » Aussitôt, la bouche l’esprit immonde le déchira. On rapporte qu’une fois, Ambroise allant à Rome reçut l’hospitalité dans une maison de campagne en Toscane chez un homme excessivement riche auprès duquel il s’informa avec intérêt de sa position.

Cet homme lui répondit : « Ma position a toujours été accompagnée de bonheur et de gloire. Voyez en effet, je regorge de richesses, j’ai des esclaves et des domestiques en grand nombre, je possède une nombreuse famille de fils et de neveux, tout m’a toujours réussi à souhait ; jamais d’adversité, jamais de tristesse. »
En entendant cela, Ambroise fut saisi de stupeur et dit à ceux qui l’accompagnaient : « Levons-nous, fuyons d’ici au plus vite, car le Seigneur n’est pas dans cette maison. Hâtez-vous mes enfants, hâtez-vous, ne retardez pas votre fuite de crainte que la vengeance divine ne nous saisisse ici et qu’elle ne nous enveloppe tous dans leurs péchés. » Ils sortirent. Alors qu’ils n’étaient pas encore éloignés, la terre s’entrouvrit subitement et engloutit cet homme avec tout ce qui lui appartenait, n’en laissant pas de vestiges. À cette vue, Ambroise dit : « Voyez, mes frères, comme Dieu traite avec miséricorde quand il donne ici-bas des adversités et comme il est sévère et menaçant quand il accorde une suite ininterrompue de prospérités. » On raconte qu’en ce même lieu, il reste une fosse très profonde existant encore aujourd’hui comme témoignage de ce fait.

Ambroise voyant l’avarice qui est la racine de tous les maux s’accroître de plus en plus dans les hommes et surtout dans ceux qui étaient constitués en dignité chez lesquels tout était vénal comme aussi dans ceux qui exerçaient les fonctions du saint ministère, il pleura beaucoup et pria avec les plus grandes instances d’être délivré des embarras du siècle.

La mort d’Ambroise

Ambroise révéla à ses frères qu’il allait mourir, mais qu’il serait avec eux jusqu’au dimanche de la Résurrection. Peu de jours avant d’être forcé à garder le lit, il dictait à son secrétaire l’explication du Psaume XLIII. Tout à coup, le secrétaire vit une sorte de feu léger qui couvrit la tête d’Ambroise et peu à peu entra dans sa bouche comme un propriétaire entre dans sa maison. Alors sa figure devint blanche comme la neige. Peu de temps après, elle reprit son teint accoutumé. Ce jour-là, il cessa d’écrire et de dicter. Il ne put pas terminer le Psaume. Peu de jours après, sa faiblesse augmenta. Le comte d’Italie qui se trouvait à Milan convoqua tous les nobles en disant qu’après la mort d’un si grand homme, il y avait lieu de craindre que l’Italie ne vînt à déchoir. Il pria l’assemblée de se transporter près d’Ambroise pour le conjurer d’obtenir du Seigneur de vivre encore l’espace d’une année. Quand Ambroise l’entendit, il leur répondit : « Je n’ai pas vécu parmi vous de telle sorte que j’aie honte de vivre ni ne crains pas de mourir, car nous avons un bon maître. » Dans le même temps, quatre de ses diacres qui s’étaient réunis se demandaient l’un à l’autre quel serait celui qui mériterait d’être évêque après sa mort. Ils étaient assez loin du lit d’Ambroise. Ils avaient prononcé tout bas le nom de Simplicien. C’était à peine s’ils pouvaient s’entendre eux-mêmes. Ambroise tout éloigné qu’il fut cria par trois fois : « Il est vieux, mais il est bon. » En entendant cela, les diacres effrayés prirent la fuite. Après la mort d’Ambroise, ils n’en choisirent pas d’autres que Simplicien.

Il vit auprès du lieu où il était couché Jésus Christ venir à lui et lui sourire d’un regard agréable. Honoré, évêque de Verceil qui s’attendait à la mort de saint Ambroise, entendit pendant son sommeil une voix lui criant par trois fois : « Lève-toi, car il va trépasser. » Il se leva aussitôt, vint à Milan et administra à Ambroise le sacrement du corps de notre Seigneur. Un instant après, Ambroise étendit les bras en forme de croix et rendit le dernier soupir. Il disait encore une prière. Il mourut en 399. Ce fut dans la nuit de Pâques que son corps fut porté à l’église. De nombreux enfants qui venaient d’être baptisés le virent, les uns le virent en chaire, les autres le montrèrent du doigt à leurs parents, montant dans la chaire. Quelques autres enfin racontaient qu’ils voyaient une étoile sur son corps. Un prêtre qui assistait à un repas avec beaucoup de convives se mit à mal parler d’Ambroise. À l’instant, il fut frappé d’une maladie mortelle. Il passa de la table à son lit pour y mourir peu de temps après. Dans la ville de Carthage, trois évêques étaient à table. L’un d’eux ayant dit du mal de saint Ambroise, on lui rapporta ce qui était arrivé au prêtre qui l’avait calomnié. Cet évêque se moqua de cela. Aussitôt, il fut frappé à mort. Il expira à l’instant.

