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Saint Antoine le Grand ou saint Antoine d’Égypte ou saint Antoine du Désert



Dernière mise à jour
le 17/02/2022

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Fête 17 janvier, mémoire obligatoire
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Mort356
Saints contemporains
NomNaissanceMortFonction
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saint Laurent de Rome10/08/258
saint Sixte II258pape
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saint Julien de Brioudevers l’an 304
saint Romain d’Antioche303
saint Denys d’Alexandrie265
saint Mauricevers l’an 287
saint Maxime350
saint Gaudencevers l’an 368évêque de Rimini
saint Victor de Marseillevers l’an 303
sainte Catherine d’Alexandrievers l’an 294vers l’an 312
saint Athanase d’Alexandrievers l’an 29603/05/373père de l’Église
patriarche d’Alexandrie
saint Martin de Tours316397évêque de Tours (3e)
saint Ambroise de Milan33904/04/397docteur de l’Église
évêque de Milan
saint Jérôme347420docteur de l’Église
père de l’Église
archevêque de Milan
saint Paulin de Nole353431évêque de Nole
saint Augustin13/11/35428/08/430docteur de l’Église
évêque d’Hippone

Liste des chapitres

Résumé

Antoine était un jeune homme riche, propriétaire terrien en Haute-Égypte, tourmenté par la question de son salut. Préoccupé par ce qu’il avait lu dans les Actes des Apôtres décrivant la première communauté chrétienne où tout était en commun, il entra dans une église où il entendit l’Évangile du jeune homme riche. Pensant que ce texte s’adressait à lui, il distribua sa fortune aux pauvres et se retira peu de temps après dans un fort militaire abandonné situé dans le désert de Nitrie.

Là, pendant plus de vingt ans, il subit les attaques du démon qui prit l’apparence de bêtes féroces ou sensuelles. Ce sont les célèbres tentations de saint Antoine. Des disciples vinrent le rejoindre. Pour eux, il organisa une vie monastique et érémitique. Ainsi, il est considéré comme « le père des moines ».

Attentif à la vie de l’Église, il se rendit à Alexandrie pour soutenir les controverses contre les païens et les hérétiques ariens. Il mourut à 105 ans.

Il disait à ses disciples : « Efforçons-nous de ne posséder que ce que nous emporterons avec nous dans le tombeau, c’est-à-dire la charité, la douceur et la justice […] Les épreuves nous sont, en fait, profitables. Supprimez la tentation et personne ne sera sauvé. »

Saint Antoine devint rapidement très populaire. Il est le protecteur de nombreuses confréries et de nombreux métiers. Il est le patron des charcutiers, de la Légion étrangère et des trufficulteurs.

Les attributs de saint Antoine

Saint Antoine est souvent représenté avec une clochette à proximité d’un cochon, car l’ancien ordre hospitalier des « Antonins » élevait des cochons, la graisse de ces animaux étant utilisée pour soigner les malades atteints d’ergotisme (1). Cette maladie fut ensuite appelée « le feu de Saint Antoine ». Les étables et les animaux domestiques sont bénis le jour de sa fête.

Dans l’iconographie, saint Antoine est aussi associé au bâton des ermites en forme de T, le « tau » qui est la dernière lettre de l’alphabet hébreu.

La vie de saint Antoine par saint Athanase.

Introduction.

Cette vie fut écrite et adressée par saint Athanase à des solitaires habitant une terre étrangère.

L’enfance et l’éducation d’Antoine.

Antoine était égyptien de naissance. Ses parents étaient nobles et possédaient une grande fortune. Chrétiens, ils l’élevèrent chrétiennement. Jeune, il vécut avec ses parents, ne connaissant qu’eux et la maison paternelle. Plus âgé, il ne voulut pas étudier les belles-lettres pour ne pas avoir de relations avec les autres enfants. Tout son désir était comme il est dit de Jacob : « Jacob était un homme délicat demeurant sous les tentes. » (Gn. 25.27) Il allait avec ses parents dans le temple du Seigneur. Il n’était pas négligent comme le sont souvent les enfants. Il ne devint pas méprisant ni orgueilleux en grandissant. Il était soumis à ses parents et attentif à la lecture des livres saints. Il conservait dans son cœur les utiles leçons qu’il y trouvait. Quoique né dans une assez grande opulence, il ne demandait pas à ses parents une nourriture variée et somptueuse. Il ne recherchait pas les plaisirs de la table, mais il était content de ce qu’il trouvait et ne demandait rien de plus.

Après la mort de ses parents, il resta seul avec une sœur en bas âge. Alors, âgé de dix-huit à vingt ans, il se chargea lui-même de diriger la maison et d’élever sa sœur. Se rendant à l’église selon son habitude, six mois s’étant à peine écoulés après la mort de ses parents, il méditait le long du chemin le moment où les apôtres avaient tout abandonné pour suivre le Sauveur (Mt 4.19-22) (2) et le comportement des chrétiens cités dans les Actes des Apôtres qui vendaient ce qu’ils possédaient et en portaient le montant au pied des apôtres pour le distribuer aux indigents (Ac 4.34-35) (3). En faisant ces réflexions, il entra dans l’église au moment de la lecture du passage de l’Évangile où le Seigneur dit au riche « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » (Mt 19.21)

Antoine renonce à ses biens.

La lecture eut le même effet sur Antoine que si elle avait été faite seulement pour lui. Il sortit immédiatement de l’église et fit don aux habitants du village de toute la fortune que lui avaient laissée ses parents et qui consistait en trois cents arpents de bonnes terres. Ainsi, sa sœur et lui n’eurent plus à en prendre soin. Il vendit tout le mobilier qui leur appartenait. Il en retira une somme assez considérable qu’il distribua aux pauvres après en avoir réservé une faible part pour sa sœur. Mais étant entré de nouveau dans l’église, il entendit le Seigneur qui disait dans l’Évangile : « Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. » (Mt 6.34) Il ne put rester plus longtemps ; il sortit et donna ce qui lui restait à des gens peu aisés. Après avoir confié sa sœur à des vierges d’une foi et d’une piété reconnues pour être élevées dans leur chaste demeure, il mena près de sa maison une vie ascétique, veillant sur lui-même et se traitant avec rigueur. À cette époque, il n’y avait pas encore de véritables monastères en Égypte.

Un solitaire lui sert de modèle.

II y avait alors dans le village voisin un vieillard qui menait une vie solitaire depuis sa jeunesse. Antoine le rencontra et rivalisa de vertu avec lui. Il s’établit d’abord dans un endroit situé en face de son village. S’il entendait parler d’un homme vertueux, il se mettait à sa recherche et ne revenait pas chez lui avant de l’avoir rencontré. Il ne le quittait qu’après avoir reçu de lui des conseils pour devenir plus vertueux. Il demeura là au début en étant de plus en plus résolu à ne plus retourner dans les possessions de ses pères et à oublier ses parents. Il désirait approcher de la perfection ascétique. Il travaillait de ses mains, se souvenant de cette parole de l’apôtre Paul : « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. » (2 Thess 3.10) Il utilisait ce qu’il gagnait pour subvenir à ses besoins et soulager des indigents. Il priait continuellement, car il avait appris qu’on doit prier sans relâche. (1 Thess 5.17) Il étudiait tellement les livres saints qu’il n’en laissait rien échapper. Il retenait tout ce qu’il lisait, ainsi, par la suite, sa mémoire lui tint lieu de livre.

La façon dont Antoine profite des bons exemples.

Antoine était apprécié de tout le monde du fait de sa conduite. Il se soumettait aux hommes vertueux chez lesquels il se rendait. Il recherchait en quoi chacun d’eux excellait par le zèle et la piété. Il remarquait l’affabilité, l’assiduité, la prière, la douceur, la charité, les veilles, l’application à la lecture des saintes lettres. Il admirait celui-ci pour sa patience, celui-là pour ses jeûnes et parce qu’il couchait sur la dure. L’un le touchait par sa mansuétude, l’autre par sa longanimité (4). Il remarquait la piété et la mutuelle charité de chacun. Après avoir observé ces bons exemples, il retournait au lieu de ses exercices, s’efforçant d’imiter les vertus et les perfections qu’il avait constatées. Toutes les personnes vertueuses de son village avec qui il avait des rapports, le voyant si parfait, l’appelaient l’ami de Dieu et toutes le chérissaient, les unes comme un fils, les autres comme un frère.

Antoine est tenté par le démon et la façon dont il triomphe.

Le démon, jaloux et détestant le bien, fut dépité devant un jeune homme ayant un tel comportement. Il employa contre lui toutes les ruses qu’il a coutume d’inventer. D’abord, il essaya de le détourner des pratiques de la piété en lui rappelant le souvenir de ses richesses, le soin qu’il devait prendre de sa sœur et ses liens de famille. Il lui inspira l’amour de l’argent et la passion de la gloire. Il lui montra les plaisirs de la bonne chère et les autres délices de la vie. Il lui exposa les difficultés de la vertu et les rudes travaux qu’elle exige, la faiblesse de sa santé et la longueur du temps qu’il aurait à souffrir. Enfin, il souleva dans son esprit un tourbillon de pensées ténébreuses pour le détourner de son généreux dessein. Se sentant faible face à la résolution d’Antoine, se voyant même repoussé par sa fermeté, terrassé par la grandeur de sa foi et mis en fuite par ses prières assidues, il attaqua le jeune homme la nuit. Il le troubla le jour et le tourmenta avec tant de violence qu’on eût cru voir la lutte de deux adversaires. Quand le démon cherchait à lui inspirer des pensées obscènes, Antoine le chassait par la prière. Quand il voulait exciter ses désirs, Antoine, la rougeur sur le front, fortifiait son corps par la foi, la prière et le jeûne. L’esprit infernal osa même, pendant la nuit, prendre la ressemblance d’une femme et imiter toutes ses manières pour le séduire. Mais Antoine, tournant ses pensées vers le Christ et ne considérant que la noblesse et la spiritualité de l’âme, éteignait les charbons ardents que l’imposture du démon cherchait à allumer dans son cœur. Quand l’ennemi lui offrait de nouveau les douceurs de la volupté d’un air irrité et plein d’affliction, Antoine pensait aux menaces des flammes éternelles et au supplice des vers. En opposant ces moyens, il échappait à tous les périls sans être atteint. Tant de victoires couvraient l’ennemi de confusion. Celui qui se croyait semblable à Dieu était le jouet d’un jeune homme. Celui qui se vantait d’avoir tout pouvoir sur la chair et le sang était mis en fuite par un homme revêtu de chair, car le Seigneur qui s’est fait chair à cause de nous venait à son secours et donnait au corps la victoire contre le démon. C’est pourquoi quiconque combat avec courage doit dire : « à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. » (1Co 15.10) Le démon ne pouvant vaincre Antoine de cette manière et voyant qu’il était chassé de son cœur, grinçant des dents et hors de lui-même, lui apparut sous la forme d’un petit nègre. Il ne l’attaqua pas par des raisonnements, mais, utilisait la ruse, il se jeta à ses pieds, prit une voix humaine et lui dit :
« J’ai trompé beaucoup de monde et j’en ai renversé un grand nombre. De même que j’ai attaqué les autres, de même je t’ai attaqué ainsi que tes travaux, de même je suis vaincu. »
Antoine lui demanda : « Qui es-tu ? »
« Je suis l’ami de l’incontinence, c’est moi qui dresse les embûches et qui excite les désirs pour y entraîner la jeunesse et l’on me nomme l’esprit de fornication. Combien n’en ai-je pas trompé qui voulaient être vertueux ? À combien qui vivaient dans la continence, n’ai-je pas fait changer de résolution par l’annonce du plaisir ? Je suis celui à cause duquel le prophète blâme ceux qui sont tombés lorsqu’il dit : “un esprit de prostitution l’égare.” (Os 4:12) et c’est par moi en effet qu’ils ont été renversés. C’est moi qui, si souvent, t’ai causé de l’ennui et qui ai été tant de fois repoussé par toi. »
Alors Antoine, rendant grâces à Dieu et redoublant de courage contre l’ennemi, lui répondit : « Tu es donc bien méprisable, car tu as l’âme noire et tu n’es qu’un faible enfant. Désormais, tu ne me causeras plus d’inquiétude, car “Avec Dieu, nous ferons des prouesses et lui piétinera nos oppresseurs !” » (Psaume 107.14)
Effrayé des paroles qu’il venait d’entendre, le nègre prit la fuite et n’osa même plus approcher de son adversaire. Tel fut le premier combat d’Antoine contre le démon ou plutôt tel fut le triomphe que le Seigneur, dans la personne d’Antoine, remporta contre Satan ; triomphe de celui qui « a condamné le péché dans l’homme charnel. Il voulait ainsi que l’exigence de la Loi s’accomplisse en nous, dont la conduite n’est pas selon la chair, mais selon l’Esprit. » (Rom 8.3-4)

Les austérités d’Antoine.

Cependant, après avoir vaincu le démon, Antoine ne se relâcha pas et, après sa défaite, le démon ne cessa pas de lui dresser des embûches. Il rôdait autour de lui comme un lion cherchant l’occasion de surprendre sa proie. Mais Antoine, qui avait appris de l’Écriture que Satan a plusieurs ruses, s’adonnait avec ferveur à la vie ascétique. Persuadé que si le démon n’avait pas pu le séduire par l’attrait des voluptés chamelles, il chercherait à lui dresser des embûches par d’autres moyens. C’est pourquoi le solitaire mortifiait toujours son corps et le réduisait en servitude de peur que, vainqueur d’un côté, il ne succombât de l’autre. Il résolut donc de s’habituer à une vie plus austère. Plusieurs s’en étonnaient, lui, au contraire, en supportait les peines avec plus de facilité, car le zèle prolongé de son âme lui avait procuré une forte constitution. Il augmentait ses austérités en s’inspirant du moindre exemple qu’il voyait chez les autres solitaires. Ainsi, il prolongeait souvent ses veilles jusqu’à passer des nuits entières sans dormir. Il ne mangeait qu’une fois par jour après le coucher du soleil. Souvent, il passait deux jours et parfois, quatre jours sans rien prendre. Du pain et du sel suffisaient pour le nourrir et il ne buvait que de l’eau. Il est inutile de parler de viande et de vin, car aucun vrai solitaire n’en consommait. Une natte lui suffisait pour dormir. La plupart du temps, il couchait sur la terre nue. Il ne voulut jamais s’oindre le corps d’huile parce que, disait-il, les jeunes gens doivent plutôt s’adonner à la mortification que de rechercher ce qui amollit le corps et s’habituer aux travaux en ayant toujours dans la mémoire cette parole de l’apôtre Paul : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2Co 12.10) Il disait que la vigueur de l’âme augmentait à mesure que les plaisirs du corps s’affaiblissaient. Il pensait qu’il ne faut pas mesurer par le temps le chemin de la vertu ni la retraite par la longueur du chemin, mais par le désir et par le choix. Jamais il ne se rappelait le temps écoulé, mais il regardait chaque jour comme le commencement de la vie ascétique. Par de plus grandes austérités, il s’efforçait de parvenir à la perfection. Il s’appliquait à lui-même ces paroles de saint Paul : « Oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. » (Ph. 3.13-14) Il se souvenait aussi de cette parole du prophète Élie : « Par la vie du Seigneur de l’univers devant qui je me tiens ! Aujourd’hui même, je me présenterai devant lui ! » (1R 18.15) Il remarquait qu’Élie, en disant aujourd’hui, ne mesurait pas le temps écoulé. Le considérant toujours comme s’il ne faisait que commencer, il s’efforçait chaque jour de se montrer tel qu’il faut être pour paraître devant Dieu, le cœur, en étant prêt à obéir à ses seuls ordres. Il pensait qu’un solitaire doit apprendre, d’après l’exemple du grand Élie, à régler sa vie comme dans un miroir.

Antoine s’enferme dans un tombeau.

Après s’être formé à cette vie austère, Antoine alla vers des tombeaux situés à peu de distance de son village. Ayant prié un de ses amis de lui apporter du pain au bout de plusieurs jours, il entra dans un de ces tombeaux. Son ami ferma la porte sur lui et il demeura seul à l’intérieur.

Le démon frappe Antoine et le laisse comme mort.

Ne pouvant supporter la détermination d’Antoine et craignant qu’il n’installe rapidement la vie monastique dans le désert, Satan vint une nuit avec une troupe de démons. Il lui donna tellement de coups que le solitaire, succombant aux souffrances, resta sans voix étendu sur le sol. Il affirma que les douleurs étaient telles que les coups donnés par les hommes ne peuvent occasionner un tel supplice. Mais, par la Providence de Dieu qui n’abandonne jamais ceux qui espèrent en lui, son ami vint le lendemain lui apporter du pain. Ayant ouvert la porte, il vit Antoine étendu comme mort sur le sol. Il le prit sur ses épaules, le porta dans l’église du village et le déposa sur le sol. Un grand nombre de ses parents et les gens du village vinrent s’asseoir autour d’Antoine. Vers le milieu de la nuit, il revint à lui et se réveilla. Voyant que tous ceux qui étaient là dormaient et que son ami seul veillait, il lui fit signe d’approcher et le pria de le charger de nouveau sur ses épaules et de le reporter au tombeau. Cet homme donc, sans réveiller personne, l’y reporta, ferma la porte comme il le faisait précédemment. Antoine se retrouva de nouveau seul dans le monument. Il n’avait pas la force de se tenir debout, mais, tout en demeurant couché, il pria. Quand sa prière fut achevée, il s’écria : « Voici Antoine en ce lieu, je ne fuis pas vos coups et lors même que vous m’en donneriez davantage, rien ne me séparera de l’amour du Christ. » (Rom 8.35) (5) Puis il se mit à chanter ces paroles du psalmiste : « Quand même une armée serait rangée en bataille contre moi, mon cœur ne serait point effrayé. » (Psaume 26.3) (6), mais l’ennemi de la vertu, surpris de le voir à sa rencontre après tous les coups dont il l’avait accablé, convoqua les démons et leur dit, plein de rage : « Vous voyez qu’il n’a cédé ni à nos séductions ni à nos coups, mais qu’il nous défie avec audace. Attaquons-le d’une autre manière. » II est facile, en effet, aux démons de prendre toutes sortes de formes pour commettre le mal. Ils font donc pendant la nuit un tel vacarme que toute la contrée paraît être ébranlée. Il semble que ces démons renversent les quatre murs du tombeau et passent au travers sous la figure d’animaux sauvages et d’affreux reptiles. Tout ce lieu paraît rempli de lions, d’ours, de léopards, de taureaux, de serpents, d’aspics, de loups et de scorpions. Chacune de ces bêtes s’agite en fonction de la forme qu’elle a prise : le lion rugit en voulant s’élancer, le taureau menace de ses cornes. Le serpent s’avance en rampant, mais n’arrive pas jusqu’au solitaire. Le loup se précipite, mais est retenu par une force invisible. En un mot, tous ces fantômes faisaient un bruit épouvantable et manifestaient une colère effrayante.