Les qualités de saint Ambroise

Saint Ambroise fut recommandable en bien des points.

  1. Dans sa libéralité, car tout ce qu’il avait appartenait aux pauvres. Il rapporte que l’empereur lui demandant une basilique, il lui répondit ainsi (et cette réponse se trouve dans le décret Convenior, XXIII question 8) : « S’il me demandait quelque chose qui fut à moi comme mes biens-fonds, mon argent et des choses semblables qui sont ma propriété, je ne ferais pas de résistance bien que tout ce qui est à moi appartienne aux pauvres. »
  2. Dans la pureté et l’innocence de sa vie, car il fut vierge. Et saint Jérôme rapporte qu’il disait : « Non seulement nous louons la virginité, mais aussi nous la conservons. »
  3. Dans la fermeté de sa foi qui lui fit dire, alors que l’empereur lui demandait une basilique (ces mots se trouvent au chapitre cité plus haut) : « Il m’arrachera plutôt l’âme que la foi. »
  4. Par son désir du martyre. On lit à ce propos dans sa lettre De basilica non tradenda que le ministre de l’empereur Valentinien lui fit dire : « Tu méprises Valentinien, je te coupe la tête. » Ambroise lui répondit : « Que Dieu vous laisse faire ce dont vous me menacez et plaise encore à Dieu qu’il daigne détourner les fléaux dont l’Église est menacée afin que ses ennemis tournent tous leurs traits contre moi et qu’ils étanchent leur soif dans mon sang. »
  5. Par ses prières assidues. On lit sur ce point au XIe livre de l’Histoire ecclésiastique : Ambroise, dans ses démêlés avec une reine furieuse ne se défendait ni avec la main ni avec des armes, mais avec des jeûnes, des veilles continuelles, à l’abri sous l’autel, par ses obsécrations. Il se donnait Dieu pour défenseur de sa cause et de son Église.
  6. Par ses larmes abondantes. Il en eut pour trois causes.
    1. Il eut des larmes de compassion pour les fautes des autres. Dans sa légende, saint Pantin rapporte de lui que, quand quelqu’un venait lui confesser sa faute, il pleurait si amèrement qu’il faisait pleurer son pénitent.
    2. Il eut des larmes de dévotion à la vue des biens éternels. On a vu plus haut qu’il dit à saint Paulin quand celui-ci lui demandait pourquoi il pleurait de la sorte la mort des saints : « Je ne pleure pas parce qu’ils sont décédés, mais parce qu’ils m’ont précédé dans la gloire. »
    3. Il eut des larmes de compassion pour les injures qu’il recevait d’autrui. Voici comme il s’exprime en parlant de lui-même, et ces paroles sont encore rapportées dans le décret mentionné plus haut « Mes armes contre les soldats goths, ce sont mes larmes. C’est le seul rempart derrière lequel peuvent s’abriter des prêtres, je ne puis ni ne dois résister autrement. »
  7. Il fut recommandable pour sa constance à toute épreuve. Cette vertu brille eu lui :
    1. Dans la défense de la vérité catholique. On lit à ce sujet, dans le Livre XIe de l’Histoire ecclésiastique que Justine, mère de l’empereur Valentinien, disciple des ariens, entreprit de jeter le trouble dans l’Église, menaçant les prêtres de les chasser en exil s’ils ne consentaient pas à révoquer les décrets du concile de Rimini. Par ce moyen, elle se débarrassait d’Ambroise qui était le mur et la tour de l’Église. Voici les paroles que l’on chantait dans la préface de la messe de ce saint : « Vous avez (le Seigneur) affermi Ambroise dans une si grande vertu, vous l’avez orné du haut du ciel d’une si admirable constance que par lui les démons étaient tourmentés et chassés, que l’impiété arienne était confondue et que la tête des princes séculiers s’abaissait humblement pour porter votre joug. »
    2. Dans la défense de la liberté de l’Église. L’empereur voulant s’emparer d’une basilique, Ambroise résista à l’empereur comme il l’atteste lui-même. Ces paroles sont rapportées dans le décret XXIII, quest. 6 : « Je suis, dit-il, circonvenu par les comtes pour faire un abandon libre de la basilique. Ils me disaient que c’était l’ordre de l’empereur et que je devais la livrer, car il y avait droit. J’ai répondu : “Si c’est mon patrimoine qu’il demande, emparez-vous-en, si c’est mon corps, j’irai le lui offrir”. Me voulez-vous dans les chaînes ? Qu’on m’y mette. Voulez-vous ma mort ? Je le veux encore. Je ne me ferai pas un rempart de la multitude, je n’irai pas me réfugier à l’autel ni le tenir de mes mains pour demander la vie, mais je me laisserai immoler de bon cœur pour les autels. On m’envoie l’ordre de livrer la basilique. D’un côté, ce sont des ordres royaux qui nous pressent, mais d’un autre côté, nous avons pour défense les paroles de l’Écriture qui nous disent : “Vous avez parlé comme une insensée”. Empereur, ne vous avantagez pas d’avoir ainsi que vous le pensez, aucun droit sur les choses divines. À l’empereur, les palais, aux prêtres, les églises. Saint Naboth défendit sa vigne de son sang. S’il ne céda pas sa vigne, comment nous, céderons-nous l’église de Jésus Christ ? Le tribut appartient à César : qu’on ne le lui refuse pas ; l’église appartient à Dieu, pour la même raison qu’elle ne soit pas livrée à César. Si on me forçait, si on me demandait des terres, une maison, de l’or, de l’argent, enfin quelque chose qui m’appartînt, volontiers je l’offrirais, je ne peux rien détacher, rien ôter du temple de Dieu puisque je l’ai reçu pour le conserver et non pour le dilapider. »
    3. Il fit preuve de constance en reprenant le vice et toute espèce d’iniquité.

      En effet, on lit cette chronique dans l’Histoire tripartite  76 : « Une sédition s’étant élevée à Thessalonique, quelques juges avaient été lapidés par le peuple. L’empereur Théodose indigné fit tuer tout le monde sans distinguer les coupables des innocents. Le nombre des victimes s’éleva à cinq mille. L’empereur vint à Milan et voulut entrer dans l’église, mais Ambroise alla à sa rencontre jusqu’à la porte et lui en refusa l’entrée en disant : “Pourquoi, empereur, après un pareil acte de fureur, ne pas comprendre l’énormité de votre présomption ? Peut-être que la puissance impériale vous empêche de reconnaître vos fautes. Il est de votre dignité que la raison l’emporte sur la puissance. Vous êtes prince, ô empereur, mais vous commandez à des hommes comme vous. De quel œil donc regarderez-vous le temple de notre commun maître ? Avec quels pieds foulerez-vous son sanctuaire ? Comment laverez-vous des mains teintes encore d’un sang injustement répandu ? Oseriez-vous recevoir son sang adorable en cette bouche qui, dans l’excès de votre colère, a commandé tant de meurtres ? Relevez-vous donc, retirez-vous, et n’ajoutez pas un nouveau crime à celui que vous avez déjà commis. Recevez le joug que le Seigneur vous impose aujourd’hui. Il est la guérison assurée et le salut pour vous.” L’empereur obéit et retourna dans son palais en gémissant et en pleurant.

      Après avoir longtemps versé des larmes, Rufin, l’un de ses généraux lui demanda le motif d’une si grande tristesse. L’empereur lui dit : “Pour toi, tu ne sens pas mon mal : aux esclaves et aux mendiants les temples sont ouverts, mais à moi l’entrée en est interdite.” En parlant ainsi, chacun de ses mots était entrecoupé par des sanglots. Rufin lui dit “Je cours si vous le voulez auprès d’Ambroise pour qu’il vous délie des liens dans lesquels il vous a enlacé.”
      Théodose repartit : “Tu ne pourras pas persuader Ambroise, car la puissance impériale ne saurait pas l’effrayer au point de lui faire violer la loi divine.” Mais Rufin lui promettant de fléchir l’évêque, l’empereur lui donna l’ordre d’aller le trouver et quelques instants après il le suivit. Dès qu’Ambroise eut aperçu Rufin, il lui dit : “Tu imites les chiens dans leur impudence, Rufin, toi, l’exécuteur d’un pareil carnage. Il ne te reste donc aucune honte et tu ne rougis pas d’aboyer contre la majesté divine.” Comme Rufin suppliait pour l’empereur et disait que celui-ci allait venir lui-même, Ambroise enflammé d’un zèle surhumain dit : “Je te déclare que je l’empêcherai d’entrer dans les saints parvis. S’il veut employer la force et agir en tyran, je suis prêt à souffrir la mort.” Rufin ayant rapporté ces paroles à l’empereur, celui-ci dit : “J’irai, j’irai le trouver pour recevoir moi-même les reproches que je mérite.” Arrivé près d’Ambroise, Théodose lui demanda d’être délié de son interdit, alors Ambroise alla à sa rencontre. Il lui refusa l’entrée de l’église en disant : “Quelle pénitence avez-vous faite après avoir commis de si grandes iniquités ?”