La façon dont Antoine convainquit le démon d’imposture.

Antoine, frappé, couvert de piqûres par ces bêtes féroces, éprouvait de cruelles douleurs. Il était étendu sur le sol, toujours intrépide et veillant de plus en plus. Il laissait échapper des gémissements que lui arrachaient les souffrances de son corps, mais l’âme très calme, il leur dit en les raillant : « Si vous aviez un quelconque pouvoir, un seul d’entre vous suffirait pour m’abattre. Mais comme le Seigneur vous a coupé les nerfs, vous cherchez à m’effrayer par votre multitude. Toutes ces figures d’animaux que vous prenez sont la preuve de votre impuissance. » Puis il ajouta avec hardiesse « Si vous avez de la force, si vous avez reçu contre moi un quelconque pouvoir, n’attendez pas davantage pour m’attaquer, mais si vous ne pouvez rien, pourquoi vous tourmenter inutilement : la foi en Notre Seigneur est un sceau qui nous protège, un rempart qui nous met en sûreté. » Voyant tous leurs efforts inutiles, les démons grinçaient des dents contre cet intrépide adversaire.

Le Seigneur apparaît à Antoine.

Cependant, le Seigneur n’oubliait pas son serviteur qui luttait, il vint à son secours. Levant les yeux au ciel, Antoine crut voir le toit s’entrouvrir et un rayon de lumière descendre jusqu’à lui. Les démons disparurent immédiatement, les douleurs de son corps se calmèrent et l’habitation parut intacte. Antoine, reconnaissant le secours qui lui était venu, soulagé de ses peines et respirant avec plus de facilité, s’adressa en ces termes à l’apparition : « Où donc étiez-vous, Seigneur, et pourquoi ne vous êtes-vous pas montré dès le commencement ? » Une voix lui répondit : « Antoine, j’étais ici, mais j’attendais pour être témoin de ta lutte. Puisque tu as résisté et que tu n’as pas été vaincu, je serai désormais ton protecteur et je rendrai ton nom célèbre par toute la terre. » Antoine, entendant ces paroles, se leva et se mit en prière. Les forces lui revinrent à tel point qu’il sentit dans son corps une vigueur plus grande qu’auparavant. Il avait alors environ trente-cinq ans. Le lendemain, il sortit et, animé d’un nouveau courage, il alla trouver le vieillard précédemment cité et lui proposa d’habiter avec lui dans le désert. Mais le vieillard ayant refusé, soit à cause de son âge, soit parce qu’il n’en avait pas l’habitude, Antoine se retira aussitôt en haut d’une montagne.

Le démon lui présente un bassin d’argent.

Voyant son ardeur et voulant l’entraver, le démon fit paraître sur son chemin l’image d’un grand bassin d’argent. Antoine, comprenant la ruse de l’ennemi, s’arrêta et, voyant le démon sous la figure de ce bassin, il le confondit en lui disant : « D’où peut venir ce bassin dans ce désert ? Il n’y a pas même de sentiers en ces lieux, on n’y voit la trace d’aucun voyageur, et d’ailleurs celui qui l’aurait perdu n’aurait qu’à revenir sur ses pas et, en cherchant, il l’aurait certainement retrouvé. Puisque ce lieu est désert, c’est là une ruse du démon. Satan, tu n’arrêteras pas mon zèle par un artifice. Que cet argent périsse avec toi. » Continuant toujours de marcher, il vit cette fois non la ressemblance de l’or, mais de l’or véritable jeté sur le chemin, soit que ce fût le démon qui le lui présenta, soit que ce fût une plus grande puissance pour éprouver le généreux athlète. Pour montrer qu’il ne faisait aucun cas de l’or, il ne l’a pas dit lui-même et nous n’en savons rien, excepté que ce qu’il vit était de l’or. Antoine fut étonné par la grande quantité. Mais passant par-dessus comme si c’était du feu, il s’en éloigna sans même retourner la tête. Il se hâta de fuir jusqu’à être hors de la vue de ce lieu.

Antoine se retire dans un fort abandonné.

Se fortifiant donc de plus en plus dans sa résolution, Antoine se dirigea vers la montagne. Il rencontra un fort abandonné rempli de serpents au-delà du Nil. Il décida d’y établir sa demeure. Les reptiles disparurent aussitôt comme si on les avait chassés. Antoine en ferma la porte par une solide clôture. Il avait apporté des pains pour six mois, car les habitants de la Thébaïde savent faire un pain qui peut se conserver une année. Il trouva de l’eau dans l’intérieur du fort. Il s’y retira comme au fond d’un sanctuaire où il y demeura seul, n’en sortant jamais et n’admettant personne de ceux qui venaient pour le voir. Seulement, il recevait deux fois par an les pains qu’on lui jetait par-dessus fa muraille.

Antoine est assailli par les démons.

Comme les amis qui venaient le voir ne pouvaient entrer, ils passaient dehors souvent plusieurs jours et plusieurs nuits. Ils entendaient provenir de l’intérieur du château le bruit d’une foule qui s’agitait et des voix qui poussaient des gémissements lamentables et qui criaient : « Sors de chez nous. Que viens-tu faire dans ce désert ? Tu ne supporteras pas nos attaques. » Les gens qui étaient dehors s’imaginèrent d’abord que c’étaient des hommes qui luttaient contre lui et qu’ils avaient pénétré dans la forteresse au moyen d’échelles. À la fin, ayant regardé par une petite fente, ils ne virent personne. Ils comprirent que c’étaient des démons qui faisaient ce tumulte. Tout effrayés, ils appelèrent Antoine. Celui-ci qui ne faisait aucune attention aux démons écouta les hommes qui lui parlaient. Il s’approcha de la porte et les invita à s’en aller sans avoir de craintes. Il ajouta que les démons emploient ces épouvantails contre les gens qui ont peur. Il dit : « Pour vous, faites le signe de la croix. » Lui-même resta dans le château sans éprouver aucun mal de la part des démons et sans être fatigué par ses luttes. Le secours des visions célestes et la faiblesse de ses ennemis soulageaient ses douleurs et augmentaient son courage. En effet, ses amis qui approchaient souvent de sa demeure en le croyant mort, l’entendaient psalmodier ces paroles : « Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dispersés. Que ceux qui le haïssent fuient devant sa face comme la fumée se dissipe, qu’ils se dissipent eux-mêmes. Comme la cire fond à l’approche du feu, qu’ainsi les méchants périssent devant l’Éternel ! » (Psaume 67.2-3) (7) Et encore : « Toutes les nations m’enveloppaient ; au nom du Seigneur, je les ai exterminées ; elles m’entouraient, elles me serraient de près ; au nom du Seigneur, je les ai anéanties. » (Psaume 117.10-11) (8)

Antoine sort de sa retraite.

Il demeura seul dans ce château environ vingt ans. De nombreuses personnes souhaitaient le voir et désiraient imiter son genre de vie. Plusieurs de ses amis se réunirent et enfoncèrent la porte. Antoine sortit du château comme d’un sanctuaire où Dieu l’avait initié à ses mystères et rempli de sa présence. C’est ainsi qu’il parut pour la première fois hors du château devant ceux qui étaient venus le visiter. Ceux-ci en le revoyant furent étonnés de le trouver inchangé. Le manque d’exercice ne lui avait pas fait prendre d’embonpoint. Les jeunes et les combats avec les démons ne l’avaient pas amaigri. Il avait la même sérénité de caractère. Il n’était pas assombri par le chagrin, ni épanoui par la joie, ni porté à rire ou à s’attrister. Il ne paraissait pas importuné et ne semblait pas se réjouir de la multitude de ceux qui venaient le visiter. Il conservait en tout la même égalité de caractère, parce qu’il était gouverné par la raison et qu’il savait se tenir dans les justes bornes de la nature.

Antoine guérit les malades et fonde des monastères.

Par son entremise, le Seigneur guérit plusieurs malades et il en délivra d’autres qui étaient tourmentés par les démons. Dieu accorda aussi aux paroles d’Antoine la grâce de consoler un grand nombre de personnes qui étaient dans l’affliction, d’en réconcilier d’autres qui se faisaient la guerre, disant à tous qu’il ne fallait pas mettre les choses du monde au-dessus de l’amour du Christ. Par ses entretiens, il les exhortait à se souvenir des biens futurs et à ne pas oublier la charité que Dieu nous a montrée en n’épargnant pas son propre fils, mais en le livrant pour nous. Ces discours en déterminèrent plusieurs à se retirer dans la solitude. Alors des monastères commencèrent à s’élever sur les montagnes et le désert fut peuplé de solitaires qui sortaient de leur pays pour devenir citoyens du ciel.

Antoine fut obligé de traverser le canal d’Arsinoë pour visiter ses frères. Le canal était infesté de crocodiles. Adressant simplement une prière à Dieu, il s’embarqua avec ceux qui étaient avec lui. Ils traversèrent le canal sans le moindre problème. De retour à son monastère, il reprit avec une courageuse persévérance ses austères travaux. Par ses fréquents entretiens, il augmentait l’ardeur de ceux qui avaient déjà embrassé la vie ascétique et il incitait les autres à l’amour de la mortification. Ainsi, plusieurs monastères furent rapidement fondés. Il les dirigea tous comme un père.

Conseils d’Antoine à ses disciples.

Un jour, les moines s’étaient rassemblés autour de lui pour lui demander de leur adresser quelques paroles d’édification. Il leur parla en égyptien. Il leur dit que les saintes Écritures suffisaient pour notre enseignement, qu’il était cependant utile de s’exhorter les uns les autres dans la foi, et de s’encourager par de bons discours. « Ainsi donc, mes enfants, dites à votre père ce que vous savez et moi, comme votre ancien, je vous ferai part de ce que j’ai appris par l’expérience. D’abord, ayons tous pour premier souci de ne pas abandonner notre œuvre, de ne pas céder à la peine, de ne jamais dire : “Il y a longtemps que nous portons le poids de la vie ascétique”, mais plutôt de croître avec ardeur comme si chaque jour était notre premier jour. La vie de l’homme est très courte comparée aux siècles à venir. La plus longue n’est rien devant l’éternité. Dans le monde, toute chose se vend à juste prix et les échanges se font entre valeurs égales, mais la vie éternelle s’achète à vil prix. L’Écriture dit en effet : “Les jours de la vie de l’homme sont de soixante-dix ans dans les plus forts, de quatre-vingts ans, et au-delà peine et douleurs.” (Psaume 89.10) (9) Si donc nous persévérons pendant quatre-vingts ans ou cent ans au plus dans la vie ascétique, pour ces cent ans nous n’aurons pas seulement cent ans de béatitude, mais l’éternité, et lorsque nous aurons travaillé sur la terre, notre héritage ne sera pas sur la terre, mais dans le ciel. Après avoir laissé ce corps corruptible, nous en recevrons un incorruptible. Ainsi donc, mes enfants, ne nous lassons pas et ne nous plaignons pas de trop attendre ou de trop faire, car “il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous.” (Rom 8.18) En regardant le monde, ne croyons pas que nous avons renoncé à quelque chose de grand, car le monde entier n’est rien à côté du ciel. Quand même nous serions les maîtres de toute la terre et que nous renoncerions à toute la terre, rien ne serait comparable au royaume des cieux. C’est comme si l’on donnait une drachme de cuivre pour cent drachmes d’or. De même, celui qui, maître de toute la terre, y renoncerait, ne perdrait pas grand-chose, mais recevrait le centuple. Si donc toute la terre est loin de valoir le royaume des cieux, celui qui abandonne quelques arpents de terre ne perd presque rien. Abandonnerait-il même sa maison et tout son or, il ne doit pas s’en glorifier ou s’en affliger. Songeons d’ailleurs que si nous n’y renonçons pas par vertu, il faudra les perdre par la mort et souvent même au profit de ceux qui nous plaisent le moins, comme dit l’Ecclésiaste. (Ecc 4.8) (10) Pourquoi donc ne les abandonnerions-nous pas par vertu pour hériter du royaume des cieux ? Aussi, que personne ne se laisse envahir par la cupidité. À quoi bon acquérir ce que nous ne pourrons emporter avec nous ? Pourquoi ne pas nous donner plutôt ce qui nous suivra toujours : la prudence, la justice, la tempérance, la force, la charité, l’amour des pauvres, la foi dans le Christ, la douceur d’âme, la bonté hospitalière. Si nous acquérons ces vertus, nous les retrouverons ailleurs pour être reçus et nous introduire dans la patrie de ceux qui ont été doux sur la terre. D’après cela, que chacun soit persuadé qu’il ne faut pas perdre courage, surtout si l’on considère qu’on est le serviteur de Dieu, car, de même qu’un serviteur n’oserait dire : “Puisque j’ai travaillé hier, je ne travaillerai pas aujourd’hui”, il ne mesurera pas le temps passé pour se reposer les jours suivants. Il montrera chaque jour la même ardeur pour plaire à son maître comme il est dit dans l’Évangile et pour ne pas encourir des reproches. Nous aussi, persévérons dans la vie ascétique, sachant que si nous passons un seul jour avec négligence, Dieu ne nous fera pas grâce à cause du temps écoulé, mais il s’irritera contre nous à cause de notre négligence. C’est ce que nous apprenons dans Ézéchiel (chapitre 18). (11) Ainsi, Judas a perdu dans une seule nuit la peine du temps passé ; attachons-nous donc, mes enfants, à la vie ascétique et n’agissons pas avec négligence ; nous avons pour cela l’assistance de Dieu, comme il est dit dans l’Écriture : “Dieu vient en aide pour le bien à quiconque a choisi le bien”. (Rom 8.28) (12) Or, pour que nous n’agissions pas avec négligence, nous devons méditer cette parole de l’apôtre Paul : “Je meurs tous les jours.” (1Cor 15.31) (13) En effet, si nous vivons comme si nous devions mourir chaque jour, nous ne commettrons pas de péchés. Or, voici le sens de cette parole : quand nous nous éveillons le matin, pensons que nous ne vivrons pas jusqu’au soir et quand nous allons dormir, croyons que nous ne nous éveillerons pas le matin, car le terme de notre vie est inconnu et nos instants sont mesurés par la Providence. Si telle est notre disposition, si nous vivons chaque jour dans ces sentiments, nous ne pécherons pas, nous ne désirerons rien, nous ne nous irriterons contre personne et nous n’amasserons pas de trésors sur la terre. Nous attendant chaque jour à mourir, nous ne posséderons rien et nous pardonnerons à tous les hommes. Quant aux voluptés immondes, non seulement nous ne les rechercherons pas, mais nous les fuirons comme un plaisir passager, nous croyant toujours au moment suprême et ayant continuellement les regards fixés sur le jour du jugement. Toujours, en effet, la frayeur des supplices éternels dissipe l’attrait des voluptés et relève le courage de l’âme qui faiblit. »