      Il répondit : “C’est à vous à me l’imposer et à moi à me soumettre.” Alors comme l’empereur alléguait que David aussi avait commis un adultère et un homicide, Ambroise lui dit : “Vous l’avez imité dans sa faute, imitez-le dans son repentir.” L’empereur reçut ces avis avec une telle gratitude qu’il ne se refusa pas à faire une pénitence publique. Quand il fut réconcilié, il vint à l’église et resta debout au chancel. Ambroise lui demanda ce qu’il attendait là. L’empereur lui ayant répondu qu’il attendait pour participer aux saints mystères, Ambroise lui dit : “Empereur, l’intérieur de l’église est réservé aux prêtres seulement. Sortez donc et attendez les mystères avec les autres. La pourpre vous fait empereur et non pas prêtre.” À l’instant Théodose lui obéit. Revenu à Constantinople, il se tenait hors du chancel, l’évêque alors lui commanda d’entrer. Théodose répondit : “J’ai mis longtemps à savoir la différence qu’il y a entre un empereur et un évêque. C’est à peine si j’ai trouvé un maître qui m’ait enseigné la vérité. Je ne connais au monde de véritable évêque qu’Ambroise.” »

  8. par sa saine doctrine qui atteint à une grande profondeur. Saint Jérôme dans son livre sur les Douze Docteurs dit : « Ambroise plane au-dessus des profondeurs comme un oiseau qui s’élance dans les airs. C’est dans le ciel qu’il cueille ses fruits. » En parlant de sa fermeté, il ajouta : « Toutes ses sentences sont des colonnes sur lesquelles s’appuient la foi, l’Église et toutes les vertus. » Saint Augustin dit en parlant de la beauté de son style dans le livre des Noces et des Contrats : « L’hérésiarque Pélage donne ces éloges à saint Ambroise. Le saint évêque Ambroise dont les livres contiennent la doctrine romaine brilla comme une fleur au milieu des écrivains latins. » Saint Augustin ajoute : « Sa foi et ses explications très exactes de l’Écriture n’ont même pas été attaquées par un seul ennemi. » Sa doctrine jouit d’une grande autorité puisque les écrivains anciens comme saint Augustin faisaient grand cas de ses paroles.

    À ce propos, saint Augustin rapporte à Janvier que sa mère s’étonnait de ce qu’on ne jeûnât pas le samedi à Milan. Saint Augustin en demanda la raison à Ambroise qui lui répondit : « Quand je vais à Rome, je jeûne le samedi. Eh bien ! Quand vous vous trouvez dans une église, suivez ses pratiques si vous ne voulez scandaliser ni être scandalisé. » Saint Augustin dit à ce propos : « Plus je réfléchis sur cet avis, plus je trouve que c’est pour moi comme un oracle du ciel. »

Sources
  • Nominis
  • VIES DES PÈRES, DES MARTYRS ET DES AUTRES PRINCIPAUX SAINTS. TOME DIX-HUITIÈME. D’ALBAN BUTLER
    Tiré de ses ouvrages et de sa vie, que Paulin, son diacre et son secrétaire au temps de sa mort, écrivit à la sollicitation de saint Augustin (Paulin fut depuis élevé au sacerdoce).
    Voir les historiens ecclésiastiques de ce siècle ;
    • les vies du saint docteur, données par Herman. Tillemont, et D. Rivet. Hist. litt. de la France, tome I, part. a, p. 323
    • les nouveaux éditeurs de saint Ambroise, à la fin du second volume
    • Archiepiscoporum Mediolanensium series crîtico-chronologica, aut. Jos. Saxio, biblioth. ambrosianoe proefecto, annum 1756
    • D. Ceillier, t. VII, p. 3ag. Stolberg, Gesch. der Rel. Jesu, XII, XIII et XIV. passun.

Notes

(1) On donnait le nom de préteur à tout magistrat qui était juge des personnes et causes militaires et qui commandait les troupes. Sa cour s’appelait prétoire. Le préfet du prétoire de Rome commandait la garde de l’Empereur, dite prétorienne. Il était chargé de maintenir la discipline et les bonnes mœurs. Il recevait tous les appels des jugements rendus par les gouverneurs des provinces. Auguste avait créé cet office pour remplacer le magister militum, connu sous les dictateurs. Voir Hotoman, de Magistrat. Rom. 1. i, p.1874, ap. Groevium, t. II ; et Adam, Manuel des antiquités romaines, t. I.