« Après avoir commencé, après avoir mis le pied dans le sentier de la vertu, efforçons-nous d’avancer et tâchons d’arriver au but qui nous est proposé. Que personne ne regarde en arrière, comme la femme de Loth, car le Seigneur a dit : “Celui qui met la main à la charrue et qui regarde en arrière n’est pas propre au royaume des cieux.” (Luc 9.62.) (14) Or, regarder en arrière n’est pas autre chose que se repentir et penser de nouveau aux choses de ce monde. Quand on vous parle de la vertu, ne vous laissez pas effrayer ; que ce mot ne vous étonne pas, la vertu n’est pas loin de nous. C’est une entreprise qui dépend de nous, une chose facile, car il s’agit seulement d’avoir la volonté. Les Grecs font de longs voyages, ils passent les mers pour apprendre les belles lettres. Pour nous, il n’est pas nécessaire que nous quittions notre pays afin d’obtenir le royaume des cieux. Nous n’avons pas besoin de traverser la mer pour acquérir la vertu, car le Seigneur a dit : “Le royaume des cieux est dans vous.” (Luc 17.21) (15) Ainsi, la vertu n’exige que la bonne volonté. Puisqu’elle est en nous, elle ne dépend que de nous, car si notre âme par sa nature est douée de l’intelligence, la vertu en dépend. L’âme est suivant sa nature lorsqu’elle reste telle qu’elle a été créée. Or, elle a été créée par excellence bonne et droite. Voilà pourquoi le fils de Noun dit au peuple : “Inclinez vos cœurs devant le Seigneur, le Dieu d’Israël” (Josué 24.23) (16) et Jean-Baptiste : “Rendez droits vos sentiers.” (Matthieu 3.3) (17) En effet, la droiture de l’âme ne consiste que dans l’intelligence qu’elle a reçue lorsqu’elle a été créée, mais si elle incline et se détourne de la nature, on la nomme alors vice de l’âme. La chose n’est donc pas difficile, car si nous restons tels que nous avons été créés nous restons dans la vertu. Si nous utilisons notre esprit pour réaliser de mauvaises actions, nous serons jugés comme mauvais. S’il fallait chercher la vertu hors de nous, elle deviendrait sans doute difficile, mais puisqu’elle est en nous, gardons-nous de toutes pensées malhonnêtes et conservons notre âme au Seigneur comme un dépôt qui nous a été confié afin qu’il reconnaisse son œuvre telle qu’il l’a créée. Combattons pour que nous ne soyons pas maîtrisés par la colère ni dominés par l’ambition, car il est écrit : “La colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu” (Jacques 1.20) (18) et “la concupiscence qui s’empare de nous enfante le péché ; le péché consommé enfante la mort.” (Jacques 1.15) (19) Après avoir embrassé notre genre de vie, veillons donc continuellement sur nous-mêmes. Comme il est dit dans l’Écriture, gardons notre cœur avec toute la vigilance possible, car nous avons des ennemis terribles et pleins d’astuce, de méchants démons contre qui nous devons combattre. L’apôtre Paul a dit : “Nous avons à combattre non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les princes du monde, c’est-à-dire de ce siècle ténébreux, contre les esprits de malice répandus dans les airs.” (Éphésiens 6.12) (20) Il y a dans l’air un grand nombre de ces démons qui nous font la guerre. Ils ne sont pas loin de nous, mais ils diffèrent beaucoup les uns des autres. Ce qu’on pourrait dire sur leur nature et leur différence nous conduirait trop loin et nous laissons à d’autres, plus habiles que nous, le soin d’en parler. Ce qui est urgent et nécessaire pour nous est de connaître les ruses qu’ils emploient contre nous. Sachons d’abord que les démons sont appelés démons non parce qu’ils ont été créés ainsi, car Dieu n’a rien créé de mauvais, eux aussi ont été créés bon, mais ils sont devenus mauvais. Déchus de la sagesse céleste, se roulant alors autour de la terre, ils ont trompé les païens par des apparences et, pleins de haine contre nous autres, chrétiens, ils mettent tout en œuvre pour nous fermer le chemin du ciel d’où ils sont exclus et où ils voudraient nous empêcher d’arriver. C’est pourquoi nous devons prier et nous mortifier beaucoup pour que chacun, ayant reçu de l’Esprit-Saint le don de discerner les esprits infernaux, puisse connaître ce qui leur est propre, ceux qui parmi eux sont moins pervers et ceux qui le sont davantage, le but particulier où se porte leur empressement et le moyen qui permet de repousser et de mettre en fuite chacun d’eux. Leurs ruses sont nombreuses et leurs efforts décuplés pour nous dresser des embûches. C’est ce que savaient le bienheureux apôtre Paul et ses disciples lorsqu’ils disaient : “Nous n’ignorons pas ses pensées.” (2Co 2.11) (21) Ainsi donc, à cause des épreuves que nous avons subies de la part des démons, nous devons nous corriger les uns les autres. Pour moi qui en ai acquis certaines expériences, je vous en parle comme à mes enfants. Lorsqu’ils voient les chrétiens, mais surtout les moines aimer les mortifications et faire des progrès dans la vertu, ils essayent d’abord de les éprouver en dressant des embûches sur leur chemin. Leurs embûches sont les mauvaises pensées, mais il ne faut pas nous effrayer de leurs suggestions, car ils sont aussitôt terrassés par la prière, le jeûne et la foi en Notre Seigneur. Cependant, quoique terrassés, ils ne restent pas en repos pour autant, mais, employant la ruse et la fourberie, ils reviennent de nouveau à la charge. Lorsqu’ils ne peuvent pas tromper un cœur par d’obscènes voluptés, ils ont recours à d’autres stratagèmes. Ils essayent d’effrayer par de vains fantômes en prenant la ressemblance et les manières de femmes, de bêtes féroces, de reptiles, de personnages d’une grandeur extraordinaire et d’une troupe de soldats. Malgré cela, il ne faut pas s’effrayer de ces fantômes, car ils ne sont rien et disparaissent très vite, surtout si l’on se fortifie de la foi et du signe de la croix. Ils sont audacieux et très-imprudents : vaincus d’un côté, ils attaquent de l’autre. Ils feignent de prophétiser et de prédire l’avenir, de paraître atteindre jusqu’au toit par la grandeur de leur stature pour tromper par de semblables apparitions ceux qu’ils n’ont pu séduire par d’obscènes pensées. S’ils trouvent une âme affermie par la foi et l’espérance, ils viennent alors avec leur chef. Le démon m’est souvent apparu semblable à celui que le Seigneur découvrit à Job, lorsqu’il dit “Ses yeux ont l’éclat de l’aurore. Le feu qui sort de sa bouche produit des étincelles. De ses narines sort une fumée comme d’une fournaise allumée. Son souffle allume les charbons. Sa poitrine vomit la flamme.” (Job 41.9-11) (22) C’est ainsi qu’apparaît le chef des démons pour effrayer, fourbe et plein de jactance, comme je l’ai dit, et comme le Seigneur le dévoile de nouveau à Job. “Pour lui, le fer est comme de la paille, l’airain comme du bois vermoulu. Il fait bouillonner l’abîme comme une chaudière, la mer comme un vase d’huile. Il regarde la profondeur de l’enfer comme sa conquête, l’abîme comme un lieu de promenade” (Job 41.18-21) (23), et d’après le prophète : “Je le saisirai et le poursuivrai.” (Exode 15.9) (24), et encore d’après Isaïe : “Je prendrai toute ta terre dans ma main comme un nid d’oiseaux et je l’emporterai comme des œufs abandonnés.” (Isaïe 10.14) (25) »

« Voilà ce dont les démons osent se vanter, et ce qu’ils annoncent avec emphase pour induire en erreur les âmes pieuses. Mais nous, qui mettons toute notre confiance en Dieu, nous ne pouvons ni redouter les apparitions de Satan ni faire attention à ses paroles, car il ment et ne dit absolument rien de vrai. Bien qu’il parle avec tant de hardiesse, il est attiré à l’hameçon comme un dragon par le Seigneur, comme une bête de somme qui a reçu le frein autour des naseaux, comme un fugitif dont les narines sont enchaînées par une boucle, et les lèvres percées par un anneau. Le Seigneur l’a lié comme un passereau pour nous servir de risée. Lui et les démons qui l’entourent ont été placés comme des scorpions et des serpents pour être foulés aux pieds par nous autres chrétiens. La preuve en est dans le genre de vie que nous avons embrassé pour les combattre, car celui qui se vantait de dessécher la mer et de s’emparer de toute la terre ne peut plus maintenant mettre obstacle à vos mortifications, ni même m’empêcher de parler contre lui. Ne faisons donc pas attention à ses paroles, car il ment, et ne nous effrayons pas de ses vaines apparitions. Ce n’est pas la vraie lumière qui apparaît en elles, ce sont plutôt les préludes et l’image du feu préparé aux démons. De ces flammes où ils doivent brûler, ils s’efforcent d’en effrayer les hommes. Ils apparaissent réellement et disparaissent aussitôt sans faire, il est vrai, aucun mal aux vrais fidèles, mais portant avec eux l’image du feu qui doit les atteindre. Nous ne devons donc pas les craindre, car leurs efforts sont impuissants par la grâce du Christ. Toutefois, ils sont rusés et prêts à prendre toutes sortes de formes et de figures. Souvent, sans se montrer, ils font semblant de chanter des cantiques, citant de mémoire les paroles des Écritures. Quelquefois, lorsque nous lisons, ils répètent de suite comme un écho ce que nous venons de lire. Lorsque nous sommes couchés, ils nous réveillent pour la prière, ce qu’ils font souvent pour nous empêcher de dormir. D’autres fois, prenant la ressemblance de moines, ils feignent le langage d’hommes pieux pour, sous cette apparence, induire en erreur et attirer ensuite où ils veulent ceux qu’ils ont trompés. Mais il ne faut pas faire attention à eux, qu’ils nous réveillent pour la prière ou qu’ils nous exhortent à ne rien manger, qu’ils feignent de s’accuser et de se repentir des choses dont ils se sentent coupables envers nous. Ils n’agissent pas ainsi par scrupule et par amour de la vérité, mais pour désespérer les personnes simples et les amener à dire que les mortifications sont inutiles et pour dégoûter les hommes de la vie monastique comme trop pénible et trop lourde et être un obstacle pour ceux qui l’ont embrassée. Le prophète envoyé par le Seigneur plaignait ceux qui agissent ainsi, lorsqu’il disait : “Malheur à celui qui présente à son voisin un breuvage funeste.” (Habaquc 2.15) (26) De telles dispositions et de telles pensées détruisent la voie qui conduit à la vertu. Même si les démons ont dit la vérité en disant “Tu es le fils de Dieu !” (Marc 3.11) (27) le Seigneur cependant les musela et les empêcha de parler, afin qu’ils ne mêlassent pas leur propre malice avec la vérité (Marc 3.12) (28) et pour nous habituer à ne jamais leur prêter attention, même s’ils paraissent dire la vérité. Il serait inconvenant que, lorsque nous possédons les saintes Écritures et avons reçu du Sauveur la liberté, nous nous laissions endoctriner par le démon qui, n’ayant pas conservé le rang qui lui était propre, est passé à des sentiments opposés. Voilà pourquoi le Seigneur l’empêcha de parler lorsqu’il dit par l’Écriture : “Dieu a dit au pécheur : pourquoi publies-tu mes décrets ? Pourquoi ta bouche annonce-t-elle mon alliance ?” (Psaume 49.16) (29) Les démons, en effet, emploient tous ces moyens, parlent de tout, jettent le trouble partout, jouent toutes sortes de rôles, effrayent les personnes simples pour les tromper. Ils font du bruit, rient comme des personnes insensées, sifflent, mais si l’on ne fait pas attention à eux, ils se lamentent et pleurent parce qu’ils sont vaincus. Le Seigneur donc, comme Dieu, les a muselés. Nous qui avons été instruits par les saints, nous devons agir d’après eux, imiter leur courage, car lorsqu’ils voyaient de telles choses, ils disaient : “Quand l’impie s’élevait contre moi, j’étais muet, je me suis humilié et j’ai gardé le silence, le bien.” (Psaume 38.2) (30) Et ailleurs : “Je suis comme un sourd qui n’entend pas, comme un muet qui n’ouvre pas la bouche. Je suis comme un homme dont les oreilles sont fermées et dont la langue est enchaînée.” (Psaume 37.14-15) (31) Ne les écoutons donc pas puisqu’ils nous sont étrangers et ne leur obéissons pas, même s’ils nous réveillent pour la prière ou qu’ils nous parlent de jeûnes. Appliquons-nous plutôt avec ardeur au genre de vie que nous avons embrassé pour que nous ne soyons pas trompés par toutes les ruses qu’ils emploient contre nous. Il ne faut pas les redouter, qu’ils semblent nous attaquer ou qu’ils nous menacent de la mort, car ils sont très faibles et ne peuvent que menacer. »

« Jusqu’à présent, en parlant ainsi, je n’ai fait que parcourir ce sujet. Je ne dois pas craindre d’exposer de plus grands détails en ce qui concerne les démons parce que le récit vous sera utile. À l’avènement du Seigneur, l’ennemi du genre humain tomba et sa force fut brisée. C’est pourquoi, ne pouvant rien comme tyran, quoique tombé, il ne reste jamais en repos, mais ne menace qu’en paroles. Que chacun de vous réfléchisse à cela ce qui lui permettra de mépriser les démons. S’ils étaient revêtus d’un corps comme nous, ils pourraient dire : “Nous ne trouvons pas les hommes qui se cachent ; si nous les trouvions, nous leur ferions du mal.” Nous pourrions, nous aussi, nous cacher et nous dérober à leurs regards en fermant sur eux nos portes, mais puisqu’ils n’ont pas de corps, ils peuvent entrer par les portes même fermées et se répandre eux et leur chef dans tout l’espace de l’air. Ils sont malveillants et disposés à faire le mal. Le Sauveur a dit : “Le démon, père du mal, a été homicide dès le commencement.” (Jean 8.44) (32) Pour nous, tandis que nous vivons, nous dirigeons tous nos efforts contre lui. La faiblesse des démons est évidente, car aucun lieu ne les empêche de dresser leurs embûches. Ils savent que nous ne sommes pas assez leurs amis pour nous épargner, ils n’aiment pas assez le bien pour se corriger, leur perversité au contraire n’en est que plus grande et ils n’ont rien de plus à cœur que de nuire à ceux qui pratiquent la vertu et la piété. Parce qu’ils ne peuvent rien, ils ne font que des menaces. S’ils avaient quelque pouvoir, ils ne tarderaient pas à commettre le mal où tend tout leur désir, mais surtout contre nous. Maintenant que, réunis, nous parlons contre eux, ils voient qu’ils s’affaiblissent à mesure que nous faisons des progrès dans la vertu. S’ils en avaient le pouvoir, ils ne laisseraient la vie à aucun des chrétiens, car la piété est pour le pécheur un objet d’exécration. (Ben Sira le Sage 1.25) (33) Comme ils ne peuvent rien, ils se blessent d’autant plus les uns les autres qu’ils sont dans l’impuissance d’exécuter leurs menaces. Il faut réfléchir à cela pour ne pas les craindre. S’ils avaient un quelconque pouvoir, ils ne viendraient pas en si grand nombre ni sous la forme de fantômes ni en se déguisant pour dresser leurs embûches ; un seul suffirait pour faire ce qu’il pourrait et voudrait. Surtout, celui qui aurait ce pouvoir n’emprunterait pas une vaine apparence pour ôter la vie ni n’effrayerait pas en faisant du bruit, mais userait à son gré du pouvoir qu’il aurait. Or, ne pouvant rien, les démons jouent la comédie comme au théâtre, changent de figures et font peur aux enfants par le bruit de leurs apparitions et avec leurs déguisements. Voilà ce qui rend leur faiblesse encore plus digne de mépris ! L’ange véritable envoyé par le Seigneur contre les Assyriens n’eut pas besoin de réunir une grande multitude, ni de prendre une forme étrangère, ni de faire du bruit, ni de battre des mains. Il usa avec calme de son pouvoir et tua immédiatement quatre-vingt-cinq mille hommes. Les démons, ne pouvant rien, tentent d’effrayer par des apparitions. »

« Si quelqu’un disait en réfléchissant à ce qui est arrivé à Job : “Pourquoi le démon l’ayant attaqué eut-il tout pouvoir contre lui, lui enleva-t-il toutes ses possessions, tua-t-il ses enfants et le frappa-t-il d’un ulcère ?”, qu’il sache que ce n’était pas la puissance du démon, mais celle de Dieu qui lui livra Job pour le tenter. Comme il ne pouvait rien, il obtint de Dieu le pouvoir qu’il avait demandé pour agir. Ceci montre que l’ennemi du genre humain est d’autant plus méprisable que, malgré sa volonté, il n’eut aucun pouvoir même contre un seul homme juste, car s’il avait eu ce pouvoir, il ne l’aurait pas demandé. Or, comme il l’a demandé non seulement une fois, mais deux fois, c’est une preuve évidente de sa faiblesse et qu’il ne peut rien. Il ne faut donc pas s’étonner s’il n’eut aucune puissance contre Job, puisqu’il n’aurait même pu faire aucun mal à ses bêtes de somme sans le consentement de Dieu. Il n’eut même aucun pouvoir contre les pourceaux, puisqu’il est écrit dans l’Évangile : “Les démons invoquèrent le Seigneur en disant : permets-nous d’entrer dans des pourceaux.” (Matthieu 8.31) (34) Si donc ils n’ont aucun pouvoir contre des pourceaux, ils en ont beaucoup moins contre des hommes créés à l’image de Dieu. Il faut donc craindre Dieu seul, mépriser les démons et nullement les redouter. Plus ils font d’efforts, plus nous devons redoubler de zèle pour les combattre. Une conduite droite et la foi en Dieu sont contre eux une arme puissante : c’est pourquoi les démons craignent les jeûnes des ascètes, leurs veilles, leurs prières, la douceur du caractère, la tranquillité de l’âme, le désintéressement des richesses, le mépris de la vaine gloire, l’humilité, la charité, la longanimité, mais surtout la piété envers le Christ. Aussi font-ils tous leurs efforts pour que personne ne les foule aux pieds. Ils savent qu’il a été donné contre eux une grâce aux fidèles par la miséricorde du Sauveur qui a dit : “Je vous donne le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions et toute la puissance de l’ennemi.” (Luc 10.19) (35) »

« S’ils feignent de prédire l’avenir, il ne faut pas y faire attention. Souvent, en effet, ils annoncent d’avance que des frères arriveront dans quelques jours et ils arrivent effectivement. Or, ils agissent ainsi, non pour l’intérêt de ceux qui les écoutent, mais afin de capter leur confiance et de les perdre une fois qu’ils auront été en leur pouvoir. Il ne faut donc pas faire attention à eux, mais nous devons au contraire les chasser lorsqu’ils parlent parce que nous n’avons nullement besoin d’eux. Qu’y a-t-il d’étonnant, en effet, si ayant des corps plus légers que ceux des hommes et les voyant entreprendre un voyage, ils les préviennent en vitesse et en apportent la nouvelle ? Un homme à cheval annonce cela d’avance en prenant les devants sur celui qui est à pied. Il ne faut donc pas les admirer pour cela, car ils ne connaissent pas d’avance ce qui n’existe pas. Il n’y a que Dieu qui connaisse toutes choses avant qu’elles soient. Eux, ils annoncent ce qu’ils voient en prenant les devants comme des voleurs. À combien de personnes n’annoncent-ils pas maintenant ce que nous faisons, que nous sommes rassemblés, ce que nous dirons contre eux, avant même qu’aucun de nous n’en fasse le rapport en sortant ? Un enfant en marchant vite peut en faire autant s’il prend de l’avance sur celui qui marche lentement. Par exemple, supposons que quelqu’un entreprenne un voyage hors de la Thébaïde ou d’un autre pays, les démons ne savent pas s’il se mettra en route avant qu’il n’ait commencé son voyage, mais le voyant marcher, ils courent en avant et en annoncent la nouvelle avant son arrivée qui a lieu en effet quelques jours après. Souvent aussi, ils se trompent lorsque les voyageurs reviennent sur leurs pas. Ils disent quelquefois de semblables balivernes sur les eaux du Nil. Lorsqu’ils voient qu’il a beaucoup plu en Éthiopie, prévoyant qu’il y aura une inondation du fleuve, ils courent l’annoncer avant que les eaux n’arrivent en Égypte. Tout homme pourrait dire cela s’il pouvait marcher aussi vite qu’eux. La sentinelle de David, placée sur une hauteur, vit plus facilement un homme qui arrivait que celle qui était au bas, celui qui prit les devants annonça avant les autres, non pas ce qui était arrivé, mais ce qui allait arriver. De même, les démons ne prennent tant de peine pour annoncer aux hommes les événements que dans le but de les tromper. Si dans l’intervalle, la Providence en dispose autrement au sujet des voyageurs et des eaux du fleuve (et elle en a le pouvoir), alors ils se trompent et trompent en même temps ceux qui ont confiance en eux. C’est ainsi que se sont établis les oracles des païens et qu’ils ont été trompés par les démons. »

« Mais cette imposture a enfin cessé. Le Seigneur est venu et a aboli les démons avec leur fourberie, car ils ne connaissent rien par eux-mêmes, mais, semblables à des voleurs, ils disent ce qu’ils voient chez les autres et plutôt par conjecture que par prévision de l’avenir. C’est pourquoi, bien qu’ils disent quelquefois la vérité, il ne faut pas s’étonner. Les médecins qui ont l’expérience des maladies conjecturent souvent, avec l’habitude, celle qui doit arriver. Il en est de même des pilotes, des agriculteurs qui, grâce à l’habitude qu’ils ont d’observer le ciel, prévoient si le temps sera beau ou mauvais. Personne ne dira qu’ils annoncent cela par une inspiration divine, mais par expérience et par habitude. Que personne ne s’étonne donc si parfois les démons parlent par conjecture, et n’y fasse attention. Qu’est-ce que les auditeurs retirent en apprenant d’eux ce qui doit arriver quelques jours à l’avance et quel besoin a-t-on de connaître de telles choses, quand même elles seraient reconnues vraies ? Elles n’ajoutent rien à la vertu et cette recherche n’est nullement le fait d’un cœur pur. »

« Aucun de nous n’est jugé sur ce qu’il ne sait pas et personne n’est considéré comme heureux à cause de ce qu’il a appris et parce qu’il sait quelque chose. Chacun est jugé selon qu’il a gardé la foi et qu’il a observé fidèlement les préceptes. Nous ne devons pas mettre beaucoup d’importance à ces connaissances ni embrasser la vie ascétique et ses labeurs pour connaître l’avenir, mais pour plaire à Dieu par notre bonne conduite. Il ne faut pas prier pour connaître l’avenir, ni pour demander à la vie ascétique une telle récompense, mais pour que le Seigneur nous aide à remporter la victoire sur les démons. Si cependant nous avons le désir de connaître l’avenir, purifions notre cœur, car je suis persuadé qu’une âme entièrement pure et gardant sa nature peut, devenue clairvoyante, apercevoir, mieux que les démons, beaucoup de choses et des choses beaucoup plus éloignées, ayant le Seigneur pour les découvrir. Telle était l’âme d’Élisée lorsqu’il vit ce qu’avait fait Guéhazi (2Rois 5.26) (36), et une armée rangée devant lui en bataille. (2Rois 6.15) (37) »

« Lors donc que les démons viennent chez vous la nuit et qu’ils veulent prédire l’avenir ou qu’ils disent : nous sommes des anges, ne les croyez pas, car ils mentent. Si même ils louent votre vie ascétique et vous estiment heureux, ne les écoutez pas et ne faites même pas attention à eux, mais faites plutôt le signe de la croix sur vous et sur la maison, priez et vous les verrez bientôt disparaître, car ils sont craintifs et ne redoutent rien plus que le signe de la croix puisque c’est par lui que le Seigneur les a dépouillés de leur puissance pour les livrer en spectacle au monde. S’ils se présentent avec plus d’impudence en dansant et en variant leurs apparitions, ne craignez pas, ne soyez pas frappés d’épouvante, ne faites pas attention à eux comme si c’était de bons esprits, car, si Dieu le permet, il est facile de reconnaître la présence des bons esprits et des mauvais esprits. »

« L’apparition des saints n’apporte aucun trouble, elle ne dispute pas, ne crie pas. Sa voix ne se fait pas entendre (Isaïe 42.2) (38), mais elle arrive d’une manière si tranquille et si douce qu’aussitôt l’allégresse, la joie et la confiance se répandent dans l’âme, car le Seigneur qui est notre joie est en elle. Les pensées restent calmes et paisibles, de sorte que l’âme éclairée par elle-même contemple leurs apparitions. Le désir des biens célestes et futurs s’empare d’elle et elle voudrait leur être entièrement réunie pour s’en aller avec eux. Mais si, comme hommes, quelques personnes s’effrayent de l’apparition des bons esprits, ceux-ci aussitôt dissipent leur crainte par l’affection qu’ils leur portent. C’est ainsi qu’agit Gabriel envers Zacharie (Luc 1.13) (39), qu’apparut aux femmes l’ange dans le saint sépulcre (Matthieu 28.5) (40) et aux bergers lorsqu’il dit dans l’Évangile : “Ne craignez pas”. (Luc 2.10) (41) Leur frayeur ne venait pas d’une crainte de l’âme, mais de la connaissance qu’ils avaient de l’accomplissement des plus grands prodiges. Telle est la vision des saints, mais l’agression et l’apparition des mauvais esprits sont remplies de trouble, de bruit, de retentissement et de vociférations semblables à l’agitation d’enfants mal élevés et de brigands. Ceci génère aussitôt la frayeur de l’âme, le trouble, la confusion des pensées, la tristesse, la haine de la vie ascétique, le découragement, le souvenir de la famille, la crainte de la mort et enfin le désir du mal, le mépris de la vertu et le désordre des mœurs. Lorsque la vision d’une apparition vous effraye, si la crainte disparaît aussitôt pour faire place à une joie ineffable, à l’allégresse, à la confiance au délassement de l’esprit, au calme et à tous tes effets dont j’ai déjà parlé, au courage et à l’amour de Dieu, rassurez-vous et priez, car la joie et le calme de l’âme sont la marque de la sainteté de celui qui s’offre à nos regards. C’est ainsi qu’Abraham fut rempli de joie à la vue du Seigneur, et que Jean tressaillit d’allégresse en entendant la voix de Marie, mère de Dieu. (Luc 1.41) (42) »

« Mais si une apparition se fait avec du tumulte, du bruit au-dehors, avec un appareil mondain, en menaçant de la mort et avec tout ce que j’ai dit, soyez persuadés que c’est l’arrivée des esprits infernaux. Si l’âme reste craintive, c’est l’indice de la présence de l’ennemi, car les démons ne dissipent pas la frayeur de ceux qui en sont atteints, comme fit le grand archange Gabriel à Marie et à Zacharie, ou encore celui qui apparut aux femmes dans le sépulcre. (Marc 16.6) (43) Bien au contraire, lorsqu’ils voient quelques personnes effrayées, ils multiplient leurs apparitions pour les frapper de terreur, et pour ensuite, après les avoir attaquées, se moquer d’elles en leur disant : “Maintenant que vous êtes tombés, adorez-nous.” Voilà comme ils les trompent. C’est ainsi qu’ils ont été considérés faussement par elles comme des dieux. »

« Le Seigneur n’a pas permis que nous soyons trompés par le démon, lorsque, lui reprochant de faire de semblables apparitions, il lui dit : “Retire-toi, Satan, car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur et tu le serviras lui seul.” (Matthieu, 4,10) (44) Donc à cause de cela, nous devons donc mépriser de plus en plus ses fourberies, car c’est pour nous que le Seigneur parle ainsi, pour que nous mettions en fuite les démons en leur adressant les mêmes reproches que le Seigneur. Mais il ne faut pas se glorifier d’avoir chassé les démons, ni s’enorgueillir d’avoir opéré des guérisons, ni admirer celui qui met en fuite les démons, ni mépriser celui qui ne les chasse pas. Que chacun apprenne de l’autre la mortification, qu’il l’imite et devienne son émule ou se corrige. Ce n’est pas à nous de faire des miracles, c’est l’œuvre du Sauveur. Voilà pourquoi il dit à ses disciples : “Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous soient soumis, mais réjouissez-vous plutôt de ce que vos noms soient écrits dans les cieux.” (Luc 10.20) (45) Si nos noms sont écrits dans le ciel, c’est une preuve de notre vertu et de notre vie. Le pouvoir de chasser les démons est une grâce que le Seigneur nous accorde. C’est pourquoi, à ceux qui se glorifiaient, non dans la vertu, mais dans les prodiges, en disant : “Seigneur, n’avons-nous pas chassé les démons en votre nom et fait beaucoup de miracles en votre nom”, il répondit : ‘Je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas.’” (Matthieu 7.22-23) (46) En effet, le Seigneur ne connaît pas la voie des impies. En un mot, il faut prier comme je l’ai dit pour recevoir la grâce de discerner les esprits et pour que nous n’ajoutions pas foi à tout esprit, comme il est dit dans l’Écriture. »

« Je devrais me taire ici et, sans parler de moi-même, me contenter de ce que je viens de dire, mais pour que vous ne pensiez pas que je ne vous ai pas parlé de ces choses par aventure et que vous soyez persuadés au contraire que je ne vous parle que d’après l’expérience et avec vérité, je vous raconterai de nouveau ce que je sais des efforts des démons, même si je devrais passer pour insensé, mais le Seigneur qui m’entend connaît la pureté de mon cœur. Il sait que ce n’est pas pour moi que je parle, mais par charité pour vous, et pour vous encourager. »

« Toutes les fois qu’ils me donnaient des louanges, je les maudissais au nom du Seigneur. Toutes les fois qu’ils faisaient des prédictions sur les eaux du Nil, je leur disais : “que vous importe cela ?” Ils vinrent un jour en me menaçant et m’entourèrent comme une troupe de soldats bien armés. Une autre fois, ils remplirent la maison de chevaux, de bêtes sauvages et de reptiles et je me mis à chanter : “Ils sont venus, les uns sur des chars, les autres sur des chevaux, mais nous nous sommes relevés au nom du Seigneur notre Dieu,” (Psaume 19.8) (47) et par mes prières le Seigneur les mit en fuite. Une fois, ils vinrent pendant la nuit portant avec eux l’apparence d’un flambeau, et me dirent : “Antoine, nous venons pour t’éclairer.” Je fermai les yeux et me mis à prier. Aussitôt, la lumière des impies s’éteignit. Quelques mois après, ils vinrent en chantant et en citant les paroles des Écritures, mais moi, comme un sourd, je ne les écoutai pas. Ils ébranlèrent un jour le monastère, je restai calme et me mis à prier. Après cela, revenant de nouveau, ils frappaient des mains, sifflaient, dansaient, mais comme je priais et que, couché, je chantais en moi-même des psaumes, ils commencèrent aussitôt à se lamenter et à pleurer, voyant qu’ils avaient perdu leur temps. Je rendais gloire à Dieu qui avait réprimé et avait mis au grand jour leur audace et leur fureur. Une autre fois, le démon, se montrant à moi sous une forme très élevée, osa me dire : “Je suis la puissance de Dieu, je suis la Providence ; que désires-tu ?” Je te le donnerai. Je soufflai sur lui en invoquant le nom du Christ et m’efforçai de le frapper. Je crus même l’avoir frappé. Aussitôt, au nom du Christ, ce terrible ennemi disparut avec tous ses démons. Il vint un jour où je jeûnais. Le fourbe, sous la figure d’un moine m’apportant la ressemblance d’un pain, m’exhorta en me disant : “Mange et cesse tes longs travaux, car tu es homme, toi aussi, et tu risques de tomber malade.” Comme je connaissais ses ruses, je me suis levé pour prier. Le démon ne put supporter cela, car il disparut et sembla s’en aller par la porte comme une fumée. Que de fois dans le désert ne m’a-t-il pas présenté l’image de l’or pour seulement le toucher ou le regarder. Alors je chantais des psaumes en maudissant cet or et le démon se consumait de rage. Plusieurs fois ils m’ont accablé de coups, mais je disais : “Rien ne me séparera de l’amour du Christ.” Eux, en entendant ces paroles, redoublaient leurs coups les uns contre les autres. Ce n’était pas moi qui pouvais arrêter ni apaiser leur fureur, mais le Seigneur lorsqu’il dit : “Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair.” (Luc 10.18) »

« Pour moi, mes enfants, me rappelant les paroles de l’apôtre, j’ai personnifié ces choses en moi (1Cotr 4.6) (48) pour que vous appreniez à ne pas perdre courage dans la vie ascétique, et à ne pas craindre les apparitions de Satan et de ses démons. Puisque j’ai été insensé en vous parlant ainsi, recevez encore ceci pour que vous viviez en sûreté et sans crainte. Croyez-moi, car ce que je dis est la vérité. Un jour, quelqu’un vint frapper à ma porte dans le monastère. Je sortis et je vis apparaître un fantôme d’une grandeur extraordinaire. Je lui demandai qui il était. “Je suis Satan”, me répondit-il.
“Pourquoi donc es-tu ici ?”, lui dis-je.
Il me dit : “Pourquoi les moines et les autres chrétiens m’accusent-ils sans raison ? Pourquoi à toute heure me maudissent-ils ?”
“Pourquoi est-ce que tu les importunes ?”, lui dis-je.
Il me répondit : “Ce n’est pas moi qui les importune, ce sont eux qui se tourmentent, car j’ai perdu toute ma force. N’ont-ils pas lu que le glaive de l’ennemi est tombé pour toujours, que ses villes ont été anéanties ? (Psaume 9A.7) (49) Je n’ai plus de traits partout où il y a des chrétiens, le désert même est peuplé de moines. Qu’ils s’observent donc eux-mêmes et qu’ils ne me maudissent pas sans raison.”
Admirant la grâce de Dieu, je lui dis : “Bien que tu mentes toujours et que tu ne dises jamais la vérité, cette fois-ci, malgré toi, tu as dit vrai, car le Christ à son avènement t’a rendu faible et, en te renversant, t’a dépouillé de ta puissance.”
En entendant prononcer le nom du Seigneur et ne pouvant supporter la brûlure qu’il en ressentait, il disparut aussitôt. Puisque le diable avoue lui-même qu’il ne peut rien, nous devons de toute manière le mépriser ainsi que les démons. Voilà les ruses qu’emploie l’ennemi avec les esprits infernaux, mais nous qui les connaissons, nous pouvons les mépriser. Ne nous décourageons pas, n’ouvrons pas notre cœur à la crainte, ne nous forgeons pas de vaines terreurs, en disant : “Pourvu que le démon ne vienne pas pour me renverser, pourvu qu’il ne me jette pas à bas après m’avoir enlevé, ou que, se présentant tout à coup, il ne me frappe pas d’épouvante.” Ne pensons nullement à cela et ne nous affligeons pas comme si nous étions perdus, prenons confiance ou plutôt réjouissons-nous toujours d’être sauvés, réfléchissons en notre âme à ce que le Seigneur, qui a mis en fuite et comprimé le démon, est avec nous. Pensons et mettons-nous toujours dans l’esprit que, tant que le Seigneur sera avec nous, les démons ne pourront rien contre nous, car, tels qu’ils nous trouvent lorsqu’ils arrivent, tels ils sont envers nous. Ils disposent leurs apparitions en fonction des pensées qu’ils découvrent en nous. S’ils nous trouvent craintifs et troublés, eux aussitôt, comme des voleurs, voyant la place sans défense, s’en emparent et profitent pour agir des dispositions où nous sommes. S’ils nous voient épouvantés, ils augmentent encore leurs apparitions et leurs menaces et la pauvre âme est opprimée par eux. Mais, s’ils nous trouvent en train de nous réjouir dans le Seigneur, de méditer sur les biens futurs, d’orienter notre esprit vers les choses de Dieu et de réfléchir au fait que tout est dans sa main et que le démon ne peut rien contre le chrétien et n’a de pouvoir en un mot sur personne, voyant alors l’âme affermie par de telles pensées, les démons, tout confus, prennent la fuite. C’est ainsi que Satan, lorsqu’il vit Job fortifié, se retira et que, trouvant Judas privé de ces sentiments, il en fit son captif. Si donc nous voulons mépriser l’ennemi, pensons toujours aux choses du Seigneur. Que notre âme se réjouisse toujours dans l’espérance. Alors nous regarderons comme de ta fumée les enfantillages des démons et nous les verrons plutôt nous fuir que nous poursuivre, car, comme je l’ai dit, ils sont extrêmement craintifs et s’attendent toujours au feu qui leur est préparé. Pour dissiper votre crainte que ceci vous serve d’indice. Lorsque vous avez une apparition, ne soyez pas aussitôt saisis de frayeur, mais, quelle que soit cette apparition, demandez avec hardiesse : “Qui es-tu et d’où viens-tu ?” Si c’est une vision des saints, ceux-ci vous en convaincront en changeant en joie votre frayeur. Si c’est une apparition diabolique, elle perd aussitôt toute sa force en voyant l’esprit fortifié. En effet, la marque d’une âme exempte de trouble est de demander : “Qui es-tu ? D’où viens-tu ?” C’est ainsi que le fils de Noun interrogea les habitants de Gabaon (Josué 9.8) (50). Le démon n’était pas inconnu de Daniel, lorsque celui-ci interrogea la vision qui était devant lui. » (Daniel 10.11,18-19) (51)

Pendant qu’Antoine partait ainsi, tous ses disciples étaient tout joyeux. Dans les uns, l’amour de la vertu augmentait ; dans les autres, la négligence disparaissait ; en d’autres, la présomption cessait. Tous avaient pris la résolution de mépriser les démons, admirant la grâce que le Seigneur avait accordée à Antoine pour désarmer les esprits.

Un beau spectacle de la vie monastique.