Coustantin-le-Grand supprima les gardes prétoriennes avec le prétoire de Rome et établit quatre préfets de prétoire, deux pour l’Orient et deux pour l’Occident. Le premier des deux de l’Orient était appelé simplement préfet de l’Orient et le second, préfet d’Illyrie. On donnait à l’un de ceux de l’Occident, le titre de préfet d’Italie et à l’autre, le titre de préfet des Gaules. Ces magistrats suprêmes de l’empire avaient la première place après l’Empereur. Tous les autres magistrats et les gouverneurs de province leur étaient soumis. Ils commandaient aussi les armées. Voir Onuphrius, de Imper. Rom. c. 24, ap. Grœv. t. I, p. 449. Hotoman, loc. cit. ; la Nolitia dignitatum Imper. Occident. p. 1790, ap. Gr&oeliog;v. t. VII, Guthérius, de officiis domûs Augustæ, ap. Sallengr. Thesaur. Antiq. Rom. t. III. Retour

(2) Stolberg fait à ce sujet la remarque suivante qui est pleine de justesse : « C’est au vertige qui s’empara de lui à l’image des terribles fonctions apostoliques que je crois pouvoir attribuer les moyens qu’il mit en œuvre pour se soustraire à ce danger. Cette hypothèse leur servira peut-être d’excuse, mais nous n’entendons pas qu’elle les justifie, car une action ne devient pas une bonne action par cela seul qu’elle a été faite par un Saint. Mais si nous honorons les saints, c’est à cause des actions que la foi et la charité leur ont inspirées. Renverser ce principe, c’est vouloir faire reposer une pyramide sur sa pointe. » (Gesch. der Rel. Jesu.) (Note de l’èdit. Allem.) Retour

(3) Non en 375, comme l’ont avancé quelques auteurs puisque Valentinien Ier mourut le 17 novembre 375. Retour

(4) S. Basil, ep. 55. Retour

(5) Vagliano, Vite de gli Arcivescovi di Milano, c. 15, p. 98. On voit encore dans l’église de Saint-Ambroise le poème de saint Ennode en l’honneur de ce Saint et l’épitaphe de sainte Marcelline composée par saint Simplicien. Retour

(6) Ep. 28, n. 12. Retour

(7) S. Ambros. ep. 20, n. i5. Retour

(8) S. Aug Conf. 1. 5, c. i3 ; 1. 6, c. 3. Retour

(9) S. Ambros. 1. 1, de Virgin. Retour

(10) L. 1, de Virg. c. 10, et L. de Inatit. Virgin. 1. 1. Retour

(11) S. Ambros. 1. 3, de Virgin. c. 1. Retour

(12) S. Ambros. I. ad. Virgin. Laps. c. 6. Retour

(13) Ne pourrait-on pas citer en preuve de la remarque de saint Ambroise les Pays-Bas français et autrichiens qui étaient remplis de nombreux monastères et en même temps couverts de cités très peuplées ? Retour

(14) S. Ambros. Offic. 1. 2, c. i5, n. 70, et c8. Retour

(15) Vit. Ambros. n. 38. Retour

(16) S. Ambros. de excessu fratris Satyri. Retour

(17) Voir Socrate et Sozomène. Mais saint Ambroise rapporte que Gratien fut invité à dîner à Lyon par un homme à qui il avait confié des provinces et qu’après le repas il fut assassiné (Note de l’èdit. allem.). Retour

(18) S. Ambros. ep. 17. Retour

(19) S. Ambros. ep. 18. Retour

(20) Rafin, Hist. 1. 11, c. i5 ; S. Ambros. ep. 20, ad soror. Mabillon, Itin. liai. p. 17. Retour