Les monastères qui s’élevaient sur les montagnes ressemblaient à des tabernacles remplis de chœurs divins qui chantaient, étudiaient, jeûnaient, priaient, tressaillaient d’allégresse dans l’espérance des biens futurs. Ils s’aimaient les uns les autres et vivaient dans une parfaite concorde. La vraie patrie de la justice et de la piété était dans ce coin du monde. Là, personne n’avait commis ou subi une injustice, personne n’avait subi les vexations de l’exacteur, mais une multitude d’hommes dont toutes les pensées avaient pour objet la vertu travaillaient pour se rendre parfaits. Ainsi, tous ceux qui contemplaient ces monastères et l’ordre qui y régnait disaient : « Que tes maisons sont belles, ô, Jacob ; que tes tentes sont magnifiques, ô Israël ; tes pavillons ressemblent à des vallées ombragées. Ils sont comme un jardin sur le bord d’un fleuve, comme les tentes que le Seigneur a dressées, comme les cèdres qui croissent sur le bord des eaux. » (Nombres 24.5-6) (52)

S’étant retiré dans son monastère suivant son habitude, Antoine s’adonna avec une plus grande ardeur à la vie ascétique. Chaque jour, il soupirait en pensant aux demeures du Ciel, n’ayant des désirs que pour elles et songeant à la vie éphémère de l’homme. Ne regardant que les qualités intellectuelles de l’âme, il rougissait lorsqu’il devait consommer de la nourriture, se coucher et être assujetti aux autres nécessités du corps. Souvent, en songeant à la nourriture spirituelle, il refusait de manger avec les autres moines et s’éloignait d’eux. Il pensait que ce serait une honte pour lui si on le voyait manger et, cependant, par nécessité du corps, il consommait à l’écart de la nourriture. Souvent, soit par respect pour ses frères, soit pour leur adresser en toute liberté d’utiles paroles, il leur disait qu’il fallait soigner l’âme plutôt que le corps, qu’il était cependant nécessaire de lui accorder un peu de temps par nécessité, mais qu’il fallait employer tout le reste au bien de l’âme pour qu’elle ne soit pas entraînée par les voluptés du corps et pour qu’ainsi, elle ne soit pas réduite en servitude. Ce sont même, ajoutait-il, les paroles du Sauveur, lorsqu’il dit : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez ni pour votre corps où vous trouverez des vêtements. Ne demandez donc pas ce que vous mangerez et ce que vous boirez et ne tâchez point de vous élever, car les gens du monde recherchent toutes ces choses, mais votre père sait ce dont vous avez besoin. Cherchez plutôt le royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné. » (Luc 12.29-31) (53)

Antoine se rend à Alexandrie pendant la persécution.

Après ce qui vient d’être raconté survint la persécution de Maximin. Comme on conduisait à Alexandrie les saints confesseurs, Antoine quitta son monastère pour les accompagner. Il dit : « Allons combattre aussi, si l’on nous appelle, ou du moins allons contempler ceux qui combattent. » Il désirait le martyre, mais ne voulant pas se livrer lui-même, il servait les saints et dans les mines et dans les prisons. Il les encourageait dans leurs combats avec un grand zèle lorsqu’ils étaient cités devant les tribunaux et lorsqu’ils avaient confessé la foi. Il les recevait et les accompagnait jusqu’à ce qu’ils aient consommé leur sacrifice. Le juge, voyant l’intrépidité d’Antoine et de ceux qui étaient avec lui, interdit qu’un moine parût au tribunal et même qu’il restât dans la ville. Tous les autres pensèrent qu’ils devaient se cacher pendant ce jour-là, mais Antoine fit si peu de cas de cette défense qu’il lava son manteau et vint le lendemain habillé de son plus beau costume se placer sur un lieu élevé pour se montrer au gouverneur. Pendant que tout le monde s’étonnait de son audace et que le gouverneur passait avec sa cohorte avec les yeux fixés sur lui, Antoine se tenait debout sans trembler et montrait quel est le courage des chrétiens, car lui aussi désirait le martyre. Il était fâché de ne pas avoir eu l’occasion de confesser sa foi, mais le Seigneur le conservait pour qu’il enseignât à une multitude de chrétiens cette vie spirituelle dont il avait lui-même appris les secrets dans les saintes Écritures. En effet, la seule vue de sa conduite déterminait un grand nombre de personnes à imiter son genre de vie. Quand la persécution eut enfin cessé, et lorsque le bienheureux évêque Pierre eut quitté la terre, Antoine sortit de la ville et retourna dans son monastère où il continua ses exercices avec la plus grande ferveur. Il jeûnait continuellement. Son vêtement était de poil en dedans, de peau en dehors et il le garda jusqu’à sa mort. Jamais il ne prenait de bains pour cause de malpropreté ni ne se lavait les pieds ou ne les mettait dans l’eau que par nécessité. Jamais on ne le vit se déshabiller et personne ne vit son corps nu, excepté après sa mort quand on l’ensevelit.

Antoine guérit une jeune fille possédée du démon.

Pendant qu’il était retiré dans la solitude où il avait décidé de passer quelque temps sans sortir et sans recevoir personne, un capitaine nommé Martinien vint au monastère importuner Antoine, car il avait une fille tourmentée par le démon. Martinien demeura longtemps frappant à la porte, le suppliant de venir et de prier le Seigneur pour sa fille. Antoine ne voulut pas lui ouvrir, mais regardant par la fenêtre de sa cellule, il lui dit : « 0 homme, pourquoi m’importunez-vous par vos cris ? Je suis moi-même un homme comme vous. Si vous croyez au Christ que je sers, allez-vous-en, priez Dieu selon votre foi, et vous serez exaucé. » Martinien crut, il invoqua le Christ, s’en alla et ramena sa fille délivrée du démon. Le Seigneur, qui a dit : « Demandez et vous recevrez » a opéré beaucoup d’autres miracles par l’entremise d’Antoine, car, sans qu’il ouvrît sa porte, un grand nombre de malades se couchaient et dormaient en dehors du monastère, croyaient au Christ, l’invoquaient et obtenaient une complète guérison. Se voyant importuné par un grand nombre de personnes qui ne lui permettaient pas de vivre dans la retraite selon son dessein, craignant d’ailleurs que les merveilles que Dieu opérait par son ministère ne lui inspirassent des sentiments d’orgueil ou ne fissent concevoir aux autres des idées exagérées de son mérite, après y avoir bien réfléchi, il décida de se rendre dans la haute Thébaïde, pays où il n’était pas connu. Ayant donc pris des pains que ses frères lui donnèrent, il alla s’asseoir sur le bord du Nil, et là il examinait s’il ne verrait point venir un navire où il put prendre place pour remonter le fleuve avec les autres passagers.

Antoine entend une voix céleste.

Pendant qu’il regardait ainsi, une voix céleste se fit entendre à ses oreilles : « Antoine, où vas-tu, et quel est ton dessein ? » Antoine, qui avait coutume de s’entendre souvent ainsi appeler, répondit : « Puisque ces peuples ne me laissent pas en repos, j’ai décidé d’aller dans la haute Thébaïde pour éviter les importunités qu’on me fait subir en ce lieu et surtout parce qu’on me demande des choses qui sont au-dessus de mon pouvoir. » La voix lui dit alors : « Si tu veux trouver une paix véritable, va-t’en au fond du désert. » Antoine répondit : « Qui me montrera le chemin ? Car je ne le connais pas. » Aussitôt, la voix lui indiqua des Sarrazins qui devaient suivre cette route. Antoine s’avança donc et, les ayant abordés, il les pria de lui permettre de les accompagner dans le désert. Ceux-ci, comme si la Providence leur en eût donné l’ordre, l’accueillirent avec empressement. Après avoir marché avec eux trois jours et trois nuits, il arriva au pied d’une montagne très élevée. Il y avait au bas de cette montagne une source d’eau parfaitement claire, douce et fraîche. Au-delà s’étendait une plaine où croissaient quelques palmiers sauvages. Se croyant dirigé par le Seigneur, Antoine adopta cette montagne pour asile, car c’était bien le lieu que la voix du ciel lui avait indiqué sur les bords du Nil. Ayant reçu des pains que lui donnèrent ses compagnons de voyage, il resta sur la montagne, seul et sans aucune société. Il considéra ce lieu comme devant être sa demeure. Admirant la ferveur d’Antoine, les Sarrazins repassaient à dessein par cette route et se faisaient un plaisir de lui apporter des pains. Antoine trouvait aussi les fruits des palmiers comme nourriture. Plus tard, ses frères découvrirent le lieu de sa retraite. Ils eurent soin de lui envoyer ce dont il avait besoin. Ils se montrèrent à son égard comme des fils pleins de reconnaissance pour leur père.

Antoine sème du blé et cultive des légumes.

S’apercevant que plusieurs se gênaient et se fatiguaient pour lui apporter du pain, Antoine voulut leur épargner cette peine. Ainsi donc, après y avoir réfléchi, il pria quelques-uns de ceux qui venaient le visiter de lui apporter un hoyau, une hache et un peu de blé. Une fois que ces choses lui furent procurées, il parcourut le voisinage de la montagne. Ayant découvert un petit espace de terre convenable pour son projet, il le cultiva. Comme la source lui fournissait de l’eau en abondance pour l’arroser, il l’ensemença. Chaque année, renouvelant son travail, il en retirait son pain, se réjouissait de ne plus importuner personne et de ne plus leur être à charge. Par la suite, voyant que plusieurs venaient de nouveau le visiter, il cultiva aussi quelques légumes pour procurer à ses visiteurs un léger soulagement au cours de leurs pénibles voyages.

Antoine commande aux bêtes sauvages et elles lui obéissent.

Au début, les bêtes sauvages du désert, attirées par la fontaine, causaient souvent du dégât dans ses semailles et dans sa culture. Antoine prit un jour un de ces animaux et s’adressant en son nom à tous les autres, il leur dit agréablement : « Pourquoi me faites-vous du mal quand je ne vous en fais pas ? Allez-vous-en et, au nom du Seigneur, n’approchez plus d’ici. » À partir de ce moment, les animaux du désert, comme effrayés par cette défense, n’approchèrent plus de ce lieu. Il vivait seul sur cette montagne, consacrant son temps à la prière et aux exercices de piété. Les frères qui prenaient soin de lui le prièrent de souffrir qu’ils vinssent de mois en mois lui apporter des olives, des légumes et de l’huile, car il était vieux. Pendant le temps où il demeura là, combien de combats, d’après ceux qui l’ont visité, n’eut-il pas à soutenir, comme il est dit dans l’Écriture : « Nous avons à combattre non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les démons nos ennemis. » On entendait du bruit, des voix et comme le retentissement d’armes pendant la nuit, on apercevait la montagne remplie d’animaux sauvages et on le voyait combattre comme s’il avait à faire à des êtres visibles, et prier contre eux le Seigneur. C’est vraiment une chose étonnante qu’un homme seul dans un tel désert ne redoute pas l’approche des démons et ne soit pas effrayé de la férocité de ces animaux à quatre pieds, ni de ces reptiles qui habitent ces lieux. Il est dit dans l’Écriture : « Celui qui se confie dans le Seigneur sera comme la montagne de Sion, il ne sera point ébranlé et subsistera à jamais. » (Psaume 124.1) (54) Voilà pourquoi les démons et les bêtes farouches prenaient aussitôt la fuite, comme il est écrit : « Les animaux sauvages s’adouciront en sa présence. » (Job 5.23) (55)

Le démon mettait donc tous ses soins à observer Antoine et grinçait des dents, comme dit le Psalmiste (Psaume 34.16) (56), mais Antoine était consolé par le Seigneur et n’était pas atteint de ses fourberies et de ses ruses variées. Tandis qu’il veillait pendant la nuit, le démon envoya contre lui des bêtes sauvages. Presque toutes les hyènes qui habitaient ce désert sortirent de leurs tanières et l’entourèrent, chacune ayant la gueule béante, le menaçant de le mordre. Antoine, au milieu d’elles, reconnaissant la ruse du démon, leur dit à toutes : « Si vous avez reçu quelque puissance sur moi, me voilà prêt, dévorez-moi, mais si vous êtes soumises aux démons, retirez-vous sans différer, car je suis le serviteur du Christ. » À ces paroles, les hyènes s’enfuirent comme étant chassées par le fouet de cette parole. Quelques jours après, alors il travaillait, car il ne restait jamais sans rien faire, quelqu’un se présenta à la porte traînant une corde de jonc pour son travail. Antoine tressait alors des corbeilles qu’il donnait en échange de ce qu’on lui apportait. Il se leva et vit une bête ressemblant à un homme jusqu’aux cuisses, mais avec des jambes et des pieds semblables à ceux d’un âne. Antoine fit seulement le signe de la croix et lui dit : « Je suis le serviteur du Christ. Si tu as été envoyé contre moi, me voilà. » L’animal prit aussitôt la fuite avec les démons qui l’accompagnaient. La vitesse de l’animal fut telle qu’il tomba et mourut comme subitement.

Les disciples d’Antoine sont sur le point de mourir de soif.

Les moines l’ayant un jour prié de descendre de sa montagne et de venir visiter leur monastère qu’il n’avait pas vu depuis des années, il se mit en marche avec ceux qui étaient venus le trouver. Un chameau portait des pains et de l’eau pour le voyage, car tout ce désert est aride et sans eau potable, si ce n’est dans la montagne où résidait Antoine. Ils avaient fait leur provision à cette source. L’eau vint à manquer en route, et comme la chaleur était intense, ils se voyaient tous exposés à périr. Ils parcoururent tous les environs sans trouver d’eau. Ils ne pouvaient plus marcher. Désespérant de leur salut, ils se couchèrent par terre et laissèrent leur chameau aller où il voudrait.

Antoine fait jaillir une source.

Mais le vieillard, voyant tous ses compagnons face à un tel péril, fut profondément affligé. Il s’éloigna d’eux à une certaine distance en gémissant, se mit à genoux, leva ses mains au ciel et pria. À l’instant, le Seigneur fit sortir une source d’eau à l’endroit même où il était en prière. Tous ses compagnons burent et se ranimèrent. Après avoir rempli leurs outres, ils se mirent à la recherche de leur chameau et ils le trouvèrent. Son licou s’étant enroulé par hasard autour d’une pierre l’avait arrêté. Ils le ramenèrent donc, le firent boire, chargèrent leurs outres sur son dos et continuèrent leur voyage sans autre accident. Lorsqu’il fut arrivé aux monastères qui sont situés en deçà du désert, tous les moines l’embrassèrent, le regardant comme leur père. Lui-même leur apporta de sa montagne, comme provisions de voyage et présents d’hospitalité, des paroles utiles et pleines de sagesse. Ce fut une grande allégresse sur les montagnes. Le zèle pour avancer dans la vertu brillait d’une nouvelle ardeur, on s’encourageait et l’on s’animait dans la foi commune. Antoine était heureux de contempler cette ferveur des moines et de voir sa sœur, qui avait vieilli dans la virginité, gouverner aussi d’autres vierges. Après avoir passé quelques jours dans ces monastères, il retourna de nouveau dans sa montagne. À partir de ce moment, un grand nombre de personnes allèrent l’y visiter. Beaucoup de malades même osèrent entreprendre ce voyage. Il répétait à tous les moines qui venaient le trouver le même conseil : avoir foi dans le Seigneur, l’aimer, se garder des pensées déshonnêtes, fuir les plaisirs de la chair, éviter la vaine gloire et de prier continuellement. Tels étaient les conseils qu’il donnait à ceux qui venaient le voir. Il avait une grande compassion pour ceux qui souffraient et priait avec eux. Souvent, le Seigneur l’exauçait en faveur d’un grand nombre de personnes, mais il ne s’enorgueillissait pas lorsqu’il était exaucé ni ne murmurait lorsqu’il ne l’était pas. Il rendait toujours grâces à Dieu. Il exhortait les malades à la patience. Il les invitait à se persuader que ce n’est ni lui ni aucun homme qui puisse guérir les maladies et qu’il n’y a que Dieu qui accorde la grâce de guérison quand il le veut et à qui il le veut. Les malades recevaient les paroles du vieillard comme une guérison, sachant qu’il ne faut pas se décourager, mais plutôt prendre patience. Ceux qui étaient guéris avaient appris que ce n’était pas à Antoine qu’il fallait rendre grâces, mais à Dieu.

Un nommé Fronton, officier du palais, avait une maladie cruelle, car il mangeait sa langue avec les dents et était sur le point de perdre la vue. Il vint sur la montagne et supplia Antoine de prier le Seigneur pour lui. Le vieillard, après avoir prié, lui dit : « Allez-vous-en et vous serez guéri. » Comme Fronton insistait et demeurait plusieurs jours, Antoine ne cessait de lui dire : « Tant que vous resterez ici, vous ne pourrez pas être guéri, allez-vous-en, et à votre arrivée en Égypte vous verrez le prodige qui sera opéré en vous. » Celui-ci, confiant, s’en alla. À peine vit-il l’Égypte que sa maladie cessa. Il fut guéri comme l’avait dit Antoine, d’après la révélation que lui avait faite le Seigneur dans sa prière.

Une jeune fille de Busiris de Tripoli avait une maladie cruelle et affreuse à voir, car les larmes de ses yeux, les mucosités de ses narines et l’humeur de ses oreilles tombaient jusqu’à terre et engendraient aussitôt des vers. Elle était de plus paralytique et avait les yeux difformes. Ses parents, ayant appris que des moines allaient trouver Antoine, et ayant foi dans le Seigneur qui avait guéri la femme affligée d’un flux de sang (Matthieu 9.20-22) (57), les prièrent de leur permettre de les accompagner avec leur fille. Les moines ayant acquiescé à leur demande, les parents restèrent avec leur fille au dehors de la montagne chez Paphnutius, moine et confesseur. Les religieux vinrent auprès d’Antoine. Dès qu’ils voulurent parler de la jeune fille, il les prévint, leur expliqua la maladie et leur raconta comment elle était venue avec eux. Ceux-ci l’ayant ensuite prié de permettre aux parents et à la jeune fille de venir auprès de lui, il refusa, mais il leur dit : « Allez et vous la trouverez guérie si elle n’est pas morte, car ce n’est pas à moi, homme misérable, qu’il est donné de faire un tel prodige. La guérison appartient à celui qui en tout lieu accorde sa miséricorde à ceux qui l’invoquent. Le Seigneur a exaucé la prière de la jeune fille et sa bonté m’a révélé qu’il l’a guérie ici même de sa maladie. » Le miracle eut donc lieu et les moines étant sortis trouvèrent les parents pleins de joie et la jeune fille guérie.

Deux frères avaient entamé le voyage pour le voir. L’eau leur ayant manqué en route, l’un mourut et l’autre était sur le point de mourir. Ne pouvant plus marcher, il s’était étendu par terre et s’attendait à rendre le dernier soupir. Antoine était assis sur la montagne, il se hâta d’appeler deux moines qui se trouvaient là et leur dit : « Prenez une cruche d’eau et courez sur le chemin qui conduit en Égypte, car de deux frères qui étaient en route l’un vient de mourir et l’autre est sur le point d’expirer, si vous ne vous hâtez. Cela vient de m’être révélé pendant que je priais. » Les moines y étant allés trouvèrent l’un étendu et mort. Ils l’ensevelirent et ranimèrent l’autre avec de l’eau. Ils le portèrent auprès du vieillard, car la distance était d’un jour de marche. Si quelqu’un demande pourquoi Antoine n’avait pas parlé avant que l’un d’eux mourût, sa question n’est pas raisonnable, car l’arrêt de la mort n’appartenait pas à Antoine, mais à Dieu qui en avait ordonné ainsi à l’égard du premier, et dont il lui fit la révélation. Antoine est digne d’admiration, car, alors qu’il était assis sur sa montagne, son âme veillait et le Seigneur lui révélait ce qui se passait à une grande distance. Un autre jour encore, alors qu’il était assis sur sa montagne et qu’il portait ses regards vers le ciel, il vit quelqu’un qui était enlevé en l’air et une grande joie parmi ceux qui venaient vers lui. Comme il admirait et estimait heureux un tel chœur, il désira savoir ce que c’était. Aussitôt, il entendit une voix qui lui dit que c’était l’âme d’Amoun, moine de Nitrie. Amoun avait persévéré jusqu’à la vieillesse dans la vie ascétique. La distance depuis Nitrie jusqu’à la montagne où habitait Antoine était de treize journées. Ceux qui étaient avec Antoine, voyant le vieillard ravi et admiratif, désirèrent en connaître la cause. Ils apprirent qu’Amoun venait de mourir, car il était connu pour être venu souvent sur cette montagne, et par beaucoup de miracles opérés par son entremise parmi lesquels peut être cité le suivant.

Un jour, étant obligé de traverser le fleuve nommé le Lycus qui avait alors débordé, il pria Théodore qui était avec lui de s’éloigner afin de ne pas voir les autres nus pour traverser le fleuve à la nage. Lorsque Théodore se fut retiré, il eut honte de lui-même de se voir nu. Tandis qu’il était agité par la honte et l’inquiétude, il fut tout à coup transporté sur l’autre rive. Théodore qui lui aussi était un homme pieux, s’étant rapproché et l’ayant vu prendre les devants sans être mouillé, lui demanda par quel moyen il avait traversé le fleuve. Voyant qu’il ne voulait pas le lui dire, il se jeta à ses pieds en affirmant qu’il ne le quitterait pas avant qu’il ne le lui ait appris. Amoun, vaincu par sa persistance et surtout par ses paroles, le supplia de n’en parler qu’après sa mort. C’est ainsi qu’il lui apprit qu’il avait été transporté et déposé sur l’autre rivage sans marcher sur l’eau, que cela n’était pas possible à l’homme, mais à Dieu seul et à ceux à qui il l’accordait, comme au grand apôtre Pierre. Ce ne fut qu’après la mort d’Amoun que Théodore raconta le fait. Les moines à qui Antoine parla de la mort d’Amoun remarquèrent le jour. Lorsque les frères, au bout de trente jours, revinrent de Nitrie, ils les interrogèrent et apprirent qu’Amoun avait été enterré le même jour et à la même heure que le vieillard avait vu son âme monter au ciel. Tous furent étonnés de la lucidité d’âme d’Antoine qui, à la distance de treize jours de marche, avait appris la mort d’Amoun et vu son âme enlevée dans les cieux.

Le comte Archelaüs l’ayant rencontré un jour au dehors de sa montagne, lui demanda de prier seulement pour Polycratie, de Laodicée, jeune fille d’une admirable vertu et portant la croix du Christ. Elle souffrait horriblement de l’estomac et de la poitrine à cause de ses grandes mortifications, et était d’une grande faiblesse. Antoine pria donc le Seigneur pour elle. Le comte remarqua le jour où la prière avait été faite. Étant allé à Laodicée, il trouva la jeune fille guérie. Il s’informa alors de l’heure et du jour où avait cessé la maladie. Tirant le papier sur lequel il avait noté le jour où la prière avait été faite, il reconnut la vérité et montra aussitôt ce qu’il avait écrit sur le papier. Tout le monde fut saisi d’étonnement en reconnaissant que le Seigneur avait fait cesser la maladie de la jeune fille le jour même où Antoine avait prié et imploré pour elle la clémence du Seigneur. Souvent, il annonçait plusieurs jours à l’avance et parfois même un mois à l’avance ceux devant venir le trouver et la raison pour laquelle ils venaient : simplement pour le voir, pour leurs maladies ou parce qu’ils étaient tourmentés par les démons. Personne ne regrettait ni ne trouvait le chemin pénible. Chacun repartait en se sentant soulagé. En voyant et en parlant de ces prodiges, Antoine ne voulait pas qu’on l’admirât pour cela, mais qu’on remerciât le Seigneur, lui qui nous accorde la grâce de le connaître suivant nos facultés.

Étant allé un jour visiter les monastères du dehors et s’étant embarqué et priant avec les moines qui étaient avec lui, il fut le seul à sentir une odeur très fétide. Ceux qui étaient dans le vaisseau lui ayant dit que cette odeur provenait de poissons salés, Antoine leur répondit que c’était une autre puanteur. À peine eut-il parlé, un jeune homme, possédé du démon, qui ayant embarqué le premier dans le navire s’y était caché. Il se mit aussitôt à crier. Le démon, menacé au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sortit et cet homme fut guéri. Tous reconnurent alors que cette odeur fétide provenait du démon. Un autre personnage illustre tourmenté du démon vint auprès de lui. Ce démon était si terrible que le possédé mangeait ses excréments et ne savait pas s’il était près d’Antoine. Ceux qui le conduisaient supplièrent Antoine de prier pour lui. Antoine, ayant de la compassion pour le jeune homme, se mit en prière et veilla toute la nuit avec lui. Mais tout à coup, le jeune homme étant venu au lever du jour vers Antoine le frappa. Comme ceux qui étaient venus avec lui s’en indignaient, Antoine leur dit : « Ne vous fâchez pas contre ce jeune homme, car ce n’est pas lui qui m’a frappé, mais le démon qui est en lui. »

Alors, menacé et sommé de fuir dans les lieux arides, il devint furieux et prit la fuite. Antoine dit : « Rendez donc grâces à Dieu, car ce jeune homme en se jetant ainsi sur moi est une preuve de la sortie du démon. » Dès qu’Antoine eut-il fini de parler, le jeune homme fut guéri. Ayant recouvré sa raison, il reconnut où il était et embrassa le vieillard en rendant grâces à Dieu.

La plupart des moines ont également raconté d’une voix unanime plusieurs autres miracles opérés par l’entremise d’Antoine, mais beaucoup moins étonnants que d’autres qui le sont davantage. Un jour, alors qu’il allait prendre son repas et qu’il se tenait debout pour prier vers la neuvième heure, il fut ravi en esprit, et ce qu’il y a d’étonnant, c’est qu’étant debout pour prier, il se vit comme hors de lui-même et comme enlevé dans les airs par plusieurs personnes, et que d’autres, pleines de malice et de méchanceté, se tenaient dans l’air et voulaient l’empêcher de passer. Comme ceux qui le conduisaient résistaient, ceux-ci leur demandèrent s’il leur appartenait et voulurent lui faire rendre compte de sa conduite depuis sa naissance. Mais ceux qui accompagnaient Antoine s’y opposèrent en leur disant : « Le Seigneur a effacé les fautes commises depuis sa naissance, mais depuis qu’il est moine et qu’il s’est consacré à Dieu, vous pouvez en demander compte. » L’ayant accusé et n’ayant rien pu prouver, le chemin devint libre pour lui et sans obstacle. Instantanément, il se vit comme revenu à sa place, rendu à lui-même et redevenu Antoine comme auparavant. Oubliant alors de manger, il passa le reste du jour et toute la nuit à gémir et à prier, s’étonnant de voir combien d’ennemis nous avons à combattre et combien de travaux nous avons à faire pour traverser les airs. Il se rappelait cette parole de l’apôtre : « Selon le prince des puissances de l’air » (Éphésiens 2.2) (58), car c’est dans l’air que l’ennemi du genre humain a sa puissance pour combattre et essayer de fermer le chemin à ceux qui veulent le traverser. Voilà surtout pourquoi l’apôtre Paul nous exhorte en disant : « Prenez les armes de Dieu, afin que, fortifiés en tout, vous puissiez aux jours mauvais résister et demeurer fermes » (Éphésiens 6.13) (59). Ainsi, n’ayant aucun mal à dire de nous, « l’ennemi est confondu. » (Tite 2.8) (60) Pour nous, sachant cela, rappelons-nous ces paroles de l’apôtre : « Si ce fut avec son corps ou sans son corps, je ne le sais, Dieu le sait. » (2 Corinthiens 12.2) (61) Paul fut élevé jusqu’au troisième ciel et redescendit après avoir entendu des paroles ineffables. Antoine se vit enlevé dans les airs, et combattant jusqu’au moment où il devint libre. Il fut doué encore de cette autre faveur : lorsqu’il était assis sur sa montagne, si un doute s’emparait de son esprit, il lui était révélé par la Providence pendant qu’il priait. Ce bienheureux vieillard était instruit par Dieu même. Une discussion s’étant élevée entre lui et quelques personnes qui étaient venues le voir, sur l’état de l’âme et le lieu qu’elle doit occuper après la mort, quelqu’un l’appela durant la nuit suivante avant de lui dire : Antoine, lève-toi, sort et considère attentivement. Il sortit donc, car il savait à qui il devait obéir. Ayant levé les yeux, il vit un personnage d’une grandeur extraordinaire, effrayant à voir et dont la tête touchait les nuages, puis d’autres personnes qui s’élevaient comme si elles avaient des ailes. Le géant tendait les bras pour les arrêter au passage. D’autres, volant plus haut et traversant les airs, montaient au ciel, exemptes de toute crainte. Le géant grinçait des dents contre elles, mais se réjouissait de voir celles qui tombaient. Aussitôt, Antoine entendit une voix qui lui disait : « Comprends bien ce que tu vois ? » Son intelligence étant éclairée, il reconnut que c’était le passage des âmes et que le géant qui se tenait la était l’ennemi pétri de haine contre les vrais fidèles, qu’il exerçait sa puissance sur ceux qui lui sont soumis et les empêchait de passer au-dessus de sa tête. Après cette vision dont il se souvint toujours, Antoine s’efforçait chaque jour de s’avancer de plus en plus vers ce qui était devant lui, mais il ne racontait pas volontiers tout cela. Cependant, lorsqu’au milieu de ses longues prières et de ses contemplations intérieures, ses disciples l’interrogeaient et le pressaient, il était obligé de leur dire, comme un père qui ne peut rien cacher à ses enfants et comme un guide, que sa conscience était pure et que le récit qu’il leur faisait était pour leur utilité. Les visions sont souvent une consolation des travaux. En outre, il avait une patience admirable et une grande humilité. Il observait avec le plus grand scrupule les canons de l’Église. Il ne voulait pas être préféré à un ecclésiastique. Il ne rougissait pas d’incliner la tête devant les vieillards. Si un diacre allait le trouver pour un service, il lui disait ce qui pouvait lui être utile, mais il lui cédait tout ce qui avait rapport à la prière. Il ne craignait pas de s’instruire. Souvent, en effet, il interrogeait et désirait entendre ceux qui étaient avec lui. Si l’un d’eux avait dit quelque chose d’utile, il avouait en avoir retiré un grand bien. Sa figure avait une grâce admirable. Le Sauveur lui accorda encore une faveur particulière, car s’il se trouvait avec un grand nombre de moines et que quelqu’un désirait le voir sans l’avoir rencontré auparavant, Antoine s’avançait aussitôt. Laissant les autres, il courait à lui comme s’il était attiré. Il ne différait des autres hommes ni par la grandeur ni par la grosseur du corps, mais par la rectitude de ses mœurs et la pureté de son âme. Comme elle n’était jamais troublée, ses sensations extérieures étaient toujours calmes. Ainsi, la gaieté répandue sur son visage provenait de la joie de son âme. D’après les mouvements de son corps, on reconnaissait l’état de son esprit, comme il est dit dans l’Écriture : « La joie du cœur brille sur le visage, mais quand le cœur est triste, le visage devient sombre. » (Proverbes 15.13) (62) C’est ainsi que Jacob reconnut les embûches que voulait lui dresser Laban, lorsqu’il dit aux femmes : « Le visage de votre père n’est pas comme hier et avant-hier. » (Genèse 31.5) (63) De même aussi on reconnaissait Antoine : jamais la sérénité de son âme n’était troublée, jamais son visage n’était sombre, parce que la joie était dans son cœur.

La haine d’Antoine pour les hérétiques et les schismatiques.

Son attachement à la foi et son zèle pour la religion étaient admirables. Jamais il ne voulut avoir un contact avec les méliciens schismatiques (64), car il connaissait la persécution qu’ils avaient montrée dès l’origine et il savait comment ils s’étaient séparés de l’Église. Jamais il n’eut une relation amicale avec un hérétique, sauf pour tâcher de le ramener au bien, car il croyait et répétait que la fréquentation de tels hommes est la ruine des âmes et la perte du salut. Il avait particulièrement en horreur l’hérésie des ariens. Il exhortait tous les chrétiens à éviter leur contact et à fuir leurs erreurs. Quelques ariens étant allé sun jour le voir, Antoine les reconnut, découvrit leur impiété et les chassa de sa montagne en disant que leurs parures étaient pires que le venin des serpents. Les ariens ayant publié faussement qu’Antoine partageait leurs sentiments, il manifesta la plus vive indignation contre cette imposture. Ensuite, étant descendu de la montagne sur l’exhortation des évêques et de tous les frères, il alla à Alexandrie, condamna publiquement les ariens, les appelant les derniers des hérétiques et les avant-coureurs de l’antéchrist. Il enseignait au peuple que le Fils de Dieu n’est pas une créature, mais le Verbe et la sagesse éternelle du Père. Tous les peuples entendaient avec joie un si grand homme anathématiser l’hérésie ennemie du Christ. Tous les habitants de la ville s’empressaient en foule d’aller voir Antoine. Les païens eux-mêmes et ceux qu’ils appelaient leurs prêtres venaient à l’Église en disant : « Nous voulons voir l’homme de Dieu. », car c’est ainsi que tout le monde l’appelait. En effet, le Seigneur délivra en cet endroit plusieurs personnes qui étaient possédées par le démon et il en guérit d’autres qui avaient perdu la raison. Beaucoup de païens même désiraient seulement toucher le vieillard, persuadés que cet attouchement leur porterait bonheur. Ce qui est certain, c’est que, durant ces quelques jours, plus d’infidèles embrassèrent la religion chrétienne que pendant une année entière.

Antoine guérit une fille possédée du démon.

Lorsqu’il s’en retournait et qu’il était reconduit par plusieurs personnes dont probablement saint Athanase, au moment où ils arrivèrent à la porte de la ville, une femme se mit à crier derrière nous : « Homme de Dieu, attendez-moi. Ma fille est cruellement tentée par le démon. Attendez-moi, je vous en conjure de peur que je n’expire moi-même en courant après vous. » Le vieillard à ces mots et à la sollicitation de ses compagnons de route s’arrêta avec complaisance. La femme approcha et sa fille se roula par terre. Antoine pria et invoqua sur elle le nom du Christ. La jeune fille se releva en parfaite santé et délivrée de l’esprit impur. Sa mère bénit Dieu. Tous rendirent grâces au Seigneur et Antoine retourna avec joie vers sa retraite habituelle, à sa chère montagne.

Antoine confond les philosophes païens.

Antoine était un homme d’une merveilleuse sagesse. Il était surprenant de voir tant de finesse et d’intelligence dans un homme illettré. Un jour, deux philosophes païens vinrent auprès de lui, s’imaginant pouvoir le convaincre. Il était alors sur la montagne située en deçà du désert. Antoine, reconnaissant à leur visage qui ils étaient, s’avança au-devant d’eux et leur dit avec calme : « Pourquoi, ô philosophes, avez-vous pris tant de peine pour venir près d’un homme insensé ? » Ceux-ci lui ayant répondu qu’il n’était pas insensé, mais doué au contraire d’une grande sagesse. Il leur dit : « Si vous êtes venus vers une personne insensée, votre peine est inutile, mais si vous pensez que je suis doué de sagesse, soyez comme moi, car on doit imiter ce qui est bien. Si j’allais auprès de vous, je vous imiterais, mais puisque vous venez auprès de moi, soyez comme moi, car je suis chrétien. » Ceux-ci, admiratifs, s’éloignèrent, car ils avaient vu les démons craindre Antoine. D’autres philosophes étant venus le trouver sur la montagne située en deçà du désert et croyant le railler par ce qu’il n’avait pas étudié les belles-lettres, Antoine leur dit « Qui est-ce qui est préférable selon vous, est-ce l’intelligence ou les belles-lettres ? » Ceux-ci répondirent que c’était l’intelligence et qu’elle était l’inventrice des belles-lettres. Tous les assistants ainsi que les philosophes furent frappés de ces paroles. Ils s’en allèrent, étonnés de voir dans un homme illettré une si grande sagesse. En effet, après avoir passé sa vie sur la montagne jusqu’à sa vieillesse, Antoine n’avait pas un caractère sauvage. Au contraire, il était gracieux, poli et sa conversation était assaisonnée d’un sel divin. Aussi, personne ne lui portait envie, au contraire, il gagnait l’affection de tous ceux qui venaient le voir.