(21) S. August. 1. 6, cont. Julian. c. 14, n. 41. Retour

(22) L. ult. cod. Theod. de side cathol. Retour

(23) S. Ambros. ep. 21, ad Valentin. Retour

(24) V. S. Ambr. Serm. de Basil. non trad. post. ep. 21, n. 8, 19. Retour

(25) S. Ambr. de Basil. non tradendis. n. 34 ; Paulin, Vit. n. 3. Retour

(26) S. Isidor. Offic.. 1. 1, c. 7 ; S. Aug. Conf. 1. 9. c. 7. Retour

(27) L’Église latine chante dans son office des hymnes composés par saint Ambroise. Saint Augustin, saint Isidore, Bède, le concile de Rome en 430. etc., lui en attribuent douze, telles que, Deus Creator omnium ; Jam surgit hora tertia ; Veni Redemptor gentium ; Illuminons altissimus ; JÆterna Christi munera ; Somno refectis artubus ; Consors paterni luminis ; O lux beata Trinitas ; Fit porta Christi pervia, etc. La plupart des hymnes des féries de l’Église latine paraissent être du même Saint. On dit qu’il est le premier à établir la coutume de chanter des hymnes à l’Église. Celles dont il est l’auteur sont composées de manière à ce que le sens finisse au quatrième vers pour qu’on puisse les chanter à deux chœurs. Saint Hilaire composa aussi des hymnes à la même époque. Dans l’épître dédicatoire de son recueil d’hymnes, Georges Cassandre fait une observation sur celles qui sont intitulées : Hymnes de saint Pierre et de saint Paul, etc. On ne doit pas, dit-il, entendre autre chose, sinon que ce sont des hymnes à la louange de Dieu, en mémoire de saint Pierre et de saint Paul, etc. Ces expressions, église, autel, messe de saint Pierre et de saint Paul, etc., ont la même signification. Cette manière de parler se trouve dans saint Ambroise, saint Augustin, etc. Retour

(28) Ep. 3. Retour

(29) S. Aug. Conf. 1. 9, c. 7 ; 1. 22, de Civ. c. 8, n. 2, Serm. 286, ol. 39, de Div. c. 8, n. 2. Voir de saint Gervais et de saint Protais, Retour

(30) Conf. 1. 9, c. 7. Retour

(31) Le docteur Midleton a fait revivre les calomnies des ariens en niant la vérité des miracles dont nous venons de parler. Mais le docteur Cave considère comme incontestables ces mêmes miracles, lesquels sont attestés par saint Ambroise dans les deux discours qu’il prêcha sur le lieu en présence des reliques de saint Gervais et de saint Protais. Ce savant protestant s’exprime ainsi sur ce sujet : « La vérité de ces prodiges est suffisamment prouvée par les témoignages de saint Ambroise, de saint Augustin et de Paulin, qui étaient tous sur les lieux. Ils s’opérèrent à la face de toute la ville et ils furent deux fois la matière des sermons de saint Ambroise. Je ne doute pas que Dieu ne les ait faits pour confondre l’impiété arienne et pour prendre hautement la défense de la doctrine catholique qui éprouvait tant de contradictions et qui était si violemment persécutée. » Voir Cave, Vit. S. Ambros. sect. 4, p. 400 i et Petri Puricelli historica dissert. de SS. Gervasio et Protasio, Medionali, 1658, in-fol. Retour

(32) Saint Ambroise bâtit quatre églises à Milan : celle de la bienheureuse Vierge Marie et de toutes les saintes vierges, dite aujourd’hui de Saint-Simplicien, celle de Saint-Pierre, dite aujourd’hui de Saint-Nazaire, celle de tous les Saints, dite depuis de Saint-Denis, celle qu’on appelle communément Ambrosienne. Cette dernière n’a jamais été cathédrale, mais le Saint y a été enterré. On y garde encore ses reliques avec celles de saint Gervais et de saint Protais. En 784, l’archevêque Pierre Oldrade bâtit à proximité un monastère du nom de Saint-Ambroise. L’archevêque Arnulphe y plaça en 1002 une figure du serpent d’airain qu’on avait apportée de Constantinople, mais pas le serpent d’airain que Moïse avait élevé dans le désert. Voir Gretser, e Cruce, 1. 1, c. 41, et Muratori, Antichita Dissert. 59, t. III, p. 295. Le même archevêque y plaça aussi une grande croix de bois dans laquelle était renfermée une portion considérable de la vraie croix. Voir Petri Puricelli deicriptio historica basilicæ Ambrosianæ, ap. Grœv. t. IV ; Tkesaur. script.Ital. c. 2, p. 49, 472.) Retour

(33) St. Ambros. ep. 24. Retour

(34) Théodoret, 1. 5, c. 18. Retour

(35) Sozom. 1. 7, c. 6. Retour

(36) S. Aug. de Civ. 1. 5, c. 26. Retour

(37) Evagr. Vit. Patr. c. 1. Retour

(38) EP. 40. Retour

(39) Paulin, in vit. S. Amhros. Retour

(40) Claudian. Consul. Honor. ; Sozom., 1. 7, c. 14 ; Pacatus, in Panegjrr. Retour

(41) Socrate, 1. 5, c. 14 ; Symmach. 1. i, ep. 31 ; Prudent 1. i, contr. Symmach. v. 503. Retour