Quelque temps après, d’autres personnes, appelées philosophes chez les païens, vinrent auprès de lui et lui demandèrent des preuves de la foi en Jésus-Christ, en essayant de construire des syllogismes contre la prédication de la croix, et en mêlant à tout cela des plaisanteries. Antoine les laissa parler un moment, puis ayant pitié de leur ignorance, il leur dit au moyen d’un interprète qui traduisit fidèlement ses paroles : « Qu’est-ce qui est le plus honorable, de confesser la foi ou d’attribuer des adultères à ceux que vous appelez des dieux ? Les douleurs de la croix que notre Dieu a souffertes, comme nous le reconnaissons, attestent au moins du courage et un noble mépris de la mort, mais les actions que vous attribuez à vos dieux ne proviennent que de passions infâmes. Qu’est ce qui est à votre avis le plus honorable, de souffrir sur une croix préparée par les embûches des méchants ou bien de nous débiter les courses vagabondes d’Osiris, d’Isis, les embûches de Typhon, l’exil de Saturne, et de nous raconter comment il dévora ses enfants et tua son père ? Car voilà la sagesse de vos enseignements. Mais comment se fait-il que, raillant la croix, vous n’admiriez pas la résurrection ? Car ceux qui vous ont parlé d’une chose vous ont aussi enseigné l’autre. Pourquoi donc, en faisant mention de la croix, gardez-vous le silence sur la résurrection des morts, les aveugles qui voient, les paralytiques guéris, les lépreux purifiés, les hommes qui marchent sur les eaux, et une foule d’autres prodiges et de miracles qui prouvent que Jésus n’est pas seulement un homme, mais un Dieu ? Vous me paraissez n’avoir pas sérieusement lu nos Écritures. Lisez-les donc, et vous verrez que les actions que le Christ a faites démontrent qu’il est un Dieu, venu sur la terre pour sauver les hommes. Nous-mêmes, quand nous prononçons le nom du Christ crucifié, nous mettons en fuite les démons, que vous redoutez comme dieux. Dites-nous donc où sont maintenant leurs oracles. Où sont les enchantements des Égyptiens ? Où sont les évocations des magiciens ? Quand tous ces prestiges ont-ils cessé et disparu si ce n’est depuis qu’on a vu ta croix de Jésus-Christ ? Quoi donc ! Cette croix mérite-t-elle qu’on s’en moque ? Vos mystères qu’elle a abolis et dont elle a montré l’impuissance, ne sont-ils pas plutôt qu’elle dignes de mépris ? Voici une chose bien étonnante : votre religion n’a jamais été persécutée, au contraire, on l’honore dans toutes les villes, tandis qu’on persécute les adorateurs du Christ, et cependant notre religion prospère et s’étend plus que la vôtre. Le culte de vos divinités si célébrées périt et la foi dans le Christ et la doctrine que vous raillez et que les empereurs ont souvent persécutée, remplit maintenant l’univers. En combien de temps la connaissance de Dieu a-t-elle été aussi répandue ? En combien de temps la chasteté et la virginité ont-elles brillé d’un aussi vif éclat ? En combien de temps a-t-on montré un aussi généreux mépris de la mort si ce n’est depuis que la croix du Christ a paru ? Cela personne ne peut le mettre en doute. Quand on voit d’un côté les martyrs du Christ affronter les supplices, et de l’autre les vierges de l’Église garder leur corps pur et sans tache pour le Christ, ces preuves suffisent pour démontrer que la foi dans le Christ est la seule religion véritable. Vous ne croyez pas encore à notre religion parce que vous demandez qu’on vous la démontre par des syllogismes, mais, nous autres, nous ne démontrons pas notre religion par les discours persuasifs de la philosophie grecque comme le dit notre docteur : “Je n’ai point employé en vous parlant et en prêchant les discours persuasifs de la sagesse humaine” (1 Corinthiens 2.4) (65), mais c’est par la foi que nous persuadons. Voici devant vous des hommes tourmentés par les démons. » En effet, plusieurs hommes possédés du démon étaient venus trouver Antoine qui les amena en présence de ces philosophes et leur dit : « Ou délivrez-les par vos syllogismes, par tous les artifices que vous voudrez, ou par la magie, ou en invoquant vos idoles, ou si vous ne le pouvez pas, cessez de nous faire la guerre et vous verrez combien est puissante la croix du Christ. Ayant dit ces paroles, il invoqua le nom du Christ et marqua du signe de la croix les possédés deux ou trois fois. À l’instant, ces hommes se levèrent, entièrement guéris, sains d’esprit et rendant grâces à Dieu. Les prétendus philosophes étaient étonnés, stupéfaits en considérant l’intelligence du vieillard et le prodige qui venait de s’accomplir. Antoine leur dit : « Pourquoi vous étonnez-vous ? Ce n’est pas nous qui faisons ces choses, c’est le Christ qui les opère par ceux qui croient en lui. Croyez donc aussi vous-mêmes et vous verrez que notre religion ne consiste pas dans des artifices de paroles, mais par la foi qui opère, par l’amour que nous avons pour le Christ. » Si vous possédiez aussi cet amour, vous ne chercheriez plus dans les paroles de subtiles démonstrations, mais vous regarderiez la foi dans le Christ comme suffisante. Telles furent les paroles d’Antoine ; les philosophes, en admirant sa sagesse, le saluèrent et se retirèrent en avouant qu’ils avaient retiré un grand avantage de ses paroles.

L’empereur Constantin écrit à Antoine.

La réputation d’Antoine arriva jusqu’aux empereurs. Ayant appris tout ce qu’on racontait sur Antoine, le grand Constantin et ses fils, Constance et Constant, lui écrivirent comme à un père en lui exprimant le désir de recevoir une réponse de sa part. Mais Antoine n’attacha aucun prix à ces lettres et ne se réjouit pas de ce message. Il resta tel qu’il était avant que les empereurs lui eussent écrit. Quand on lui apporta les lettres, il appela les moines et leur dit : « Ne vous étonnez pas si un empereur nous écrit, car un empereur est un homme, mais étonnez-vous plutôt de ce que Dieu a écrit sa loi aux hommes et de ce qu’il nous a parlé dans la personne de son propre fils. » Il ne voulait même pas recevoir ces lettres, disant qu’il ne savait pas répondre à de tels messages, mais engagé par les moines qui lui représentaient que ces empereurs étaient chrétiens et qu’ils se scandaliseraient d’un tel refus, il consentit à en entendre la lecture.

La réponse d’Antoine à l’empereur Constantin.

Il répondit qu’il les félicitait par ce qu’ils adoraient le Christ et il leur donna des conseils pour leur salut. II leur dit de ne pas considérer comme grandes les choses présentes, mais de penser plutôt du jugement futur et de songer que le Christ est le seul roi véritable et éternel. Il les engagea à se montrer charitables, à prendre à cœur la justice et le soin des pauvres. Les empereurs témoignèrent une grande joie en recevant cette réponse, tant ce vieillard était cher à tout le monde, tant chacun désirait le considérer comme un père. Ainsi connu, Antoine, répondant ainsi à tous ceux qui venaient le trouver, retourna à sa montagne et reprit ses exercices ordinaires. Souvent assis, il méditait avec ceux qui venaient le voir, ou en se promenant et au bout d’une heure, il reprenait avec ses disciples la conversation. Ses disciples s’apercevaient qu’il avait une vision, car, souvent, lorsqu’il était sur sa montagne, il voyait ce qui se passait en Égypte et le racontait à l’évêque Sérapion qui le voyait absorbé dans sa vision. Un jour donc alors qu’il était assis et travaillait, il fut ravi en extase et resta longtemps dans cette contemplation en gémissant. Une heure après, il retourna vers ses disciples, se mit à gémir et, troublé, se jeta à genoux et resta longtemps à prier. Ses disciples, troublés et très effrayés, lui demandèrent ce que c’était. À leurs demandes, Antoine leur dit en poussant un grand soupir : « 0h mes enfants, il vaudrait mieux mourir plutôt que de voir s’accomplir les choses que j’ai vues. La colère va tomber sur l’Église, elle va être livrée à des hommes semblables à des animaux sans raison. J’ai vu la table sainte du Seigneur entourée de tous côtés par des mulets qui lançaient des coups de pied dans l’intérieur, semblables aux ruades d’animaux sans raison qui bondissent en désordre. Vous imaginez combien j’ai dû gémir, car j’ai entendu une voix qui disait : “mon sanctuaire sera profané.“ » Telles furent les paroles du vieillard. Deux ans après arrivèrent l’invasion des ariens et le pillage des églises. Enlevant par violence les vases sacrés, ils les firent porter par les païens et forcèrent ces derniers au sortir de leurs officines, à venir dans leurs assemblées. En leur présence, ils s’abandonnaient à tous les excès qu’ils imaginaient. Saint Athanase écrit : « Nous reconnûmes tous alors que les coups de pied des mulets annonçaient d’avance à Antoine les abominations que les ariens insensés commettent maintenant semblables à des brutes. » Mais après cette vision, Antoine réunit tous ses disciples et leur dit : « Ne perdez pas courage, mes enfants, car de même que le Seigneur a été irrité, de même aussi il saura apporter un remède à de tels maux. Bientôt l’Église reprendra toute sa splendeur et brillera du même éclat qu’auparavant. Vous verrez, rétablis ceux qui sont persécutés, l’impiété retourner dans son repaire accoutumé et la foi sainte parler et agir en toute liberté. Seulement, gardez-vous de vous souiller avec les ariens, car leur doctrine n’est pas celle des apôtres, mais celle des démons et de Satan leur père, ou plutôt elle n’a aucune origine. Elle n’est point rationnelle, son esprit n’a aucune rectitude, elle est semblable aux animaux privés de raison. »

Antoine aimait le recueillement.

Il aimait par-dessus tout le séjour de sa montagne. Un jour, pressé par des personnes qui réclamaient son secours et par un capitaine qui le suppliait instamment de descendre, Antoine vint les trouver. Après leur avoir parlé un instant des intérêts de leur salut, il se hâta de s’en retourner. Comme le capitaine, qu’on appelait Duc, le priait de rester plus longtemps, Antoine répondit qu’il ne pouvait pas rester davantage avec eux. Se servant d’une comparaison gracieuse, il leur dit : « De même que les poissons meurent lorsqu’ils restent sur la terre aride, ainsi les moines perdent leurs forces quand ils passent leur temps avec vous et qu’ils séjournent dans votre compagnie. Il faut donc, comme le poisson s’empresse de rentrer dans la mer, que nous nous hâtions de retourner à notre monastère, de peur qu’un trop long séjour dans le monde ne nous fasse oublier la vie intérieure. » Le capitaine, après avoir entendu ces paroles et d’autres semblables, dit, plein d’admiration, qu’Antoine était vraiment un serviteur de Dieu.

L’arien Balacius persécute les catholiques.

Un capitaine nommé Balacius persécutait cruellement les catholiques parce qu’il était un zélé partisan de la secte odieuse des ariens. Il portait la barbarie jusqu’à frapper les vierges, dépouiller les moines de leurs vêtements et les battre de verges. Antoine lui fit porter une lettre dans laquelle il lui disait : « Je vois la colère de Dieu qui s’apprête à fondre sur vous. Cessez donc de persécuter les chrétiens de peur que la colère de Dieu ne vous atteigne, car elle est près d’éclater sur votre tête. » Balacius se moqua de cet avertissement, jeta la lettre par terre en crachant dessus, outragea ceux qui l’avaient apportée et leur enjoignit de dire à Antoine : « Puisque tu t’intéresses aux moines, je vais aussi m’adresser à toi. » Cinq jours n’étaient pas encore écoulés que la colère de Dieu tomba sur Balacius. Il était sorti d’Alexandrie avec Nestorius, lieutenant d’Égypte, pour se rendre à la première station, appelée station de Chéréas. Tous deux étaient à cheval, les deux chevaux appartenaient à Balacius et étaient les plus doux de ceux qu’il avait dans ses écuries. Ils n’étaient pas encore arrivés au but de leur voyage, lorsque les deux chevaux se mirent, comme ces animaux ont coutume de faire, à jouer ensemble. Tout à coup, le cheval sur lequel Nestorius était monté, le plus doux des deux, mordit Balacius, le renversa et se jeta sur lui. Il lui déchira si horriblement la cuisse qu’il fallut sur le champ le transporter à la ville où il mourut au bout de trois jours. Tout le monde admira un si prompt accomplissement des prédictions d’Antoine.

Tels étaient les avis qu’il donnait à ceux qui se conduisaient avec inhumanité. Quant à ceux qui venaient le trouver, il leur donnait de si sages conseils qu’on enviait le bonheur de ceux qui abandonnaient le monde pour la solitude. Il mettait un si grand zèle à défendre les opprimés qu’on eût pensé que c’était lui-même qui souffrait l’injustice et non les autres. Il semblait être un médecin donné par Dieu à toute l’Égypte. Quel affligé vint le trouver sans s’en retourner avec le cœur joyeux ? Vint-il un homme pleurant la mort de ceux qui lui étaient chers sans déposer aussitôt son deuil ? Vint-il un homme irrité contre son adversaire sans se réconcilier avec lui ? Vint-il un seul malheureux désolé de son indigence sans accepter sa pauvreté, aussitôt qu’il eut vu Antoine et entendu ses paroles ? Un moine relâché venait-il le voir, il s’en retournait plus fervent. Un jeune homme venait-il le visiter sur sa montagne, il renonçait aux plaisirs et il embrassait la chasteté. Un homme tenté par le démon s’adressait-il à lui, il recouvrait la paix. Avait-on des chagrins et des soucis, on retrouvait la sérénité de l’âme auprès d’Antoine. Combien de jeunes filles recherchées en mariage ont consacré au Christ leur virginité après avoir vu Antoine seulement de loin ? On venait aussi le trouver des pays lointains, et ces étrangers s’en retournaient accueillis comme tous les autres par Antoine qui les soulageait et les congédiait avec l’affection d’un père. Saint Athanase écrit : « En effet, depuis qu’il est mort, tous ceux qui l’ont connu se regardent comme orphelins, s’exhortent à la vertu par son souvenir et conservent fidèlement dans leur mémoire les conseils et les encouragements qu’il leur avait donnés. »

Antoine prédit sa mort.

Suivant sa coutume, il était allé visiter les monastères de la montagne qui est en deçà du désert. Étant averti par la Providence de sa fin prochaine, il dit à ses frères : « C’est la dernière visite que je vous fais. Je serais bien étonné que nous nous vissions de nouveau en ce monde. Le temps de mon départ est arrivé, car voilà que j’ai près de cent cinq ans. » Ses disciples ayant entendu ces paroles se mirent à pleurer. Ils serrèrent le vieillard dans leurs bras et ils le baisèrent. Lui, semblable à un homme qui part d’une ville étrangère pour retourner dans sa patrie, il leur parla d’un air joyeux. Il les exhorta à ne jamais se relâcher dans leurs travaux, à ne jamais se décourager dans les exercices de la piété, à vivre comme si chaque jour devait être le dernier de leur vie.

Antoine tombe malade.

Ses frères voulaient le forcer à demeurer avec eux pour y consommer son sacrifice, mais il n’y consentit pas. Il retourna à la montagne du désert dont il avait fait son habitation. Peu de mois après, il tomba malade. Ayant appelé les deux disciples qui demeuraient avec lui pour le servir à cause de sa vieillesse, il leur dit : « Je vais suivre la route de mes pères, comme dit l’Écriture, car je vois que le Seigneur m’appelle. Ensevelissez donc mon corps vous-mêmes, cachez-le sous la terre, et soyez fidèles à garder cette recommandation. Que personne, à l’exception de vous seulement, ne connaisse le lieu où sera mon corps. Au jour de la résurrection des morts, je le recevrai incorruptible des mains de mon Sauveur. Vous partagerez ainsi mes vêtements : vous donnerez à l’évêque Athanase une de mes deux peaux de brebis avec le manteau sur lequel je couchais. Il me l’avait donné neuf et il est devenu vieux par l’usage que j’en ai fait. Donnez à l’évêque Sérapion mon autre peau de brebis. Pour vous, gardez ma tunique de poil. Adieu, mes enfants, Antoine s’en va. Désormais, il n’est plus avec vous. » Après avoir prononcé ces paroles, les deux disciples l’embrassèrent. Antoine leva ses pieds et regardant comme des amis les anges qui venaient à sa rencontre et dont la présence le comblait de joie, il rendit l’esprit et rejoignit ses pères. Les deux disciples exécutèrent fidèlement l’ordre qu’il leur avait donné. Ils l’ensevelirent et l’enfouirent dans la terre. Saint Athanase écrit : « Jusqu’ici, personne ne sait où il est caché excepté ces deux religieux. » Quant à ceux qui ont reçu les peaux de brebis et son manteau usé, qu’il leur avait légués, ils conservent ces reliques comme des objets infiniment précieux, car en les regardant, ils croyaient voir encore Antoine. Quand ils s’en revêtaient, il leur semblait qu’ils portaient sur eux avec joie ses leçons et ses conseils.