(42) Théodoret, 1. 5, c. 17 ; 3. Aug. de Civ. Dei, 1. 5, c. 29 ; S. Ambr. ep. i5 ; Paulin, etc. Retour

(43) S. Ambr. ep. 51. Retour

(44) Secutus es errantem, sequere poenitentem. Paulin, Vit. Ambr.) Retour

(45) Pour mieux faire comprendre la réponse de Théodose, il faut remarquer que d’après la discipline ecclésiastique de cette époque, l’excommunication ne se levait qu’à Pâques. Pour les assassins volontaires, ce n’était que peu de temps seulement avant leur mort si par leur repentir ils s’étaient montrés dignes de recevoir les sacrements. Si Ambroise s’écarta de cette marche, c’est que l’humilité et l’esprit de pénitence de l’Empereur l’y déterminèrent : jamais non plus il n’en fut blâmé. (Note de l’èdit. allem.) Retour

(46) Théodoret, Hist. 1. 5, c. 18. Retour

(47) Ps. CXVIII. Retour

(48) L. 13, Cod. Theod. de poen. Retour

(49) Théodoret. Hist. 1. 5, c. 18 ; Sozom. Hist. 1. 7, c. 24. Retour

(50) On rapporte de diverses manières la mort de Valentinien, mais il résulte de tous les renseignements que nous possédons que d’après une probabilité qui est bien près de la certitude, elle fut amenée par le Cornes Arbogastcs. Voir Stolberg, Geschichte der Rel. Jesu, XIII, 226 sq. Retour

(51) Sozom. I. 7, c. 22. Retour

(52) Evagr. Vit. Patr. c. i ; Théodoret, Hist. 1. 5, c. 24. Retour

(53) Leg. I. Si quis maledic. Imper. Cod. Theod. Retour

(54) Rufin, 1. 2, c. 33. Retour

(55) Claudian. in Panegyr. consul. Honor. ; Oros. 1. 7, c. 35 ; S. Aug. 1. 5, c. 26, de Civ Dei ; Rufin, Socrat. Sozom. Theod. Retour

(56) Hist. 1. 5, c. 24. Retour

(57) Evagr. 1. i, c. 5 ; Pallad. in Lausiae. c. 4. Retour

(58) Claudien, quoique païen, s’exprime ainsi en parlant à Théodose de la victoire qu’il venait de remporter sur le tyran Eugène :
0 nimiùm dilecte Deo, cui militat œther,
Et fortunati veniunt ad classica venti.
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(59) S. Ambr. ep. 61. Retour

(60) S. Ambr. ep. 62. Retour

(61) Ceci était prescrit par quelques anciens canons pénitentiaux. Voir saint Basile à Ampbiloque, c. i3, num. 31, et S. Ambr. in fun. Theodos. Retour

(62) Oros. 1. 7, c. 36. Retour

(63) Paulin. in Vit. Ambros. n. 32 ; S. August. ep. 31, et ep. 7, alias ep. 46 ; S. Paulin. Natal. 9 ; S. Gaudent. Serm. 17, p. 90 ; Bibl. Patr. Ennod carm. 18. Retour

(64) Paulin. n. 39. Retour

(65)  L. 2, de Poænit. c. 6, n. 40. Retour

(66) Ibid. c. 10, n. 91, 92. Retour

(67) Si quis occulta habens crimina.. Daillé prétend qu’il faut lire, si quis multa habens crimina ; mais on ne peut admettre cette correction, qui est contraire à tous les manuscrits. Retour

(68) On trouve la même doctrine et quelques-unes des mêmes expressions dans les six livres sur les Sacrements qui sont attribués à saint Ambroise par les écrivains du neuvième siècle et dans les manuscrits du huitième. L’auteur de cet ouvrage était un évêque qui vivait dans un lieu où il y avait beaucoup de catéchumènes adultes et où il se trouvait encore des restes d’idolâtrie. Les livres sur les Sacrements sont une imitation de celui de saint Ambroise sur les Mystères, avec cette différence que le premier ouvrage est plus long et que le style en est bas et rampant. S’il n’était pas de saint Ambroise comme les nouveaux éditeurs de ce Père en doutent ainsi que Ceillier et Rivet la cause de l’Église y gagnerait puisqu’au lieu d’un témoin de sa doctrine, elle en aurait deux. Voir les nouveaux éditeurs de saint Ambroise, tome  II, page 341.

La liturgie de Milan, dite ambrosienne, reçut un nouveau lustre de notre saint docteur ; mais il est prouvé par ses écrits même qu’elle était plus ancienne que lui, du moins quant à certains points empruntés de la liturgie romaine. On regarde saint Barnabé, ou plutôt saint Mérocle, comme le premier auteur de cette ancienne liturgie. Voir Le P. le Brun, Explication des cérémonies de la Messe, t. II, diss. 3, p. 175 ; l’Origine Apostolica delia Chiesa Milanesc e del rito delia stessa, opera del dottore Nicolo Sonmani, oblato e prefecto delia bibl. ambros. in Milano 1755 ; Muratori, Antichita, etc. diss. 57, de riti della Ciesa Ambrosiana, p. 222.

Les Bénédictins ont rejeté dans l’appendice de leur édition de saint Ambroise plusieurs sermons qui étaient attribués au saint docteur dans les premières éditions. Ils y ont aussi placé deux prières à réciter avant la messe. Cependant, quelques critiques ont pensé que celle de ces prières qui commence par ces mots : Summe Sacerdos pourrait être de notre Saint et qu’elle représente assez bien son style. On peut voir sur l’hymne Te Deum, le P. Le Brun ; la vie de saint Augustin, par Berti, etc. Retour

(69) S. Ambros. 1. 1, offic. c. 18, n. 72. Retour

(70) Ibid. 1. 1, c. 37, n. 184. Retour

(71) Tout le monde connaît les Offices de Cicéron. Deux Empereurs romains lurent cet ouvrage avec tant de soin qu’ils le savaient par cœur. Il n’a cependant pas tout le degré de perfection qu’il pourrait avoir. Il serait plus utile, s’il y avait plus de méthode, du moins en quelques endroits. Pour suppléer à ce défaut, le marquis de Sylva en a réduit les principes de morale dans un ordre plus clair. On peut voir son commentaire italien sur les Offices de Cicéron. Ce commentaire, dédié à dom Philippe d’Espagne, duc de Parme, et imprimé à Vicence en 1756, est écrit avec beaucoup d’élégance, mais il est un peu long. Au reste, l’orateur romain ne pouvait rien faire de parfait. Il n’avait pas d’idée de la résignation, de l’humilité, de la mortification, de la pénitence et de plusieurs autres vertus. Il ne connaissait pas non plus la nécessité de régler les affections ni celle de rapporter nos actions à une fin digne d’une créature raisonnable.

De tous les systèmes de morale donnés par les païens, celui d’Aristote est le plus complet. Les devoirs qui découlent des quatre vertus cardinales y sont expliqués avec autant d’ordre que d’élégance. Cependant, Aristote connaît peu les vertus morales les plus héroïques et il gâte les autres en y faisant entrer un mélange de vanité, d’orgueil et d’amour-propre. Son portrait de l’homme parfaitement vertueux, Ethic. 1.7 c. 7,8, porte sur un raffinement d’orgueil intolérable. Voir les Maximes du duc de la Rochefoucault, et la fausseté des vertus humaines, par Esprit.

On ne doit pas être surpris après tout de voir des absurdités et même des impiétés dans les systèmes de morale qu’ont donnés les plus célèbres philosophes de l’antiquité païenne. Ils n’avaient d’autre guide que la raison humaine dont les lumières sont si souvent obscurcies par les passions. (Voir Cumberland sur la Loi naturelle.)

Lorsque les vertus de l’homme sont purement humaines et qu’elles ne sont pas appuyées sur les principes de la révélation, aussi brillantes qu’elles paraissent, on ne doit pas se laisser éblouir par leur éclat. Les actions et les affections qu’elles produisent n’ont guère d’autre source que l’amour-propre. La vertu pure et désintéressée est très rare. On ne la trouve que là où elle est fondée sur les maximes de crucifiement et d’abnégation tracées dans l’Évangile.

C’est ce qui assure la prééminence aux Offices de saint Ambroise sur tous tes ouvrages des philosophes païens. Quoique le saint docteur se renferme souvent dans des considérations morales ou philosophiques, il fait voir néanmoins les grands avantages que la morale tire de l’Évangile. Il montre, par exemple, 1. 3, c. 1, que la maxime de Scipion, qu’il n’était jamais plus occupé, ni moins seul, que quand il était avec lui-même, a été vérifiée d’une manière plus excellente dans Moïse, Élie, Élisée et les apôtres. Ces grands hommes savaient non seulement converser avec eux-mêmes, mais ils savaient encore être toujours avec Dieu et goûter les douceurs de la contemplation céleste. Retour

(72) Paulin, n. 47. Retour

(73) V. Pagi, ad. an. 397. Retour

(74) Tilleniont, Hist. des Emper. t. V, p. 540. Retour

(75) Olier, Lettres spirituelles, let.184, p. 457. Retour

(76) Liv. IX, ch. XXX. Retour