Le portrait d’Antoine décrit par saint Athanase

C’est ainsi qu’Antoine termina sa vie corporelle et tel est le commencement de la vie monastique. Bien que ce récit ne suffise pas pour peindre la vertu d’Antoine en tout son jour, il peut du moins vous faire imaginer ce que devait être cet homme qui depuis sa jeunesse, jusqu’à un âge si avancé, conserva toujours la même ferveur dans les exercices de la piété et qui, même dans sa vieillesse, ne voulut jamais accepter une nourriture plus délicate ni changer de vêtements malgré la faiblesse de son corps. Il demeura jusqu’à la fin exempt d’infirmités. Ses yeux ne s’étaient point affaiblis, ils étaient nets et sa vue parfaite. Pas une de ses dents n’était tombée, seulement elles étaient, à cause de son grand âge, usées jusqu’aux gencives. Il conserva l’usage complet de ses pieds et de ses mains. En un mot, il avait une santé plus brillante et plus vigoureuse que les hommes qui recourent aux mets variés, aux bains et à toutes sortes de vêtements. La renommée d’Antoine connue dans le monde entier, l’admiration universelle qu’il a méritée, ainsi que le regret de tous ceux qui l’ont vu, sont la preuve de sa vertu et l’indice d’une âme chérie de Dieu, car Antoine ne s’est pas fait connaître pour avoir composé des livres, ni par son habileté dans la philosophie profane ou dans un art quelconque, mais uniquement par sa piété. Cette renommée est un don de Dieu, car comment le nom d’un homme caché dans une montagne de la Thébaïde put-il parvenir jusqu’en Espagne, dans les Gaules, à Rome et dans toute l’Afrique, sans la protection de Dieu qui sait faire connaître au monde ceux qui sont à lui, et qui avait dès le commencement promis cette gloire à Antoine. Quoique ses serviteurs désirent rester inconnus, le Seigneur les fait briller à tous les yeux comme des lampes, afin que ceux qui entendent raconter leur histoire apprennent que l’accomplissement de la loi chrétienne suffit pour faire de grandes choses, et s’encouragent ainsi à marcher dans le chemin de la vertu. Par Jésus-Christ Notre Seigneur à qui soit la gloire dans les siècles des siècles.

Sources
  • Nominis
  • https://www.vaticannews.va/fr/saint-du-jour/01/17/saint-antoine--abbe.html
  • Vie de saint Antoine / par saint Athanase ; trad. littérale du texte grec par M. Charles de Rémondange

Remarque

Les citations de l’Écriture sont tirées de la traduction liturgique. Quand elles n’ont pas pu être insérées telles quelles dans le texte sans en modifier le sens, elles ont été citées en note.

Notes

(1) L’ergotisme est un trouble dû à un champignon qui se développe sur les céréales et notamment l’ergot de seigle, provoquant une vasoconstriction généralisée avec ischémie des membres et des troubles neurologiques, un délire hallucinatoire, « mal des ardents » appelé aussi « feu de Saint Antoine ». Retour

(2) Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. De là, il avança et il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque avec leur père, en train de réparer leurs filets. Il les appela. Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent. Retour

(3) Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer au pied des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun. Retour

(4) Patience à supporter les souffrances, ce qu’on aurait le pouvoir de réprimer ; patience à supporter ses propres maux ; indulgence qui porte à pardonner ce qu’on pourrait punir. Retour

(5) Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous : alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? La détresse ? L’angoisse ? La persécution ? La faim ? Le dénuement ? Le danger ? Le glaive ? (Rom 8.34-35) Retour

(6) Qu’une armée se déploie devant moi, mon cœur est sans crainte ; que la bataille s’engage contre moi, je garde confiance. (Psaume 26.3) Retour

(7) Dieu se lève et ses ennemis se dispersent, ses adversaires fuient devant sa face. Comme on dissipe une fumée, tu les dissipes ; comme on voit fondre la cire en face du feu, les impies disparaissent devant la face de Dieu. (Psaume 67.2-3) Retour

(8) Toutes les nations m’ont encerclé : au nom du Seigneur, je les détruis ! Elles m’ont cerné, encerclé : au nom du Seigneur, je les détruis ! Retour

(9) Le nombre de nos années ? Soixante-dix, quatre-vingts pour les plus vigoureux ! Leur plus grand nombre n’est que peine et misère ; elles s’enfuient, nous nous envolons. (Psaume 89.10) Retour

(10) J’ai regardé encore et j’ai vu une autre vanité sous le soleil : voici un homme seul, sans personne, ni frère ni fils, qui travaille à n’en plus finir, toujours avide de plus de richesses. Il ne se demande pas : « Mais pour qui travailler ainsi en me privant de bonheur ? » C’est encore de la vanité, une besogne de malheur. (Ecc 4.7-8) Retour

(11) Si le juste se détourne de sa justice, commet le mal, et meurt dans cet état, c’est à cause de son mal qu’il mourra. (Ez 18.26) Retour

(12) Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. Rom 8.28) Retour

(13) Chaque jour, j’affronte la mort, et cela, frères, est votre fierté, que je partage dans le Christ Jésus notre Seigneur. (1Cor 15.31) Retour

(14) Jésus lui répondit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » (Luc 9.62) Retour

(15) Comme les pharisiens demandaient à Jésus quand viendrait le règne de Dieu, il prit la parole et dit : « La venue du règne de Dieu n’est pas observable. On ne dira pas : “Voilà, il est ici !” ou bien : “Il est là !” En effet, voici que le règne de Dieu est au milieu de vous. » (Luc 17.20-21) Retour

(16) Josué reprit : « Alors, enlevez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, et tournez votre cœur vers le Seigneur, le Dieu d’Israël. » (Josué 24.23) Retour

(17)  Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Matthieu 3.3) Retour

(18) Car la colère de l’homme ne réalise pas ce qui est juste selon Dieu. (Jacques 1.20) Retour

(19) Puis la convoitise conçoit et enfante le péché, et le péché, arrivé à son terme, engendre la mort. (Jacques 1.15) Retour

(20) Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, les principautés, les souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes. (Éphésiens 6.12) Retour

(21) Quand vous faites grâce à quelqu’un, je le fais, moi aussi ; et moi, quand j’ai fait grâce, si j’ai fait grâce en quelque chose, c’était à cause de vous sous le regard du Christ, pour ne pas nous laisser dominer par Satan, dont nous connaissons bien les intentions. (2Co 2.10-11) Retour

(22) Son dos : des rangées de boucliers étroitement rivés par un sceau, si rapprochés l’un de l’autre que l’air ne passe pas entre eux. Ils adhèrent l’un à l’autre, pris ensemble, sans fissure. Ses éternuements font jaillir la lumière ; ses yeux sont les paupières de l’aurore. De sa gueule partent des éclairs, des étincelles de feu s’en échappent. De ses naseaux sort une fumée, comme d’une marmite chauffée et bouillante. Son haleine embrase les braises, et de sa gueule sort une flamme. (Job 41.7-13) Retour

(23) L’épée l’atteint sans pouvoir s’enfoncer, pas plus que lance, trait ou javeline. Il regarde le fer comme paille, le bronze, comme bois vermoulu. Le tir de l’arc ne le fait pas fuir ; pour lui, les pierres de fronde se changent en fétu de paille. La massue lui semble un fétu, il se rit du sifflement du javelot. (Job 40.18-21) Retour

(24) L’ennemi disait : « Je poursuis, je domine, je partage le butin, je m’en repais ; je tire mon épée : je prends les dépouilles ! » Retour

(25) J’ai mis la main sur les richesses des peuples, comme sur un nid. Comme on ramasse des œufs abandonnés, j’ai ramassé toute la terre, et il n’y a pas eu un battement d’ailes, pas un bec ouvert, pas un cri. (Isaïe 10.14) Retour

(26) Quel malheur pour qui fait boire son prochain, et lui verse du poison au point de l’enivrer, pour regarder sa nudité ! (Habaquc 2.15) Retour

(27) Et lorsque les esprits impurs le voyaient, ils se jetaient à ses pieds et criaient : « Toi, tu es le Fils de Dieu ! » (Marc 3.11) Retour

(28) Mais il leur défendait vivement de le faire connaître. (Marc 3.12) Retour

(29) Mais à l’impie, Dieu déclare : « Qu’as-tu à réciter mes lois, à garder mon alliance à la bouche ? » (Psaume 49.16) Retour

(30) J’ai dit : « Je garderai mon chemin sans laisser ma langue s’égarer ; je garderai un bâillon sur ma bouche, tant que l’impie se tiendra devant moi. » (Psaume 38.2) Retour

(31) Moi, comme un sourd, je n’entends rien, comme un muet, je n’ouvre pas la bouche, pareil à celui qui n’entend pas, qui n’a pas de réplique à la bouche. (Psaume 37.14-15) Retour

(32) Vous, vous êtes du diable, c’est lui votre père, et vous cherchez à réaliser les convoitises de votre père. Depuis le commencement, il a été un meurtrier. Il ne s’est pas tenu dans la vérité, parce qu’il n’y a pas en lui de vérité. Quand il dit le mensonge, il le tire de lui-même, parce qu’il est menteur et père du mensonge. (jean 8.44) Retour

(33) Dans les trésors de la sagesse sont les proverbes du savoir ; le pécheur, lui, a la religion en horreur. (Ben Sira le Sage 1.25) Retour

(34) Les démons suppliaient Jésus : « Si tu nous expulses, envoie-nous dans le troupeau de porcs. » Il leur répondit : « Allez. » Ils sortirent et ils s’en allèrent dans les porcs ; et voilà que, du haut de la falaise, tout le troupeau se précipita dans la mer, et les porcs moururent dans les flots. (Matthieu 8.31-32) Retour

(35) Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. (Luc 10.19) Retour

(36) Élisée lui dit : « Mon cœur n’était-il pas avec toi, lorsqu’un homme s’est précipité de son char pour aller à ta rencontre ? Est-ce le moment de prendre de l’argent, de prendre des vêtements, des oliviers et des vignes, du petit et du gros bétail, des serviteurs et des servantes ? »(2Rois 5.26) Retour

(37) Le roi envoya là-bas des chevaux, des chars et une troupe importante. Ils arrivèrent de nuit et encerclèrent la ville. Le serviteur de l’homme de Dieu se leva de bon matin et sortit. Et voici qu’une troupe nombreuse entourait la ville, avec des chevaux et des chars. Le serviteur dit à Élisée : « Ah ! Mon seigneur, comment allons-nous faire ? » Élisée répondit : « N’aie pas peur ! Car ceux qui sont avec nous sont plus nombreux que ceux qui sont avec eux ! » Et il pria en disant : « Seigneur, daigne lui ouvrir les yeux, et qu’il voie ! » Le Seigneur ouvrit les yeux du serviteur, et celui-ci vit la montagne couverte de chevaux et de chars de feu tout autour d’Élisée. Comme les Araméens descendaient vers lui, Élisée pria le Seigneur en ces termes : « Daigne frapper d’aveuglement cette nation ! » Et le Seigneur les frappa d’aveuglement, selon la parole d’Élisée. (2Rois 6.14-18) Retour

(38) Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, il ne fera pas entendre sa voix au-dehors. (Isaïe 42.2) Retour

(39) L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été exaucée : ta femme Élisabeth mettra au monde pour toi un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. » (Luc 1.13) Retour

(40) L’ange prit la parole et dit aux femmes : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. » (Matthieu 28.5) Retour

(41) Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » (Luc 2.10-12) Retour

(42) Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. » (Luc 1.41-42) Retour

(43) En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » (Marc 16.5-7) Retour

(44) Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. » (Matthieu 4.10) Retour

(45) Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. (Luc 10.20) Retour

(46) Ce jour-là, beaucoup me diront : « Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? » Alors je leur déclarerai : « Je ne vous ai jamais connus. Écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal ! » (Matthieu 7.22-23) Retour

(47) Aux uns, les chars ; aux autres, les chevaux ; à nous, le nom de notre Dieu : le Seigneur. (Psaume 19.8) Retour

(48) Frères, j’ai pris pour vous ces comparaisons qui s’appliquent à Apollos et à moi-même ; ainsi, vous pourrez apprendre de nous à ne pas aller au-delà de ce qui est écrit, afin qu’aucun de vous n’aille se gonfler d’orgueil en prenant le parti de l’un contre l’autre. (1Cor 4.6) Retour

(49) L’ennemi est achevé, ruiné pour toujours, tu as rasé des villes, leur souvenir a péri. (Psaume 9A.7) Retour

(50) Ils répondirent à Josué : « Nous sommes tes serviteurs. » Mais Josué leur demanda : « Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? » (Josué 9.8) Retour

(51) Et le vingt-quatrième jour du premier mois, étant au bord du grand fleuve, le Tigre, je levai les yeux et regardai. Voici : il y avait un homme vêtu de lin, qui portait une ceinture d’or pur autour des reins ; son corps était comme de la chrysolithe, son visage comme un éclair, ses yeux comme des torches de feu, ses bras et ses jambes avaient l’éclat du bronze poli, et le son de ses paroles était comme la rumeur d’une multitude. Moi seul, Daniel, je vis cette apparition. Les hommes qui étaient avec moi ne voyaient pas l’apparition, mais une grande terreur s’abattit sur eux, et ils s’enfuirent pour se cacher. Je demeurai donc seul et regardai cette apparition impressionnante. J’étais sans force aucune, mes traits bouleversés se décomposèrent, ma force m’abandonna. J’entendis le bruit de ses paroles, et lorsque je l’entendis, je fus pris de torpeur et tombai face contre terre. Alors une main me toucha et me redressa sur les genoux et les paumes de mes mains.
(11)Il me dit : « Daniel, homme aimé de Dieu, comprends les paroles que je vais te dire, mets-toi debout. Oui, maintenant j’ai été envoyé vers toi. » Tandis qu’il me parlait, je me mis debout en tremblant.
Il me dit : « N’aie pas peur, Daniel. Dès le premier jour où tu as eu à cœur de comprendre et de t’humilier devant ton Dieu, tes paroles ont été entendues : c’est à cause de tes paroles que je suis venu. L’ange du royaume de Perse m’a résisté pendant vingt et un jours, mais Michel, l’un des premiers anges, est venu à mon aide. Moi, je l’ai laissé avec l’ange des rois de Perse. Alors, je suis venu pour t’expliquer ce qui arrivera à ton peuple à la fin des jours. Voici une nouvelle vision pour ces jours-là. » Tandis qu’il me parlait, je me prosternai à terre en silence. Voici comme une forme de fils d’homme qui me toucha les lèvres. J’ouvris la bouche et parlai. Je dis à celui qui était devant moi : « Mon seigneur, à cause de l’apparition, l’angoisse me submerge et ma force m’abandonne. Comment le serviteur de mon seigneur pourra-t-il parler avec toi, mon seigneur, alors que je n’ai plus de force, et qu’il ne me reste pas de souffle ? »
(18) Celui qui avait l’apparence d’un homme me toucha de nouveau et me réconforta.
(19) Il me dit : « N’aie pas peur, homme aimé de Dieu ! La paix soit avec toi ! Sois très fort ! » Tandis qu’il parlait, je repris des forces et dis : « Que mon seigneur parle, car tu m’as rendu la force. » (Daniel 10.4-19) Retour

(52) Que tes tentes sont belles, Jacob, et tes demeures, Israël ! Elles s’étendent comme des vallées, comme des jardins au bord d’un fleuve ; le Seigneur les a plantées comme des aloès, comme des cèdres au bord des eaux ! (Nombres 24.5-6) Retour

(53) Ne cherchez donc pas ce que vous allez manger et boire ; ne soyez pas anxieux. Tout cela, les nations du monde le recherchent, mais votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. (Luc 12.29-31) Retour

(54) Qui s’appuie sur le Seigneur ressemble au mont Sion : il est inébranlable, il demeure à jamais. (Psaume 124.1) Retour

(55) Tu concluras une alliance avec les pierres des champs, et la bête sauvage sera en paix avec toi. (Job 5.23) Retour

(56) Ils blasphèment, ils me couvrent de sarcasmes, grinçant des dents contre moi. (Psaume 34.16) Retour

(57) Et voici qu’une femme souffrant d’hémorragies depuis douze ans s’approcha par-derrière et toucha la frange de son vêtement. Car elle se disait en elle-même : « Si je parviens seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée. » Jésus se retourna et, la voyant, lui dit : « Confiance, ma fille ! Ta foi t’a sauvée. » Et, à l’heure même, la femme fut sauvée. (Matthieu 9.20-22) Retour

(58) Et vous, vous étiez des morts, par suite des fautes et des péchés qui marquaient autrefois votre conduite, soumise aux forces mauvaises de ce monde, au prince du mal qui s’interpose entre le ciel et nous, et dont le souffle est maintenant à l’œuvre en ceux qui désobéissent à Dieu. (Éphésiens 2.1-2) Retour

(59) Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes. Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon. (Éphésiens 6.12-13) Retour

(60)  Les jeunes aussi, exhorte-les à être raisonnables en toutes choses. Toi-même, sois un modèle par ta façon de bien agir, par un enseignement sans défaut et digne de respect, par la solidité inattaquable de ta parole, pour la plus grande confusion de l’adversaire qui ne trouvera aucune critique à faire sur nous. (Tite 2.6-8) Retour

(61)  Je sais qu’un fidèle du Christ, voici quatorze ans, a été emporté jusqu’au troisième ciel — est-ce dans son corps ? je ne sais pas ; est-ce hors de son corps ? je ne sais pas ; Dieu le sait — ; mais je sais que cet homme dans cet état-là — est-ce dans son corps, est-ce sans son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait — cet homme-là a été emporté au paradis et il a entendu des paroles ineffables, qu’un homme ne doit pas redire. (2 Corinthiens 12.2-4) Retour

(62) À cœur joyeux, visage épanoui ; à cœur chagrin, soupirs désolés. (Proverbes 15.13) Retour

(63)  Et il leur dit : « J’ai vu sur le visage de votre père qu’il ne se comportait plus avec moi comme auparavant. Mais le Dieu de mon père a été avec moi. » (Genèse 31.5) Retour

(64) Mélèce (Melitios, Meletius), évêque de Lycopolis, déposé par son archevêque vers l’an 306 pour avoir sacrifié aux idoles, refuse la sanction et provoque un schisme qui va durer un siècle et demi. Ce schisme relève plus de la dispute autour d’une question de pouvoir que d’une véritable hérésie, car aucun message doctrinaire ne semble exister. Retour

(65) Mon langage, ma proclamation de l’Évangile, n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient (1 Corinthiens 2.4) Retour